mercredi 23 janvier 2013

Droit social à la moulinette



Droit social à la moulinette
par Martine Bulard, jeudi 17 janvier 2013
 
Les puissances du capitalisme financier avaient un plan de grande

 envergure, rien de moins que de créer un système mondial de contrôle
financier dans les mains du secteur privé capable de dominer le système politique de chaque pays et l'économie mondiale d'un seul tenant.

The powers of financial capitalism had a far-reaching (plan), nothing less than to create a world system of financial control in private
hands able to dominate the political system of each country and the economy of the world as a whole.


Carroll Quigley


Historiquement régressif. On a beau chercher les mots les plus nuancés, on ne peut en trouver d’autres pour qualifier l’accord concocté par, d’une part, le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), et, d’autre part, trois des cinq syndicats salariés invités autour de la table : la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération générale des cadres (CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Deux syndicats — la Confédération générale du travail (CGT) et Force ouvrière (FO) — ont rejeté l’accord. La Fédération syndicale unitaire (FSU), Solidaires (Sud) et l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) étaient d’emblée hors course, car considérés comme « non représentatifs » selon la nouvelle loi.
Salué quasi unanimement par les commentateurs politiques et par la presse, l’accord « historique » n’en est pas moins signé par des « partenaires » (un mot qui sonne doux aux oreilles patronales) ne représentant pas plus de 38 % des voix aux élections prud’homales de 2008. Autrement dit, il reste minoritaire. Cela n’empêche pas M. François Hollande et, à sa suite, les médias, de vanter la méthode et ses résultats. Et d’exiger des députés de la majorité (socialistes et verts) de ne pas toucher une ligne du texte quand il sera examiné au Parlement. On pourrait aussi se faire une autre idée de la démocratie sociale et politique.
Il est vrai que les mots tendent à perdre leur sens. Déjà, on parlait de « plans sociaux » pour dire licenciements ; désormais, « sécurisation de l’emploi » désigne la flexibilité. Si sécurisation il y a, c’est bien celle des profits — expression totalement bannie du texte. Qu’on en juge à l’aune des principales dispositions de l’accord.
1. Le maintien dans l’emploi. Dans la novlangue patronale, cela s’appelle : « trouver un nouvel équilibre dans l’arbitrage global temps de travail/ salaire/ emploi ». Traduit dans la vraie vie, cela devient : quand l’activité baisse, le temps de travail baisse et les salaires suivent. C’est le chômage partiel généralisé... sans indemnités chômage. Ainsi, le travailleur peut voir son temps de travail diminuer d’un quart ou de moitié et son salaire se réduire d’autant, quand le patron le décide. Certes, il faut un accord d’entreprise — mais on sait combien le face-à-face est aujourd’hui inégal. Dans les grandes entreprises comme Continental, des arrangements de ce type ont déjà été signés par la grâce du chantage à la délocalisation et au chômage. On imagine le poids des travailleurs dans les PME... Le temps de travail revient, totalement ou presque, entre les mains du patronat, alors que le code du travail visait justement à l’en déposséder, au moins en partie. En cas de refus du salarié, le licenciement pour « motif personnel » est engagé, sans le minimum du dispositif social lié au licenciement économique (notamment sur le volet formation...).
Ce dispositif est également une machine à fabriquer des travailleurs pauvres. Alors qu’en France, un salarié sur deux gagne moins de 1 675 euros par mois, on imagine le drame quand la paie sera réduite d’un quart ou de moitié. Actuellement, le nombre de travailleurs pauvres dépasse déjà le million (plus de 8 % des ouvriers, et 10 % des employés).
L’expérience de l’Allemagne, qui a inauguré le système dont on nous vante les mérites, est parlante : le nombre de travailleurs « en risque de pauvreté » (sic) a pratiquement doublé entre 2005 et 2010, pour atteindre 7,7 %. Selon le bureau officiel des statistiques, « en 2010, plus du cinquième des employés travaillant dans des entreprises d’au moins dix personnes percevaient des bas salaires, contre 18,7 % en 2006 ». Quant à la croissance dans ce pays, elle vire à la récession ...
Cette hyperflexibilité des salaires et des personnes inscrite dans le texte adopté peut durer jusqu’à deux ans. Et après ? L’entreprise peut licencier classiquement. Mais rien ne l’empêche d’accumuler des réserves pendant cette période, de prendre le temps de diversifier ses investissements et... de jeter dehors les travailleurs qui se sont sacrifiés (seuls) au cours de ces deux années. Il suffit de regarder ce qui s’est passé chez Continental. Certes, toutes les entreprises ne procéderont pas ainsi. Mais, précisément, le code du travail comme la loi sont faits pour les escrocs... Et le patron voyou n’est pas une vue de l’esprit.
Pour résumer, cette seule clause ne supprime pas les licenciements — elle peut au mieux les différer (c’est bon pour les statistiques, ponctuellement) —, alors que la baisse du pouvoir d’achat salarial conduira à une réduction de la consommation qui conduira à une baisse d’activité... Même le Fonds monétaire international (FMI) a fini par comprendre cet enchaînement fatal.
2. La mobilité de l’emploi. Cela sonne jeune et dynamique — mais cela renvoie des générations en arrière. L’entreprise peut décider d’envoyer le salarié ou un service entier n’importe où dans le groupe, dès lors qu’elle ne modifie pas sa qualification. Ce n’est plus la loi qui régit ce droit patronal, mais un simple accord d’entreprise. Le contrat de travail ne fait rien à l’affaire, et toute personne qui aurait le front de refuser serait licenciée « pour motif personnel ».
