lundi 21 novembre 2016

Fillon varie, fol qui s'y fie. Un Fillon ''thatchérien'' et conservateur.

L'ancien ministre de l'Enseignement supérieur puis de l'Education nationale, et finalement Premier ministre aime à se présenter comme un homme de ''principes'', l'homme de la ''rigueur''.
Cependant si ''rigueur'' il y a,
elle est destinée aux autres.
Et souvent Fillon varie, fol qui s'y fie.
Un Fillon ''thatchérien'' et conservateur.

Réécrire les programmes d'histoire du primaire pour en faire un « récit national » exaltant la « singularité française ». « Demander aux conseils d'administration de se prononcer sur l'obligation d'une tenue unique pour les élèves ». « Donner aux directeurs d'école de réels pouvoirs de promotion des professeurs ». « Donner aux chefs d'établissement du second degré le droit de recruter les enseignants ».  « Mobiliser tout le pays en faveur de l'apprentissage à 15 ans ». Favoriser le développement du secteur privé. Sans compter la « suppression de 500000 fonctionnaires » : « infaisable ! » lui a lancé son concurrent Alain Juppé
La victoire de Fillon aux primaires de la droite est comme un coup de tonnerre non pas dans un ciel serein mais dans un climat lourd de menaces pour l’éducation. Si son programme éducatif – finalement très proche de celui de Le Pen – prévoit de ramener l’école très loin en arrière, Fillon traîne également derrière lui un passé - de chef de gouvernement et de ministre de l’Education – très caractéristique de la pensée réactionnaire. 





De son passé de Premier ministre de Sarkozy, le bilan est lourd : il faut rappeler par exemple la suppression d’une demi-journée hebdomadaire de classe pour les écoliers, ou encore celle de la formation des enseignants mais également la suppression de dizaines de milliers d’emplois à l’Education nationale, des mesures imposées brutalement, sans aucune concertation – car c’est ça, aussi, la méthode Fillon – et dont, un quinquennat plus tard, l’école n’a toujours pas fini de payer la note. Comme ministre de l’EN (2004-2005), il se signalera par quelques mesures hautement symboliques qui sentent bon la blouse grise, comme le rétablissement des punitions collectives pour les élèves ou celui de la Marseillaise (Maréchal, nous voilà… est joué dans l'ensemble des territoires de la France et de l'Empire ; c'est le cas en particulier dans la plupart des écoles mais aussi dans les chantiers de jeunesse15, les casernes et les meetings de la Milice française) obligatoire. Tout un programme…
Les années ont passé et la droite fillonesque, toujours plus décomplexée, aligne son projet éducatif sur les représentations les plus rétrogrades.    Au cours du dernier débat télévisé entre les candidats de droite, c’est avec une hargne peu commune qu’il a repris les poncifs les plus éculés sur la pédagogie - «  l’échec de l'école, c'est la faute d'une caste de pédagogues prétentieux qui ont imposé des programmes jargonnants » - une conception qui l’avait conduit, donc, à supprimer la formation des profs et qui en dit long sur la pensée sous-jacente de l’individu. Ce n’est quand même pas un hasard s’il bénéficie de l’appui remarqué du lobby ultra- réactionnaire SOS-éducation, vantant « le programme de rupture » du candidat Fillon. De fait, son projet pour l’avenir a tout d’une lourde croisade réactionnaire :
- examens d’entrée au collège comme en lycée, multiplication des redoublements, avec, comme corollaire
- une généralisation de l’apprentissage pour les enfants des milieux défavorisés ;
- pleins pouvoirs donnés aux chefs d’établissement sur le recrutement des enseignants mais aussi des élèves ;
- suppression de plusieurs dizaines de milliers de postes.

Fillon n’a en outre jamais fait mystère de ses penchants identitaires :  avec lui, c’est la vieille morale national-chrétienne qui se voit ouvertes toutes grandes les portes de l’école :  dans le très traditionnaliste hebdomadaire Famille Chrétienne, il dénonce les programmes actuels « rédigés par des idéologues qui dégradent en permanence notre héritage historique (…) Il y a une perte de repères qui se traduit chez une certaine jeunesse par une attitude très agressive vis-à-vis de la France et de son histoire (…) Nous avons le devoir de redonner à l'ensemble de nos concitoyens des raisons d'être fiers d'être français».              C’est dans cette optique qu’il a d’ailleurs évoqué plusieurs fois sa volonté de faire réécrire les programmes d’histoire, à peine entrés en application, par trois académiciens de ses amis. Très révélateur, l’appui remarqué de la cathosphère en particulier des milieux intégristes proches de la Manif pour tous.
Avec Fillon, on voit avec une certaine frayeur se concrétiser le risque du grand bond en arrière, rêvé depuis de longues années par les pires idéologues – et Fillon est incontestablement un idéologue beaucoup plus retors que Sarkozy : un projet éducatif clairement assumé de régression sociale et d’ordre moral.

