mercredi 26 février 2025

De Munich à Munich, l’enterrement de l’Occident et des droits de l’homme Avec Trump, les États-Unis passent dans le camp de l’ennemi historique

 Voilà plus de dix ans qu’une confrontation oppose l’Est et l’Occident dans ce que l’on appelle communément la “nouvelle guerre froide”. Mais avec le retour de Donald Trump au pouvoir, les États-Unis donnent l’impression de vouloir changer de camp.

Mardi 18 février, alors qu’Américains et Russes s’asseyaient pour la première fois à la table des négociations depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, il y a près de trois ans, Donald Trump n’a pas fait mystère qu’il était prêt à abandonner les alliés traditionnels des États-Unis pour faire cause commune avec le "président  (sic) russe", Vladimir Poutine. 

Du point de vue de Trump, c’est l’Ukraine qui est responsable de l’invasion russe. Ce jour-là, durant ses échanges avec les journalistes [dans sa résidence de Mar-a-Lago], le président américain a décrit une version des faits totalement irréconciliable avec la réalité sur le terrain, en Ukraine, et que l’on n’aurait jamais entendue de la bouche d’aucun autre président américain, de quelque bord que ce soit.

Le message du président Trump est clair. Si vous êtes suffisamment fort et cohérent dans votre volonté de commettre des crimes de guerre et de participer au nouveau partage du monde, votre persévérance finira par être récompensée. Vous aurez la possibilité de dialoguer directement avec les États-Unis, sans tenir compte des intérêts de votre victime et des alliés traditionnels de Washington. Les dictatures du monde entier, à commencer par la Chine, ont bien reçu le message et préparent leurs propres plans.

“Déplorable inversion”

Donald Trump est en train d’orchestrer l’une des plus stupéfiantes ruptures dans la politique étrangère américaine, un virage à 180 degrés. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les occupants qui se sont succédé à la Maison-Blanche ont toujours considéré l’Union soviétique, puis – après un bref et illusoire interrègne – la Fédération de Russie, comme une puissance adverse dont il fallait au moins se méfier. Or le président américain semble aujourd’hui voir le pays comme un partenaire pour de futures entreprises communes.

Trump a clairement indiqué que les États-Unis allaient cesser de mettre au ban Vladimir Poutine après son agression caractérisée contre un pays voisin plus faible et le massacre de centaines de milliers de gens. L’actuel président américain, qui a toujours manifesté une étrange sympathie pour Poutine, souhaite réintégrer la Russie dans le cercle de la communauté internationale et en faire une de ses meilleures alliées.

“C’est une déplorable inversion de quatre-vingts ans de politique étrangère américaine”, juge Kori Schake, directrice des études de politique étrangère et de défense de l’American Enterprise Institute [un think tank conservateur] et ancienne conseillère à la sécurité nationale du président George W. Bush.

“Pendant la guerre froide, les États-Unis ont toujours refusé de reconnaître la conquête des États baltes par les Soviétiques, et cela a encouragé les habitants là-bas à se battre pour leur liberté. Aujourd’hui, nous légitimons une agression dans le dessein de créer des sphères d’influence.”

Dans l’entourage de Trump, on estime que ce revirement est une nécessité après des années de politique malavisée. Le président et ses proches jugent qu’il est désormais trop coûteux de défendre l’Europe, comparé à d’autres besoins. En trouvant un arrangement avec Moscou, les États-Unis pourraient rapatrier une partie de leurs effectifs militaires ou allouer davantage de ressources contre la Chine, qu’ils considèrent comme la “principale menace”, ainsi que l’a déclaré le secrétaire d’État, Marco Rubio.

Yalta des temps modernes

Le retournement américain a été particulièrement frappant cette dernière semaine. Quelques jours seulement après les déclarations acerbes du vice-président, J. D. Vance, dénonçant en Europe une “menace intérieure” plus inquiétante que la Russie, Marco Rubio est sorti de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, plein d’enthousiasme quant aux “incroyables opportunités de partenariat avec les Russes” pour peu que soit liquidée la guerre en Ukraine.

Aucun représentant ukrainien n’était présent lors de cette entrevue à Riyad, en Arabie saoudite, pas plus que tout autre responsable européen, même si Marco Rubio a appelé plusieurs homologues pour les briefer ensuite. Tout dans cette rencontre indiquait qu’il s’agissait d’une conversation entre deux superpuissances pour se répartir des zones d’influence. Un nouveau congrès de Vienne, en somme, ou une conférence de Yalta des temps modernes.


Cela fait longtemps que Donald Trump considère Vladimir Poutine comme un de ses compatriotes, un homme fort et “très calé”. À ses yeux, le chef du Kremlin est une personne digne de respect et d’admiration, contrairement aux dirigeants des alliés traditionnels des États-Unis comme la France, l’Allemagne ou le Canada, pour lesquels il n’a que mépris.

Père Noël de Moscou



Le président américain a d’ores et déjà évoqué des concessions qui ressemblent étonnamment à une liste au Père Noël rédigée par Moscou : la Russie pourra conserver tous les territoires ukrainiens illégalement saisis par la force. Les États-Unis n’offriront aucune garantie de sécurité à l’Ukraine et ne la laisseront en aucun cas rejoindre l’Otan. Les sanctions contre la Russie seront levées. 4

Trump a même suggéré de réintégrer la Russie dans le club du G7, dont elle avait été expulsée en raison de ses incursions en territoire ukrainien en 2014. Et que devrait faire Vladimir Poutine en échange ? Cesser de massacrer des Ukrainiens pendant qu’il profite de sa victoire. Donald Trump n’a formulé aucune concession à obtenir de son homologue russe. Pas plus qu’il n’a expliqué comment croire en la parole de Poutine, sachant que le président russe a déjà violé le pacte de 1994 garantissant la souveraineté ukrainienne, ainsi que deux accords de cessez-le-feu négociés à Minsk, en 2014 et 2015.

“Nous devrions parler [à Moscou] de la même manière que l’on parlait aux dirigeants soviétiques pendant la guerre froide”, estime Celeste Wallander, qui a travaillé sur les dossiers russe et ukrainien en tant qu’adjointe au ministre 

“Scandaleux” vu d’Europe

Lors de ses échanges avec la presse, mardi, Donald Trump semblait considérer que la Russie était un pays ami, mais pas l’Ukraine.



Il a également repris à son compte un des arguments russes, selon lequel l’Ukraine devrait organiser de nouvelles élections avant de pouvoir participer à des négociations. “Ça n’est pas un truc des Russes, a-t-il assuré, ça vient de moi et de beaucoup d’autres pays.” Il n’a pas précisé quels pays exactement.de la Défense sous la présidence Biden.

“Autrement dit : ne pas leur faire confiance.”

En misant sur le fait que les relations personnelles des cyniques et des hommes d’affaires l’emporteraient sur les droits humains, une valeur occidentale obsolète,  Ces propos ont créé une nouvelle onde de choc en Europe. “J’ai rarement entendu des déclarations aussi scandaleuses de la bouche d’un président, a écrit Ian Bond, directeur adjoint du Center for European Reform de Londres. Ils doivent sabler le champagne au Kremlin.”

                                                                                                    Peter Baker

 

 

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