mardi 24 novembre 2015

La démocratie n’est pas la guerre

La démocratie n’est pas la guerre
20 NOVEMBRE 2015 | PAR EDWY PLENEL
Le débat sur l’état d’urgence est une question d’efficacité :
quelle est la bonne riposte au défi totalitaire 
de l’État islamique ?
La surenchère sécuritaire est une réponse de court terme,
inspirée par l’immédiateté politicienne plutôt que par le souci de solutions durables.
 Concédant à l’adversaire une victoire symbolique,
elle désarme notre société autant qu’elle la protège,
mettant en péril nos libertés individuelles 
et nos droits collectifs.

Celui qui fait la loi sait mieux que personne comment elle doit être
Exécutée & interprétée.
Il semble donc qu’on ne saurait avoir une meilleure constitution que celle où le pouvoir exécutif est joint au législatif :
Mais c’est cela même qui rend ce Gouvernement insuffisant
À certains égards,
Parce que les choses qui doivent être distinguées ne le sont pas,
& que le Prince & le Souverain n’étant que la même personne,
Ne forment, pour ainsi dire, qu’un Gouvernement sans Gouvernement.
IL N’EST pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales, pour les donner
Aux objets particuliers.
Rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés
Dans les affaires publiques,
& l’abus des lois par le Gouvernement est un mal moindre
Que la corruption du Législateur,
Suite infaillible des vues particulières.
Alors l’Etat étant altéré dans sa substance, toute réforme devient impossible.
Un peuple qui n’abuserait jamais du Gouvernement
N’abuserait pas non plus de l’indépendance ;
Un peuple qui gouvernerait toujours bien
N’aurait pas besoin d’être gouverné.
Qu’il n’y a pas de Gouvernement si sujet aux guerres civiles
& aux agitations intestines que le Démocratique ou populaire,
Parce qu’il n’y en a aucun qui tende si fortement
& si continuellement à changer de forme, ni qui demande
Plus de vigilance & de courage pour être maintenu dans la sienne.
Jean-Jacques Rousseau

Il n’y a pas, d’un côté, des gouvernants responsables et, de l’autre, des commentateurs irresponsables, des hommes d’État versus des enfants de chœur, des impliqués face à des indifférents. Les six députés – trois socialistes, trois écologistes – qui, jeudi 19 novembre, ont voté contre la prolongation pour trois mois de l’état d’urgence, alors même que, légalement, il pouvait encore durer six jours, ne sont pas moins soucieux de leurs concitoyens et sensibles à leur sécurité que les promoteurs de cette fuite en avant vers l’état d’exception et, par conséquent, la mise en suspens de la démocratie.
Car la démocratie, ce n’est pas simplement le fait de voter, qui n’en est qu’un des instruments. C’est une culture concrète, une pratique vivante, un écosystème complexe qui suppose la participation des citoyens, l’équilibre de pouvoirs et de contre-pouvoirs, l’indépendance de la justice, des libertés d’expression et d’information, de réunion et de manifestation, une société mobilisée, un contrôle des gouvernants par les gouvernés… Sans compter le respect des opposants. Or c’est déjà la preuve d’une brutale régression démocratique, témoignant d’un état de panique plutôt que de sang-froid, qu’il soit presque devenu intolérable à certains qu’on puisse s’alarmer de cette brusque accélération sécuritaire, opérée sous le coup de l’émotion, pratiquement sans débats approfondis ni réflexion poussée.
Que ses partisans soient, sur le moment, largement majoritaires dans notre monde politique, voire dans l’opinion, ne vaut pas jugement définitif : l’Histoire ne manque pas d’exemples où des positions très minoritaires dans l’instant ont préservé l’avenir, ses possibles et ses lucidités. Il n’y eut ainsi qu’une voix, une seule, celle du sénateur démocrate Russ Feingold, pour voter contre le Patriot Act, un mois après les attentats du 11 septembre 2001. Mais, un an plus tard, en octobre 2002, à la Chambre des représentants, ils étaient 133 (contre une majorité de 296) à s’opposer au recours à la force contre l’Irak. À prendre date par leur refus d’une politique affolée par l’idéologie, aux conséquences plus durablement catastrophiques que l’attaque à laquelle elle prétendait répondre : l’invasion d’un pays souverain, l’Irak, hier allié et armé face à l’Iran, qui n’avait aucun lien, idéologique ou logistique, avec les terroristes d’Al-Qaïda et qui ne menaçait le monde en rien, ne détenant plus d’armes de destruction massive.
