lundi 29 février 2016

Plus de 300 enfants livrés à eux-mêmes dans la «jungle» de Calais

Alors que le tribunal administratif de Lille vient en partie d'autoriser l'expulsion de la zone sud de la lande, où vivent entre 1 000 et 3 500 migrants, la situation est des plus précaires pour les 326 mineurs isolés recensés sur place. ONG et associations appellent l'État à prendre ses responsabilités.

Lorsque la mondialisation conduit à faire tomber les frontières
 Quand elles freinent la circulation des capitaux,
 des marchandises ou des armes
Et à les renforcer quand il s’agit de circulation des êtres humains.
Un réflexe communautariste risque de détruire tous les progrès d'intégration

Qu’a connu notre pays laïc, fraternel et égalitaire.


Des dizaines d’enfants sans famille survivant dans la boue d’un bidonville. C’est en France que cela se passe, en 2016. Pour constater le désastre, la « Défenseure des enfants » s’est rendue à Calais dans la« jungle » quelques heures avant l’ultimatum fixé par la préfecture du Pas-de-Calais pour l’évacuation de la partie sud de la zone, sur laquelle vivent entre 1 000 et 3 500 réfugiés en transit vers la Grande-Bretagne.
Initialement prévu pour le mardi 23 février à 20 heures, l’ultimatum a été repoussé à la suite de l’annonce du tribunal administratif de Lille qu'il ne rendrait pas sa décision – suspensive – avant quelques jours. Saisie par dix associations et 238 migrants lui demandant d'empêcher la destruction des cabanons, la juge compétente s’est rendue sur place pour mesurer par elle-même si une évacuation constituerait ou non « une violation des droits fondamentaux des individus ». Et a prévenu qu’elle ne se prononcerait pas dans la foulée de l’audience prévue le mardi à 14 heures, mais plutôt le lendemain ou le surlendemain. Ce jeudi après-midi, la préfecture a fait savoir que le tribunal validait en partie l'arrêté d'expulsion. Ce dernier serait donc applicable à tout moment.
En attendant l'arrivée des bulldozers, les mineurs isolés poursuivent leur vie de débrouille dans le campement, tentant, comme les adultes, de passer clandestinement de l'autre côté de la Manche. France terre d’asile les a recensés entre les 9 et 12 février 2016 : ils seraient 326. Parmi eux, un quart aurait moins de quinze ans, selon la Défenseure des enfants. Le plus jeune n’aurait pas plus de sept ans ! Venus de Syrie, d’Afghanistan, d’Iran, d'Égypte ou d'Érythrée, tous ont parcouru des milliers de kilomètres au péril de leur vie pour se retrouver dans cette impasse. Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 340 enfants ont péri en mer Égée, au cours de la traversée qui devait les mener de la Turquie à la Grèce, principale porte d'entrée dans l'Union européenne.
L’Auberge des migrants et Help refugees ont quant à eux effectué les 15 et 16 février un décompte sur la parcelle du campement promise aux bulldozers. Il en ressort que 445 mineurs, dont 305 mineurs isolés, y résident. Dans la perspective de l’audience du tribunal administratif de Lille, les deux associations cherchaient à montrer que des espaces de vie s’étaient créés dans cette « jungle » (écoles, théâtre, bibliothèque, permanence juridique, épiceries, etc.) et qu’un démantèlement fragiliserait plus encore la vie de ses habitants. Ce n’est pas pour autant un statu quo qu’elles demandent – contrairement à ce dont les accuse le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve : elles en appellent aux pouvoirs publics afin qu’ils remplissent leurs obligations en tenant compte de la spécificité de la situation et des besoins de chacun, y compris en améliorant le quotidien sur la lande.
