Les Droites fortement anti-sociales
L’argent, l’argent
roi, l’argent Dieu, au-dessus du sang,
au-dessus des larmes,
adoré plus haut que
les vains scrupules humains,
dans l’infini de sa puissance ! »
Zola
Lors de sa Fête de la
Violette, dans le Loir-et-Cher, la Droite forte a réuni ce samedi ses militants
qui étaient plus enclins à ovationner Nicolas qu’à applaudir « Boule et
Bill » (Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, selon le propos d’un ténor
de l’UMP présent, cité par Mediapart). Ainsi, sans vraiment déclarer l’ancien
chef d’Etat innocent, ils en appellent à son retour, envers et contre tout,
malgré toutes les casseroles qui font un fracas dans son sillage. Si, bons
princes, ils lui pardonnent ses dérapages frauduleux, ils ne supportent pas les
assistés sociaux, selon eux, tous plus ou moins fraudeurs.
Le site de la Droite forte a inscrit comme toute première idée
forte « la lutte contre les fraudes et
l’assistanat ». On connaît cette rhétorique, initiée par
Nicolas Sarkozy, sur les conseils de Patrick Buisson, lui-même reprenant là une
thématique chère au Front national. Il faut lutter contre la fraude sociale « qui abîme la solidarité nationale » :
jusque là on pourrait être d’accord. Sauf que c’est pour laisser entendre que
la fraude sociale serait principalement due aux « assistés », et
serait massive : 20 milliards d’euros par an, alors que cette somme
recouvre essentiellement la fraude commise par les « patrons voyous »
(la Droite forte mettant ces derniers dans le même sac, indéterminé, que les
« assistés »).
Le mot d’ordre de ce courant de l’UMP, dont l’un des leaders est
issu du FN, est : « non à l’assistanat généralisé,
oui à la solidarité nationale ». Cette formule est un
aveu pour ces tenants de la droite extrême : l’assistanat ne
concernerait pas qu’une partie, même non négligeable dans leur esprit, des
bénéficiaires de l’assistance, mais tous. Ce qui est une façon
d’insulter justement la « solidarité nationale ».
Boule et Bill
proposent une interconnexion entre les fichiers des allocations sociales :
sauf qu’elle existe déjà. Ils réclament la suppression de la CMU (couverture
maladie universelle, ancienne aide médicale) et son remplacement par une
"carte de santé départementale" : leur argument est qu’un
bénéficiaire de la CMU ne devrait pas bénéficier d’une prise en charge maladie
(médicaments, hospitalisation) supérieure à la moyenne des dépenses engagées
par un travailleur assuré. Il s’agit donc bien d'une atteinte grave au principe
de solidarité, prônée au sein d’un grand parti de gouvernement. Demain, la
Droite forte pourrait envisager, par exemple, de restreindre les remboursements
de santé à toute catégorie de population plus coûteuse qu’une autre. Pourquoi
ne pas réduire la prise en charge des personnes âgées dont les dépenses de
santé dépassent la moyenne de celles de l’ensemble des assurés sociaux ?
Et bien sûr nos petits ambitieux partent en guerre contre l’AME,
l’aide médicale d’Etat, qui prend en charge des dépenses de santé de base des
étrangers sans papiers. Au sein de l’UMP se joue une concurrence
acharnée : c’est pourquoi, comme on le sait, Laurent Wauquiez, au nom de
sa Droite dite sociale, a déclamé sa tirade à l’Assemblée nationale le 23 juin
sur ce sujet.
Dans un premier temps, sur son site, il avouait qu’il s’agissait pour
lui de montrer que l’UMP savait encore se mobiliser pour autre chose que
ses rivalités internes (donc de resserrer les rangs, dans la tourmente des
malversations liées à Bygmalion). Aveu non dissimulé d’instrumentalisation
d’une question sociale, mais aveu désormais caché car retiré du site de la
Droite sociale.
Les Pieds nickelés veulent
sauver la droite… en luttant contre l’assistanat
Guillaume Peltier et Laurent Wauquiez avaient déjà sévi dans Valeurs actuelles du 26 juin (l'hebdo de la droite
extrême qui se situe entre UMP et FN, et oeuvre pour ce rapprochement), avec
deux autres personnalités de l’UMP : Henri Guaino et Rachida Dati. Ces
quatre représentants de la droite du parti prétendent vouloir « sauver la droite ». Hérissée
sur ses talons, Rachida Dati prend la défense des « valeurs cassées par la gauche : la famille, l’autorité, la
sécurité, la méritocratie » (manière bien prétentieuse de nous
suggérer que sa « réussite » serait due à son mérite).
Evidemment, les petits calculs de carrière de ces quatre Pieds
nickelés qui se prennent pour des « mousquetaires » m’importent peu.
Ce que je veux relever ici ce sont les propos de Laurent Wauquiez (appuyé par
Rachida Dati) qui voit la France en décadence : « le pays a la tête à l’envers. Ce sont ces
valeurs qu’il faut reconstruire. Faire la différence entre la solidarité
nécessaire et l’assistanat devenu insupportable. Refuser qu’il n’y ait pas de
différence de revenus entre quelqu’un qui travaille et quelqu’un qui reste chez
lui ». Il ne se contente pas d’asséner là une nouvelle fois ses
insultes à l’encontre des plus démunis dans ce pays, et une contre-vérité (sur
la prétendue égalité entre revenus de l’assistance et revenus du travail, dont
le contraire a été maintes fois démontré), mais il ajoute qu’il applique ses
idées en la matière dans sa ville : « Je refuse l’assistanat, nous avons un parcours qui fait en sorte
que les gens que nous aidons contribuent à des actions pour la commune –
entretien d’espaces verts, portage de repas pour les personnes âgées ».
Alors que ce qu’il « applique » dans sa commune n’arrive pas à la
cheville de ce que font tant de communes, de droite comme de gauche.
Actuellement, "les sans-aucune-pudeur" volent en escadrille :
le 4 juillet, dans l’émission de France 5 produite par une filiale du groupe
Lagardère, C dans l’air, Agnès Verdier-Molinié, directrice de
l’Ifrap, think tank ultra-libéral, revendiquait que l’on s’en prenne aux
dépenses d’« aide sociale »,
évaluant ces dépenses à 90 milliards d’euros. Chiffre lancé à la cantonade,
tout à la fin de l’émission comme à son habitude, du coup sans explication. Et
laissant entendre que les assistés sociaux coûtent cher à la Nation. Même
l’économiste libéral Nicolas Bouzou semblait excédé par les affirmations
approximatives et à l’emporte-pièce de cette égérie du patronat. Elle parvenait
à glisser encore qu’il fallait, comme le prône la Droite forte, supprimer la
CMU et imposer ceux qui touchent des aides sociales.
A les écouter, et
c’est le but, on finirait par oublier que la situation économique dans laquelle
nous sommes, et qui pénalise gravement une partie (seulement) de la population
a totalement à voir avec les politiques financières qu’ils soutiennent bec et
ongles, jusqu’à mépriser et insulter ceux qui en sont victimes.