Palestine :
Monsieur
le Président, vous égarez la France
23 JUILLET 2014
« Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. »
Roland Barthes
De l’alignement préalable sur la
droite extrême israélienne
à l’interdiction de manifestations de
solidarité avec le peuple palestinien,
sans compter l’assimilation de cette
solidarité à de l’antisémitisme maquillé
en antisionisme, François Hollande
s’est engagé dans une impasse.
Politiquement, il n’y gagnera rien,
sauf le déshonneur.
Mais, à coup sûr, il y perd la France.
Parti pris en forme de lettre ouverte.
Monsieur le Président, cher François Hollande, je
n’aurais jamais pensé que vous puissiez rester, un jour, dans l’histoire du
socialisme français, comme un nouveau Guy Mollet. Et, à vrai dire, je n’arrive
pas à m’y résoudre tant je vous croyais averti de ce danger d’une rechute
socialiste dans l’aveuglement national et l’alignement international, cette
prétention de civilisations qui se croient supérieures au point de s’en servir
d’alibi pour justifier les injustices qu’elles commettent.
Vous
connaissez bien ce spectre molletiste qui hante toujours votre famille
politique. Celui d’un militant dévoué à son parti, la SFIO, d’un dirigeant aux
convictions démocratiques et sociales indéniables, qui finit par perdre
politiquement son crédit et moralement son âme faute d’avoir compris le nouveau
monde qui naissait sous ses yeux. C’était, dans les années 1950 du siècle
passé, celui de l’émergence du tiers-monde, du sursaut de peuples asservis
secouant les jougs colonisateurs et impériaux, bref le temps de leurs
libérations et des indépendances nationales.
Guy
Mollet, et la majorité de gauche qui le soutenait, lui opposèrent, vous le
savez, un déni de réalité. Ils s’accrochèrent à un monde d’hier, déjà perdu,
ajoutant du malheur par leur entêtement, aggravant l’injustice par leur
aveuglement. C’est ainsi qu’ils prétendirent que l’Algérie devait à tout prix
rester la France, jusqu’à engager le contingent dans une sale guerre, jusqu’à
autoriser l’usage de la torture, jusqu’à violenter les libertés et museler les
oppositions. Et c’est avec la même mentalité coloniale qu’ils engagèrent notre
pays dans une désastreuse aventure guerrière à Suez contre l'Égypte souveraine,
aux côtés du jeune État d’Israël.
Mollet
n’était ni un imbécile ni un incompétent. Il était simplement aveugle au monde
et aux autres. Des autres qui, déjà, prenaient figure d’Arabes et de musulmans
dans la diversité d’origines, la pluralité de cultures et la plasticité de
croyance que ces mots recouvrent. Lesquels s’invitaient de nouveau au banquet
de l’Histoire, s’assumant comme tels, revendiquant leurs fiertés, désirant
leurs libertés. Et qui, selon le même réflexe de dignité et de fraternité, ne
peuvent admettre qu’aujourd’hui encore, l’injustice européenne faite aux Juifs,
ce crime contre l’humanité auquel ils n’eurent aucune part, se redouble d’une
injustice durable faite à leurs frères palestiniens, par le déni de leur droit
à vivre librement dans un État normal, aux frontières sûres et reconnues.
Vous
connaissez si bien la suite, désastreuse pour votre famille politique et,
au-delà d’elle, pour toute la gauche de gouvernement, que vous l’aviez
diagnostiquée vous-même, en 2006, dans Devoirs de vérité (Stock). « Une
faute, disiez-vous, qui a été chèrement payée :
vingt-cinq ans d’opposition, ce n’est pas rien ! » Sans
compter, auriez-vous pu ajouter, la renaissance à cette occasion de l’extrême
droite française éclipsée depuis la chute du nazisme et l’avènement
d’institutions d’exception, celles d’un pouvoir personnel, celui du césarisme
présidentiel. Vingt-cinq ans de « pénitence »,
insistiez-vous, parce que la SFIO, l’ancêtre de votre Parti socialiste
d’aujourd’hui, « a perdu son âme dans la guerre d’Algérie ».
Vous
en étiez si conscient que vous ajoutiez : « Nous avons encore
des excuses à présenter au peuple algérien. Et nous devons faire en sorte que
ce qui a été ne se reproduise plus. » « Nous ne sommes
jamais sûrs d’avoir raison, de prendre la bonne direction, de choisir la juste
orientation, écriviez-vous encore. Mais nous devons, à chaque
moment majeur, nous poser ces questions simples : agissons-nous
conformément à nos valeurs ? Sommes-nous sûrs de ne pas altérer nos
principes ? Restons-nous fidèles à ce que nous sommes ? Ces questions
doivent être posées à tout moment, au risque sinon d’oublier la leçon. »
Eh
bien, ces questions, je viens vous les poser parce que, hélas, vous êtes en
train d’oublier la leçon et, à votre tour, de devenir aveugle au monde et aux
autres. Je vous les pose au vu des fautes stupéfiantes que vous avez accumulées
face à cet énième épisode guerrier provoqué par l’entêtement du pouvoir
israélien à ne pas reconnaître le fait palestinien. J’en dénombre au moins
sept, et ce n’est évidemment pas un jeu, fût-il des sept erreurs, tant elles
entraînent la France dans la spirale d’une guerre des mondes, des civilisations
et des identités, une guerre sans issue, sinon celle de la mort et de la haine,
de la désolation et de l’injustice, de l’inhumanité en somme, ce sombre chemin
où l’humanité en vient à se détruire elle-même.
