Comment la politique française
se redresse
C'était le dernier weekend avant le premier
tour de ce qu'on annonce comme une catastrophe démocratique. Des élections
locales, pour des circonscriptions reconstruites que l'on voulait supprimer il
y a un an; une abstention promise à un niveau record; un parti d'extrême droite
qui mobilisera des troupes de mécontents.
Il
y a deux belles nouvelles, cependant, dans ce scrutin. Primo, le mode de
scrutin impose la parité. On a vu fleurir des doubles candidatures femme/homme,
dans tous nos cantons. Secundo, le vote blanc, encore une fois, sera mesuré.
Manuel Valls s'inquiète, il le crie, il le clame. Il a peur que la France se fracasse sur le Front national.
EELV
va mal. Le parti se déchire. On pourrait s'en
désespérer. Il ne faut pas. La clarification est toujours une bonne chose. A
droite, celles et ceux qui veulent encore un strapontin ministériel avant
la grande défaite. Les plus bruyants sont le député François de Rugy et le
sénateur Jean-Vincent Placé. Pensez-vous ! C'est sans doute leur dernière
occasion de la décennie de se faire appeler ministre ! Ils sont agités par
l'équipe Hollande qui ne veut pas d'une candidature écologiste à la prochaine
présidentielle.
A
gauche, Cécile Duflot porte le combat pour un autre rapprochement. Cette
semaine, EELV clame son soutien à la généralisation du tiers payant qui
hérissent les médecins, mais fustige la réduction de 25 % des aides françaises à la production agricole
biologique (*). Plus grave, le parti
s'est fendu d'un communiqué rageur contre l'ensemble de la politique
socio-économique du PS gouvernant: "la réalité commande pourtant
d’envisager de sortir de la gestion de la crise pour adopter une politique
volontariste et changer de cap."
Devant
la débâcle électorale annoncée, le groupe écologiste a tenté de se ressouder
sur une proposition de loi, rendre le vote obligatoire. Cette dernière mesure
ne fonctionnera que si le vote blanc est à son tour comptabilisé dans les
suffrages exprimés, histoire de bien remettre à leur juste place et niveau ces
élus de tous bord qui clament représenter jusqu'à 30% d'un corps électoral en
fait rabougri.
Le
Front de Gauche existe encore.
Certes, sa voix porte peu, le discours national n'est plus lisible. Pire,
Jean-Luc Mélenchon s'égare en politique étrangère dans un soutien à Poutine, et
récolte une volée de bois plus ou moins vert sur sa gauche. Son attaque tonitruante, sur son blog, contre un opposant russe à
Vladimir Poutine, Boris Nemtsov, un "illustrissime
inconnu" a surpris, ou choqué.
« Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. »
Roland Barthes
Une précision importante: Nemtsov est mort assassiné
à deux pas du Kremlin. Mélenchon s'est
montré enragé qu'on ose soupçonner l'autocrate russe d'être l'instigateur de ce
crime. La gauche s'est déchirée sur Poutine, cet excellent ami de Fillon, et dont quelques oligarques
proches financent par ailleurs le Front national. Il faut parfois se pincer
pour croire encore à la politique française. A gauche, quelques tribunes
énervées contre les déclarations de Mélenchon ont été publiées par Mediapart, Libération et Politis.
Mais
si l'on oublie ces péripéties qui intéressent peu nos concitoyens,
le Front de gauche se cherche et travaille. L'élan électoral à la Syriza n'a
pas eu lieu. Mais les perspectives politiques, "à la gauche de la
gauche" ne sont pas pour autant désespérées.
Les socialistes ont leurs frondeurs, une catégorie qui fait régulièrement parler d'elle à force de parler mais qui pour l'heure n'a rien réussi à bloquer ni désorienter dans la politique menée par le gouvernement. Mais là encore, il y a une prise de conscience, trop lente, certes, mais réelle.
Les socialistes ont leurs frondeurs, une catégorie qui fait régulièrement parler d'elle à force de parler mais qui pour l'heure n'a rien réussi à bloquer ni désorienter dans la politique menée par le gouvernement. Mais là encore, il y a une prise de conscience, trop lente, certes, mais réelle.
