mardi 9 avril 2013




Ancien directeur du Trésor, Daniel Lebègue préside aujourd'hui la section française de l'ONG Transparency International. Obliger les élus à déclarer leurs patrimoines et leurs revenus permettra selon lui à la France de rattraper "son retard".
Jean Marc Ayrault prépare des "mesures sévères pour garantir la transparence, le respect de la loi et de la probité". Une loi existe déjà qui contraint les hommes politiques à déclarer leurs patrimoines. Pourquoi est-elle insuffisante ?
- Cette loi est dérisoire. Depuis l’année 2012, les ministres doivent faire une déclaration d’intérêt. Mais elles ne comprennent ni leurs revenus, ni leurs patrimoines. Les parlementaires doivent quant à eux déclarer leurs patrimoines dans un délai de trois mois après leur élection et lorsqu'ils quittent leurs fonctions. Ça n’a pas de sens. Entre les deux, il peut s’écouler une dizaine d’années.
La commission pour la transparence financière de la vie politique, qui centralise les déclarations des élus, peut transmettre les dossiers incomplets au parquet. Les sanctions ont même été durcies en 2011.
- Combien ont été prononcées ? Aucune. Alors que 15% des parlementaires n’ont pas rempli leurs déclarations de patrimoine. En clair, nos élus ne s’appliquent pas les lois qu’ils ont eux-mêmes votées.
Que proposez-vous ?
- La transparence est un principe de base de la démocratie. Tous les ministres, parlementaires, élus de grande collectivité et hauts-fonctionnaires devraient avoir à remplir une déclaration d’intérêt dans laquelle figurerait un chapitre revenus et patrimoine. Ces déclarations devraient être rendues publiques chaque année.
La France est-elle en retard par rapport aux autres pays ?
- Sur les 27 États Européens, seuls deux pays sont à la traîne. La Slovénie…et la France. Tous les autres pays ont imposé la publicité des déclarations. La situation de la France n’est pas très glorieuse.
Sur quels autres sujets la situation de la France n'est-elle pas conforme à son rang ?
- Il y a la prévention des conflits d’intérêts. La commission Sauvé, la commission Jospin ont fait des propositions. Mais rien n’a été fait. Nous avons été incapables de légiférer et de mettre en place des sanctions. Dans ce domaine, la feuille est blanche, il n’y a aucun contrôle. Quant à la justice, on ne peut pas dire qu’elle est vraiment indépendante. On l’a vu au travers de nombreuses affaires. La tentation existe pour le gouvernement d’entraver son action. La France a d’ailleurs été plusieurs fois rappelée à l’ordre par les institutions européennes. Elle doit donner au parquet les clés de son indépendance. Il y a aussi un problème de compatibilité entre le fait d’exercer certaines activités en parallèle à des responsabilités politiques. Certains députés sont aussi avocats d’affaires. Je ne crois pas qu’on puisse agir au nom de l’intérêt général tout en donnant des conseils à des particuliers pour interpréter la loi. Ça n’est pas possible.
Le choc de moralité promis par Hollande va-t-il corriger ces défauts ?
- On verra bien. Le président est au pied du mur. Il y a une attente très forte chez nos concitoyens. 90% d’entre eux sont opposés au cumul des mandats. Et 4 sur 5 exigent la transparence financière des politiques. Sur ces questions, il est urgent de mettre la France au niveau des autres démocraties.
L’affaire Cahuzac n'est-elle pas finalement un mal pour un bien ?
- Oui. Cette triste affaire peut créer un sursaut national. La France va peut-être enfin se doter des règles éthiques qui sont la norme chez nos voisins. C’est ce que nous espérons. La pression qui pèse sur la classe politique est énorme. Sur le cumul de mandats par exemple, le gouvernement doit l'appliquer dès 2014.

La droite folle


La droite folle

 JOSEPH MACÉ-SCARON

Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe le plus aux princes de se préserver.



On ne doit jamais laisser se produire un désordre
pour éviter une guerre


car on ne l'évite jamais, on la retarde à son désavantage.


Il y a deux manières de combattre, l'une avec les lois, 
 l'autre avec la force.
 


La première est propre aux hommes, 
l'autre nous est commune 
avec les bêtes.


Machiavel "Le prince"
Une partie de la droite française est-elle en train de devenir la plus radicale d’Europe ? Entendons-nous : de tout temps, il y a eu au sein de la droite parlementaire, une famille politique qui regroupait les modérés et une famille qui rassemblait ceux qui voulaient en découdre. Du classique. 

On a expliqué à des générations d’étudiants de Sciences-Po, les comportements de cette droite-là grâce aux doctes analyses de René Rémond (ils sont bonapartistes, ils sont plébiscitaires, ils soutiennent l’autorité…). Pour autant, cette droite en permanence au bord de la crise de nerfs a toujours manifesté sa colère au sein de l’arc républicain. 