Les voici donc ces sept fautes où, en même temps
qu’à l’extérieur, la guerre ruine la diplomatie, la politique intérieure en
vient à se réduire à la police.
Une faute politique doublée d’une faute intellectuelle
1. Vous avez
d’abord commis une faute politique sidérante. Rompant avec la
position traditionnellement équilibrée de la France face au conflit
israélo-palestinien, vous avez aligné notre pays sur la ligne d’offensive à
outrance et de refus des compromis de la droite israélienne, laquelle gouverne
avec une extrême droite explicitement raciste, sans morale ni principe, sinon
la stigmatisation des Palestiniens et la haine des Arabes.
Votre position,
celle de votre premier communiqué du 9 juillet, invoque les attaques du Hamas
pour justifier une riposte israélienne disproportionnée dont la population
civile de Gaza allait, une fois de plus, faire les frais. Purement réactive et
en grande part improvisée, elle fait fi de toute complexité, notamment celle
du duo infernal que jouent Likoud et Hamas, l’un et l’autre se légitimant dans
la ruine des efforts de paix.
Surtout, elle est
inquiétante pour l’avenir, face à une situation internationale de plus en plus
incertaine et confuse. À la lettre, ce feu vert donné à un État dont la
force militaire est sans commune mesure avec celle de son adversaire revient à
légitimer, rétroactivement, la sur-réaction américaine après les attentats du
11-Septembre, son Patriot Act liberticide et sa guerre d’invasion contre
l’Irak. Bref, votre position tourne le dos à ce que la France officielle, sous
la présidence de Jacques Chirac, avait su construire et affirmer, dans
l’autonomie de sa diplomatie, face à l’aveuglement nord-américain.
Depuis, vous avez
tenté de modérer cet alignement néoconservateur par des communiqués invitant à
l’apaisement, à la retenue de la force israélienne et au soulagement des
souffrances palestiniennes. Ce faisant, vous ajoutez l’hypocrisie à
l’incohérence. Car c’est une fausse compassion que celle fondée sur une fausse
symétrie entre les belligérants. Israël et Palestine ne sont pas ici à égalité.
Non seulement en rapport de force militaire mais selon le droit international.
En violation de
résolutions des Nations unies, Israël maintient depuis 1967 une situation
d’occupation, de domination et de colonisation de territoires conquis lors de
la guerre des Six Jours, et jamais rendus à la souveraineté pleine et entière
d’un État palestinien en devenir. C’est cette situation d’injustice prolongée
qui provoque en retour des refus, résistances et révoltes, et ceci d’autant
plus que le pouvoir palestinien issu du Fatah en Cisjordanie n’a pas réussi à
faire plier l’intransigeance israélienne, laquelle, du coup, légitime les
actions guerrières de son rival, le Hamas, depuis qu’il s’est imposé à Gaza.
Historiquement, la
différence entre progressistes et conservateurs, c’est que les premiers
cherchent à réduire l’injustice qui est à l’origine d’un désordre tandis que
les seconds sont résolus à l’injustice pour faire cesser le désordre. Hélas,
Monsieur le Président, vous avez spontanément choisi le second camp, égarant
ainsi votre propre famille politique sur le terrain de ses adversaires.
2. Vous avez ensuite
commis une faute intellectuelle en confondant sciemment antisémitisme et
antisionisme. Ce serait
s’aveugler de nier qu’en France, la cause palestinienne a ses égarés,
antisémites en effet, tout comme la cause israélienne y a ses extrémistes,
professant un racisme anti-arabe ou antimusulman. Mais assimiler l’ensemble des
manifestations de solidarité avec la Palestine à une résurgence de
l’antisémitisme, c’est se faire le relais docile de la propagande d’État
israélienne.
Mouvement
nationaliste juif, le sionisme a atteint son but en 1948, avec l’accord des
Nations unies, URSS comprise, sous le choc du génocide nazi dont les Juifs
européens furent les victimes. Accepter cette légitimité historique de
l’État d’Israël, comme a fini par le faire sous l’égide de Yasser Arafat le
mouvement national palestinien, n’entraîne pas que la politique de cet État
soit hors de la critique et de la contestation. Être antisioniste, en ce sens, c’est refuser la guerre sans fin
qu’implique l’affirmation au Proche-Orient d’un État exclusivement juif, non
seulement fermé à toute autre composante mais de plus construit sur l’expulsion
des Palestiniens de leur terre.
