jeudi 27 avril 2017

Et pourtant, je voterai Macron, par Raphaël Glucksmann


En 2012, j’ai voté et appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle. Cinq ans plus tard, je n’en ferai pas de même pour le leader de la France insoumise. Je partage évidemment une bonne partie de son programme. Mais, au fil des dernières semaines, mes divergences avec ses prises de position n’ont cessé de s’approfondir.
Le peuple qui vous admire ne connaît pas peut-être ce secret. Il croit que la noblesse est une grandeur réelle, et il considère presque les Grands comme étant d'une autre nature que les autres. Ne leur découvrez pas cette erreur, si vous voulez, mais n'abusez pas de cette élévation avec insolence, et surtout ne vous méconnaissez pas vous-même, en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres.
Blaise Pascal

Pourquoi je n'ai pas voté Mélenchon
La première, et de loin la plus importante, concerne le risque d’une victoire de Marine Le Pen.
Jouer les autruches face au péril lepéniste, c'est aussi minimiser les risques du jour d'après. Le Pen, élue présidente, n'aura pas si facilement une majorité ? Certes, encore que les « lepéno-compatibles » pullulent chez les Républicains, mais aussi parmi les souverainistes de droite (genre Dupont-Aignan ou Asselineau), voire de gauche ayant viré leur cuti...
 Mais le malentendu concerne surtout la nature du FN :
 La « dédiabolisation » relève de l'arnaque de sommet, elle n'a en rien changé la nature du FN.
Ma deuxième divergence : son refus obstiné de l’union. Mathématique et politique convergent pourtant indiscutablement : ni Mélenchon, ni Hamon n’ont la moindre chance d’arriver seuls au second tour de la présidentielle. s’ils s’opposent encore sur certaines questions, les programmes de Mélenchon et de Hamon comportent des points communs essentiels.
Ma troisième divergence : le sectarisme de la France insoumise. Celui-ci cible le PS, mais aussi le Parti communiste français.
Ils dénoncent contre toute raison le candidat issu de la primaire de gauche comme un pur « social-traître », qui plus est « solférinien »... Jean Luc, tu oublies que tu a été 
Membre du Parti socialiste (PS) à partir de 1976,  successivement élu conseiller municipal de Massy en 1983, conseiller général de l'Essonne en 1985 et sénateur du même département en 1986. et par ailleurs ministre délégué à l'Enseignement professionnel de 2000 à 2002, auprès du ministre de l'Éducation nationale Jack Lang, dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin.
Pierre Laurent n'est guère mieux traité. Mélenchon l’a placé devant le fait accompli en présentant sa candidature sans jamais consulter ses partenaires de l’ex-Front de gauche.
Curieux contempteur de la Ve République qui, pour lui-même, en exploite à fond les travers ! Et pourtant le secrétaire national du PCF a arraché – de justesse et en s'y prenant à deux fois – le soutien de ses camarades à Mélenchon.
Ma quatrième divergence ne concerne pas telle ou telle dimension du programme insoumis, mais la tendance de Mélenchon à caresser dans le sens du poil l’électorat frontiste. Sur l’immigration, le candidat vient de déclarer : « Le premier devoir est de tarir le flux et nous devons avoir comme mot d'ordre : chacun doit pouvoir vivre dans son pays, et cela est valable en Corrèze comme au Zambèze »
 Aux travailleurs détachés, Mélenchon avait reproché de « voler le pain des Français ».
Ces propos reflètent une évolution globale sur l’immigration depuis le beau discours du Prado, en 2012, au point que le Nouveau parti anticapitaliste dénonce le recours à la « rhétorique de l’extrême droite ».
Ma cinquième et dernière divergence porte sur la Syrie. Les thuriféraires de Jean-Luc Mélenchon se sont livrés à d’impressionnantes acrobaties verbales pour camoufler, sur ce point, les imprudences de leur « leader ». Il n’empêche : il suffit de regarder sur Internet deux émissions de télévision accessibles pour l’entendre affirmer en toutes lettres son soutien à l’intervention russe et même son refus de condamner les bombardements sur Alep ou le gazage par le régime en place des populations civiles.
Reste à dire un mot du « climat » politique entourant cette année le candidat. Dans quelle mesure il en porte la responsabilité, difficile de le dire.
Sur Facebook, en tout cas, ses « trolls » se lâchent : récitant le bréviaire « mélenchoniste », ils agressent quiconque le critique, ne reculant pas devant le mensonge et l’insulte.
Cette candidature pose un certain nombre de problèmes non résolus : comment passer à la VIe République en jouant la personnalisation à outrance et en flirtant dangereusement avec la « démocratie plébiscitaire » ?
Comment croire à la maturation collective d’un projet de société en alimentant la pulsion politiquement ambiguë du « dégagisme » ?
En tout cas, puisque cette candidature d’incarnation du peuple est « au-dessus des partis », il ne saurait être question du moindre arrangement avec les autres formations de gauche, traité avec mépris de « carabistouilles ».
Qui m’aime me suive.
La dynamique actuelle de division risque fort d’offrir au second tour de l’élection présidentielle : Le Pen Au pouvoir !.
Si tous les appels à l’unité sont restés vains, si nous ne pouvons plus rien empêcher, en tout état de cause, après les élections, il restera l’« urgence démocratique » de faire face au néofascisme, fruit d’un désespoir doublement alimenté par le néolibéralisme et l’absence d’une vraie alternative politique. C’est donc dès maintenant, si l’on veut vraiment éviter que le pire n’advienne, qu’il faut penser et expérimenter les formes d’un front commun démocratique.
« les gens qui élisent des politiciens corrompus, des imposteurs, des voleurs et des traîtres ne sont pas des victimes…mais des complices. » 
George Orwel

"La démocratie n'est pas un jouet mais un de nos biens communs les plus précieux."