Qu’arrive t-il aujourd’hui ? Tout se passe comme si la manifestation du 24 mars dernier des opposants au mariage pour tous avait fait sauter des barrières et marqué un vrai tournant. Pour la première fois depuis la Libération, une faction de la droite parlementaire acceptait d’être dans le même cortège que des groupes d’extrême-droite cherchant l’affrontement. Pour la première fois, une partie de la droite française se réveillait liguarde. 
Cinq années de sarkozysme étaient parvenues à faire tomber la digue psychique qui la séparait des thèses lepenistes. Cinq heures ont suffi à faire s’écouler la digue physique qui les séparait encore de l’ultra-droite. Désormais quand on entend les responsables de cette droite devenue folle dire comme Christine Boutin : « Ca va péter ! » ou évoquer comme d’autres la « guerre civile »,
ou dans un discours dit que la France est « entre les mains de véritables dictateurs, qui n’hésitent plus à gazer les enfants comme dans les pires régimes de l’Histoire ». on ne sait plus s’il est question d’une crainte ou s’il s’agit d’un secret espoir. 
En découdre, donc. Et c’est là qu’intervient la fameuse et fumeuse création du « Printemps français » de Béatrice Bourges, ancienne porte-parole de la « Manif pour tous » qui ratisse large, très très large. De l’UMP aux identitaires. Ce printemps de Bourges est surtout l’occasion d’un long hiver des idées. Depuis le 24 mars, on assiste à une multiplication d’opérations visant ici à interdire aux partisans du mariage pour tous de prendre la parole, là à intimider des sénatrices organisées par des groupes « spontanés ». 

Il paraît que Frigide Barjot couine son mécontentement devant la radicalisation du mouvement qu’elle a porté. La belle affaire. Le golem idéologique qu’elle a créé, court maintenant tout seul. Elle est bien la seule à s’en étonner. Il fallait juste… deux doigts de jugeote. 

Le week-end a été riche d'enseignements. Il y a d’abord eu les prières de rue du groupe catho-intégriste Civitas devant le Sénat. Puis dans la nuit de samedi à dimanche dernier, des militants de l’UMP, de l’Uni et du Printemps français ont maculé d’affiches et de slogans haineux l’Espace des blancs manteaux, à Paris. Ce lieu avait le « tort » d’accueillir, comme tous les ans, les associations LGBT. 

Le mariage pour tous n’était pas la seule raison de ce rassemblement où l’on retrouve des représentants d’associations sportives mais aussi d’associations qui luttent au quotidien contre l’exclusion sociale et l’homophobie. Qu’importe ! Seul importait ici de déconsidérer ce qui est devenu non pas un adversaire mais un ennemi à abattre. 

Cette droite hystérique a vidé les étriers et perdu toute mesure. Pour ceux qui ont connu cet épisode, nous sommes à des années lumière de la réaction pour la défense de l’école privée qui fit reculer l’exécutif au début du septennat mitterrandien. Frigide Barjot n’est pas Nicole Fontaine et Laurent Wauquiez n’est malheureusement pas Jacques Barrot. Le discours de haine qui est en train de courir comme une monture sans mors risque bientôt de piétiner ces pauvres acteurs qui pensaient chevaucher un baudet.


Cinq mois de débat vont réussir à ruiner cinquante ans de lutte contre la discrimination. Samedi soir, un couple de gay a été physiquement et violemment agressé dans Paris. Est-ce qu’il faut attendre un drame pour voir qu’aujourd’hui, l’homophobie s’est invitée dans nos débats ? Est-ce que l’Histoire ne nous apprend vraiment rien ?



Le printemps français de la France réac 

et Manuel Valls


Rédigé par Juan S.
 

C'est une sale expression, un slogan propagé par les réacs en tous genres sur les réseaux sociaux ou dans quelques manifestations marginales anti-mariage pour tous: ce serait bientôt le printemps français comme hier nous avions le printemps arabe. 

Sur les sites de la réacosphère - Dreuz, Egalité et Réconciliation, novopresse - on relaye largement l'initiative 

née quelque part le 21 mars.

 On s'amuse des manifestations de quelques fachos devant le domicile de la sénatrice Chantal Jouanno.


Le printemps français de la France réac et Manuel Valls


Le Printemps français a son site, ses promoteurs ont chipé le slogan du Front de Gauche ("On ne lâche rien "). La confusion des genres est l'arme habituelle des réacs.   

Dimanche 24 mars, ils exhibaient quelques enfants en bas âge au premier rang pour mieux forcer le passage. Plus loin, des gros musclés et petits freluquets faisaient le salut naziavant de secouer les boucliers en plexy des CRS qui leur faisaient front. L'un d'entre eux, Alexandre Gabriac, expliquait que "Valls ou Taubira n'avaient pas à leur interdire de descendre les Champs Elysées". Certes, il y avait bien d'autre sensibilités plus paisibles dans les rangs. Mais les braillards étaient effarants. 