Confondre
antisionisme et antisémitisme, c’est installer un interdit politique au service
d’une oppression. C’est instrumentaliser le génocide dont l’Europe fut coupable envers
les Juifs au service de discriminations envers les Palestiniens dont, dès lors,
nous devenons complices. C’est, de plus, enfermer les Juifs de France
dans un soutien obligé à la politique d’un État étranger, quels que soient ses
actes, selon la même logique suiviste et binaire qui obligeait les communistes
de France à soutenir l’Union soviétique, leur autre patrie, quels que soient
ses crimes. Alors qu’évidemment, on peut être juif et antisioniste, juif et
résolument diasporique plutôt qu’aveuglément nationaliste, tout comme il y a
des citoyens israéliens, hélas trop minoritaires, opposés à la colonisation et
solidaires des Palestiniens.
Brandir
cet argument comme l’a fait votre premier ministre aux cérémonies
commémoratives de la rafle du Vél’ d’Hiv’, symbole de la collaboration de
l’État français au génocide commis par les nazis, est aussi indigne que
ridicule. Protester contre les violations répétées du droit international par
l’État d’Israël, ce serait donc préparer la voie au crime contre
l’humanité ! Exiger que justice soit enfin rendue au peuple palestinien,
pour qu’il puisse vivre, habiter, travailler, circuler, etc., normalement, en
paix et en sécurité, ce serait en appeler de nouveau au massacre, ici
même !
Une atteinte sécuritaire aux libertés fondamentales
Que ce propos soit
officiellement tenu, alors même que les seuls massacres que nous avons sous les
yeux sont ceux qui frappent les civils de Gaza, montre combien cette
équivalence entre antisémitisme et antisionisme est brandie pour fabriquer de
l’indifférence. Pour nous rendre aveugles et sourds. « L’indifférence,
la pire des attitudes », disait Stéphane Hessel dans Indignez-vous !,
ce livre qui lui a valu tant de mépris des indifférents de tous bords,
notamment parce qu’il y affirmait qu’aujourd’hui, sa « principale indignation concerne la Palestine, la bande de
Gaza, la Cisjordanie ».
Avec Edgar Morin,
autre victime de cabales calomnieuses pour sa juste critique de l’aveuglement
israélien, Stéphane Hessel incarne cette gauche qui ne cède rien de ses
principes et de ses valeurs, qui n’hésite pas à penser contre elle-même et
contre les siens et qui, surtout, refuse d’être prise au piège de l’assignation
obligée à une origine ou à une appartenance. Cette gauche libre, Monsieur le
Président, vous l’aviez conviée à marcher à vos côtés, à vous soutenir et à
dialoguer avec vous, pour réussir votre élection de 2012. Maintenant, hélas,
vous lui tournez le dos, désertant le chemin d’espérance tracé par Hessel et
Morin et, de ce fait, égarant ceux qui vous ont fait confiance.
3. Vous avez aussi
commis une faute démocratique en portant atteinte à une liberté fondamentale,
celle de manifester. En démocratie, et
ce fut une longue lutte pour l’obtenir, s’exprimer par sa plume, se réunir dans
une salle ou défiler dans les rues pour défendre ses opinions est un droit
fondamental. Un droit qui ne suppose pas d’autorisation. Un droit qui n’est pas
conditionné au bon vouloir de l’État et de sa police. Un droit dont les abus
éventuels sont sanctionnés a
posteriori, en aucun cas présumés a
priori. Un droit qui, évidemment, vaut pour les opinions, partis et colères
qui nous déplaisent ou nous dérangent.
L’histoire des
manifestations de rue est encombrée de désordres et de débordements, de
violences où se disent des souffrances délaissées et des colères humiliées, des
ressentiments parfois amers, dans la contestation d’un monopole étatique de la
seule violence légitime. Il y en eut d’ouvrières, de paysannes, d’étudiantes…
Il y en eut, ces temps derniers, dans la foulée des manifestations bretonnes
des Bonnets rouges, écologistes contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes,
conservatrices contre le mariage pour tous. Il y eut même une manifestation
parisienne aux banderoles et slogans racistes, homophobes, discriminatoires,
celle du collectif « Jour de colère » en janvier dernier.
S’il existe une
spécialité policière dite du maintien de l’ordre, c’est pour nous apprendre à
vivre avec cette tension sociale qui, parfois, déborde et où s’expriment
soudain, dans la confusion et la violence, ceux qui se sentent d’ordinaire sans
voix, oubliés, méprisés ou ignorés – et qui ne sont pas forcément aimables ou
honorables. Or voici qu’avec votre premier ministre, vous avez décidé, en
visant explicitement la jeunesse des quartiers populaires, qu’un seul sujet
justifiait l’interdiction de manifester : la solidarité avec la Palestine,
misérablement réduite par la propagande gouvernementale à une libération de
l’antisémitisme.