À cet égard, l’exemple de la prise en charge défaillante des enfants isolés par l’État est révélateur. La Défenseure des enfants, Geneviève Avenard, a observé dans son rapport de visite que certains mineurs étaient hébergés dans le centre d’accueil provisoire (CAP), constitué de containers chauffés à proximité de la « jungle », mais qu’ils ne bénéficiaient d’aucune prise en charge particulière liée à leur jeune âge. D’autres ont été dispersés partout en France dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO), ces foyers ouverts aux réfugiés acceptant de s’éloigner de Calais, « sans qu’aucune précision n’ait pu être apportée sur leur devenir ». En matière de droit à l’éducation, la Défenseure des enfants souligne que « le seul accès à l’école repose sur la remarquable initiative associative de “l’école laïque du chemin des Dunes” », elle-même en danger puisqu’elle se situe sur la zone à démolir.
Des maraudes sociales ont certes été confiées au groupe SOS pour identifier les mineurs non accompagnés et les orienter vers des structures dédiées (à Saint-Omer pour les plus de 15 ans et à Arras pour les plus petits). Mais le ministre, lors de son déplacement dans un centre d’accueil au Mans le 22 février, a dû reconnaître que cette solution n’était pas satisfaisante, dans la mesure où la plupart des enfants refusent de se rendre dans ces lieux éloignés, de peur de ralentir leur périple. Face à ce constat, la Défenseure des enfants exhorte l’État à modifier son action en mettant en place« immédiatement » un dispositif de mise à l’abri« inconditionnelle » sur la lande même, afin que les mineurs se destinant à aller en Grande-Bretagne soient pris en charge correctement.
Alors que l’agence européenne de coordination policière Europol faisait état, le 31 janvier, de plus de 10 000 enfants disparus lors de l’exode massif (plus d’un million de personne en 2015) que connaît l’Europe depuis deux ans, le sort des mineurs à Calais est des plus préoccupants compte tenu de l’état de violence permanent qui y règne. Animée par l’avocat Raymond Blet et la militante Marianne Humbersot, la permanence juridique installée au milieu de la « jungle » depuis janvier a recueilli de nombreux témoignages, parmi lesquels celui d’un Iranien de 16 ans, qui a déposé plainte pour violences policières. Il a expliqué avoir quitté son pays à la suite du décès de ses parents parce qu’il ne se sentait plus en sécurité en tant que chrétien. Les frontières, il les a franchies caché dans des camions, grâce à des passeurs payés par son frère déjà parvenu en Angleterre. Le jeune homme a indiqué vivoter dans la lande depuis quatre mois, dans l’espoir de traverser la Manche, quand il a été victime d’une agression. Depuis, ses soutiens affirment qu’il souffre de lésions et d’hématomes. « Il est très traumatisé, il n’arrive plus à dormir », indique Marianne Humbersot.
Pourtant, théoriquement, des solutions existent, notamment pour les enfants ayant des attaches familiales en Grande-Bretagne – 90 ont été répertoriés dans ce cas. Conformément au droit européen, ces jeunes sont censés pouvoir bénéficier du regroupement familial. Le règlement de Dublin III, qui encadre la gestion de l’asile dans l’UE, prévoit à son article 8 que « si le demandeur d’asile est un mineur non accompagné, l’État responsable de sa demande est celui dans lequel un membre de la famille ou les frères et sœurs (...) ou un proche se trouvent ».
         Si un étranger vient habiter avec toi dans ton pays, ne l’humilie pas.           
Il sera pour toi comme l’un de vous,
L’étranger qui séjourne avec toi, et tu l’aimeras
comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d’Égypte.
Lévitique, 19, 33-34