Mercredi 27 mars, Arnaud Montebourg était bousculé lors d'un déplacement en gare de Perrache, du Train de l'industrie. Des militants anti-mariage gay se sont heurtés à des ... manifestants CGT qui protestaient contre la politique sociale du gouvernement. 

France contre France. 

Le même soir, la Garde des Sceaux a failli être empêchée d'accéder à un opéra: à nouveau, ça criait, ça éructait, ça chantait. Là encore, les réacs de Génération identitaire ou jeunesses nationalistes. A moins que cela ne soit l'inverse. On hurlait la Marseillaise tout en traitant les CRS présents de fils de putes. 

La France Réac sait choisir les mots qui tâchent et font honte. 

Le lendemain, quelques irréductibles dont l'ineffable Frigide Barjot manifestaient devant le siège de France Télévision où se déroulait l'entretien télévisé du président Hollande. Les extrémistes de Civitas s'agenouillaient devant le Sénat pour protester:  "La France mérite châtiment si elle autorise le mariage des sodomites" expliquait l'un d'entre eux aux caméras. 

A la faveur de l'examen au Sénat de la loi sur le mariage pour tous, la frange réactionnaire se dévoile et instrumentalise un débat de libertés publiques. Les opposants au mariage gay ne sont pas cette caricature d'extrémistes. Mais ces extrémistes-là font du mal à la démocratie. 

Dans la nuit du 6 au 7 avril, deux couples d'homosexuels sont passés à tabac à Paris. Le premier dans le XIXème arrondissement de Paris. L'une des deux victimes de l'agression postait ceci sur les réseaux sociaux, à côté de sa photographie d'un visage défiguré. 
“Désolé de vous montrer cela. C’est le visage de l’homophobie. Hier soir, dans le XIXe arrondissement de Paris, Olivier et moi avons été sauvagement frappés seulement parce que nous marchions bras-dessus bras-dessous. Je me suis réveillé dans une ambulance, couvert de sang, avec une dent en moins et les os autour des yeux cassés. Je suis à la maison maintenant. Très triste. Olivier prend soin de moi. J’ai un arrêt de travail d’au moins dix jours.”
Le même soir, un peu plus loin à Paris, un poignée d'anti-mariage pour tous recouvrait d’affiches la façade de l’espace des Blancs-Manteaux, dans le 4ème arrondissement. On identifiait facilement, sur la vidéo, quelques militants UMP. 

L'homophobie est de sortie.  

Que retenir de cette mauvaise et terrible séquence ? 

1. La minorité réac se retrouve dès que le sujet est clair et clivant. C'est simple et évident.  Le climat est "extrêmement lourd et délétère", confie l' Inter-LGBT. 

2. Pourquoi donc dérapages, agressions, et outrages ont-ils été l'apanage ou les à-côtés des manifestations contre le mariage pour tous ? Ces chrétiens - ils furent nombreux - pourraient-ils s'interroger sur cette incroyable faciliter à proférer l'amour pour tous contre le mariage de quelques-uns au milieu de cris de haine homophobe ? 

3. Le débat sur cette loi a produit les pires effets. N'a-t-il pas que trop durer ? Pourquoi avoir fait traîner en longueur l'adoption d'un texte finalement bien loin des caricatures que ses opposants ont voulu en faire ? A gauche, on pense - nous pensons - que la mesure méritait une adoption rapide et sans effluves, même si elle titillait quelques croyants coincés. Le débat n'est possible qu'avec ceux qui le souhaitent. Les opposants à ce nouveau droit ne cherchent pas le débat. Pire, ils ont dans leurs bagages ou leurs soutes d'insupportables fréquentations, d'effroyables réacs prêts à "casser du pédé" - physiquement bien sûr - pour faire comprendre leur point. 

4. Autre sujet, plus grave, le ministre de l'intérieur Manuel Valls sera-t-il aussi prompt à mobiliser les forces de l'ordre contre les auteurs de ces actes homophobes que dans d'autres luttes moins honorables ? Pourquoi n'y-a-t-il pas un communiqué, un seul, sur le sujet entre dimanche et mardi ? Pouvait-on espérer que le ministre soit aussi actif contre ces homophobes réacs et violents que contre les Roms ? On sait qu'il s'est fait chahuté lui aussi, par quelques réacs énervés. Pourtant, on cherche, on attend, on espère une réaction. Car dimanche, le lendemain de ces agressions, le ministre évoquait l'antisémitisme résurgent en France. Il n'avait pas tort, mais ne pouvait-il pas AUSSI s'autoriser une réaction sur l'autre sujet du moment, pile en phase avec une certaine actualité parlementaire ?