mardi 17 mars 2015

« ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés » Jean de la fontaine



Comment la politique française se redresse

C'était le dernier weekend avant le premier tour de ce qu'on annonce comme une catastrophe démocratique. Des élections locales, pour des circonscriptions reconstruites que l'on voulait supprimer il y a un an; une abstention promise à un niveau record; un parti d'extrême droite qui mobilisera des troupes de mécontents.
Il y a deux belles nouvelles, cependant, dans ce scrutin. Primo, le mode de scrutin impose la parité. On a vu fleurir des doubles candidatures femme/homme, dans tous nos cantons. Secundo, le vote blanc, encore une fois, sera mesuré.

Manuel Valls s'inquiète, il le crie, il le clame. Il a peur que la France se fracasse sur le Front national.
EELV va mal. Le parti se déchire. On pourrait s'en désespérer. Il ne faut pas. La clarification est toujours une bonne chose. A droite, celles et ceux qui veulent encore un strapontin ministériel avant la grande défaite. Les plus bruyants sont le député François de Rugy et le sénateur Jean-Vincent Placé. Pensez-vous ! C'est sans doute leur dernière occasion de la décennie de se faire appeler ministre ! Ils sont agités par l'équipe Hollande qui ne veut pas d'une candidature écologiste à la prochaine présidentielle.
A gauche, Cécile Duflot porte le combat pour un autre rapprochement. Cette semaine, EELV clame son soutien à la généralisation du tiers payant qui hérissent les médecins, mais fustige la réduction de 25 % des aides françaises à la production agricole biologique (*). Plus grave, le parti s'est fendu d'un communiqué rageur contre l'ensemble de la politique socio-économique du PS gouvernant: "la réalité commande pourtant d’envisager de sortir de la gestion de la crise pour adopter une politique volontariste et changer de cap."
Devant la débâcle électorale annoncée, le groupe écologiste a tenté de se ressouder sur une proposition de loi, rendre le vote obligatoire. Cette dernière mesure ne fonctionnera que si le vote blanc est à son tour comptabilisé dans les suffrages exprimés, histoire de bien remettre à leur juste place et niveau ces élus de tous bord qui clament représenter jusqu'à 30% d'un corps électoral en fait rabougri.
Le Front de Gauche existe encore. Certes, sa voix porte peu, le discours national n'est plus lisible. Pire, Jean-Luc Mélenchon s'égare en politique étrangère dans un soutien à Poutine, et récolte une volée de bois plus ou moins vert sur sa gauche. Son attaque tonitruante, sur son blog, contre un opposant russe à Vladimir Poutine, Boris Nemtsov, un "illustrissime inconnu" a surpris, ou choqué.

« Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. »

Roland Barthes



 Une précision importante: Nemtsov est mort assassiné à deux pas du Kremlin. Mélenchon s'est montré enragé qu'on ose soupçonner l'autocrate russe d'être l'instigateur de ce crime. La gauche s'est déchirée sur Poutine, cet excellent ami de Fillon, et dont quelques oligarques proches financent par ailleurs le Front national. Il faut parfois se pincer pour croire encore à la politique française. A gauche, quelques tribunes énervées contre les déclarations de Mélenchon ont été publiées par Mediapart, Libération et Politis.
Mais si l'on oublie ces péripéties qui intéressent peu nos concitoyens, le Front de gauche se cherche et travaille. L'élan électoral à la Syriza n'a pas eu lieu. Mais les perspectives politiques, "à la gauche de la gauche" ne sont pas pour autant désespérées.
Les socialistes ont leurs frondeurs, une catégorie qui fait régulièrement parler d'elle à force de parler mais qui pour l'heure n'a rien réussi à bloquer ni désorienter dans la politique menée par le gouvernement. Mais là encore, il y a une prise de conscience, trop lente, certes, mais réelle.
Mercredi soir, François Hollande s'est même permis un cocktail dinatoire avec une douzaine d'entre eux. La démarche suffit à encombrer les commentaires des éditorialistes politiques. Le jour même, Hollande fait la une du magazine Challenges avec ce titre des plus explicites"je ne changerai pas de politique". Le Tout-Paris bruisse encore de rumeurs de remaniement gouvernemental postélectoral.  Le jeune Emmanuel Macron n'a pas été échaudé par l'interminable débat sur sa précédente loi qui a débouché sur toutes sortes de "libéralisations" (notamment le travail le dimanche) et un recours au vote forcé via le 49-3 pour éviter un rejet. Il exhorte Hollande à aller plus loin. Il le dit sur France 2, premier plateau télé en "prime time" boudé, comme d'autres, par neuf téléspectateurs sur dix.
Au plus près de l'équipe Hollande, certains réalisent enfin que la coupure de la gauche pourrait être définitive. 
Les affaires de la droite
"La politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire


La droite attend sa victoire, une victoire qu'elle n'a pas méritée. Elle le sait bien. Elle patauge. Elle n'a rien fait, rien proposé. Nicolas Sarkozy s'apprête à hériter d'une trentaine de conseils généraux (sur les 60 que la gauche gère), comme un fruit mûr qui tombe tout seul. A en croire une confidence rapportée par le Canard Enchaîné, l'ancien monarque veut même réclamer une dissolution de l'Assemblée nationale si la défaite socialiste est trop lourde. Sarkozy s'est giscardisé, on ne retient que ses numéros de clowns, plus ses idées.
A l'UMP, il enchaine meeting sur meeting. Ce scrutin départemental est son premier test électoral depuis sa prise de l'UMP en novembre dernier. On espère qu'il n'a pas prévu de conférence rémunérée au Qatar pour l'entre-deux tour. A Belfort jeudi soir, devant une assistance conquise, il fait le show, multipliant les calembours et les blagues. Ce nouveau Giscard observe du coin de l'œil comment évolues certaines affaires judiciaires.
« A quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur ;
et la fourberie, d’esprit. »

Le weekend dernier, son ancien vizir a terminé ses 48 heures de garde à vue par une mise en examen pour faux et blanchiment dans le cadre de l'enquête sur le financement de la campagne présidentielle... de Nicolas Sarkozy.  L'affaire Guéant a tous les ingrédients d'un nouveau Sarkogate.
Mercredi, l'hebdomadaire l'Express révèle que l'un des dirigeants d'une filiale de Bigmalion a avoué aux juges l'existence d'une réunion en début d'année 2012, à l'Elysée, avec trois proches de Sarkozy, pour traiter des frais de meeting.

"Sans liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur"
Pierre-Augustin Caron Beaumarchais



Et le Front national ? Depuis que Manuel Valls, dimanche, a déclaré qu'il fallait "stigmatiser" le FN, les ténors de ce dernier sont en émoi. A l'Assemblée, la jeune Marion Maréchal-Le Pen accuse le gouvernement de vouloir les faire taire. Sur France 2, Florian Philippot offre des calmants au premier ministre. En campagne dans les Landes, Marine Le Pen accumule les clichés et les peurs, sans preuves ni regrets, contre le "communautarisme" et ses "familles polygames qui se multiplient sans que les services sociaux ne fassent rien." Dans son édition hebdomadaire, le Canard Enchainé revient sur le programme économique et social du FN. On suffoque d'effroi... ou de rire:            nationalisation des banques, augmentation générale des salaires, etc. La France en faillite, sur fond de régression xénophobe, voici le programme frontiste.
 Mais la vraie et bonne nouvelle est ailleurs. Les commentateurs avaient raison. Marine Le Pen a complètement normalisé le groupuscule de son père. Une enquête vient d'être ouverte pour détournement de fonds ou emploi fictif. Une vingtaine d'assistants parlementaires frontistes à Bruxelles, rémunérés donc sur fonds publics, n'y mettent jamais les pieds.
Citoyen, reprends le dessus !

lundi 16 mars 2015

La Macronéconomie existe : je l'ai rencontrée et aimée.