Cette décision sans
précédent, sinon l’atteinte au droit de réunion portée fin 2013 par Manuel
Valls, alors ministre de l’intérieur, toujours au seul prétexte de
l’antisémitisme engage votre pouvoir sur
le chemin d’un État d’exception, où la sécurité se dresse contre la liberté.
Actuellement en discussion au Parlement, l’énième loi antiterroriste va dans la
même direction ?), en brandissant toujours le même épouvantail pour
réduire nos droits fondamentaux : celui d’une menace terroriste dont
l’évidente réalité est subrepticement étendue, de façon indistincte, aux idées
exprimées et aux engagements choisis par nos compatriotes musulmans, dans leur
diversité et leur pluralité, d’origine, de culture ou de religion.
Accepter la guerre
des civilisations à l’extérieur, c’est finir par importer la guerre à
l’intérieur. C’est en venir à criminaliser des opinions minoritaires,
dissidentes ou dérangeantes. Et c’est ce choix irresponsable qu’a d’emblée fait
celui que vous avez, depuis, choisi comme premier ministre, en désignant à la
vindicte publique un« ennemi intérieur », une cinquième
colonne en quelque sorte peu ou prou identifiée à l’islam. Et voici que hélas,
à votre tour, loin d’apaiser la tension, vous vous égarez en cédant à cette
facilité sécuritaire, de courte vue et de peu d’effet.
4. Vous avez
également commis une faute républicaine en donnant une dimension religieuse au
débat français sur le conflit israélo-palestinien. C’est ainsi
qu’après l’avoir réduit à des « querelles trop
loin d’ici pour être importées », vous avez symboliquement limité
votre geste d’apaisement à une rencontre avec les représentants des cultes.
Après avoir réduit la diplomatie à la guerre et la politique à la police,
c’était au tour de la confrontation des idées d’être réduite, par vous-même, à
un conflit des religions. Au risque de l’exacerber.
Là où des questions
de principe sont en jeu, de justice et de droit, vous faites semblant de ne
voir qu’expression d’appartenances et de croyances. La vérité, c’est que vous
prolongez l’erreur tragique faite par la gauche de gouvernement depuis que les
classes populaires issues de notre passé colonial font valoir leurs droits à
l’égalité. Il y a trente ans, la « Marche pour l’égalité et contre le racisme »
fut rabattue en « Marche des Beurs », réduite à l’origine supposée
des marcheurs, tout comme les grèves des ouvriers de l’automobile furent
qualifiées d’islamistes parce qu’ils demandaient, entre autres revendications
sociales, le simple droit d’assumer leur religion en faisant leurs prières.
Cette
façon d’essentialiser l’autre, en l’espèce le musulman, en le réduisant à une
identité religieuse indistincte désignée comme potentiellement étrangère, voire
menaçante, revient à refuser de l’admettre comme tel. Comme un citoyen à part
entière, vraiment à égalité c’est-à-dire à la fois semblable et différent.
Ayant les mêmes droits et, parmi ceux-ci, celui de faire valoir sa différence.
De demander qu’on l’admette et qu’on la respecte. D’obtenir en somme ce que,
bien tardivement, sous le poids du crime dont les leurs furent victimes, nos
compatriotes juifs ont obtenu : être enfin acceptés comme français et juifs. L’un et l’autre. L’un avec
l’autre. L’un pas sans l’autre.
Un antiracisme oublieux et infidèle
Si vous pensez
spontanément religion quand s’expriment ici même des insatisfactions et des
colères en solidarité avec le monde arabe, univers où dominent la culture et la
foi musulmanes, c’est paradoxalement parce que vous ne vous êtes pas résolus à
cette évidence d’une France multiculturelle. À cette banalité d’une France
plurielle, vivant diversement ses appartenances et ses héritages, qu’à
l’inverse, votre crispation, où se mêlent la peur et l’ignorance, enferme dans
le communautarisme religieux. Pourtant, les musulmans de France font de la
politique comme vous et moi, en pensant par eux-mêmes, en inventant par leur
présence au monde, à ses injustices et à ses urgences, un chemin de citoyenneté
qui est précisément ce que l’on nomme laïcisation.
C’est ainsi,
Monsieur le Président, qu’au lieu d’élever le débat, vous en avez, hélas,
attisé les passions. Car cette réduction des musulmans de France à un islam
lui-même réduit, par le prisme sécuritaire, au terrorisme et à l’intégrisme est
un cadeau fait aux radicalisations religieuses, dans un jeu de miroirs où
l’essentialisation xénophobe finit par justifier l’essentialisation
identitaire. Une occasion offerte aux égarés en tous genres.
