jeudi 2 juillet 2015

Nicolas Sarkozy, Uchrologue en chef des "Rep" ...



L’uchronie géopolitique de Nicolas Sarkozy

« A quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur ;


l’inhumanité de fermeté ;


et la fourberie, d’esprit. »


 Jean de La Bruyère



Nicolas Sarkozy n’aime pas assumer son bilan. Quel que soit le sujet, admettre ses erreurs pour mieux en tirer les leçons est pour lui inconcevable, comme s’il s’agissait d’un aveu de faiblesse attentatoire à sa virilité plutôt que d’une preuve de la capacité d’un homme d’Etat à dépasser sa personne dans l’intérêt général.
Hier dans Le Monde, il est allé encore plus loin. Sur les dossiers géopolitiques brûlants, de la Lybie à la Russie en passant par la Syrie, il se livre à un exercice systématique de réécriture de l’Histoire, pour se déresponsabiliser de ses décisions passées lorsqu’il était Président de la République et partir à la charge contre François Hollande sur des hypothèses historiques fictives.

Rétablissons donc les faits, pour aider le président du parti « Les Républicains » à mettre fin à son amnésie politique sans limites ni frontières, comme l’a si bien dit le Premier Secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis.

Si Nicolas Sarkozy n’a pas tort quand il affirme que l’immigration n’a pas commencé avec la chute de Mouammar Kadhafi, il est étrange qu’il oublie de préciser que l’afflux actuel de migrants du sud vers le nord résulte directement de la fragmentation de la Libye. Selon le HCR, 110.000 personnes sont parties de Libye vers l’Italie en 2014.
Loin de reconnaître sa responsabilité dans le désastre Libyen, il préfère s’auto-congratuler et blâmer l’actuel Président. Pourtant, il est clair que c’est bien l’incapacité de Nicolas Sarkozy et des gouvernants de l’époque à préparer la suite de l’intervention militaire en Libye en 2011 qui est la cause du chaos que François Hollande s’attache depuis 2012 à résorber.
L’intervention militaire de l’OTAN n’a pas été suivie d’une présence internationale en Libye pour assurer la sécurité et soutenir la transition démocratique dans un pays sortant de la guerre. Il était pourtant prévisible que la Libye – après 40 ans de dictature et compte tenu de l’absence d’institutions solides – se déchire. Si les Libyens ne voulaient pas de cette présence, il fallait la négocier avec eux ou l’imposer car il en allait de la sécurité du Maghreb, de la région méditerranéenne et de l’Europe.
Cette imprévoyance a permis que les factions radicales prennent le dessus et que le pays se déchire sans que la communauté internationale puisse réagir efficacement. On en voit aujourd’hui le résultat : montée en puissance des groupes terroristes, expansion des flux migratoires, division de la Libye, risque régional.
S’agissait-il d’une grande naïveté de la part de Nicolas Sarkozy, d’une ignorance coupable des réalités du pays avec ses spécificités claniques et tribales, ou la conséquence d’une précipitation à en finir avec un régime qui avait peut-être trop à dire sur les financements de sa campagne de 2007 ? L’information judiciaire en cours nous éclairera sur ce point lorsqu’elle arrivera à son terme.
N’en déplaise à l’ancien Président de la République, ses liens avec le dictateur libyen et son régime sont indéniables, et les semblants d’explications donnés dans son entretien au Monde irrecevables. Kadhafi est venu à Paris en décembre 2007 alors que les infirmières bulgares ont été libérées en juillet 2007. Il est donc faux que cette visite ait servi à leur libération. Il est nécessaire de rappeler que Nicolas Sarkozy avait déjà rendu visite à Kadhafi en 2005 (comme ministre de l’intérieur) puis en juillet 2007 (comme Président de la République), et que Claude Guéant le voyait régulièrement. Il serait d’ailleurs utile d’en savoir plus sur les conditions de la libération des infirmières bulgares (Y’a-t-il eu un financement du Qatar ? des contreparties ?). Il serait enfin intéressant que Nicolas Sarkozy explique pourquoi des personnalités proches de Kadhafi – notamment Bachir Saleh, ancien président de la Libyan Investment Authority – ont été accueillies en France après la chute du régime en 2011.
Lorsque Nicolas Sarkozy a quitté le pouvoir (en mai 2012 et non comme il l’affirme – fabuleusement ! – en juillet 2012), la transition politique en Libye se poursuivait dans des conditions difficiles, les modérés n’étaient pas au pouvoir, un gouvernement d’union nationale était en place mais ne fonctionnait pas et les milices islamistes avaient le contrôle du terrain, notamment à Tripoli.
François Hollande a pris la mesure du problème dès son élection. Il a lancé l’initiative française de soutien aux forces de sécurité libyennes (formation et équipement), organisé la conférence de Paris sur l’Etat de droit, la sécurité et la justice en Libye (décembre 2013), décidé le déploiement du dispositif Barkhane au sud de la Libye, orchestré la coopération renforcée avec les pays voisins – notamment l’Algérie – et le soutien aux forces de sécurité tunisiennes dans les zones frontalières de la Libye.
Aujourd’hui, nous travaillons avec nos partenaires les plus proches à obtenir un accord de réconciliation inter-libyen pour rétablir un gouvernement unique en Libye et lui apporter les moyens nécessaires pour lutter contre le terrorisme, rétablir la sécurité et empêcher le départ des migrants illégaux depuis les côtes libyennes. Nous poursuivrons nos efforts dans des conditions difficiles dont nous avons hérité en 2012, car ils sont la seule façon de corriger les erreurs déjà commises par la communauté internationale et d’aider les Libyens à reconstruire leur pays.
Des négociations sont en cours dans le cadre de l’ONU. Nous verrons dans les prochaines semaines si elles peuvent aboutir. Si aucun résultat n’est obtenu, nous pourrons envisager d’autres initiatives pour traiter nos priorités : lutter contre le terrorisme, empêcher l’immigration illégale, assurer la sécurité régionale. 