Un Fillon étrange ; un Fillon filou ; un Fillon variable. A coup sûr un Fillon aux positions conservatrices
 et ''thatchériennes''.
Mais est-il du bois dont on fait les ''dames de fer'' ?
qui font un capitan d'un jeune abbé,
 et un matamore d'un homme de robe.



François Fillon vient d'une France douce, tempérée, modérée, mais où flottent des vapeurs réactionnaires, jamais totalement dissipées. Il n’est pas d’homme qui exprime mieux ce que deviennent les droites: libérales ultra et réactionnaires d’évidence, en mal de restaurations et de provinces.
On a vécu ces derniers jours ce qui est peut-être une illusion, mais sans doute une logique: François Fillon existerait encore, et franchement, quelle justice pour cet homme et quelle vérité pour nos droites! Depuis des années, Fillon s’astreint à être au rendez-vous des siens. Comment l’a-t-on raté? Il est le produit authentique d’une famille politique en mal de réaction, et qu’on affole dans des excès ou des compromis. Il n’est, lui, ni le compromis, ni l’excès. Il est. Il répond naturellement au double désir des droites; le grand coup de balai libéral et le grand bond en arrière identitaire, dans un monde d’entrepreneurs, de paysans et de chants grégoriens. Il le fait sans crier. Pourquoi crierait-il? Il a surmonté tant d’agacements…
Quand il était Premier ministre de Nicolas Sarkozy, il s’agaçait souvent, pas seulement du mépris élyséen. Mais il trouvait que ce président en disait beaucoup pour en faire moins. Il s’était impatienté dans la réforme des retraites, qu’il aurait bien achevé en quelques jours, de voir le chef chercher la lumière. Il trouvait Sarkozy moins fort et moins déterminé, toujours tenté de distractions et de fioritures. L’écologie, l’ouverture, la pavane démocratique face à Poutine… Ce n’était pas son truc. Quand la crise les prit à la gorge, après les dépenses de survie, il imposa une ligne de rigueur budgétaire à ce président tenté par la démagogie; il lui fit sentir qui aurait la main, quand il fut confirmé à Matignon…
Ce qui est amusant? Ce n’est pas ainsi qu’on nous a dit l’histoire. Fillon fut victime d’une gentille réputation. Il avait été l’ami de Philippe Séguin, ce gaulliste social issu d’outre-Méditerranée. On le confondait avec ce quasi-homme de gauche. C’était une erreur. Il avait aimé Séguin; il n’était pas Séguin. Fillon était de droite, avec appétit, quand Séguin n’était que rigoureux.

Henri Guaino :
- "Ce n'est pas parce que l'on va se prosterner à Colombey ou qu'on se revendique du gaullisme social que l'on exprime des choix politiques qui ont quelque chose à voir avec le Général de Gaulle ou Philippe Seguin"
- « Parler de modernité en invoquant Margaret Thatcher ou Gerhard Schröder est assez paradoxal. Il est un peu court de penser que l'on va emmener la France sur la voie de la prospérité et de la cohésion uniquement en diminuant le nombre de fonctionnaires, en sabrant aveuglément dans les dépenses publiques, ou supprimant les heures supplémentaires.
Ce que je discerne derrière tout cela, c'est peut-être le pire programme de casse sociale qui a été imaginé depuis 1944. Et ce n'est pas un homme de gauche qui vous dit cela. Est-ce bien le moment de jeter par-dessus bord notre pacte social, car c'est bien de cela dont il s'agit en fin de compte ?
Quand on explique que le programme du conseil national de la résistance est dépassé, et qu'il faut lui tourner le dos parce que nous sommes au XXIe siècle, il s'agit bien de détruire le pacte social français, la sécurité sociale, qui a été forgée au moment de la seconde guerre mondiale.
Penser que c'est de la faute de la sécurité sociale, de la protection sociale si le pays est dans cet état, est ravageur pour notre ordre et notre cohésion sociale et ne tient pas debout : ce sont les politiques économiques absurdes qui minent la protection sociale et non la protection sociale qui détruit l’économie ».



On considérait que François Fillon modérait Nicolas Sarkozy, singulièrement dans  ses échappées buissonnières, quand il alla chercher des recettes de survie dans la droite extrême -il a persisté depuis. Fillon n’avait pas tant de souci sur le fond que dans la forme. Que de bruit! Que de bruit vulgaire!