5. Vous avez
surtout commis une faute historique en isolant la lutte contre l’antisémitisme
des autres vigilances antiracistes. Comme s’il fallait
la mettre à part, la sacraliser et la différencier. Comme s’il y avait une
hiérarchie dans le crime contre l’humanité, le crime européen de génocide
l’emportant sur d’autres crimes européens, esclavagistes ou coloniaux. Comme si
le souvenir de ce seul crime monstrueux devait amoindrir l’indignation, voire
simplement la vigilance, vis-à-vis d’autres crimes, de guerre ceux-là, commis
aujourd’hui même. Et ceci au nom de l’origine de ceux qui les commettent,
brandie à la façon d’une excuse absolutoire alors même, vous le savez bien, que
l’origine, la naissance ou l’appartenance, quelles qu’elles soient, ne
protègent de rien, et certainement pas des folies humaines.
Ce faisant, votre
premier ministre et vous-même n’avez pas seulement encouragé une détestable
concurrence des victimes, au lieu des causes communes qu’il faudrait initier et
promouvoir. Vous avez aussi témoigné d’un antiracisme fort oublieux et très
infidèle. Car il ne suffit pas de se souvenir du crime commis contre les juifs.
Encore faut-il avoir appris et savoir transmettre la leçon léguée par
l’engrenage qui y a conduit : cette lente accoutumance à la désignation de
boucs émissaires, essentialisés, caricaturés et calomniés dans un brouet
idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions.
Or comment ne pas
voir qu’aujourd’hui, dans l’ordinaire de notre société, ce sont d’abord nos
compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmane qui occupent cette
place peu enviable ? Et comment ne pas comprendre qu’à trop rester
indifférents ou insensibles à leur sort, ce lot quotidien de petites
discriminations et de grandes détestations, nous habituons notre société tout
entière à des exclusions en chaîne, tant le racisme fonctionne à la manière
d’une poupée gigogne, des Arabes aux Roms, des Juifs aux Noirs, et ainsi de
suite jusqu’aux homosexuels et autres prétendus déviants ?
Ne s’attarder qu’à
la résurgence de l’antisémitisme, c’est dresser une barrière immensément
fragile face au racisme renaissant. Le Front national deviendrait-il soudain
fréquentable parce qu’il aurait, selon les mots de son vice-président, fait« sauter
le verrou idéologique de l’antisémitisme » afin de « libérer le reste » ?
L’ennemi de l’extrême droite, confiait à Mediapart la chercheuse qui a
recueilli cette confidence de Louis Aliot, « n’est
plus le Juif mais le Français musulman » .
De fait, la
Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dont vous ne
pouvez ignorer les minutieux et rigoureux travaux, constate, de rapport en
rapport annuels, une montée constante de l’intolérance antimusulmane et de la
polarisation contre l’islam (lire nos articles ici et là). Dans
celui de 2013, on pouvait lire ceci, sous la plume des sociologues et
politologues qu’elle avait sollicités : « Si
on compare notre époque à celle de l’avant-guerre, on pourrait dire
qu’aujourd’hui le musulman, suivi de près par le Maghrébin, a remplacé le juif
dans les représentations et la construction d’un bouc émissaire. »
L’antiracisme
conséquent est celui qui affronte cette réalité tout en restant vigilant sur l’antisémitisme.
Ce n’est certainement pas celui qui, à l’inverse, pour l’ignorer ou la
relativiser, brandit à la manière d’un étendard la seule lutte contre
l’antisémitisme. Cette faute, hélas, Monsieur le Président, est impardonnable
car non seulement elle distille le venin d’une hiérarchie parmi les victimes du
racisme, mais de plus elle conforte les moins considérées d’entre elles dans un
sentiment d’abandon qui nourrit leur révolte, sinon leur désespoir. Qui, elles
aussi, les égare.
6. Vous avez
par-dessus tout commis une faute sociale en transformant la jeunesse des
quartiers populaires en classe dangereuse. Votre premier
ministre n’a pas hésité à faire cet amalgame grossier lors de son discours du
Vél’ d’Hiv’, désignant à la réprobation nationale ces « quartiers populaires » où se répand l’antisémitisme « auprès d’une jeunesse
souvent sans repères, sans conscience de l’Histoire et qui cache sa “haine du
Juif ” derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’État
d’Israël ».
Mais
qui l’a abandonnée, cette jeunesse, à ces démons ? Qui sinon ceux qui
l’ont délaissée ou ignorée, stigmatisée quand elle revendique en public sa
religion musulmane, humiliée quand elle voit se poursuivre des contrôles
policiers au faciès, discriminée quand elle ne peut progresser
professionnellement et socialement en raison de son apparence, de son origine
ou de sa croyance ? Qui sinon ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, nous
gouvernent, vous, Monsieur le Président et, surtout, votre premier ministre qui
réinvente cet épouvantail habituel des conservatismes qu’est l’équivalence
entre classes populaires et classes dangereuses ?