Nicolas Sarkozy réécrit aussi l’Histoire de ses relations avec le régime Syrien. Comme pour la Libye, ses positions velléitaires s’expliquent par sa situation paradoxale : ami puis ennemi, de Bachar al-Assad comme de Mouammar Kadhafi. Faut-il rappeler que le dictateur Syrien était l’invité d’honneur au défilé du 14 juillet 2008 ?
A l’inverse Hollande n’a jamais eu aucune faiblesse pour lui, François et a toujours été clair : Bachar al-Assad est le principal responsable de la guerre dans son pays, il fait objectivement le jeu des jihadistes, il doit partir pour qu’une solution durable soit trouvée à la crise. Le Président a pris des décisions courageuses en ce sens (décision de frapper la Syrie en septembre 2013, soutien militaire à l’opposition).
François Hollande prend toutes les initiatives pour qu’une transition politique soit enfin engagée en Syrie. Il y travaille avec tous nos partenaires dans la région. Il s’en entretient aussi régulièrement avec le président Poutine et a rencontré deux fois le président iranien auquel il en a parlé.
Il ne faut pas se faire d’illusion : la crise syrienne peut encore durer longtemps et il faudra rester mobilisé après la chute de Bachar al-Assad afin d’éviter que le pays ne soit livré aux extrémistes et devienne un nouveau sanctuaire terroriste.
Nous sommes conscients de la nécessité d’inclure la Russie dans les discussions pour trouver une solution politique durable en Syrie sur la base de la chute du régime de Bachar al-Assad. Nicolas Sarkozy attise les tensions à tort et avec inconséquence en parlant de guerre froide entre l’Europe et la Russie, alors que François Hollande n’a cessé de maintenir le dialogue dans la fermeté avec Vladimir Poutine.
Là encore il se jette des fleurs en prenant des libertés avec l’Histoire. En 2008 en Géorgie, Nicolas Sarkozy n’a rien réglé mais au mieux réalisé le but de Poutine, celui de geler le conflit avec la Russie présente sur le territoire souverain géorgien. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il ne semble pas savoir quelle attitude adopter face à la Russie : il passe l’annexion de la Crimée par pertes et profits, se contentant  d’ « affirmer un désaccord » au sujet du comportement de Vladimir Poutine en Ukraine tout en arguant qu’il aurait fallu « arrêter M. Poutine dès le départ pour éviter la crise de Donetsk ». On peut donc se demander ce que Nicolas Sarkozy aurait vraiment négocié avec Vladimir Poutine pour traiter et la crise ukrainienne, et la crise syrienne.