Fillon n'était pas hystérique. Il n'avait pas besoin d'en rajouter. Il était, tout simplement, bien plus à droite que Nicolas Sarkozy Si être de droite est considérer que l'économie doit être administrée sans pitié; que l’ordre prime; que la tradition nous garde; que nous ne venons pas de nulle part…
On pouvait le deviner.
Il  y eut, dans la campagne de 2012, un étrange pas de deux, quand, à l'initiative de Marine Le Pen, le débat s’empara du Halal –cette viande musulmane qui allait nous subvertir. Francois Fillon eut ce mot curieux: 
«On est dans un pays moderne, il y a des traditions qui sont des traditions ancestrales, qui ne correspondent plus à grand-chose.»
Les israélites et les mahométans étaient donc invités par le Premier ministre en exercice à réviser leurs conceptions archaïques de l’abattage rituel. Ainsi donc Fillon était ainsi? Se mêlant de réformer des religions insuffisamment modernes, moins d’ici que d’autres? On oublia.
Quelques mois, plus tard, en campagne pour la présidence de l’UMP, qui fut on le sait volée par la bande à Copé, il eut une remarque sur les «origines» de son rival –juives si tant est qu'on a oublié– censées le prémunir de toute tentation frontiste. Cela avait valeur de compliment ? Ce pouvait aussi être pris comme un rappel. Un outing, pour que la droite traditionnelle ne fasse pas avoir par un produit artificiel, dont la stance identitaire sentait le rattrapage? Copé était tellement antipathique, on laissa le doute de côté.
La douce France de Fillon
Simplifions.
François Fillon vient de loin.
Il vient d'une France douce, tempérée, modérée, mais où flottent des vapeurs réactionnaires, jamais totalement dissipées.
On n’est pas impunément dans l'orbite, large bien sûr, des chouans ou des vendéens.
On n’est pas en vain soutenu par Bruno Retailleau, héritier (en trahison, certes) de Philippe de Villiers.
On n'est pas par hasard cet homme qui rentre en campagne pour la primaire de la droite en rappelant qu'il est allé à l'Assomption, à l'abbaye de Solesmes, son village, twittant cette piété pour que nul ne la rate, affichant le message:
«Retrouver nos racines chrétiennes et l’esprit des Béatitudes»… 
Puis opposant, dans son premier discours de candidat, cette piété authentique à l’artificialité des postures sarkozystes:
«Ce n’est pas en se précipitant à la messe du 15 août après avoir convoqué les photographes ou en courant au Vatican pour tenter de regagner quelques voix chez les catholiques après les avoir provoqués, maltraités et même parfois réprimés que l’on se montre à la hauteur de ce rendez vous de l’Histoire.»
Qui est vrai, devant l’Eglise?
On n’est pas en vain soutenu par les jeunes ultra conservateurs, ultra catholiques, modernes et antiques à la fois, de Sens commun, ces enfants doux de la branche piétiste des adversaires du mariage gay
On est ce que l’on montre. François Fillon en a montré, singulièrement dans cette campagne.
Cela marche? Au bruit sarkozyen, rapiécé de frites à la cantine, Fillon oppose une paisible évidence.                                                                           On fera bien la différence: d’un côté, un frisotté outrancier, qui ressemble au Dalio de la Règle du Jeu, lequel semblait «plus juif que jamais» (ainsi écrivaient les critiques fascistes Bardèche et Brasillach) dans les chasses de Sologne, pauvre Marquis de la Chesnaye…
En face, et un homme qui ne force rien pour se montrer comme il est.
Sarkozy croit maîtriser le feu identitaire ? Allons donc. Qu’y connait-il ? La France est chez Fillon. Il dit. Il exprime, même sans dire. Une France éternelle, de toujours, catholique et romaine avant toute chose et décente, comme des grands bourgeois chez Martin du Gard, d’avant nos débâcles?

L'Histoire, les racines, les valeurs

C’est Fillon qui met en avant sa culture d'Eglise.
C'est Fillon qui le premier a introduit le bon Clovis et son baptême comme acte créateur de notre pays et, dans la même envolée, oppose notre présent « salingue » aux magnificences du passé:
«Les héros de la France, ce ne sont pas les gens de la télé-réalité, ce ne sont pas non plus les footballeurs, malgré leurs talents, les Nabila et que sais-je encore. Non, les vrais héros français sont les paysans qui ont fait notre histoire, les scientifiques et les inventeurs qui ont fait notre renommée, l’Église catholique, les philosophes, les soldats de l’an II, les poilus…»
C’est Fillon qui veut, sans cri, mettre l’Islam sous tutelle, puisque cette foi n’est pas nôtre et devra se soumettre, puisque les musulmans, avant la soumission, ne sauraient être de France: «C’est une condition non négociable. C’est la condition de leur acceptation au sein de la communauté nationale.»
C’est Fillon qui, face aux étrangetés du monde, considère comme encombrantes les mollesses des lumières, et ne voit pourquoi on offrirait l’égalité à l’Islam ou l’on opposerait les droits de l’homme à Poutine.
C’est Fillon qui ne veut plus de moeurs dissolues que l’époque nous impose, et rompra avec l’Europe si elle nous force aux mères porteuses.
C’est Fillon enfin, qui s’affirme en homme des honnêtetés d’avant les parvenus, qui aurait bien poussé Sarkozy, cet affairiste de circonstance douteuses, dans les geôles socialistes, et en appelle aux mânes du Général pour le disqualifier.
C’est Fillon qui, pour justifier ses duretés économiques, va chercher l’exemple du paysan de la Sarthe, qui sait ce qu’un sou vaut et ce que travailler veut dire, et oppose cette sagesse à l’errance des villes.
Est-on plus à droite que Fillon?
Est-on plus à droite que lui?