3. Les règles relatives au licenciement. Désormais, les procédures de licenciement ne sont plus celles fixées par la loi mais « par un accord d’entreprise » (majoritaire, c’est bien le moins) ou par un « document produit par l’employeur et homologué par la Direccte » (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et non l’inspection du travail, en vingt-et-un jours maximum. Dans le cas contraire, le plan est réputé acquis. Pour faire bonne mesure, le délai de contestation de ces plans par les élus du personnel est ramené à trois mois (contre douze), celui du licenciement personnel à douze mois (contre cinq)... Il paraît que la contestation des salariés coûtait très cher !
4. Les contrats à durée déterminée (CDD). Actuellement, 80 % des embauches se font en CDD, le reste en contrat à durée indéterminée (CDI). En 1981, à la veille de l’arrivée de la gauche au pouvoir, c’était exactement l’inverse. Mais seuls les CDD courts (10 % des salariés) font l’objet d’une taxation : 7 % pour les moins d’un mois ; 5,5 % pour les contrats de un à trois mois. Les CDD d’usage de moins de trois mois bénéficient, eux, d’un taux réduit à 4,5 % et sont autorisés dans l’hôtellerie, les centres de loisirs et... les instituts de sondage. Pour Mme Laurence Parisot, la patronne du Medef et vice-présidente de l’institut de sondages Ifop, il n’y a pas de petits intérêts à défendre.
Dans les faits, cette mesure envers les CDD va surtout bénéficier aux agences d’intérim, qui avaient subi une chute d’activité ces derniers temps — le surcoût d’un contrat d’intérim s’élève, en effet, à 15 % en dessous des taux adoptés. C’est le principe des vases communicants. La précarité n’est qu’à peine effleurée. L’accord prévoit également une exonération de charges (encore !) pour les embauches en CDI pendant trois mois au-delà de la période d’essai.
5. Le temps partiel. L’accord aurait pu décider de limiter le recours au temps partiel, qui touche principalement les femmes (85 %) et les bas salaires (80 %). Il n’en est rien. L’accord porte de vingt heures à vingt-quatre heures par semaine la durée minimale, sauf pour les moins de 26 ans et les salariés qui en feraient la demande (sous pression de certaines directions d’entreprise ?)... Ces vingt-quatre heures sont lissées sur l’année ; l’employeur peut à tout moment imposer des périodes d’amplitude horaire plus vastes, puis de non-travail. La logique est la même : le salarié est l’unique variable d’ajustement.
Quant aux points présentés comme incontestablement positifs, le sont-ils tant que cela ?
6. Le droit rechargeable à l’assurance-chômage. Le salarié qui retrouve un emploi garde ses droits au chômage (indemnités et période d’indemnisation) si, par malheur, il doit se réinscrire au Pôle emploi. C’est un progrès réel. Mais l’accord spécifie que « les partenaires sociaux veilleront à ne pas aggraver ainsi le déséquilibre financier du régime d’assurance-chômage ». Autrement dit, le nouveau droit des uns devra être pris sur ceux des autres.
7. La couverture complémentaire santé pour tous. L’idée d’étendre la couverture maladie est excellente. Mais les négociations commenceront en avril, et l’obligation ne sera effective qu’en... janvier 2016. De plus, les directions d’entreprise pourront choisir les organismes prestataires. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que les compagnies d’assurances sont d’ores et déjà sur les rangs. D’où l’excellente appellation de « contrats Axa » (ou Allianz) donnée à cette mesure par l’ancien inspecteur du travail Gérard Filoche.*
Enfin, ces contrats ne définiront qu’un panier minimum de soins (100 euros par an pour des lunettes, par exemple) qui sera loin de couvrir les frais ordinaires. Or, là est bien la question. Les gouvernements successifs n’ont cessé de réduire les remboursements des dépenses de santé courantes (moins de la moitié actuellement), qui sont de moins en moins compensés par les mutuelles ou complémentaires (sauf à payer le prix fort). Et une fois les dégâts accomplis, on présente comme une avancée le colmatage d’une des multiples brèches.
Le patronat assure que cette nouvelle couverture complémentaire coûtera 4 milliards. Pourquoi ne pas les consacrer à un meilleur remboursement pour tous ?
On pourrait encore citer quelques-unes des dispositions adoptées. En réalité, aucune n’apporte un changement radical pour les salariés, et la logique globale permet au patronat un retour en arrière de plusieurs décennies.
Une fois de plus, la direction de la CFDT joue la carte du social-libéralisme. Déjà, en 2003, Mme Nicole Notat et M. François Chérèque avaient accepté le plan de réforme des retraites, brisant par là-même le mouvement social. En 2004, ils avaient négocié une révision à la baisse des indemnités chômage, les fameux « recalculés ». Depuis, Mme Notat a fait du chemin : elle est devenue présidente du Siècle, club sélect de l’élite, en remplacement de M. Denis Kessler, l’ex-vice-président du Medef et PDG d’une société de réassurance.
Quant à M. Chérèque, il vient de prendre la tête du think-tank Terra Nova, grand inspirateur de cette réforme du droit social. La boucle est bouclée... A moins que l’expérience de 1984 serve de leçon aux militants cédétistes : après avoir signé avec l’ancêtre du Medef (le CNPF) un protocole sur « l’adaptation des conditions d’emploi » (déjà), M. Edmond Maire, le patron de la CFDT, avait dû faire marche arrière.
Il reste le débat au Parlement, et surtout la lutte collective, qui demeure la meilleure assurance tous risques.