Cette crise syrienne doit impérativement être résolue dans le cadre de la lutte contre Daech. Le leadership de François Hollande, quoiqu’en dise son prédécesseur, est apprécié de tous nos partenaires au Moyen-Orient. C’est notamment ce qui lui a valu d’être l’invité d’honneur du sommet exceptionnel des pays arabes du Golfe à Riyad en mai 2015.
La coalition contre Daech a un objectif clair : détruire cette organisation terroriste. La France a été parmi les premiers pays à réagir l’été dernier en Irak : aide militaire aux Kurdes en août, engagement de nos forces le 4 septembre, conférence internationale sur l’Irak à Paris le 15 septembre. Nous poursuivons notre action mais chacun comprend que l’usage de la force n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous encourageons les autorités de Bagdad à rassembler leur peuple et à donner à toutes les communautés irakiennes la sécurité et la représentation qu’elles méritent : Kurdes, sunnites, chiites et minorités vulnérables – notamment les chrétiens et les Yezidis. Nous ne vaincrons durablement Daech, en Irak comme en Syrie, qu’avec le soutien des populations locales. Nos soldats ne peuvent pas le faire à leur place.
Encore une fois, les leçons que Nicolas Sarkozy prétend donner à François Hollande sont à côté de la plaque.

Quand il s’agit de faire le bilan de sa Présidence, Nicolas Sarkozy a un credo : On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, et une méthode : "fictionnaliser" l’Histoire. Mais les faits sont têtus, la réalité le rattrapera ...

mercredi 1 juillet 2015

Grèce



Grèce : la presse française a
Des trous de mémoire
30 JUIN 2015 |  PAR HUBERT HUERTAS


On retrouve en 2015 le clivage passionnel engendré par le référendum de 2005 sur le traité européen. D’un côté les experts, ceux qui sont sûrs de leur savoir, et de l’autre les « menteurs », les « imbéciles », ou les « irresponsables », qui soutiennent Alexis Tsipras et son appel au peuple. Pourtant, à lire la presse de cette semaine particulière, les procureurs ont des problèmes de mémoire.

Sur France Inter, ce mardi matin, Bruno Le Maire était catégorique : « Alexis Tsipras a menti au peuple grec. » Il faut dire que la tonalité de la presse pouvait lui donner des ailes.
Dans Le Monde, le référendum était qualifié de « défausse », de « faiblesse » et de« chantage » : « La seule voie est que M. Tsipras donne enfin aux créanciers européens les gages d’une volonté réelle d’engager la modernisation de l’État. » Dans Les Échos, on pouvait lire que « si les Grecs répondent non, ce sera comme un refus à l’offre de la zone euro ». Dans L’Opinion, Nicolas Beytout, ulcéré, souhaite que « les Grecs votent "non" et qu’ils donnent le moyen aux Européens de se débarrasser de ce fardeau impossible ». Pour L’Alsace, le premier ministre grec « a confondu une demande d’aide avec une extorsion de fonds ». Dans Le Figaro, « l’appel au peuple » est analysé comme« un leurre, un mouvement d’esquive qui cache le vide sidéral de son projet politique ».
Bigre ! Diantre ! Fichtre ! Tous les jurons chantés par Brassens pourraient y passer. Alexis Tsipras serait un menteur, un crétin, un lâche, un voleur…
La menace ou l’insulte sont mobilisées. Qui perd en position de négociation peut gagner en crédit de courage. Et vice versa. « Tsipras le tricheur », affirmait Der Spiegel après l’annonce du référendum grec. « La Grèce rackette l'Europe », tonnait Bild. Le correspondant de Libération à Bruxelles annonçait « la démission du président grec et l’annulation du référendum » ! Le Monde légitimait à l’avance un coup d’État contre le gouvernement Syriza. « Lui ou un autre », peu importe ! « Si Tsipras veut jouer au poker. Pourquoi pas nous ? » Mais qui « nous » ? Nous, les patriotes de la finance ? Nous, les légionnaires de l’ordolibéralisme ? Nous, les héritiers de l’oligarchie européenne ? La vérité sort de la bouche des enfants !                                                                                                                                           En annonçant dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 juin la tenue d’un référendum, Tsipras a fait voler en éclats le cadre juridique et comptable dans lequel voulaient l’enfermer les dirigeants de la zone euro. En soumettant aux citoyens grecs les mesures souhaitées par ses créanciers (Commission européenne, BCE, FMI), il a réintroduit le peuple souverain dans la négociation. Et mis au jour la guerre qui jusque-là se déroulait derrière le paravent des négociations.  
                                                  