Mais le droit a été ignoré pendant des années. Les autorités britanniques et françaises commencent tout juste à se préoccuper de le faire appliquer. Bernard Cazeneuve a promis qu’il donnerait de la voix à ce sujet le 25 février à Amsterdam à l’occasion d’une réunion informelle des ministres de l’intérieur de l’Union européenne. « Je serai intransigeant et ferme avec notre partenaire britannique », s’est-il engagé. Le principal problème réside dans le manque d'information : certains migrants auraient la possibilité d'engager des démarches légales, mais rien n'est fait, côté français, pour leur faire savoir et les aider juridiquement. Côté anglais, les procédures sont longues et complexes car elles supposent que les personnes apportent elles-mêmes la preuve de leurs liens familiaux, comme l'explique Amnesty international, qui appellent les deux États à « coopérer de toute urgence ».
Outre-Manche, plusieurs ONG comme Save the children font campagne depuis des semaines pour que la Grande-Bretagne accueille au moins 3 000 enfants arrivés en Europe ces derniers mois. Fin janvier, le gouvernement britannique a semblé prêt à faire un geste. Pour accélérer le mouvement, le 1er février, cinq mineurs ont saisi le tribunal administratif de Lille. Sous la contrainte de trois référés-liberté soutenus par le Secours catholique et Médecins du monde, le juge, dans son ordonnance du 11 février, a reconnu la carence de l’administration française ayant pour conséquence de rendre impossible la mise en œuvre des demandes d’admission légale au Royaume-Uni. Il a aussi déploré que les services de l’État aient attendu d’être saisis d’une requête pour prendre contact avec ces jeunes et enregistrer leur demande de protection internationale. Par la suite, d’autres mineurs ont engagé des procédures visant à faciliter leur passage légal.
Toutes les associations l’affirment : en cas d’expulsion de la « jungle », les réfugiés, au premier rang desquels les enfants, seraient dispersés, et plus difficiles à aider. Certains se rendraient à Grande-Synthe, près de Dunkerque, où vivent déjà 250 enfants selon Médecins sans frontières, pour la plupart avec leur famille. L’Unicef a vivement réagi le 23 février à l'éventualité d'un démantèlement. « Cela ne ferait que renforcer les situations extrêmes et à risques pour les enfants non accompagnés », a affirmé Jean-Marie Dru, le président de l’Unicef France. « Le risque de disparitions, et ruptures dans l’identification de ce public vulnérable est inévitable dans un contexte de démantèlement », a-t-il martelé, appelant l’État à renoncer à son projet et l’exhortant à respecter le droit fondamental à la protection de l’enfance inscrit dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) que la France a ratifiée.
Un réflexe communautariste risque de détruire tous les progrès d'intégration qu'a connu notre pays laïque, fraternel et égalitaire.