Une jeunesse des quartiers populaires stigmatisée
Cette jeunesse
n’a-t-elle pas, elle aussi, des idéaux, des principes et des valeurs ?
N’est-elle pas, autant que vous et moi, concernée par le monde, ses drames et
ses injustices ? Par exemple, comment pouvez-vous ne pas prendre en compte
cette part d’idéal, fût-il ensuite dévoyé, qui pousse un jeune de nos villes à
partir combattre en Syrie contre un régime dictatorial et criminel que
vous-même, François Hollande, avez imprudemment appelé à « punir » il y a
tout juste un an ? Est-ce si compliqué de savoir distinguer ce qui
est de l’ordre de l’idéalisme juvénile et ce qui relève de la menace
terroriste, au lieu de tout criminaliser en bloc en désignant indistinctement
des « djihadistes » ?
Le pire, c’est qu’à force d’aveuglement, cette
politique de la peur que, hélas, votre pouvoir assume à son tour,
alimente sa prophétie autoréalisatrice. Inévitablement, elle suscite parmi
ses cibles leur propre distance, leurs refus et révoltes, leur résistance en
somme, un entre soi de fierté ou de colère pour faire face aux stigmatisations
et aux exclusions, les affronter et les surmonter. « On finit par créer un
danger, en criant chaque matin qu’il existe. À force de montrer au peuple
un épouvantail, on crée le monstre réel » : ces lignes
prémonitoires sont d’Émile Zola, en 1896, au seuil de son entrée dans la mêlée
dreyfusarde, dans un article du Figaro intitulé « Pour les Juifs ».
Zola avait cette
lumineuse prescience de ceux qui savent se mettre à la place de l’autre et qui,
du coup, comprennent les révoltes, désirs de revanche et volonté de résister,
que nourrit un trop lourd fardeau d’humiliations avec son cortège de
ressentiments. Monsieur le Président, je ne mésestime aucunement les risques et
dangers pour notre pays de ce choc en retour. Mais je vous fais reproche de les
avoir alimentés plutôt que de savoir les conjurer. De les avoir nourris, hélas,
en mettant à distance cette jeunesse des quartiers populaires à laquelle,
durant votre campagne électorale, vous aviez tant promis au point d’en faire,
disiez-vous, votre priorité. Et, du coup, en prenant le risque de l’abandonner
à d’éventuels égarements.
7. Vous avez, pour
finir, commis une faute morale en empruntant le chemin d’une guerre des mondes,
à l’extérieur comme à l’intérieur. En cette année
2014, de centenaire du basculement de l’Europe dans la barbarie guerrière, la
destruction et la haine, vous devriez pourtant y réfléchir à deux fois. Cet
engrenage est fatal qui transforme l’autre, aussi semblable soit-il, en
étranger et, finalement, en barbare – et c’est bien ce qui nous est arrivé sur
ce continent dans une folie destructrice qui a entraîné le monde entier au bord
de l’abîme.
Jean Jaurès, dont
nous allons tous nous souvenir le 31 juillet prochain, au jour anniversaire de
son assassinat en 1914, fut vaincu dans l’instant, ses camarades socialistes
basculant dans l’Union sacrée alors que son cadavre n’était pas encore froid.
Tout comme d’autres socialistes, allemands ceux-là, Rosa Luxemburg et Karl
Liebknecht, finirent assassinés en 1919 sur ordre de leurs anciens camarades de
parti, transformés en nationalistes et militaristes acharnés. Mais aujourd’hui,
connaissant la suite de l’histoire, nous savons qu’ils avaient raison, ces
justes momentanément vaincus qui refusaient l’aveuglement des identités
affolées et apeurées.
Vous vous souvenez,
bien sûr, de la célèbre prophétie de Jaurès, en 1895, à la Chambre des
députés : « Cette
société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle
est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante
porte l’orage. » Aujourd’hui
que les inégalités provoquées par un capitalisme financier avide et rapace ont
retrouvé la même intensité qu’à cette époque, ce sont les mêmes orages qu’il
vous appartient de repousser, à la place qui est la vôtre.
Vous n’y arriverez
pas en continuant sur la voie funeste que vous avez empruntée ces dernières
semaines, après avoir déjà embarqué la France dans plusieurs guerres africaines
sans fin puisque sans stratégie politique. Vous ne le ferez pas en ignorant le
souci du monde, de ses fragilités et de ses déséquilibres, de ses injustices et
de ses humanités, qui anime celles et ceux que le sort fait au peuple
palestinien concerne au plus haut point.
Monsieur
le Président, cher François Hollande, vous avez eu raison d’affirmer qu’il ne
fallait pas « importer » en France le conflit
israélo-palestinien, en ce sens que la France ne doit pas entrer en guerre avec
elle-même. Mais, hélas, vous avez vous-même donné le mauvais exemple en
important, par vos fautes, l’injustice, l’ignorance et l’indifférence qui en
sont le ressort.