Avant, quand l'oligarchie européenne n'aimait pas le résultat d'une consultation électorale, elle faisait revoter le peuple. Ou bien, pour le contourner, se tourner vers les élus plus dociles et conciliants ( en France en 2008, on convoqua en congrès le Parlement français pour que les représentants du peuple approuvent (traité de Lisbonne) ce que le même peuple avait nettement refusé en 2005, lors du vote sur le traité constitutionnel européen….) Désormais, quand est prononcé le mot "référendum", c'est tout un pays qui est exclu ...!                                                                                                                                                                         On a assez répété après Rudyard Kipling que « la première victime d’une guerre, c’est la vérité », et la guerre financière ne fait pas exception. Mais la vérité n’est pas seulement une victime collatérale, elle est aussi l’ennemi déclaré. Le monde virtuel de la finance a besoin de créer sa propre réalité. Comment spéculer sans les médias, sans la caisse de résonance des réseaux sociaux, sans le concours des petites mains qui rédigent les éditoriaux ?                                                                                                                                              C’est la première guerre spéculative, financière et numérique qui utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour discréditer, intoxiquer, créer des épidémies de panique, déstabiliser un pouvoir souverain. Il ne s’agit pas de négocier comme dans la diplomatie traditionnelle mais de spéculer sur la chute d’un gouvernement.          CHRISTIAN SALMON
Aux totalitarismes de XXe siècle ont succédé
la tyrannie d'un capitalisme financier
qui ne connait plus de bornes, soumet États
 et peuples à ses spéculations,
et le retour de phénomènes de fermeture xénophobe,
raciale, ethnique et territoriale.
Le chemin de l'espérance
Edgar Morin

Ce qui frappe, si l’on s’en tient à cette rafale d’après l’annonce du référendum, c’est sa vigueur définitive. La certitude absolue dans la distribution des rôles. D’un côté les instances européennes, jointes aux fameux « créanciers », qui laisseraient la porte ouverte et seraient chagrins que leurs offres généreuses soient méprisées, et de l’autre un aventurier, quasiment un braqueur, qui claque la porte au nez de ses interlocuteurs.
Et ce qui frappe encore plus, c’est de consulter la presse de la semaine dernière. Sept jours ce n’est pas long, mais c’est assez pour changer du tout au tout.
Ainsi, lundi 23 juin, sous la plume de Jean Quatremer, Tsipras était un homme sérieux. Humilié, politiquement ridicule sur les bords, mais finalement raisonnable : « Athènes a rempli 90 % des demandes », titrait Libération, en notant que la Grèce « a dû se résoudre à proposer de tailler dans ses dépenses et d’augmenter ses impôts ». « L’accord devrait être conclu », annonçait le journal, en soulignant que les dix-neuf chefs d’État parlaient de « bonne base ». Les Échos confirmaient l’analyse : « Tsipras s’est résigné à faire des propositions plus réalistes portant sur huit milliards d’économie en deux ans. »
Donc Athènes n’était pas dans la surenchère...
Le jeudi 26, changement de ton. Soudain, le ministre finlandais Alexander Stubb ne voyait plus rien à l’horizon : « Nous n’avons pas vu de propositions concrètes. » Bigre… En trois jours Tsipras venait de passer de 90 % de chemin accompli à 0 % d’effort. Que s’était-il passé ? On achoppait d’une part sur la question de la dette, mais, comme le pointaient Les Échos en sous-titre et en gros caractère, dans un article du jeudi 25 juin intitulé « La tension jusqu’au bout » : « Les nouvelles demandes du FMI ont compliqué l’obtention d’un accord. »
Il s’avérait le vendredi qu’en dépit de cinq mois de négociations et de multiples concessions de la part de la Grèce de Syriza, concessions enregistrées et reconnues par les instances européennes, le débat n’avançait pas et s’enferrait dans une dimension non plus économique mais purement politique. Il s’agissait de « corneriser » le mauvais exemple grec, en faisant manger son chapeau au premier ministre élu en janvier.
La réponse de Tsipras, plus habile que ne l’imaginaient sans doute ses « partenaires » européens, a été encore plus politique. Son référendum a rebattu les cartes. Il était assiégé, c’était à prendre ou à laisser, il devait rendre les armes et signer un accord comme un bourgeois de Calais, la corde au cou, et voilà qu’il a demandé à son peuple s’il voulait avaler la couleuvre.
Sur quoi sa relance débouchera-t-elle ? Nul ne le sait, mais cette manière de renverser la table pour tenter d’y siéger à nouveau ramène la politique au cœur d’une Europe qui se prétendait technique. Il y a du Jules César dans cette façon de franchir le Rubicon (Alea jacta est) ou du De Gaulle, si minuscule face aux puissances en 1940.



Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront
 une révolution violente inévitable.

John Fitzgerald Kennedy




Le recours au référendum voulu par Alexis Tsipras (et approuvé par le
Parlement grec) est une grande leçon de démocratie, dont l'essence même est le respect de la souveraineté du Peuple et des engagements pris auprès des citoyens qui ont choisi librement leur gouvernement.
Cette leçon de la part du pays qui a inventé la démocratie met du baume au cœur de tous les démocrates sincères, mais elle est insupportable pour la plupart des dirigeants de l'Union Européenne, adeptes de l'idéologie libérale, auxquels le seul mot de référendum fait horreur.
Rappelez- vous le non au référendum français de 2005 sur le traité constitutionnel européen enterré par Sarkozy.                                
Rappelez-vous aussi la promesse non tenue de notre actuel président Hollande de renégocier le Traité budgétaire européen (avec sa fumeuse règle des 3% maximum de déficit).
Mais souvenez-vous aussi du premier référendum voulu déjà par le Premier ministre grec Papandréou en 2011 et annulé sous la pression bruxelloise.
Souvenez-vous du mépris infligé au peuple irlandais, contraint de revoter après le non au référendum de 2008; et aussi des pressions de l'Europe sur l'Italie ou le Portugal pour imposer un gouvernement qui leur convienne.
Cette méfiance vis à vis de la démocratie des dirigeants de l'Union Européenne est bien-sûr relayée par les pseudos experts en économie, ressassant toujours les mêmes arguments sur les radios, les chaînes de télévision et les journaux, Les chantres de la mondialisation néolibérale sont invités à tous les débats, alors qu'on n'y entend que très rarement les antilibéraux ou simplement des journalistes et intellectuels de bon sens, pensant que l'organisation de l'Union Européenne est à revoir complètement et particulièrement es question de la dette publique, du fonctionnement de l'euro et de la BCE.
Car si le référendum grec est une leçon de démocratie, il est aussi l'occasion d'un bénéfique coup de pied dans la
Fourmilière et le guêpier européen ou, pour reprendre le mythe grec d'Héraclès, un grand nettoyage des écuries
D’Augias.
C'est encore aujourd'hui de Grèce que nous vient la lumière, comme ce fut déjà le cas il y a 2500 ans.