Ne soyons plus anglais ni français ni allemands. Soyons européens. Ne soyons plus européens, soyons hommes. - Soyons l'humanité.
Il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie
Victor Hugo
Médiapart


dimanche 28 février 2016

Valls-Aubry: histoire d’un «archaïsme»

Pétition signée dimanche matin par plus de 730 000 personnes, tribune ravageuse de Martine Aubry, syndicats sur le pied de guerre, étudiants qui commencent à se mobiliser… Le projet de loi sur le travail provoque en France un effet proche du CPE en 2006. Face à cette fronde, Manuel Valls accuse ses adversaires d'« archaïsme ».
 Un argument vieux comme le monde... et la gauche.

Hubert Huertas


Voilà cinquante ans, au moins, que les « modernes », entendez les libéraux, dégainent leur « archaïsme » quand ils sont contestés. « Archaïque » le principe de conquête sociale, « archaïque » l’idée bicentenaire de réduction du temps de travail, « archaïque » la notion de partage des richesses, « archaïque » (et pervers) le concept d’assistance, « archaïque » le « non » au référendum sur la Constitution européenne, « reptilien » le cerveau des peuples qui envoient des SOS à l’Europe, les plus récents émanant de Grèce, du Portugal, d’Espagne, et maintenant de cette Irlande dont on vantait l’orthodoxie moderne.
« Archaïque » ! Ce mot est devenu un rouleau compresseur. Il écrase tout sur son passage, avec son double, « la réforme », lancé aussi à tout bout de champ. Que le mot « réforme » soit prononcé à propos d’un aménagement des lois sur le travail du dimanche, sur le code du travail, sur les 35 heures, les licenciements, etc., et celui qui émet la plus infime réserve est aussitôt qualifié d’« archaïque ».
L'alternative est simple : soit « la réforme », soit « l'archaïsme ». La  « réforme » est lumineuse, « l’archaïsme » est obscur comme la grotte de Lascaux. C’est ainsi que la pétition proposée par Dominique Reynié pour défendre la loi El Khomry a recueilli dimanche matin la signature de plus de 6 000 personnalités éclairées, dont celle du patron du Medef Pierre Gattaz, tandis que celle de Caroline de Haas, qui la conteste, a rassemblé à la même heure la protestation de 730 000 égarés.  
Manuel Valls inscrit son action moderniste dans cette longue tradition. 
Il renvoie ses critiques au passé décomposé : 
« Il faut bouger, dit-il. Il y en a qui sont encore au XIXe siècle, moi, et les membres du gouvernement ici présents, nous sommes dans le XXIe siècle et nous savons qu'économie et progrès social vont de pair. »
Le XIXe, voilà l’ennemi. Il est vrai qu’il s’y est passé des événements terrifiants. Création du premier conseil de prud’hommes le 18 mars 1806, à Lyon. Interdiction du travail des enfants de moins de 8 ans, et limitation à 8 heures de travail par jour pour les 8 à 12 ans, en 1841. Droit de grève instauré en 1864. Création d’une caisse contre les accidents du travail en 1868. Création de l’Inspection du travail en 1874 et promulgation d’une loi interdisant le travail des enfants de moins de 12 ans. Liberté syndicale en 1884 avec les lois Waldeck-Rousseau. Première convention collective en 1891, à Arras. Loi encadrant le travail des femmes et des enfants en 1892. Promulgation d’une loi sur l’hygiène et la sécurité au travail en 1893. Loi établissant le principe de responsabilité patronale dans les accidents du travail, en 1898. Des « blocages » qui s’amplifieraient au XXe siècle, avec l’abaissement à 11 heures par jour de la durée quotidienne du travail en 1900.
L’argent n’a pas de patrie ; 
les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ;
leur unique objectif est le gain.