Aux totalitarismes de XXe siècle ont succédé la tyrannie d'un capitalisme financier

qui ne connait plus de bornes, soumet États et peuples à ses spéculations,
et le retour de phénomènes de fermeture xénophobe, raciale, ethnique et territoriale.
Le chemin de l'espérance
Edgar Morin
*L’encensement de ces « accords de Wagram » (ils se sont tenus au siège du patronat) par les médias ne durera pas. La « couverture » du contenu de l’accord par un certain nombre de dirigeants politiques repose largement sur la méconnaissance de son contenu réel. Mais dès qu’on prend le temps de les lire, on est effaré.
Ce sont, en effet, des accords régressifs, signés par une minorité de syndicalistes : ils ne feront pas un seul chômeur en moins. Du point de vue de l’inversion de la courbe du chômage en 2013, ils sont hors sujet.
Il n’y a pas une seule avancée… sauf pour le patronat. Ce sont des accords dont une des principales caractéristiques est  de donner 4 milliards aux compagnies privées d’assurance en 2016. Ce sont des accords « AXA / Allianz / Mederic-Malakoff ».
Le plus grave c’est que ces « accords de Wagram » sont en quelque sorte les décrets d’application de la loi Warsmann, article 40, présentée par Sarkozy le 31 janvier 2012, publiée au Journal Officiel le 22 mars : les accords dits de « compétitivité-emploi » seront mis en œuvre et les licenciements facilités.
Il y a 8 syndicats en France : CGT, CFTD, FO, FSU, UNSA, SOLIDAIRES, CGC, CFTC.  Seulement 5, CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC ont été associés par le Medef aux négociations. Les trois syndicats qui ont signé, sont largement minoritaires.
Depuis 2008, la loi établit que ce n’est plus le nombre de syndicats qui signe qui établit la majorité et la validité d’un accord, ce n’est plus un « vote par ordre » mais un vote « par tête ». Il faut donc un seuil de représentativité en nombre de voix de salariés derrière les syndicats  pour qu’un accord soit validé : ce seuil était fixé à 30 % jusqu’en 2012 et porté à 50 % en 2013.
Les trois directions CFDT, CGC, CFTC, étant totalement minoritaires sur ce coup, devraient ne pas faire bande à part, ne pas ratifier ces accords et tous leurs adhérents salariés devraient les pousser à revenir dans un cadre d’unité syndicale ! A elles 3, elles représentaient 38,69 % aux élections prud’homales, alors que la CGT et FO représentent ensemble 49,81 % et près de 54 % si on y ajoute les électeurs de Solidaires (les élections TPE ont confirmé ce niveau de représentativité).
L’accord étant minoritaire, le Parlement n’est absolument pas tenu de le « ratifier » tel quel. La majorité de gauche doit jouer tout son rôle pour contrer ce qu’a imposé le Medef. Il y va de la lutte contre le chômage !
En France, chaque fois que les licenciements ont été facilités, le chômage a augmenté. Partout ou la flexibilité a augmenté, le chômage a progressé y compris dans les pays scandinaves pris comme « modèle » :
La mise en place de la prétendue « flexisécurité » a fait passer le taux de chômage de 3 % à 7,8 % au Danemark, à 7,9 % en Finlande et à 8,1 % en Suède, soit une augmentation moyenne de 3 à 8 (+ 266 %). La flexibilité c’est l’ennemi de l’emploi. C’est quand les salariés sont bien formés, bien traités, bien payés qu’ils sont le plus « compétitifs », pas quand ils sont flexibles !
La victoire des exigences du Medef n’est cependant pas acquise : car rien de tout cela n’aboutira avant le mois de mai 2013 (il y faut le temps des ratifications de l’accord, le temps d’écriture des lois, le temps du Conseil d’Etat, celui du conseil des ministres, et celui des débats aux Assemblées puis des recours).
Donc la majorité syndicale et politique de ce pays a le temps d’expliquer, de combattre et de gagner ! Il existe une alternative : reconstruire le droit du travail pour garantir l’emploi, les salaires, l’Etat de droit dans les entreprises, la santé, l’hygiène, la sécurité sociale, les droits syndicaux et ceux des institutions représentatives du personnel

EXAMINONS CI-DESSOUS 13 POINTS CONTENUS DANS LES « ACCORDS DE WAGRAM » (ADOPTÉS MAIS MINORITAIRES) 13 POINTS QUI… PORTENT MALHEUR

1°) Les contrats « courts » ? Ils sont maintenus !  
Ce n’est ni le chômage, ni les salaires, ni la durée du travail, ni le droit du licenciement, ni la médecine du travail, qui ont focalisé la négociation de Wagram.  Le dirigeant de la CFDT Yannick Pierron, avait choisi de tout polariser sur les « contrats courts » : « Il n’y aura pas d’accord sans accord sur les contrats courts » (dans le Nouvel Observateur le 9 janvier).   
Il a donc crié victoire ensuite : 
« Contrats courts : objectif atteint » à l’unisson avec le chef de file du Medef, Patrick Bernasconi. Mais on va le voir, rien n’a été obtenu et derrière ce leurre, ce sont les « accords de compétitivité » ont été concédés sans coup férir au Medef. 
Selon cet ANI minoritaire (accord national interprofessionnel)  une « sur-cotisation » devrait être appliquée aux contrats courts au 1er juillet 2013 : 
-    7 % pour les contrats d’une durée inférieure à un mois 
-   5,5 % pour les contrats compris entre 1 et 3 mois. 

NOTE : 
Environ 1 700 000 salariés sont en contrat temporaire : 1 200 000 en contrat à durée déterminée (CDD) et 500 000 en intérim selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee (encadré 2). Depuis l’apparition du travail intérimaire en 1972 et l’instauration des CDD en 1979, la part des salariés en contrat temporaire a fortement augmenté jusqu’en 2000 pour se stabiliser ensuite. 