La Grèce, berceau de la démocratie

C'est en Grèce, entre le septième et le cinquième siècle avant J-C, que se sont mises en place les bases du régime politique qui reste encore de nos jours un modèle de référence : la démocratie. Étrange destin que celui de ce petit pays montagneux, aride et morcelé en multiple cités (polis), mais ouvert sur la mer et dans une position géographique idéale sur les voies maritimes menant au Moyen-Orient dont il subit les influences (alphabet phénicien, pièces de monnaie lydiennes, etc.) L'expansion commerciale du huitième siècle avant J-C va bouleverser profondément la société rurale traditionnelle des cités, en favorisant la création d'une classe urbaine d'artisans et de commerçants, désireuse de participer aux décisions entièrement aux mains des grandes familles, les Eupatrides. A ces revendications de la classe urbaine, vont bientôt se joindre celles des petits fermiers travaillant pour les riches propriétaires, appauvris et endettés, voire réduits en esclavage, du fait de leur incapacité à payer leur fermage. La révolte du peuple (démos) contre l'aristocratie gronde un peu partout dans les cités grecques, mais sans aboutir à des guerres civiles, car l'esprit de solidarité des Grecs contre leurs ennemis communs (les "barbares", les Perses) est plus fort que tout. Et c'est toujours pacifiquement et progressivement que les différentes cités vont régler leurs problèmes sociaux et politiques. Certaines, comme Corinthe, (et Athènes de 561 à 510) donnèrent le pouvoir à un chef populaire (tyran) mais gouvernant pour maintenir un ordre juste (eunomia), d'autres, telle la cité de Sparte, optèrent pour un régime militaire, mais fondée sur l'égalité des citoyens garantie par une constitution, mais la plupart suivirent l'exemple d'Athènes qui opta pour la souveraineté du peuple tout entier (mais excluant les femmes, les étrangers non-citoyens et les esclaves) aboutissant à
Solon, protecteur des pauvres, élu archonte en 594 avant J.C, en pleine crise sociale causée par l'endettement croissant des paysans menacés d'être mis en esclavage, Solon, bien qu'aristocrate lui-même, proposa l' abolition des dettes des petits paysans et l' interdiction de la contrainte par corps. Il leur facilita également l'accès à la propriété. Il mit également en œuvre des réformes politiques et juridiques qui donnaient au peuple une plus grande participation au pouvoir.
la démocratie directe et totale qui contribua au rayonnement et à la puissance athénienne au cinquième siècle ou "siècle de Périclès".




La campagne houleuse contre le référendum en Grèce dans laquelle se sont engouffrés les dirigeants européens (autant que les éditorialistes) n’est pas complètement stérile. Derrière les postures, l’acharnement et la mauvaise foi publique, on aura au moins appris que nos chères élites sont capables d’émotions. Si, si. On raconte par exemple qu’Angela Merkel serait furieuse. « Je me sens trahi », a même déclaré ce lundi Jean-Claude Juncker dans un long plaidoyer à Bruxelles, « affligé » par le retrait de Tsipras des négociations. Aussi inspiré qu'un bénévole répondant au standard de SOS Amitié, voilà qu'il ajoute à l'attention du peuple grec : « Il ne faut pas se suicider parce qu'on a peur de la mort. »
Ils sont touchants, nos dirigeants. Ils ont un cœur qui bat derrière leur cravate. Mais surtout, eux, ils sont « res-pon-sa-bles ». Comprendre : comparés aux gouvernants grecs. Ils nous le répètent en boucle, en mode « bourrage de crâne », depuis ce week-end. Et ils attendent des citoyens hellènes qu'ils le soient (responsables) à leur tour. Même au-delà de l'entendement. Juncker les appelle ainsi à... « Voter oui, quelle que soit la question posée » lors du futur référendum !
Nicolas Sarkozy, lors d’un voyage à Madrid, ce lundi, a entonné le même refrain : « Quel cynisme, quelle démagogie, quelle irresponsabilité. » Et au cas où l'on n'aurait pas saisi le message, l’ancien président a renchéri : « Par l'irresponsabilité de son Premier ministre, la Grèce s'est suspendue elle-même de la zone euro. » On pensait pourtant que cela avait été formalisé, du moins symboliquement, quand l'Eurogroupe s'est réuni en l'absence de Varoufakis, le ministre grec des Finances...
Dans la même lignée, Bruno Le Maire, qui se verrait bien en « troisième homme » de la primaire de l’ex-UMP,  a tenu à montrer qu’il ne fait pas que jouer au rebelle en venant aux congrès de l’ex-UMP sans veste. C’est aussi un homme remonté. Le voilà mardi derrière les micros de France Inter : « Quand je vois augmenter les taux d’intérêt des Espagnols et des Italiens à cause de M. Tsipras, ça me révolte. » « Alexis Tsipras a menti de bout en bout au peuple grec », a même pesté l'énarque. Et mentir — ce qui reste largement à prouver —, ça ne viendrait sûrement pas à l'idée de nos « res-pon-sables » politiques...






