mercredi 20 avril 2022

Le Pen à l’Elysée, Mélenchon à Matignon… Quelle bonne idée !

 

Le Pen à l’Elysée, Mélenchon à Matignon… Quelle bonne idée !

CHRONIQUE

Sylvain Courage


Le leader des « insoumis » s’est porté candidat à Matignon quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle. Une innovation politique qui soulève quelques interrogations…Encore une fois, Jean-Luc Mélenchon rêve tout haut qu’« un autre monde est possible ». Invité mardi soir 19 avril sur BFM TV, il a appelé de ses vœux un « troisième tour ». Hélas, l’élection présidentielle n’en prévoit que deux. Dommage. Qu’à cela ne tienne, Mélenchon conjure désormais les Français de le désigner comme « Premier ministre » et cela quel que soit le vainqueur du 24 avril. « Je serai le Premier ministre pas par la faveur ou la grâce de monsieur Macron ou madame Le Pen, mais parce que les Français l’auront voulu », a-t-il affirmé. On voit par là que l’« insoumis « en chef ne recule devant presque rien pour poursuivre sa carrière. A 70 ans, il se voit en Chirac ou en Balladur new look contraignant son triomphateur ou sa triomphatrice à une improbable cohabitation. Un scénario digne de « Baron noir », la célèbre série télé de la gauche de gouvernement. 

Ce nouveau synopsis – « Mélenchon contre-attaque » – contredit toutes ses promesses des six derniers mois. Lui qui jurait vouloir s’effacer devant une nouvelle génération encouragée à « faire mieux » que lui, reprend la main en une seule apparition télévisuelle. Coucou le revoilà.

Seul maître à bord, il fixe le cap. Comme d’habitude. Car lui seul sait voir plus loin. Et l’on imagine l’approbation de ses lieutenants à l’énoncé de cette nouvelle et géniale prophétie. Qu’on lui donne une majorité parlementaire et le voilà qui prendrait des décrets, depuis Matignon, au nez du président Macron… Ou de la présidente Le Pen. Peu importe, au fond. Voilà l’innovation disruptive et l’énormité de sa péroraison : Jean-Luc Mélenchon se tient prêt pour l’enfer de Matignon avec Marine Le Pen à l’Elysée. A la présidente, le domaine réservé de la politique étrangère et notamment la délicate négociation d’un nouveau partenariat avec la Russie poutinienne. A lui l’intendance et le blocage des prix des biens de première nécessité et le smic à 1 400 euros. Des mesures de salut public que la présidente empêchée ne pourrait pas renier. Quel attelage ! Il suffisait d’y penser…

Et si le vainqueur de dimanche soir est Emmanuel Macron, la revanche du peuple serait encore plus complète. On imagine l’ambiance de camaraderie qui régnerait au conseil des ministres (avec Adrien Quatennens, Alexis Corbière et Clémentine Autain aux ministères régaliens…). Sans parler de l’entente nationale qui assurerait le triomphe des intérêts français à la table des sommets européens. Vive la cohabitation ! « Si ça ne convient pas au président, il peut s’en aller, moi je ne m’en irai pas », a précisé Mélenchon.

Faille narcissique                                                                                                                         Sans surprise, cette fiction politique nous éloigne du réel. Comme tout fantasme, elle nous renseigne surtout au sujet du sujet. Elle confirme que l’homme aux 22 % de suffrages présidentielles ne résistera jamais au plaisir d’une provocation médiatique pour « exister » à la veille d’un second tour dont il a été privé. Et révèle ainsi sa profonde faille narcissique. Lui qui reconnaît ne pas être « sorti indemne » de sa troisième défaite consécutive – très courte il est vrai –, cherche visiblement une compensation, un lot de consolation. C’est humain. Premier ministre, voilà qui satisferait son inextinguible soif de reconnaissance.   La tentation était sans doute trop forte. Ce faisant, le Narcisse « insoumis » démolit en quelques phrases l’initiative de rassemblement des éclats de la gauche qu’il prétend par ailleurs mener  : avant même d’avoir entamé les tractations, écologistes, communistes et socialistes de tous poils savent déjà que leur rôle consistera à porter le bouclier sur lequel le chef gaulois envisage de s’installer. A l’évidence, la VIe République peut attendre…     

 Mélenchon sera-t-il candidat aux législatives pour acquérir la légitimité démocratique dont il se parfume déjà ? Rien n’est moins sûr. Sa circonscription marseillaise est bien lointaine et les allers-retours le fatiguent. Il pourrait candidater à Paris. Mais Mélenchon souligne que bien des Premiers ministres – de Raymond Barre à Jean Castex – ont été désignés sans même siéger à l’Assemblée. Foin de républicanisme. On voit par là que 

Jean-Luc Mélenchon est prêt à s’accommoder des usages d’un système technocratique qu’il vomit. Et c’est là, finalement, ce qu’il a de plus rassurant.