Les emplois en contrat court représentent aujourd’hui 10 % des salariés du secteur privé hors contrats aidés, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Actuellement, deux salariés sur trois sont embauchés en CDD. Ce sont le plus souvent des femmes, alors que les intérimaires sont majoritairement des hommes, 76 % de ces derniers sont des ouvriers. 

Les salariés en contrat court exercent deux fois moins souvent des professions intermédiaires et de cadres que les salariés en CDI : respectivement 24 % et 14 % pour les personnes en CDD et en intérim, contre 39 % pour les salariés en CDI. Ils sont aussi plus jeunes : la moitié des salariés en CDD ou en intérim a moins de trente ans, contre 40 ans pour les salariés en CDI.
L’usage des CDD est totalement politique et n’a aucune justification économique : elle frappe les jeunes, les femmes, les immigrés, et récemment les seniors, tous salariés vulnérables. La preuve en est qu’entre 29 ans et 54 ans, il y a 95 % de CDI. 

L’économie a tellement besoin de CDI que la durée de ceux-ci s’est allongée de 20 % dans les 30 dernières années. La flexibilité est une anomalie qui sert à faire plier l’échine, à faire pression contre le plein emploi, contre le CDI, contre la syndicalisation, contre les salaires, contre le droit du travail en général. Les précaires ont davantage d’accidents du travail, de maladies professionnelles, et comptent parmi les 10 millions de pauvres. 
La FSU, le 12 janvier 2013 précise : » La flexibilité et la souplesse réclamées par le MEDEF existent malheureusement déjà et sont largement mises en application, avec un résultat sur le taux de chômage que l’on connaît! Par exemple, en 2010, sur la base des données recueillies par l’ACOSS, sur 19 millions d’embauches, 12 millions ont été des recrutements en CDD de moins d’un mois, 4 millions des CDD de plus d’un mois et 3 millions en CDI. L’intérim est largement utilisé comme période d’essai, variable d’ajustement des effectifs et les ruptures conventionnelles ont explosé ». 

2°) La « complémentaire santé pour tous » ?  Le jackpot pour les assurances 
On entend beaucoup dire, en message rapide, qu’il y aurait une « couverture complémentaire santé », qu’elle couvrirait 4 millions de personnes qui n’en avaient pas, et que cela couterait 4 milliards. 
La vérité, c’est que ce sera payé 50/50 par les salariés et les employeurs, que ça rapportera aux grandes compagnies d’assurances qui seront « mises en concurrence » d’ici 2016 avec les mutuelles et la sécurité sociale, car c’est l’employeur qui décidera où vont les fonds. En fait il s’agit de 4 milliards dans les poches d’AXA, d’Allianz ou de Mederic-Malakoff. 
« L’argus de l’assurance » se réjouit, il y a de quoi. Lorsque le Medef lâche 2 milliards, vous pouvez être surs qu’il ne s’agit pas d’abonder la « Sécu » mais bel et bien les assurances privées. 
Cela a été de longue date la position – discutée, votée, confirmée mais pas souvent rendue publique – de la direction CFDT : « mettre en concurrence la Sécurité sociale ». 
Sauf que cette concurrence comme toutes les autres sera définitivement faussée : 
Article 1 de l’ANI : «  Dans le cadre de futurs accords de branche qui seront signés… les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. » 
Ensuite il ne s’agit pas de « couverture santé mais d’une couverture de frais de santé couvrant au minimum un panier de soins ». 
C’est comme dans les contrats d’assurance il faut lire ce qui est écrit en petit caractère, le diable est dans les détails : « le panier de soins » est « défini » : « 100 % de la base de remboursement des consultations, actes techniques, et pharmacie en ville » (donc avec tous les tickets modérateurs et déremboursements existants !), c'est aussi le forfait hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 euros par an. 
Précis et pingre : exemple si une prothèse dentaire est remboursée à 10 % elle le sera de 12,5 %. Et 100 euros par an de lunettes c’est moins que bien des mutuelles aujourd’hui.  
Ce système est un mirifique cadeau pour Axa, Allianz et autres grandes compagnies. Elles vont se disposer de 2013 à 2016, avec le patronat, pour récolter cette manne ce que la Sécu ne récoltera pas.   
Est ce que la « portabilité » de cette couverture des frais de santé et prévoyance est facilitée pour les demandeurs d’emploi ? l’intention est affichée… mais rien n’est fait, elle reste à négocier ! La durée de maintien possible des garanties prévoyance et santé pour les salariés qui quittent l’entreprise et s’inscrivent à Pôle Emploi est portée de 9… à 12 mois. 
Les partenaires sociaux affichent l’objectif de généraliser la mutualisation du financement de la portabilité, au niveau de la branche et des entreprises, et laissent à ces dernières un délai d’un an pour mettre en place un tel dispositif concernant la santé et une période de deux ans en matière de prévoyance. 
Aucun, aucun effet pour inverser la courbe du chômage ! 
En alternative, s'il y avait des hausses de salaire augmentant du même coup les cotisations à la sécurité sociale, le remboursement des soins dentaires et de lunetterie pourraient être pris en charge et tous les forfaits qui éloignent des soins des millions d'ayants droit, seraient abrogés. 