Napoléon Bonaparte

À cette époque, et jusqu’aux abords de la Seconde Guerre mondiale, « l’archaïsme » aujourd’hui décrié sur tous les tons était plutôt à la mode. Il évoquait l’âge d’or. Face à la montée des revendications et des conquêtes ouvrières, la droite parlait de décadence. Toutes ces lois étaient accusées de saper l’ordre éternel et naturel des sociétés. On parlait déjà, à propos de l’interdiction du travail des enfants, « d’entrave insupportable à la liberté d’entreprendre », ou de « contrainte inapplicable », le repos d’une journée hebdomadaire instauré en 1906 était une prime à la paresse, les congés payés de 1936 une incitation à la licence pour les ouvrières. Les lois sociales étaient accusées de briser les équilibres anciens que les réactionnaires parlaient de retrouver. Quelque part, l’avènement du nazisme et du fascisme, et chez nous de l’avatar pétainiste, s’inscrit d’ailleurs dans cette célébration du modèle à retrouver. L’avenir consistait sous le Troisième Reich, comme sous Mussolini, à redonner puissance et pureté à l’homme antique, donc éternel.
Après la révélation des horreurs de la guerre, en 1945, la droite cessa de célébrer le passé. Elle se planqua. Mis à part quelques nostalgiques qui se fracassèrent sur le suffrage universel comme Jean-Marie Le Pen en 1974, plus personne ne fut « de droite » ! De Mai-68 à mai 1981 avec l'élection de François Mitterrand, le mot « droite » était pâteux dans les bouches de la droite, qui préféraient utiliser des périphrases parlant de l’unité du peuple et de liberté, même si les écrits de théoriciens comme Milton Friedman annonçaient dès les années 1970 la vengeance des idées libérales et leur installation, la décennie suivante.
À partir des années 1980, en France et dans le monde la droite fait sa révolution, au sens étymologique du terme. Elle se retourne sur elle-même et inverse toutes les valeurs de son époque. Plutôt que de regarder en arrière pour célébrer une pureté perdue, elle met en avant un âge d’or à conquérir. Ses adversaires sont rigoureusement les mêmes, syndicats, partis de gauche, syndicalistes, grévistes bornés, fonctionnaires privilégiés, droit du travail qui entrave, État omnipotent, mais elle les charge sous un autre angle. Au XIXe siècle et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les forces de gauche étaient accusées d’être des accélérateurs de décadence, face à une droite garante des équilibres éternels. À partir des années 1980, la même droite, désormais libérale, s’exprime comme une force de conquête, d’avenir, de liberté, et les syndicats, les partis de gauche, les lois, l’État, ne sont plus des accélérateurs de décadence mais des freins pour le progrès. En un tournemain les réacs sont devenus des révolutionnaires, et les révolutionnaires des réacs. L’idée d’« archaïsme » venait de changer de nature et elle allait prospérer dans les esprits.
Au PS, Michel Rocard emploie le mot sacré dès 1978 contre François Mitterrand, et en fait une bannière. Le futur président était « archaïque » et la deuxième gauche « moderne ». Ronald Reagan concrétise le concept à l’échelle de la planète, suivi par Margaret Thatcher. L’« archaïsme » devient plus obsédant que le « cactus » de Jacques Dutronc dans les années 1960 : « Le monde entier est archaïque, aïe ! aïe ! aïe ! ouille ! ouille ! ouille ! aïe ! » À longueur de tribunes, de chroniques économiques sur les chaînes d’information en continu, de discours politiques, la même douleur est déclamée, avec le même automatisme. Les archaïques ne comprennent rien, mais sont responsables de tout, comme avec les 35 heures ! Exemple, au lendemain de la mort de la « Dame de fer », les hommages se multiplient. Un conservateur canadien, Adrien Pouliot, s’écrie : « Mme Thatcher a redressé un pays malade, en faillite et mis à genoux par l'étranglement des syndicats. Elle s'est levée contre la gauche bien-pensante britannique et le modèle archaïque de social-démocratie qui inspire encore les socialistes québécois. » On dirait du Manuel Valls, accusant Martine Aubry…
Le mystère est que ce concept des anciens et des modernes remixé à la sauce 1980 ait survécu à son propre désastre, après la crise de 2008. Le libéralisme flamboyant qui promettait l’âge d’or et des maisons à crédit pour ceux qui ne pouvaient plus les payer, a ruiné des dizaines et des dizaines de millions de familles. Il menace d’exploser de nouveau, comme une bulle, mais continue d’égrener ses certitudes, de dispenser ses leçons, de dénoncer « les archaïsmes ».
C’est donc dans un discours vieux d’au moins cinquante ans que s’inscrit Manuel Valls confronté à la fronde sur la loi El Khomry. Il a l’ardeur des néophytes, et le tranchant des vieux adolescents. Pour lui, la tribune de Martine Aubry « oblige tout le monde à clarifier et à assumer ». Mine de rien cette phrase est un projet politique. Depuis le congrès d’Épinay, en 1971, le parti socialiste français est tiraillé entre deux courants, l’un qui regarde à gauche et l’autre qui rêve de recomposition au centre. Au-delà du tiraillement, voire des haines, cette contradiction était une identité : deux atomes d’hydrogène, un atome d’oxygène, ou inversement suivant les époques, et ça faisait un courant.
Autant dire qu’en chassant « les archaïques », et en leur opposant le leitmotiv des « anciens » et des « modernes », à la manière des libéraux du XXe siècle, Manuel Valls dissout purement et simplement le parti socialiste. Le premier courant, celui d'Aubry, est chassé de la famille, et le second, le sien, se disperse dans le camp d'en face...

Hubert Huertas


Appelons-nous toujours à "une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communications de masse
qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse,
le mépris des plus faibles et de la culture,
l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous"
Refuser le diktat du profit et de l'argent,
s'indigner contre la coexistence d'une extrême pauvreté et d'une richesse arrogante,
refuser les féodalités économiques, réaffirmer le besoin d'une presse vraiment indépendante,
assurer la sécurité sociale sous toutes ses formes...
nombre de ces valeurs et acquis que nous défendions hier sont aujourd'hui en difficulté ou même en danger.
C'est tout le socle des conquêtes sociales de la Résistance qui est aujourd'hui remis en cause.
Mais si, aujourd’hui comme alors,
une minorité active se dresse, cela suffira, nous aurons le levain pour que la pâte lève.