«La démocratie n'est pas un jouet mais un de nos biens communs les plus précieux. Ne pas choisir entre les deux candidats reste un choix, celui de la mise en péril assumée d'un pays et de ses libertés au nom d'une pureté idéologique irresponsable. » Des «Ecologistes attérés» du mouvement "citoyens.solutions" appellent à faire barrage au Front national, tout en rappelant la nécessité «d'incarner des idéaux et une démarche politique claire et alternative à celle d'En Marche».


Où est passé le tribun ? Le rhéteur infatigable ? Le tchatcheur de la campagne électorale ? 
Il est sans voix, sans mots, comme atteint d'aphasie. "Je ne saurais que dire ni faire à cette heure. Chacun, chacune d'entre vous sait en conscience quel est son devoir, dès lors je m'y range", a-t-il balbutié, tel un sombre héros shakespearien au soir des résultats.
Blessé dans son orgueil, submergé par sa noire colère et happé par ses démons, Jean-Luc Mélenchon a refusé d'indiquer la moindre préférence entre Emmanuel Macron, le centriste europhile et Marine Le Pen, la populiste xénophobe. Pas de consigne de vote. Débrouillez-vous. Le guide des "insoumis" s'est évanoui, abandonnant ses "gens" dans la nuit démocratique. 
Comment un dirigeant politique qui prétend refonder la vie démocratique peut-il se prévaloir de son droit à la vie privée pour refuser de révéler sa préférence dans une élection à laquelle il a concouru ? On a bien sûr connu Mélenchon plus disert en 2002, quand il incitait ouvertement à voter Jacques Chirac pour repousser Jean-Marie Le Pen. En 2007, il soutint Ségolène Royal. Et le même, candidat sorti du giron socialiste, s'est rabattu sur François Hollande entre les deux tours de 2012, au prix - il est vrai - d'une pénible circonlocution.
Point de salut hors son salut. Sus aux ennemis du peuple ! Mélenchon le "Montagnard" ne fait pas le tri dans sa chère Révolution française. La déclaration des droits de l'Homme, l'abolition des privilèges, 1789 furent pourtant bel et bien odieusement recouverts par le nationalisme, le populisme, la Terreur et le totalitarisme de 1793.
Selon l'historien du socialisme Jacques Droz, à Moscou en septembre 1928, Staline décide de donner priorité à la lutte contre la social-démocratie. Les communistes allemands doivent suivre. Ils « considèrent les sociaux-démocrates comme leur principal ennemi, et vont même jusqu’à leur préférer les nazis, dont les excès pensent-ils, provoqueront la guerre civile puis la dictature du prolétariat.
Dans ces conditions, il est évident que la collaboration entre les deux partis de gauche, qui aurait été indispensable pour résister à la terreur nazie, ne peut s’organiser. En novembre 1931, la Rote Fahne, l’organe communiste, ose écrire : « le fascisme de Brüning n’est pas meilleur que celui de Hitler… C’est contre la social-démocratie que nous menons le combat principal. » 
 En décembre 1931, le KPD refuse de participer au Front de fer républicain contre le Front de Hazburg (nationaliste). 
En 1931-1932, le KPD et le parti nazi NSDAP mènent des actions parallèles et parfois concertées afin de renverser la République de Weimar : le référendum contre le gouvernement social-démocrate de Prusse en août 1931, la motion de censure contre le gouvernement social-démocrate de Prusse en mars 1932, la motion provoquant la dissolution du Parlement allemand de juillet 1932, la grève commune des transports de Berlin en novembre 1932. Une partie de la base prolétarienne oscille entre le parti communiste et le parti nazi. Ce non choix amènera les nazis au pouvoir.
En France dans les années 1960 et 1970, la division entre communistes et socialistes et le charisme du général de Gaulle empêchent la tendance socialiste d'accéder au pouvoir. Il faut attendre le départ de de Gaulle et l'accroissement des difficultés socio-économiques du fait de la récession pour que change la donne.
Aujourd’hui, , Jean Luc Mélanchon, dirigeant de la « France Insoumise » appelle à voter blanc, alors que ses alliés communistes, appelent a faire front contre le F. N. en votant pour Emmanuel Macron.  
Sommes nous prêt à être gouverné par un parti fasciste plutôt que voter pour un candidat social démocrate ?
Le plus souvent les fascistes accèdent au pouvoir par les urnes avec un faible score mais à la faveur d'une forte abstention et ne le rendent que dans le sang et les larmes.


Sylvain Courage