Même si l’utilisation de ces techniques
extrêmement cruelles expose le régime syrien à la menace de frappes
occidentales, les armes chimiques sont un moyen terriblement efficace et peu
coûteux pour remporter la bataille sur le terrain, analyse le quotidien libanais.
Que gagnerait Bachar El-Assad à utiliser des armes chimiques ? À quelques heures, semble-t-il, d’une réaction
militaire internationale à l’attaque qu’aurait perpétrée Bachar El-Assad dans
la Ghouta samedi dernier, la question se pose plus que jamais. Le 7 avril,
une attaque chimique contre Douma, dernière poche rebelle de la Ghouta
orientale, a fait plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de
blessés. Les images ont fait le tour du monde. Celles d’enfants suffoquant sont
particulièrement pénibles.
Survenue un an exactement après l’envoi de 59 missiles
Tomahawk par Donald Trump pour punir Damas du massacre à l’arme chimique à Khan
Cheikhoun et qui a fait plusieurs dizaines de victimes le 4 avril 2017,
l’attaque imputée à Damas semble faire effet. En quelques heures, un accord est
conclu avec les combattants de Jaïch Al-islam, groupe islamiste majoritaire
dans la Ghouta mais qui se refusait à quitter Douma. Plusieurs milliers de
civils et de combattants avaient entre-temps déjà quitté la zone pour être
redirigés vers Jarablos, dans le Nord. Le départ des derniers combattants
n’était plus qu’une question de temps, selon certains observateurs. Quel
intérêt, dans ce cas, pour le gouvernement syrien, d’attirer davantage
l’attention de la communauté internationale sur le conflit qui fait rage en
Syrie ? Justement, répondraient les soutiens du régime
syrien, Assad a déjà gagné.
Moyen de persuasion
Sauf que les négociations auraient capoté entre Moscou et les groupes
armés de la Ghouta quelques jours auparavant. Alors que Damas exigeait de Jaïch
Al-islam qu’il rende les armes ou quitte la ville, le groupe aurait à son tour
affirmé vouloir y rester en tant que “force de police locale”, à la fureur du
gouvernement syrien. L’attaque du 7 avril aurait alors servi de moyen de
persuasion particulièrement convaincant. C’est là toute l’horreur des armes
chimiques. Invisibles, quelques fois inodores, elles sont bien plus redoutables
que les bombes et les armes traditionnelles. Elles font partie d’une guerre
psychologique souvent plus destructrice que des frappes aériennes. Elles ont
également une connotation bien plus cruelle : elles génèrent des souffrances
longues, et une mort assez lente, par asphyxie.
Dotées d’un pouvoir de dissuasion particulièrement puissant, les armes
chimiques ont aussi l’“avantage” de causer moins de destructions matérielles
que des missiles ou autres barils explosifs, armes quotidiennes de Damas et de
ses alliés russes. Elles sont, dans ce même registre, moins chères à produire.
Le chlore, par exemple, est couramment utilisé au civil, comme dans le
traitement de l’eau. Mais il est également moins foudroyant que le gaz sarin,
cent fois plus puissant que le cyanure.
Narguer la communauté internationale
Sur le plan politique également, l’utilisation d’armes chimiques peut se
révéler utile. D’après un communiqué publié par l’agence syrienne officielle SANA au
lendemain de l’attaque de Douma, soit le dimanche 8 avril, Jaïch Al-islam
aurait demandé à négocier avec Damas, et non plus avec Moscou comme ce fut le
cas jusque-là. “Toutes les négociations qui ont
eu lieu actuellement sont avec l’État syrien exclusivement après que les
terroristes de Jaïch Al-islam ont plaidé pour la cessation des opérations
militaires lancées contre eux tout au long de la nuit dernière”, d’après
l’agence. Selon certaines sources, Bachar El-Assad aurait décidé de s’imposer
face à la position russe, laquelle aurait permis une présence islamiste à sa
porte. Le président syrien fait, ainsi, acte de présence à sa manière, sur un
terrain dominé par ses alliés russes, iraniens et autres, et qui ont permis un
tournant dans le conflit, notamment depuis le début de l’intervention russe en
Syrie en septembre 2015.