3°) Accords dits de « maintien de l’emploi » ou de « compétitivité » 
Il s’agit officiellement de « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ». (Titre II de l’ANI) 
Il s’agit surtout de donner aux employeurs dont l’entreprise est en difficulté les moyens d’exiger des sacrifices de la part des salariés pour la redresser : « chômage partiel » et « nouvel équilibre pour une durée limité dans le temps – 2 ans maximum ! - dans l’arbitrage global temps de travail, salaire, emploi au bénéfice de l’emploi » (article 18 de l’ANI). 
Il sera possible de faire varier les horaires et de baisser les salaires : c’est une généralisation d’accords qui avaient été signé et rendus célèbres à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avait pas empêché de fermer après avoir essoré leurs salariés ! 
Une façon de faire plier l’échine aux salariés en prévoyant que lorsque l’entreprise est mise en difficulté, ils sont contraints de s’incliner : l’ANI  précise bien, « l’accord s’impose au contrat de travail ». Pas de contestation, pas de recours : en cas de refus du salarié, la rupture de son contrat « s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité ». Viré automatiquement, impossible d’aller au tribunal.   
S’ils sont nombreux à refuser, pas de « plan social » : « l’entreprise est exonérée de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement pour motif économique » !.  
C’est finalement l’application du projet de loi annoncé par Sarkozy le 31 janvier 2012 et publié au Journal Officiel sous le nom de loi Warsmann (art. 40) le 22 mars 2012 : 
Article 40 de la loi Warsmann : « Modulation du nombre d’heures travaillées sur courte période sans requalification du contrat de travail : la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail » 
C’est pire : c’est 2 ans. Et les salaires aussi seront modifiables à la baisse sans que ce soit retenu comme modification du contrat salarial ! 
C’était déjà possible de signer des accords dérogatoires au Code ou à la convention collective par la loi Fillon du 4 mai 2004. Ca inversait la hiérarchie des sources de droit. Le contrat devenait plus fort que la Loi. Mais avec Fillon, le salarié pouvait refuser et il gardait ses droits en cas de licenciement. 

C’est donc pire que la loi Fillon du 4 mai 2004 : ce dernier n’avait pas osé à l’époque imposer la loi à un salarié qui refusait individuellement la baisse de son salaire. Celui ci restait dans ses droits ! 
Là, ce n’est plus le cas, il sera licencié avec une 
« cause réelle et sérieuse » présumée, le contenu de l’accord. (Cela pourrait être anticonstitutionnel parce que cela prive le juge d’apprécier lui même la cause réelle et sérieuse). 
Sur ce point là c’est un recul historique d’une ampleur encore inappréciable ! Ça bouleverse un point fondamental du rapport entre la loi, la convention et le contrat de travail !  
Quel effet sur l’emploi ? Là, il peut y en avoir et des négatifs : différer dépôts de bilan et liquidation en faisant payer les difficultés aux salariés. Le chantage à l’emploi est légalisé et le contrat de travail collectif et individuel peut être attaqué dans ses éléments substantiels. 

4°) Les temps partiels ? Chou blanc. Report de l’essentiel 
Mauvaise nouvelle : portés de 20 h à 24 h minima, les contrats à temps partiels seront en contrepartie lissés sur l’année au bon gré de l’employeur !  « Sauf cas particulier et avec un lissage sur l'année, un contrat à temps partiel devra prévoir une durée d'au moins 24 heures par semaine », horaire qui ne sera qu'une moyenne puisqu'il sera lissé sur l'année. Et il y a d’abondantes dérogations aux 24 h : les moins de 26 ans, les salariés des particuliers employeurs, ou 
« les salariés qui en feront la demande par écrit » (sic) pourront travailler moins ! 
24 h au lieu de 20 h : mais attention ce sera pour les salariés qui seront employées un an après la signature de l'accord ! 
Les salariés déjà employés actuellement pourront demander un "complément d'heures choisies" s'ils souhaitent augmenter leur temps de travail hebdomadaire : ces heures « complémentaires » (dont la majoration était passée de 10 à 25 %) sont limitées à 8. Mais ce point est renvoyé… à un « accord de branche étendu ». 
 Le « lissage sur l’année », c’est le pire, car cela signifie des périodes hautes et basses qui ne tiennent compte que de l’intérêt de l’entreprise pas du salarié. Des modulations qui vont se terminer en pratique sans délai de prévenance : de quoi gâcher la vie personnelle de la majorité des femmes qui sont concernées ! 
Pour toutes les autres questions importantes : pour les branches professionnelles dont au moins un tiers des salariés est occupé à temps partiel, l’ANI prévoit une négociation :  
– sur le nombre et les périodes d'interruption dans la même journée (ce pluriel est inquiétant car la loi Aubry 2 de 1999 prévoyait une seule coupure au maximum de 2 heurs dans une même journée). 
–  sur la répartition de la durée de travail dans la semaine (normalement c’était des horaires fixes, écrits dans le contrat sinon il était réputé à temps plein !) 
– sur le délai de prévenance préalable à la modification des horaires (inquiétant aussi, car il est de 7 jours voire 3 jours, il est couramment violé au détriment de la vie des salariés)  
– sur la rémunération des heures complémentaires (10 % et à partir d’un seuil de  1/10e de la durée hebdomadaire ou mensuelle, 25 % ?) 
– sur les modalités d’accès à un temps plein (possibilité pour un employeur de proposer des emplois a plein temps… de nature différente – sic). 
Tout cela est reporté à….  une autre négociation. 
On ne voit rien qui change le sort de 3,7 millions de temps partiels subis, à 85 % des femmes et à 80 % des non qualifiés. 
Aucun, aucun effet sur l’emploi et le chômage. 
Par contre le chômage partiel est encouragé, simplifié, unifié «  : travailler moins pour gagner moins » ! C’est l’antithèse des 35 h sans perte de salaire. C’est la réduction forcée du temps de travail avec baisse de salaire ! 
Nos libéraux dont la grande théorie est « pour sortir de la crise il faut travailler plus » et « C’est le travail qui crée le travail »… n’hésitent pas à pérenniser le système contraire :  
- maintien d’un contingent annuel d’activité partielle par salarié à 1 000 h. 
- uniformisation des modalités de calcul des heures indemnisables par l’Unedic et l’Etat. 
Aucun, aucun effet contre le chômage, évidemment, puisqu’il s’agit de l’aménager, même de le faciliter. 