Emmanuel Macron est un ministre qui sort de l'ordinaire. Encore aujourd'hui. J'espère qu'à force il ne va pas y rentrer. Emmanuel Macron a montré une palette humaine, intellectuelle, pugnace et habile qui clairement ne fait plus de lui un "bleu", à supposer qu'il l'ait jamais été.
Ce ministre nommé de fraîche date n'était pas encore gangrené par le politiquement correct ni la convention d'un monde où les codes comptaient plus que les élans. Il affirmait tout haut ce qu'il pensait tout bas et tranchait dans un univers où appeler un chat un chat s'avérait une incongruité.
Emmanuel Macron a montré qu'il n'avait pas encore tout perdu de cette sincérité originelle même si la roublardise affleurait sous la délicatesse et la démagogie sous la conviction. Il n'empêche que sa personnalité n'a rien de comparable avec celle des socialistes brevetés.
Le reproche récurrent et absurde qui lui est fait d'avoir été banquier aurait justifié de sa part une réplique cinglante qui n'est pas venue. Seul Nicolas Sarkozy a eu droit à une pinte d'acidité bien méritée car l'ancien président était vraiment le plus mal placé pour s'aventurer, à charge, sur le terrain de l'argent. Emmanuel Macron portait, avec une sorte d'enthousiasme aimable et chaleureux, cette certitude que le pire était passé, dépassé, qu'on s'avançait vers un avenir bien plus serein et que la conduite gouvernementale était cohérente.
 son meilleur moment, et de loin, a été sa confrontation avec Florian Philippot. Emmanuel Macron l'a dominé au point que le premier a été contraint de mettre en cause, chez l'autre, un énervement qu'il éprouvait lui-même parce qu'il était battu dans cette courte compétition de quinze minutes.
Ce qui a été remarquable de la part du ministre tient au fait qu'il a spontanément et avec talent indiqué le mode d'emploi qui devrait être suivi face au FN. Courtoisie mais vigilance. Opposer, aux généralités de l'aigreur, des dénonciations opératoires. En dehors d'une pique finale inutile - "vous n'aimez pas la France mais le déclin de la France" -, Emmanuel Macron a vigoureusement et d'une manière infiniment convaincante et pédagogique mis en pièces la notion de protectionnisme intelligent développée par Florian Philippot. Il a exposé comme cette conception apparemment de bon sens serait en fait redoutable et comme la France y perdrait des marchés, des emplois et de l'influence. Il réduisait à néant ce simplisme confortable du "il n'y a qu'à" par un décisif "on ne peut pas parce que".
J'ai rarement été aussi séduit par la prestation d'un ministre, aussi bien technique qu'économique, et de surcroît dans une joute qui était porteuse de tous les dangers. Trop, on l'aurait accusé de sectarisme. Pas assez, de complaisance. Il a su trouver le fond et la forme justes.
                                                                                                                               Justice au Singulier



Marion Maréchal Le Pen ... visage du FN




Marion Maréchal Le Pen révèle (enfin) le vrai visage du FN

« Ne composez jamais avec l’extrémisme,

le racisme, l’antisémitisme

ou le rejet de l’autre. »

Jacques Chirac



Sur France Info, Marion Maréchal-Le Pen s'en est pris violemment à Manuel Valls et à l'UMP, avec un vocabulaire digne des années 30. La preuve que Valls a raison de dénoncer le danger FN ?
Marion Maréchal Le Pen, le 5 mars 2015. AMAIN ROBERT/APERCU/SIPA
A elle seule, Marion Maréchal-Le Pen donne raison à Manuel Valls. Le Front national est un danger qui s’apprête à "fracasser la France". Il fallait écouter la députée du Vaucluse, ce mardi 10 mars, sur France Info. Marion Maréchal-Le Pen est née en 1989, mais son vocabulaire est celui des ligues des années 30, tant ses éléments de langage paraissent avoir été rédigés pour la momie de Maurras.
Interrogée sur les dérapages de certains candidats FN, elle répond "crapules" UMP : "Dans le genre de florilège de crapules qui se présentent pour l'UMP notamment dans l'Essonne où je suis ce soir, on a Georges Tron et Serge Dassault".
Questionnée sur l’enquête de l'Office européen de lutte anti-fraude qui va s’ouvrir à la demande de Martin Schultz, concernant la situation pour le moins étrange d’une vingtaine d’assistants parlementaires du FN payés par le Parlement européen et suspects de ne pas vraiment travailler pour lui, elle répond complot monté par Manuel Valls : "Monsieur Schultz, qui est un militant politique, a appliqué à la lettre les ordres de monsieur Valls qui hier expliquait qu'il fallait que les élites se mobilisent contre le Front national. C'est de l'acharnement politique, évidemment, en période électorale".
Marion Maréchal-Le Pen parle comme son grand-père
Complotisme et victimisation sont les deux mamelles de l’élément de langage du Front national. C’est l’éternel vieux classique de l’extrême droite à la française, un pot-pourri constamment remis au gout du jour par la famille Le Pen, de génération en génération.
Marion Maréchal-Le Pen parle comme son grand-père, et avant lui, comme les plus belles figures de l’extrême droite à la française. Le terme "crapules" utilisé pour s’en prendre à Serge Dassault et Georges Tron, ça fleure bon le Maurras des années 30, et le Poujade des années 50. "Sortez les sortants" et "Tous pourris" reprend en substance Marion Maréchal-Le Pen… L’histoire témoigne de ce qui se cache derrière ce genre de slogans et de postures...
Dans la même veine, Marion Maréchal-Le Pen s’en est pris aussi à Manuel Valls. Après avoir décrété qu’il adoptait un "comportement de sous-responsable de section socialiste d'Evry", elle a ajouté : "Il n'est décidément pas digne de la fonction qui est la sienne, encore moins d'ailleurs de la plus haute fonction de l'État" à laquelle "il envisage de se présenter, tout le monde le sait".