La droite naturelle

Il n'est pas besoin de crier pour être de droite. Francois Fillon est souriant, urbain, poli, vengeur, et vrai. Il rencontre la droite dans ses aspirations. La purge libérale en économie, la restauration identitaire en société. Il le dit en élégance. Pourquoi préférer l’autre, enfin! Pourquoi se priver de ce que l’on est? Seul Fillon est adéquat, si l’idéologie rencontre la société.


Juppé insiste sur la nécessité de réformer l’Union européenne (UE) pour la rendre « moins bureaucratique » et il estime qu’il faut avancer sur la question de l’Europe de la défense ; François Fillon privilégie, lui, la création d’un gouvernement de la zone euro.
François Fillon veut supprimer au moins 500 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat, contre 200 000 pour Alain Juppé. Le premier veut aussi repasser à la semaine de 39 heures dans la fonction publique, quand le second se contente d’annoncer une « augmentation du temps de travail »
Les deux candidats souhaitent que les entreprises puissent négocier le temps de travail en fonction de leurs besoins. Mais quand Alain Juppé est favorable à une durée de référence de 39 heures, François Fillon fixe la seule limite à 48 heures (le maximum autorisé par le droit européen).

Alain Juppé et François Fillon sont tous les deux d’accord pour augmenter la TVA (la taxe sur la valeur ajoutée), mais pas dans les mêmes proportions. Alain Juppé souhaite l’établir à 21 %, François Fillon à 22 %.

Alain Juppé souhaite en outre alléger l’impôt sur le revenu de 2 milliards d’euros. François Fillon veut réduire l’impôt sur le revenu des particuliers investissant dans des PME, à hauteur de 30 % de leur investissement, suprimer l’ISF et créer une « flat tax » – une taxe à taux unique – sur les revenus du capital.
Alain Juppé souhaite préserver ce principe 
entré dans la Constitution en 2005, qui permet de prendre des mesures préventives même quand la preuve scientifique du danger pour la santé ou l’environnement n’est pas établie. Il souhaite toutefois autoriser les recherches agronomiques, comme les OGM, dans un cadre précis et contrôlé, ou les recherches en robotique. François Fillon souhaite de son côté supprimer tout bonnement le principe de précaution de la Constitution, le qualifiant de « dévoyé et arbitraire ».




Si cela prend, ce ne sera que naturel. Fillon n’est pas l’alternative à Juppé pour battre Sarkozy. Quelle idée vaine et inculte! Il est l’alternative à Sarkozy contre Juppé, ce «  radsoc » chiraquien, si vieux mais surtout prévisible, qui cherche à faire oublier en jouant les pères nobles et les burgraves de droite, tout ce qu’il a d’humain et de faible, en somme, envers la part métissée de notre monde…
Voyez-vous un Tareq Oubrou chez Fillon? Enfin… L’équation de cette fin de campagne est limpide. Le véritable affrontement des droites se joue entre Fillon et Juppé, un affrontement de pure idéologie. Fillon veut détruire Sarkozy, parce qu’il occupe indûment l’espace qui est le sien, en usurpateur. Ensuite, il battra Juppé, parce que la droite est ainsi? Parions? En version alternative, Juppé sera battu au premier tour, rattrapé par l’obsolescence, et Fillon règlera les comptes des droites authentiques ensuite, en battant Sarkozy. Laissons la course de petits chevaux. Mais regardons l’implacable logique des moeurs et des idées.
Regardez qui l’adoube, compatriotes, et sentez le vent?
J'ignore absolument si les plus nostalgiques de mes compatriotes ont compris son message. Si une vérité rencontre le bruit des sondages, le désir malsain des médias de pimenter de suspense une sale élection? Francois Fillon est exactement là où se trouve son camp. Le rejoindra-t-il? Il se prépare des Te Deum à Solesmes, où il fait bon prier dans la chaleur de l'été. Je n'en plaisante pas. Il est peut-être rassurant, finalement, quoi que je puisse en penser, qu’un pays se retrouve dans sa part d’éternité.