5°) L’ANI ouvre la brèche énorme de la création d’un « CDI intermittent » dans trois secteurs « chocolaterie, formation et articles de sport » (sic) ! 
La presse a annoncé que le Medef renonçait aux 
« contrats de projets ». Pas que la direction de la CFDT acceptait les « contrats intermittents ». 
Pourtant le négociateur de la CFDT avait pourtant dit fermement « non » : « Nous sommes formellement opposés à la création de CDI de projet et de CDI intermittents. Nous savons bien que ces contrats deviendraient la norme, et signeraient donc une nouvelle précarisation des salariés. » Yannick Pierron (Nouvel Observateur, 9 janvier) 
Il a cédé ! Yannick Pierron a mangé son chapeau. Or comme il le disait, c’est LA brèche gravissime dans le CDI (il s’agit de CDD successifs… sans prime de précarité). Il a ouvert la brèche. 
L’ANI prévoit : « Une expérimentation d'alternance entre périodes travaillées et chômées serait lancée dans trois secteurs pour les entreprises de moins de 50 salariés ». Dans le chocolat, la formation, les articles de sports. 
Les salaires seront « lissés » tout au long de l’année. Magnifique économie pour le patronat de ces secteurs. 
Ca servira demain partout, hôtellerie, jouets, agro alimentaires, etc.… 
Aucun effet, sinon négatif sur l’emploi : des CDI permanents remplacés par des CDI intermittents ! 
6°) Un « droit de recharge » de l’assurance chômage « au fil de l’eau » ?  Rien n’a été conclu 
  Le troisième article des accords prévoyait la création de 
« droits rechargeables » : un chômeur qui reprend un emploi conserve le reliquat de tout ou partie de ses droits aux allocations du régime d’assurance chômage, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage.  
L’idée à la base est qu’actuellement une grande partie des privés d’emploi attendent d’épuiser leurs droits avant de retourner travailler. C’est un postulat idéologique selon lequel “le chômeur est chômeur parce qu’il le veut bien” constamment démenti par les faits. 
En fait cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic. 
Ce n’est pas cadeau : il faudra que cela ne coûte rien : l’Unedic devra évaluer « les résultats de ce déploiement au fil de l’eau et ex post » est-il écrit dans l’article 3 de l’ANI. Qui comprend cela ? 
Cette formule allusive désigne à n’en pas douter le suivi mensuel (« au fil de l’eau ») du Taux de Sorties vers l’Emploi Durable (TSED) des allocataires. Le 21 décembre, l'Unedic a obtenu de Pôle Emploi un suivi mensuel du TSED pour les seuls allocataires du Régime d'Assurance Chômage (RAC). 
Il lui sera ainsi possible de vérifier - au fil de l’eau - si les droits rechargeables ont un impact sur la propension des allocataires du RAC à prendre un nouveau contrat court (4 mois ou plus) alors que leurs droits antérieurs ne sont pas épuisés. 


7°) Un « compte personnel de formation » prévu tout au long de la vie ? 
  De grandes annonces dans les médias qui veulent bien se laisser abuser, par exemple : «
 il y aurait un compte de formation "universel", "individuel" et "intégralement transférable"  c'est-à-dire qu'il ne disparaît pas lorsque le salarié quitte une entreprise ». 
La vérité, à lire « dans les petites lignes » c’est que ce compte, utilisable aussi par des salariés ou chômeurs, serait transférable, et alimenté…  à raison de 20 heures par an dans la limite de 120 heures pour les salariés à temps plein. Rien de neuf, rien : le « DIF » (droit individuel à formation) qui existait déjà (20 h par an cumulable sur 6 ans) est inclus dans ce « nouveau » compte personnel de formation ! Ils se moquent du monde ! 
Minute d’étonnement : la seule « nouveauté » serait une « mobilité volontaire sécurisée » : sic.  On entend cela dans la bouche de journalistes, voire de ministre sans que personne ne regarde de quoi il s’agit. 
De quoi s’agit-il ? C’est inouï, en effet ! Dans les entreprises de plus de 300 personnes, les salariés ayant plus de 2 ans d'ancienneté pourront aller "découvrir un emploi dans une autre entreprise" (sic) tout en ayant l'assurance ( !) de pouvoir retrouver leur emploi…  après. 
On vous le dit tout de suite : il vous faudra un « avenant au contrat de travail » avec votre employeur !  Ce sera une « suspension » (ANI article 7)  de votre contrat de travail à vos risques et périls ! Vous imaginez faire cela … que ce soit accepté… et vous pensez que vous serez bien accueilli au retour ? (Sauf à ramener des secrets de fabrication malgré les règles de la concurrence ! ) L’ANI prévoit que si vous voulez anticiper, votre retour, il faudra un « accord commun » des deux parties ! Si vous revenez vous avez droit à « un emploi similaire » (sic). Si vous choisissez de rester dans l’autre entreprise… ça équivaut à une démission (perte de droits complets) de la première ! 
C’est presque ridicule. Infinitésimal. 
Aucun, aucun effet sur la courbe du chômage 