Appelons-nous toujours à "une véritable
insurrection pacifique contre les moyens de communications de masse
qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que
la consommation de masse,
le
mépris des plus faibles et de la culture,
l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de
tous contre tous"
Refuser le diktat du profit et de l'argent,
s'indigner contre la coexistence d'une extrême pauvreté
et d'une richesse arrogante,
refuser les féodalités économiques,
réaffirmer le besoin
d'une presse vraiment indépendante,
Mais si, aujourd’hui comme alors,
une minorité active se dresse, cela suffira,
nous
aurons le levain pour que la pâte lève.
Stéphane Hessel
Palestine, le discours qui ment, la parole qui protège.
J’avais participé à l’avant-dernière manifestation de soutien à la Palestine. Le cortège lyonnais était grave,imposant, multiple. Il portait une indignation essentielle. Il disait des choses simples de la dignité et du refus de l’horreur, du respect des enfants.
Il y a des colères plus grandes, mais les paroles de Manuel Valls sur ce mouvement m’ont franchement exaspéré. Cette façon lyrique de tout mélanger, d’assimiler chaque manifestant à un antisémite de bas étage relève de la manipulation la plus abjecte. Cette façon de se poser en parangon de barrière contre l’extrémisme a dans sa bouche les accents les plus détestables de la mauvaise foi. Notre Premier ministre a l’émotion sélective, le Rom peut pourrir sur pied, mais la marche pacifique est une atteinte à la république, une apologie du terrorisme.
Je précise : je suis blanc, vieux, laïc et athée.
On en vient vraiment à désespérer de la représentation politique et du fonctionnement de l’ÉTAT. Il semblerait que le modèle de gouvernement soit d’aligner trois phrases creuses et générales qui affirment trois bouts d’évidence sécuritaire sans aucun lien avec une quelconque réalité humaine. Cette posture produisant un effet délétère et s’avérant parfaitement inopérante, elle renforce un sentiment d’insécurité qui en réaction accélère le déferlement des mille bouts d’évidence sécuritaire, lesquels creusent toujours un écart grandissant avec la possibilité de répondre aux problèmes posés. L’affirmation du courage en politique est généralement le signe de sa plus grande lâcheté et de sa frénétique fuite en avant.
On nous propose une analyse sur le mode du jeu de quilles alors que les faits tiennent davantage du billard à trois bandes, mais il s’agit d’apparaitre médiatiquement aux taquets, le premier à la télé, le plus blanc que blanc, le plus droit dans ses bottes et signifier aux ordres établis qu’on ne va pas leur faire de problème, lors des prochaines échéances. Tout cela n’a que peu d’importance, la fièvre émotionnelle de la catastrophe suivante nettoie la scène pour la prochaine répétition.
Nous devons subir aujourd’hui de purs produits marketing dont Manuel Vals est un éminent représentant qui compose un rôle, mélange surréaliste de Père Fouettard, de garant des libertés abstraites et d’agent de développement des inégalités locales et planétaires. Ils ont été élevés en laboratoire, dans des atmosphères confinées, restreintes. Ils débitent une langue codifiée, policée. Ils appellent souris, les éléphants, terroristes, des enfants jouant sur une plage.
Opportunisme et distance abyssale au terrain caractérisent ces nouveaux dirigeants qui pour ne rien gâcher font les délices d’un parti comiquement dénommé socialiste. Rassurons-nous, les frondeurs vont les faire trembler.
La France à plein Gaza
Justice au singulier
Alors qu'une manifestation pro-palestinienne prévue pour le 23
juillet n'a pas été interdite, il est tout de même permis de
s'interroger sur ce qui, depuis le 19 juillet, continue à donner de ce
pouvoir, cette fois dans un domaine infiniment sensible et avec une
matière politiquement et démocratiquement inflammable, une image
d'amateurisme et, on peut le dire, de maladresse frôlant l'incompétence.
Il était absurde d'interdire la manifestation du 19 juillet à Paris.
Il ne s'agit pas d'une critique facile parce que rétrospective. En
France, celles qui se sont déroulées le même jour n'ont donné lieu à
aucun incident notable et force est de considérer que le diktat
parisien, incompréhensible et évidemment incompris, n'a pas été pour
rien dans les débordements et les violences, "la guérilla à Barbès et à
Sarcelles", l'agrégation à une multitude soucieuse d'en découdre
seulement politiquement, hostile aux réactions d'Israël, furieuse, voire
haineuse mais cependant pacifique, de voyous et de casseurs séduits par
cette délinquance toujours à portée de violence dans les marges.
