vendredi 22 juillet 2016

Attentat de Nice : l'indécence de la droite

Une organisation terroriste internationale a fait de la France sa cible prioritaire, et voilà que des politiciens choisissent de souffler sur les braises? Ceux qui reprochent aux autres d’avoir la main qui tremble ont hélas l’esprit qui s’égare.

Au fond de chaque homme civilisé se tapit un petit homme de l’âge de pierre, prêt au vol et au viol,
et qui réclame à grands cris un œil pour un œil.
Mais il vaudrait mieux que ce ne fût pas ce petit personnage habillé de peaux de bêtes qui inspirât la loi de notre pays.
Arthur Koestler et Albert Camus

Comme si cela ne suffisait pas… Il a donc fallu qu’à la tragédie et à l’effroi se mêlent la polémique et l’indécence. La cohésion nationale s’est effondrée cette fois-ci quelques heures à peine après le massacre deNice, sous les coups de boutoir d’une opposition sans vergogne et surchauffée, dans une surenchère qui en dit long sur la tonalité de la prochaine campagne présidentielle.
Où sont les hommes d’Etat à droite quand celui qui est censé être le premier d’entre eux déclare, au lendemain matin de l’attentat, que celui-ci aurait pu être évité?
Pourquoi Alain Juppé a dérapé… A la baisse dans les sondages, l’ex-Premier ministre a haussé le ton contre le gouvernement, de manière inhabituelle. Afin de ne pas laisser le champ libre à Sarkozy sur le terrain sécuritaire. Sur qu’elles bases, sur quels éléments a-t-il bien pu s’appuyer avant de prononcer une phrase aussi lourde de conséquences, alors même que l’enquête n’avait pas commencé?     Qui ose encore parler de responsabilité quand un ancien barde présidentiel, « Henri Guaino », visiblement plus familier des discours enfiévrés que du maniement du lance-roquettes, ose suggérer que l’armée recoure à des armes de guerre en pleine foule un soir de 14-Juillet? "On doit pouvoir stopper un camion qui ne répond pas aux sommations. (...) Il suffit de mettre à l'entrée de la promenade des Anglais un militaire avec un lance-roquettes et il arrêtera le camion"  Où sont la franchise et l’honnêteté quand un ancien président de la République refuse de reconnaître que la baisse des effectifs de police qu’il dénonce n’a jamais été aussi importante que lorsqu’il occupait l’Elysée? Et que les solutions qu’il préconise aujourd’hui sont pour certaines déjà mises en œuvre, pour les autres inapplicables ou carrément hors sujet? Où sont passées enfin l’éthique et la gravité, au sens latin du terme, quand un porte-parole du premier parti d’opposition ose s’exclamer que la France se divise désormais entre ceux qui sommeillent et ceux qui agissent?  Il faut avoir l’esprit sacrément tordu ou stupidement revanchard pour laisser croire que le gouvernement, paralysé par son prétendu angélisme ou je ne sais quelle sinistre impuissance, s’accommoderait de ces tragédies à répétition qui frappent depuis deux ans les Français.
Faut-il rappeler à tous ces matamores en costumes sombres et aux sourcils froncés le nombre de morts, le nombre de blessés, le nombre de traumatisés? Tous les coups ne sont pas permis en politique, pas même quand se joue une primaire avec une élection présidentielle à la clé. Et ceux qui reprochent aux autres d’avoir la main qui tremble ont hélas l’esprit qui s’égare.

  Alain Juppé estime que "si tous les moyens avaient été pris", l’attentat de Nice "n’aurait pas eu lieu", Nicolas Sarkozy que "tout ce qui aurait dû être fait depuis dix-huit mois ne l’a pas été", quand Marine Le Pen pointe des "carences gravissimes de l’Etat". Face au terrorisme, le maximum a-t-il selon vous été mis en œuvre ? Ces déclarations qui ont immédiatement suivi l'attentat sont nauséabondes et relèvent d'une attitude politicienne qui ne grandit pas la classe politique dans son ensemble. Des familles de victimes sont encore dans l'attente d'informations et les cadavres sont encore chauds.

Ce qui a été mis en place par le gouvernement pour faire face au terrorisme est sans précédent en termes de moyens humains et financiers. En tout, trois lois sur le terrorisme et une sur le renseignement. Alors oui, nous pouvons toujours faire mieux, et les moyens actuels doivent continuer à s'améliorer. C'est le sens des 40 propositions formulées par la commission d'enquête parlementaire sur les attentats. Nous sommes face à un terrorisme qui mute, les dispositifs ne doivent pas être figés dans le temps.

Une organisation terroriste internationale, sans doute la plus folle et la plus meurtrière qu’on ait jamais connue, a choisi de faire de la France sa cible prioritaire. Nos militaires l’affrontent chaque jour sur tous les terrains que ces fous de Dieu ont choisi d’opprimer. Nos policiers la combattent chaque jour sur notre sol, dans des conditions très souvent compliquées. Nos concitoyens font corps, comme ils le peuvent et malgré la peur, pour continuer à vivre ensemble et ne pas offrir aux terroristes de Daech le chaos qu’ils souhaitent précisément provoquer. Et voilà que des politiciens, avant tout préoccupés par leurs courbes sondagières, choisissent de souffler sur les braises? Les électeurs ont la mémoire courte, c’est vrai. Mais on espère qu’ils n’oublieront pas qu’en ces circonstances épouvantables certains en ont profité pour tenter de se refaire une santé en racontant n’importe quoi.

L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin revient sur l'escalade politique de ces derniers jours, et s'alarme des interpellations par médias interposés, face au monde entier. En appelant à la "responsabilité" de tous, hommes politiques inclus. Etait-ce le signe de votre réprobation alors que les ténors de la droite se lançaient dans une surenchère sécuritaire ? Ce nouveau drame impose un temps de recueillement, un temps de silence. Tous devraient l'observer pour que chacun puisse mesurer la profondeur de la tragédie… La colère des uns, l'indignation des autres et le jeu politique des troisièmes ont conduit à de nombreuses déclarations qui me paraissaient anticipées. Après ce temps "sacré", il est normal que, face à la répétition de ces drames, nous ayons un débat sur l'action publique. "Mais ce débat doit être à la hauteur de la situation. Sinon, l'exploitation partisane de tels événements ajoute le ridicule à la douleur."
Nous avons bien des préjugés à vaincre,
 Avant de concevoir seulement que la source de toutes les mauvaises lois, que l’écueil de l’ordre public,
C’est l’intérêt personnel, c’est l’ambition et
la cupidité de ceux qui gouvernent.”... 
Robespierre
 Prétendre qu’on pourrait surveiller, ficher, interner, expulser tout le monde ou presque, au mépris des principes qui fondent notre démocratie et des règles de droit qui régissent notre société, est à la fois une folie et un mensonge. La lutte contre la menace terroriste sera longue. Elle nécessite qu’on s’y adapte en permanence, qu’on y accorde encore davantage de moyens à l’évidence et même qu’on revoie une fois encore notre arsenal législatif, si besoin est.

Matthieu Croissandeau