Mercredi
soir, François Hollande s'est même permis un cocktail dinatoire avec une
douzaine d'entre eux. La démarche suffit à encombrer les commentaires des
éditorialistes politiques. Le jour même, Hollande fait la une du magazine Challenges avec
ce titre des plus explicites: "je ne changerai pas de politique". Le Tout-Paris bruisse encore de rumeurs de
remaniement gouvernemental postélectoral.
Le jeune Emmanuel Macron n'a pas été échaudé par l'interminable débat sur sa
précédente loi qui a débouché sur toutes sortes de "libéralisations"
(notamment le travail le dimanche) et un recours au vote forcé via le 49-3 pour
éviter un rejet. Il exhorte Hollande à aller plus loin. Il le dit sur France 2, premier plateau télé en "prime time"
boudé, comme d'autres, par neuf téléspectateurs sur dix.
Au plus près de l'équipe Hollande, certains
réalisent enfin que la coupure de la gauche pourrait être définitive.
Les affaires de la droite
"La politique est l'art de se servir des hommes en leur
faisant croire qu'on les sert."
Voltaire
La droite attend sa victoire, une victoire qu'elle n'a pas méritée. Elle le sait bien. Elle patauge. Elle n'a rien fait, rien proposé. Nicolas Sarkozy s'apprête à hériter d'une trentaine de conseils généraux (sur les 60 que la gauche gère), comme un fruit mûr qui tombe tout seul. A en croire une confidence rapportée par le Canard Enchaîné, l'ancien monarque veut même réclamer une dissolution de l'Assemblée nationale si la défaite socialiste est trop lourde. Sarkozy s'est giscardisé, on ne retient que ses numéros de clowns, plus ses idées. A l'UMP, il enchaine meeting sur meeting. Ce scrutin départemental est son premier test électoral depuis sa prise de l'UMP en novembre dernier. On espère qu'il n'a pas prévu de conférence rémunérée au Qatar pour l'entre-deux tour. A Belfort jeudi soir, devant une assistance conquise, il fait le show, multipliant les calembours et les blagues. Ce nouveau Giscard observe du coin de l'œil comment évolues certaines affaires judiciaires.
l’inhumanité
de fermeté
;
Le weekend dernier, son ancien vizir a terminé ses 48 heures de
garde à vue par une mise en examen pour faux et blanchiment dans le cadre
de l'enquête sur le financement de la campagne présidentielle... de Nicolas
Sarkozy. L'affaire Guéant a tous les ingrédients d'un nouveau Sarkogate.
Mercredi, l'hebdomadaire l'Express révèle que
l'un des dirigeants d'une filiale de Bigmalion a avoué aux juges l'existence
d'une réunion en début d'année 2012, à l'Elysée, avec trois proches de Sarkozy,
pour traiter des frais de meeting.
"Sans
liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur"
Pierre-Augustin Caron Beaumarchais
Et le Front national ? Depuis que Manuel Valls, dimanche, a déclaré qu'il fallait
"stigmatiser" le FN, les ténors de ce dernier sont en
émoi. A l'Assemblée, la jeune Marion Maréchal-Le Pen accuse le gouvernement de
vouloir les faire taire. Sur France 2, Florian Philippot offre des calmants au
premier ministre. En campagne dans les Landes, Marine
Le Pen accumule les clichés et les peurs, sans preuves ni regrets, contre le
"communautarisme" et ses "familles polygames qui se
multiplient sans que les services sociaux ne fassent rien." Dans son édition hebdomadaire, le
Canard Enchainé revient sur le programme économique et social du FN. On suffoque d'effroi... ou de rire: nationalisation des banques,
augmentation générale des salaires, etc. La France en faillite, sur fond de régression
xénophobe, voici le programme frontiste.
Mais
la vraie et bonne nouvelle est ailleurs. Les commentateurs avaient raison.
Marine Le Pen a complètement normalisé le groupuscule de son père. Une enquête vient d'être ouverte pour
détournement de fonds ou emploi fictif. Une vingtaine d'assistants parlementaires
frontistes à Bruxelles, rémunérés donc sur fonds publics, n'y mettent jamais
les pieds.
Citoyen, reprends le dessus !