8°) On entend claironner qu’il y a aurait des représentants des salariés dans les conseils d’administration ? 
Immense avancée ? 
Un salarié ou deux salariés (quand le nombre d’administrateurs est supérieur à 12) obtiendraient une voix délibérative dans les organes de décision des grands groupes (5 000 salariés en France ou 10 000 dans le reste du monde). Ayant le même statut que les autres administrateurs, leur fonction serait incompatible avec celle de membre du CE, du CHSCT, de DP ou de DS. 
Mais dans 200 entreprises seulement ! Faites confiance aux administrateurs patronaux pour « bien » préparer les réunions où il y aura des représentants des salariés. S’il apparaît nécessaire de préciser dans l’ANI que le dialogue doit être « constructif et se tenir dans un climat de confiance » c’est qu’il y a problème. Lequel est aussitôt pointé du doigt puisque ce seront les employeurs qui imposeront aux élus du personnel ce qui sera soumis à confidentialité et pour quelle durée ! 
En échange, « l’ensemble des informations données de façon récurrente, aux IRP (institutions représentatives du personnel) sous forme de rapports ou autres » (article 12 -1) est « remplacé » d’ici un an par « une base de données unique mise à jour régulièrement » (sic). « Les demandes d’information ou d’éclaircissement ne doivent en aucun cas conduire à empêcher la bonne marche de l’entreprise. Cela va être un recul d’une telle ampleur de l’information des IRP que l’ANI juge bon de préciser que cela se fera « sans remettre en cause les attributions des représentants du personnel ». 
Ils savent tellement que, dans les PME/TPE, la mise à jour des informations sera problématique qu’ils annoncent 
« des adaptations aux entreprises de moins de 300 salariés dans les 12 mois suivants sa mise en œuvre dans les entreprises de 300 salariés et plus » 
Beaucoup de bruit pour peu d’effet. En pratique le démantèlement des procédures actuelles d’information / consultation des IRP « remplacé » par une usine à gaz unique mais à facette multiple va être l’occasion pour les employeurs de prendre de court les salariés privés d’information.
Rien, rien à voir avec l’inversion de la courbe du chômage avant fin 2013 ! 

9°) Une entreprise qui supprime des postes mais « reclasse » les salariés en signant un accord majoritaire » sera dispensée de « plan social » 
Là, on est dans un autre univers. Ca franchit des années lumière de remise en cause du droit du travail. Car il s’agit de 
« mise en œuvre de mesures collectives d’organisation … se traduisant pas des changements de postes ou de lieux de travail au sein de la même entreprise » ! (ANI art. 15). Cela peut donc affecter des services entiers d’une entreprise sans plan social. Il est précisé qu’en cas de refus d’un poste, le salarié pourra être licencié « pour motif personnel » pas pour « motif économique » ! 
Les entreprises auront ainsi la possibilité de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité ». 
Les limites « à la mobilité géographique » ne sont pas définies.  Elles sont reportées à  une autre négociation ! D’une société d’un groupe à l’autre ? « Au delà de la zone géographique de son emploi » ? On ne mesure pas encore l’ampleur de cet autre énorme recul. Mais une quantité exceptionnelle de situations de menace de « mobilité » forcée, de changement de contrat de travail, vont s’engouffrer là dedans. 
Sauver de l’emploi de cette manière ? A quel prix ?   

10°) Les plans sociaux pourront donc faire l’objet de procédures dérogatoires s’il y a accord majoritaire… avec les syndicats de l’entreprise 
Vous lisez bien : le droit du licenciement collectif recule. 
Il sera possible de déroger soit par accord avec des syndicats… bienveillants : 
-   sur le nombre et le calendrier des réunions avec les IRP 
-   la liste des documents à produire 
-   les conditions et les délais de recours à l’expert 
-   l’ordre des licenciements, 
-   le contenu du plan de sauvegarde 
C’est à dire quasiment sur tout (énumération : article 20 -1 de l’ ANI). 
On ne contrôle pas les licenciements boursiers, on les permet, s’il y a accord… syndical ! 
Ca fait logiquement suite aux « accords de compétitivité » précédents. 
La loi prévoyait que, dans l’ordre des critères de licenciement, l’ancienneté et la situation sociale arrivaient, de façon protectrice, en premier. Dorénavant selon l’ANI « la compétence professionnelle » sera privilégiée. 
Vous lisez bien : le critère social est relégué. 
Une fois que l’employeur vous aura essoré pendant deux ans, sur la durée du travail, sur le salaire sans que vous puissiez dire « non », il pourra mettre la clef sous la porte sans trop de risques administratifs ou judicaires, sans avoir de compte à rendre, il lui suffira de dire au « juge » (lequel n’aura plus le droit – cf. ci dessous – de juger la procédure) qu’il a eu la signature de « son » syndicat pour baisser les droits, mais qu’il n’a pas pu réussir, malgré ça a maintenir des profits suffisants. Avec ça, les employeurs et actionnaires ne seront plus « risquophiles » mais « risquophobes » ! 