De cette législation d’exception et de l’aveuglement qui l’a accompagnée, entre délires étatiques et mensonges médiatiques, ennemi déshumanisé et guerre barbarisée, la démocratie américaine et le monde entier ont pu mesurer, depuis, l’immensité des dégâts, dont nous payons précisément le prix aujourd’hui, en France. Catastrophique, le bilan est sans appel : impuissance à juguler ce terrorisme totalitaire, qui n’a cessé d’étendre son champ d’action au point de revendiquer un territoire étatique aux moyens financiers considérables ; incapacité à faire reculer l’idéologie qui le cimente, cet islam sectaire wahhabite dont le premier foyer est l’Arabie saoudite, monarchie obscurantiste pourtant ménagée et toujours soutenue ; en revanche, large capacité à produire et aggraver les désordres dont Daech s’est nourri, par la destruction totale de l’État irakien, la brutalisation inimaginable de sa société, le demi-million de morts, au bas mot, des huit années d’occupation américaine (2003-2011), la plongée du pays dans une guerre de religions au sein même de l’Islam, entre sunnites et chiites.
Ne pas apprendre de l’Histoire, c’est fragiliser l’avenir. Des ripostes qui, par agendas idéologiques ou tactiques, profitent des peurs pour des visées de politique intérieure, de popularité immédiate ou d’habileté politicienne, peuvent être lourdes de désastres à terme. Violenter la démocratie que l’on prétend défendre contre des adversaires qui la haïssent ; parler le même langage d’anéantissement, d’éradication et de destruction que ces derniers ; habituer notre propre société à baisser la garde sur les libertés fondamentales : non, ce n’est pas montrer notre force, mais prouver notre faiblesse. C’est se laisser prendre au piège des terroristes, tels des lapins aveuglés par des phares : épouser leur temporalité qui est celle d’un présent monstre, sidérant et paralysant, un présent sans passé ni futur. Un présent mort, inerte, sans espoir ni promesse.
En assénant d’emblée, tel un axiome qui n’appellerait aucune démonstration raisonnée et informée, que « la France est en guerre », François Hollande a fait précisément ce choix, le 16 novembre, devant les parlementaires réunis en congrès à Versailles. Uniquement dévolu aux enjeux sécuritaires, son discours était doublement aveugle : aux causes, donc au passé ; aux solutions, donc au futur. Le seul horizon qu’il propose est l’immédiat de la guerre, non seulement au lointain mais au plus proche, ici même. C’est une perspective sans issue parce que sans mémoire. Indifférente aux contextes, généalogies et héritages qui ont façonné la menace, cette réponse présidentielle est de courte vue et de souffle court. Sous l’apparence de sa détermination, elle est comme hors sol : à la fois déconnectée des origines internationales du drame et, ce qui est plus grave, inconsciente des conséquences nationales de son entêtement.
Aussi risque-t-elle fort de n’avoir d’autre avenir que la perpétuation, sinon l’extension, de la catastrophe comme l’annoncent déjà tous les spécialistes, chercheurs ou diplomates, connaisseurs de la région ou vétérans du renseignement, dont le constat est unanime : c’est un retour de boomerang qui, aujourd’hui, meurtrit la France. L’inédit qui nous saisit tous d’effroi, cette violence déchaînée contre une société ouverte et diverse, est porté par des décennies d’erreurs stratégiques, de l’Afghanistan à l’Irak. Elles sont nées d’anciennes logiques de puissance qui refusent de se mettre en cause en prenant en compte les nouvelles donnes d’un monde devenu multipolaire. Un monde plus imprévisible et plus insaisissable, issu des progressives émancipations des tutelles coloniales ou impériales, avec leurs zones d’influence ou leurs blocs d’appartenance.
Fédérant une gauche conservatrice qui, si elle avait été au pouvoir, aurait sans doute suivi l’aventure américaine que refusa, en 2003, la droite chiraquienne, François Hollande persiste dans ce contresens tragique. Mais, ce faisant, il expose dangereusement une démocratie française déjà bien fragile tant elle est de basse intensité, mal armée pour résister aux tentations autoritaires, et, surtout, gangrénée depuis trente ans par la diffusion d’un imaginaire antirépublicain où l’identité supplante l’égalité, où la sécurité s’impose à la liberté, où la peur des autres détruit la fraternité des hommes. Quand l’erreur américaine a surtout malmené le monde, à raison de la puissance des États-Unis, la faute française risque surtout d’abîmer notre pays, de malmener sa démocratie, voire de donner la main à ses fossoyeurs.
« Les noces sanglantes de la répression et du terrorisme »
Pour dévaler un escalier, il n’y a que le premier pas qui coûte. La prolongation de l’état d’urgence, indissociable dans l’esprit de l’exécutif de sa perpétuation par son inscription dans la Constitution, est ce premier mouvement d’un désastre démocratique, non pas annoncé mais déjà en cours. Le spectacle du Premier ministre enjoignant les députés, supposés faire la loi, de ne pas céder au « juridisme »  ou demandant à leurs collègues sénateurs de ne pas prendre le « risque » de saisir le Conseil constitutionnel, pourtant garant du respect de nos droits fondamentaux, est comme l’instantané de cette brutale régression. Dans l’esprit de nos gouvernants, l’état d’urgence signifie bien le congédiement de l’État de droit, illustré par le silence abyssal, sinon l’éclipse totale, de la ministre supposée garder les libertés, la garde des Sceaux, ministre de la justice.