Le préfet de police Bernard Boucault, qui s'était déjà tristement
illustré lors de la soirée du Trocadéro avec le PSG, a continué ce
mélange qui semble caractériser son action : un défaut d'intuition et
une totale inadaptation. Il serait peut-être utile d'en tirer les
conséquences. Même la gauche pourrait se choisir des serviteurs plus
efficaces pour la défense de l'ordre public.
Dans cette interdiction du 19 juillet, comment ne pas percevoir aussi
une fâcheuse tendance de ce gouvernement qui, plus assez solide, plus
assez assuré pour permettre des événements sans craindre d'être dépassé
par eux, privilégie leur suppression, croyant ainsi se débarrasser plus
aisément du problème alors qu'au contraire il va l'amplifier ? Il y a,
dans cette immense maladresse qui avait le tort également d'accréditer
le soupçon d'un deux poids deux mesures, une sorte de syndrome Dieudonné
puissance treize ! Il est clair que la faiblesse éprouve le besoin
d'interdire quand la sûreté est persuadée de savoir maîtriser les aléas
de ce que l'esprit de liberté a dû autoriser.
Le ministre Bernard Cazeneuve, jusque-là excellent, a d'ailleurs
emprunté ce chemin pour justifier l'interdiction, puisqu'il a invoqué
qu'il y aurait eu "des cris de haine" au cours de cette manifestation et
que la République ne saurait les tolérer. Et donc qu'il convenait de
prendre les devants avec fermeté. Préventivement.
Pour ne pas aussi, paraît-il, laisser le conflit s'exporter en France
alors qu'il s'y trouve comme chez lui depuis longtemps et qu'on doit
seulement veiller à lui fixer des limites, à l'encadrer.
Ces motivations sont étranges qui, derrière leur apparence morale,
laissent croire que les protestations collectives liées à un conflit
brûlant, aussi tragiquement insoluble et opposant de tels fanatismes,
auraient pu échapper, dans leur paroxysme, à une intensité certes
scandaleuse mais inévitable.
C'était, à bon compte, valider un refus de cette manifestation en
mettant en cause le principe même au coeur des manifestations : elles ne
sont pas des parties de plaisir, des havres de paix et laissent venir à
la surface, parfois, le pire qu'un pouvoir de bonne foi n'exploiterait
pas parce qu'il est tout simplement indissociable de la normalité, de la
roideur globalement acquises des défilés militants.
Prétendre aussi se servir de la délinquance périphérique pour
accabler ceux qui sur le plan central soutenaient la cause
pro-palestinienne, comme s'ils étaient responsables, voire complices des
agressions et des dévastations que les bandes perpètrent avec un
sadisme jouant de la confusion, n'est pas honnête.
Comme l'a rappelé avec force Pascal Boniface, on a le droit de
critiquer la politique d'Israël sans être antisémite et à force de
répéter que l'hostilité à Israël et à ses ripostes est le déguisement de
l'antisémitisme, on va favoriser une confusion entre l'inadmissible et
le licite, entre l'odieux et le légitime. Ce n'est pas parce que de
l'antisémitisme a surgi scandaleusement de ces groupes que le NPA et
d'autres sont infectés par ces dérives et c'est leur faire un mauvais
procès que de les associer à ce qui n'a rigoureusement aucun rapport
avec leur propre démarche idéologique.
Il faut se battre plus que jamais pour que la contestation d'Israël,
si elle est nécessaire, ne soit pas engloutie dans un opprobre
historique et éthique qui rendrait par avance impossible toute
contradiction même la plus légitime sur le plan politique et celui des
droits de l'Homme.
J'avoue éprouver une sorte de pitié pour ce pouvoir qui, la main en
permanence sur le coeur, ne cesse de ressasser sa détestation du racisme
et de l'antisémitisme sans parvenir une seconde à en entraver le cours
délétère. Parce que ces mots imprégnés d'éthique n'ont rigoureusement
aucune incidence sur la réalité des pulsions, des violences et des
affrontements.
S'enivrer de beaux et dignes propos comme "s'en prendre aux juifs,
c'est s'en prendre à la France" émeut celui qui les prononce - le
président de la République et le Premier ministre en abusent - mais n'a
pas d'effet direct ni de portée opératoire sur un phénomène qui dépasse
très largement le stade des injonctions, des intimidations et des
célébrations verbales.
S'il fallait retenir une conclusion de ces péripéties, c'est que le
président de la République qui n'a jamais, dans ses discours, que
fustigé le racisme et l'antisémitisme mais jamais, avec cette vigueur et
cette netteté, la délinquance et la criminalité ordinaires, n'a pas
fait reculer d'un pouce les premiers, ses adversaires privilégiés, et
quant aux secondes, force est de reconnaître que François Hollande,
n'ayant jamais été préoccupé d'elles, ne les a pas gênées si peu que ce
soit.
Il paraît que la justice a été indulgente et a octroyé des sursis.
C'est vraiment la France à plein Gaza.