11°) les plans sociaux patronaux pourront être « sécurisés » CONTRE les juges par une « homologation administrative »  
Si vous avez du mal à comprendre : en résumé, il ne s’agira pas d’un contrôle des licenciements mais d’un contrôle des dérogations à la protection contre les licenciements. 
Il est créé une nouvelle formule de licenciement selon un plan « produit par l’employeur » qui, pareillement fixe les calendriers et modalités dérogatoires du « plan social »…  Celui-ci le soumet au Comité d’Entreprise, en une seule fois puis il demande qu’il soit  « homologué par le Dirrecte ». (Notez bien qu’il s’agit du directeur pas de l’Inspection du travail). 
Le Dirrecte aura 21 jours pour trancher : à défaut l’homologation sera réputée acquise. Et la mise en œuvre du PSE peut commencer à l’obtention de l’homologation ! 
C’est de la dynamite : il s’agit de court-circuiter toutes les procédures et « dé judiciariser » les plans sociaux. Il est bien précisé que les délais « sont des délais préfixes, non susceptibles de suspension ou de dépassement ». 
Le Medef avait peur des syndicats. Il avait peur des contrôles des IRP lors des plans sociaux. Il avait peur de l’inspection du travail.  Il avait peur des juges. En fait il a peur de tout contrôle social. 
C’est bien Laurence Parisot qui affirme que « la liberté de penser commence là où commence le code du travail ». 
L’ANI réduit le rôle des syndicats. L’ANI réduit le rôle des IRP. L’ANI écarte l’inspection du travail. L’ANI réduit le contrôle des juges.  
Il avait été envisagé un contrôle des plans sociaux boursiers, ou abusifs. Ils sont facilités simplifiés pour les employeurs. 
Une fois les délais raccourcis, les PSE facilités, les employeurs vont se ruer dessus. Le Medef a obtenu, là,  le plus sur moyen de couler la gauche et de faire le maximum de chantage à l’emploi contre les salariés et leurs syndicats. 
Chaque fois que les licenciements ont été facilités (1986, avec la « suppression du contrôle administratif de l’inspection du travail », 2008 avec la « rupture conventionnelle ») il y a eu des « pics » de licenciements. Par exemple les « ruptures conventionnelles » qui permettent des ruptures de contrats sans motif, il y en a eu 1 million, 250 000 par an depuis 2008, un raz de marée !   
Cet accord, si, par malheur, il lui est donné une suite parlementaire, va nuire à l’objectif d’inverser la courbe du chômage avant fin 2013 ! 

12°) L’ANI recherche les procédures qui peuvent faire plaisir à tous les patrons  
Jusque dans les détails qui coûtent cher : il  prévoit la réduction des délais de contestation d’un plan social.   
Vous lisez bien : pas seulement des délais de réalisation des plans sociaux mais aussi des délais de contestation ! Ca s’appelle « rationaliser les procédures de contentieux judiciaire » 
Il s’agit de diminuer le temps et le coût des licenciements ! 
Pour ceux qui croyaient que « la procédure est sœur jumelle de la liberté », c’est fini… L’ANI demande à ce que la « sécurité juridique des relations de travail ne soit pas compromise si des irrégularités de forme sont assimilées à des irrégularités de fond ». (art. 24) 
Il s’agit de contrecarrer les décisions des juges de recours des chambres sociales. Après le fond, dérogatoire, rendus possible, ils seront muselés en droit formel du licenciement.  C’est une offensive idéologique de fond contre le « droit » du travail qui s’engouffre derrière cela. 
Surtout, le Medef progresse de façon acharnée vers le but qui est le sien : le licenciement sans motif. Le « motif », ce serait la forme, l’économie, c’est le fond. Il faut pouvoir licencier sans se faire embarrasser de motifs… humains ! 
Alors évidemment l’ANI prend des précautions : respect des principes généraux du droit et de la Constitution. Oui, et surtout des conventions de l’OIT qui interdisent de licencier sans motif ! 

13°) Cet ANI ou « accords de Wagram » termine sur des vraies mesquineries contre les salariés : une limitation des délais de saisine des prud’hommes, une réduction des droits à se faire payer ses heures supplémentaires, un plafonnement des dommages et intérêts 

La justice est l’ennemi du Medef ! Selon Laurence Parisot 
« Les prud’hommes, ça insécurise les employeurs ».  Jusqu’à présent ils ont réussi à bloquer les conciliations, à renvoyer aux juges départiteurs, à diminuer la formation, les crédits d’heures attribués aux conseillers prud’hommes, à différer les futures élections prud’hommes… 
Un salarié disposait de 5 ans pour se porter aux prud’hommes, le délai est réduit à 2 ans. 
Jusque là il était possible à un salarié de réclamer ses heures supplémentaires 5 ans en arrière, que le contrat soit en cours ou qu’il soit rompu. Désormais ce ne sera plus que 3 ans. C’était une vieille revendication du Medef ! 
Pour ceux qui ne savent pas, c’est la deuxième mort de la célèbre lingère de Chamonix : de mémoire, cette femme avait travaillé de l’âge de 16 ans à l’âge de 65 ans comme lingère dans le plus grand hôtel de Chamonix. 

Seule et simple, elle avait travaillé 7 jours sur 7, et 12 h par jour sans savoir qu’elle pouvait se plaindre. Elle a travaillé pour le patron grand père, puis pour le fils, puis pour le petit fils. Elle logeait même dans une chambre de bonne sous les combles de l’hôtel. 

Lorsqu’elle a eu 65 ans, le petit fils l’a viré ! De sa chambre de bonne aussi ! Un syndicaliste l’a pris en pitié : il a conduit le procès aux prud’hommes. En s’appuyant sur de nombreux témoignages, il a pu invoquer une 
« prescription trentenaire » pour le « dol » exceptionnel que cette femme avait subi ! Elle aurait reçu 360 000 euros d’indemnités. 
On peut croire au contraire que l’employeur de Chamonix aurait du payer dix fois plus. Comme inspecteur du travail, il m’est arrivé d’être obligé de donner l’autorisation à un délégué CGC d’une banque parisienne pour une « rupture conventionnelle », lequel avait négocié son départ pour la même somme à 360 000 euros, mais pour…2 ans et demi d’ancienneté.  
Impossible de dire que cet accord est le plus important depuis trente ans. Les accords de 1995 (sur la réduction du temps de travail, nombre d’heures supplémentaires limitées à 91 h par an, définies comme « exceptionnelles et imprévisibles » ou de 2008 (sur la représentativité syndicale) étaient plus importants, mais surtout plus progressistes. 

 

Par contre c’est l’accord 
« historique » le plus réactionnaire depuis trente ans. Mais comme il est minoritaire, il peut, il doit être remis en cause par le Parlement de gauche. 

Gérard Filoche