Quant à la communauté internationale, il n’en a que faire. Comme pour
narguer ces mêmes pays qui le critiquent avec virulence depuis maintenant sept
ans, et dont les “lignes rouges” ne semblent plus représenter grand-chose.
Malgré les menaces, le gouvernement syrien s’attend à des frappes – si elles
ont lieu – limitées, similaires à celles qui ont visé la base de Chaayrat
l’année dernière, en représailles à l’attaque de Khan Cheikhoun. Bachar
El-Assad sait pertinemment que le contexte actuel ne permet pas aux Occidentaux
d’en faire plus, par peur d’un embrasement généralisé dont personne
ne veut.
Après l’attaque chimique de Douma, Washington et Paris
estiment nécessaire une « réaction ferme de la communauté
internationale » contre les auteurs de ce crime de guerre. Ni Washington ni Paris ne contestent que la fameuse « ligne rouge »,
celle du recours mortel aux armes chimiques contre des civils, a ainsi été
franchie. Les présidents Donald Trump et Emmanuel Macron se sont entretenus deux fois au
téléphone en deux jours après l’attaque de Douma et sont convenus de la
nécessité d’une« réaction
ferme de la communauté internationale ». Devant la presse à Washington, le président américain a
assuré que ce nouveau défi du régime syrien serait relevé « avec
force » et qu’« il serait établi » si cet acte
avait été commis par la Syrie, la Russie, l’Iran, « ou
tous ceux-là ensemble ».
Une riposte est donc inéluctable. Les responsables français, américains et britanniques ne sont que trop conscients des conséquences désastreuses de la volte-face de l’administration Obama qui, le 31 août 2013, alors que les avions français étaient prêts à décoller, renonça à mener des frappes militaires conjointes contre le régime du président Assad, après une attaque au gaz sarin contre la population de la Ghouta, près de Damas.
Depuis, selon l’ONG Human Rights Watch, le régime a fait usage d’armes chimiques contre les civils 85 fois. Le successeur de Barack Obama puis celui de François Hollande ont à leur tour défini l’utilisation d’armes chimiques comme une « ligne rouge » : ne pas respecter cet engagement reviendrait à enterrer définitivement la crédibilité, déjà sérieusement mise à mal dans le drame syrien, des puissances respectueuses du droit international, et à consacrer l’impunité des auteurs de crimes de guerre. Il y a un an exactement, les Etats-Unis avaient répondu par un tir de missiles sur une base aérienne syrienne à une attaque à l’arme chimique qui avait fait plus de 80 morts. Il leur faut maintenant penser plus loin, sans précipitation, avec le plus grand nombre d’alliés possible, sans négliger les effets d’opérations menées dans un environnement aussi explosif en présence d’acteurs comme la Russie et l’Iran, mais aussi Israël et la Turquie.
Une riposte est donc inéluctable. Les responsables français, américains et britanniques ne sont que trop conscients des conséquences désastreuses de la volte-face de l’administration Obama qui, le 31 août 2013, alors que les avions français étaient prêts à décoller, renonça à mener des frappes militaires conjointes contre le régime du président Assad, après une attaque au gaz sarin contre la population de la Ghouta, près de Damas.
On ne doit jamais laisser se produire un désordre pour éviter une guerre ;
car on ne l'évite jamais, on la retarde à son désavantage.
Depuis, selon l’ONG Human Rights Watch, le régime a fait usage d’armes chimiques contre les civils 85 fois. Le successeur de Barack Obama puis celui de François Hollande ont à leur tour défini l’utilisation d’armes chimiques comme une « ligne rouge » : ne pas respecter cet engagement reviendrait à enterrer définitivement la crédibilité, déjà sérieusement mise à mal dans le drame syrien, des puissances respectueuses du droit international, et à consacrer l’impunité des auteurs de crimes de guerre. Il y a un an exactement, les Etats-Unis avaient répondu par un tir de missiles sur une base aérienne syrienne à une attaque à l’arme chimique qui avait fait plus de 80 morts. Il leur faut maintenant penser plus loin, sans précipitation, avec le plus grand nombre d’alliés possible, sans négliger les effets d’opérations menées dans un environnement aussi explosif en présence d’acteurs comme la Russie et l’Iran, mais aussi Israël et la Turquie.
Rarement le Moyen-Orient aura été aussi dangereux.