Le Parlement grec, malgré la défection d'une trentaine de députés de Syriza, a validé l'accord conclu avec les pays de l'Eurogroupe. "Pourquoi les Grecs peuvent accepter un tel plan, humiliant, inhumain ?", s'interroge Laurent Herblay sur le blog "Gaulliste libre". Bien sûr, explique-t-il, en ne mettant pas la sortie de l'euro sur la table, "le nouveau gouvernement jouait forcément perdant dans cette négociation". Mais Herblay avance une autre explication, plus psychologisante, qui ne manquera pas de faire réagir : "Quitte à être un peu caricatural, la Grèce est aujourd’hui un peu comme un enfant qui a été chéri et bien élevé par ses parents pendant une trentaine d’années et qui ne parvient pas à voir et à se rebeller contre ces parents devenus, depuis cinq ans, des tortionnaires autocratiques."   
 Après tout, le plan auquel sont arrivés les dirigeants de la zone euro semble totalement aberrant. Il reprend très largement la logique des plans honnis, destructeurs et inefficaces du passé. Et outre le FMI, bien des économistes en dénoncent la logique. La raison pour laquelle Alexis Tsipras l’a accepté est simple : le refus de sortir de l’euro, alors que cela ne semblait pas poser de problème au camp adverse. Dès lors, le nouveau gouvernement jouait forcément perdant dans cette négociation. D’où l’aberration d’accepter un plan dont il sait pertinemment qu’il n’est pas tenable, tout cela parce qu’il craignait plus encore de sortir de l’euro, ce qui semble effarant tellement le pays a souffert depuis cinq ans et alors que tous les économistes qui ont étudié les fins d’union monétaire montrent que cela n’est pas compliqué.
Laurent Herblay "Gaulliste libre"

Deux choses. Sur la méthode d’abord, qui a été utilisée lors de ces négociations. Elle a été scandaleuse. Alexis Tsipras a dû discuter, pour reprendre les paroles du poète Yanis Ritsos : « Le couteau contre l’os et la corde au cou ». Il a été obligé d’accepter avec l’impossibilité pour lui de pouvoir résister face à un tel rouleau compresseur. Soit il signait l’accord, soit la Grèce était littéralement asphyxiée. Sur le fond maintenant, j’ai été horrifié en découvrant la nature de cet accord, d’une violence inimaginable : mettre la Grèce sous tutelle, exiger de son gouvernement élu démocratiquement de revenir sur des décisions déjà engagées, imposer que 30 % de son PIB soit soumis à des directives extérieures et contraindre à des privatisations massives. Je note que les vautours sont déjà ravis, comme Vinci qui s’est déclaré prêt à acquérir des aéroports grecs. C’est une situation inacceptable pour la Grèce. J’ai l’impression que l’Eurogroupe a voulu faire payer à Alexis Tsipras d’avoir organisé un référendum. En clair, d’oser s’adonner à un exercice démocratique dans son pays.
André Chassaigne, chef de fil des députés communistes



SAUVER LA GRÈCE, C'EST SAUVER L'EUROPE
Qu’on y prenne garde : au-delà du cas grec, de la responsabilité des dirigeants de ce pays et de la nécessité d’y mettre en place des solutions structurelles, c’est l’idéal européen même qui est aujourd’hui en question.
Si les opinions retiennent de cette crise que l’expression démocratique d’un peuple ne compte pour rien et que des institutions aveugles sont seules habilitées à imposer, par-dessus la tête du citoyen, des solutions quasiment non négociables même si elles ont échoué dans le passé, l’image de l’Europe n’y survivra pas. Et il faudra ramasser deux cadavres : celui de la Grèce et celui de l’idée européenne…