En une seule intervention, Marion Maréchal-Le Pen donne raison aux inquiétudes du chef du gouvernement. Le vocabulaire, indigne d’un député ; les dénonciations intempestives, d’un autre temps ; la violence verbale, à peine contenue ; les accusations lancées à l'emporte-pièce, sans preuves… L'ensemble est accablant.
Avec la petite-fille de Le Pen, on renoue avec ce visage de l’extrême droite que Marine Le Pen et Florian Philippot peinent tant à effacer… Imaginer que cette jeune femme, porteuse de l’impensé de deux siècles de tradition d’extrême droite, soit un jour en situation d’exercer des fonctions exécutives, locales ou nationales, glace le sang.
A la fin des fins, on se demande si Manuel Valls n’a pas raison de se lancer à l’assaut de ce Front national là bille en tête, la République en bandoulière, n’en déplaise à tous ceux qui instruisent contre lui un procès en erreur stratégique.
Car c’est un bien étrange procès, en effet, que celui fait à Manuel Valls. L’accusation est grave. Le Premier ministre socialiste serait coupable de vouloir combattre le Front national. Parce qu’il a dit qu’il redoutait de voir son pays se "fracasser contre le FN", Valls aurait péché contre la raison. Inqualifiable. Insupportable. Insoutenable. Mais quel est donc ce socialiste qui prétend lutter en socialiste ?
Soupçon de manipulation
C’est curieux, cette manie qu’ont certains, dans certains cercles, d’accuser d’abord et avant tout Manuel Valls de toutes les turpitudes possibles plutôt que Marion Maréchal-Le Pen, comme s'il fallait nourrir, à n'importe quel prix, leur réquisitoire permanent contre le Premier ministre.
Ça commence par l’analyse désabusée : "Il n’a pas le choix, mais il va échouer". Ça se poursuit sur fond de soupçon de manipulation : "Il cherche à faire peur pour faire monter le Front national et refaire à l’UMP le coup de Mitterrand au RPR et à l’UDF des années 80". Et ça se termine par la dénonciation d’une communication inadaptée : "Ce n’est pas en faisant la morale aux Français qu’il les empêchera de voter FN, ça ne marche plus depuis dix ans".
Bref, si l’on en croit les professionnels de la profession politique, Manuel Valls aurait tout faux. Faute de communication. Faute politique. Faute morale. Valls nagerait en eaux troubles, entre cynisme et amateurisme, jouant avec le Front national parce qu’incapable de combattre ces vrais ennemis que sont le chômage et autres peurs françaises.
Une partie de la gauche française, qui se veut parfois populaire, juge désormais qu’il est vain, voire contre-productif de combattre le Front national sur le terrain des valeurs.
Valls refuse un Munich républicain
L’antienne est bien connue : "ce n’est pas en culpabilisant les électeurs tentés par le Front que vous le ferez reculer, bien au contraire" psalmodient les moines-soldats de l’insécurité culturelle, ceux qui pensent que la gauche ne doit plus batailler sur le terrain républicain. Mais alors où la livrer ? Là-dessus, les procureurs de Manuel Valls sont muets, sauf à sauter sur leur chaise, comme des cabris, en répétant "La peur du déclassement des petits blancs ! La peur du déclassement des petits blancs !"
On ne peut qu’inciter les uns et les autres, qui font la fine bouche devant les propos de Manuel Valls, à écouter et réécouter Marion Maréchal-Le Pen sur France Info. A entendre la haine, le ressentiment et une certaine forme de violence s’exprimer avec un naturel aussi déconcertant qu’effrayant. Et face à ce danger, il conviendrait de ne rien dire, de peur d’encourager des électeurs d’y succomber ? On pense à ceux qui disaient qu’il ne faut pas dénoncer Dieudonné car c’est lui donner de l’importance. On a vu l'an passé le résultat de ce renoncement, quand constat a été dressé de la progression du mal.
Pourquoi se censurer et ne pas avertir du danger qu’incarne à elle seule l’influente Marion Maréchal-Le Pen ? Pourquoi devrait-on renoncer à dire que voter FN, c’est mal voter ? Pourquoi devrait-on s’interdire de nommer le mal qu’incarne ce parti ? Au regard de l’histoire, du temps présent et de ce que dit Marion Maréchal-Le Pen, Manuel Valls a bien raison de refuser ce que lui proposent les bien-pensants de tous bords : un Munich républicain.