Plutôt qu’un raccourci momentané, permettant de faire face à des impératifs sécuritaires, c’est un court-circuit durable, accompagnant un recul des principes, réflexes et repères démocratiques. L’argumentaire qui justifie son imposition repose sur un mensonge factuel, doublé d’une irresponsabilité politique. La contrevérité, c’est l’affirmation que les forces de sécurité n’auraient pas, sans son adoption, les moyens de traquer les terroristes, avec toutes les possibilités légales de surveillance, de perquisition, d’arrestations exorbitantes du droit commun que réclame une situation d’urgence.
Comme si la France ne disposait pas d’une législation antiterroriste spécifique, cadre répressif dense et sévère, révisé plus d’une dizaine de fois en dix ans, complété par une nouvelle loi il y a un an à peine et par la loi dite renseignement il y a moins de six mois. Comme si l’arsenal juridique n’avait pas cessé d’être renforcé, endurci, aggravé depuis les années 1980, et la première vague d’attentats de 1982, suivie de celle de 1986, puis par celle de 1995. Comme si la question pertinente était l’adéquation de loi en vigueur et non pas l’efficacité des services de renseignement. Comme s’il suffisait de changer la règle pour s’exonérer de tout examen critique.
À cette désinformation, faite pour habituer le pays au recul des libertés, le pouvoir ajoute la proposition sidérante, alors même qu’il sera en vigueur et pèsera de tout son poids sur la vie publique, de faire entrer l’état d’urgence dans la Constitution, aux côtés des pouvoirs exceptionnels déjà accordés par l’article 16 au seul chef de l’État et de l’état de siège prévu par l’article 36 pour les temps de guerre. Face à une question d’ordre public, fût-elle dramatique, aucune démocratie sûre d’elle-même, de sa stabilité institutionnelle et de sa solidité constitutionnelle, n’oserait une telle embardée : modifier, par opportunité, la loi fondamentale. Est-il besoin de rappeler qu’aussi liberticide soit-il, le Patriot Act américain est une loi provisoire, révisable et prolongeable à intervalles réguliers, soumise à évaluations et contrôles, enquêtes bipartisanes sur ses dommages collatéraux, etc. ?
Mais le pire, c’est que ce coup de force se double d’une profonde irresponsabilité : le satisfecit donné par une majorité de gauche à l’agenda idéologique de la droite autoritaire, sinon de l’extrême droite. Extension de la déchéance nationale aux binationaux nés Français, même s’ils n’ont d’autre pays d’appartenance que le nôtre ; autorisation donnée aux policiers de porter leurs armes hors du temps de service, et par conséquent d’en faire usage quand ils sont des citoyens ordinaires ; inclusion du « comportement », et non plus seulement des activités, pour autoriser des mesures privatives de liberté par simple suspicion ; généralisation des intrusions, surveillances, assignations à résidence, etc., hors de tout cadre judiciaire, par simple décision de police administrative ; pouvoirs exceptionnels donnés aux préfets et à leurs services dans l’application de dispositions dont l’équilibre ou la pertinence reposera sur leur seul discernement tant le simple soupçon, qui n’exclut pas le préjugé, y aura sa part ; aggravation du contrôle étatique, et donc de la censure d’Internet, tandis que la tentation d’un contrôle direct des médias eux-mêmes, et donc une régression de leur pluralisme, resurgit via un amendement parlementaire… socialiste.
Tandis que l’État se libère ainsi du droit, préférant l’exception à la règle, la société est mise en congé, ou plutôt en quarantaine. Comment sérieusement imaginer que l’on puisse convier les électeurs aux urnes régionales alors même que l’on invite la démocratie à faire silence, à ne pas se rassembler, à ne plus tenir meeting, à ne pas défiler et manifester ? L’argument sécuritaire est utilisé pour fermer la société sur elle-même et vider l’espace public de sa substance. Alors que le défi climatique est un enjeu de civilisation, les autorités arguent des attentats pour fermer les frontières aux citoyens du monde qui se mobilisent pour cette cause universelle. Et les marches internationales de la COP21 sont d’ores et déjà interdites comme le sera, très probablement, toute manifestation de rue exprimant dissonances et dissidences.
Ayez peur, et je m’occupe du reste, nous dit désormais le pouvoir, érigeant la défiance envers une société pluraliste, vigilante et mobilisée, en principe de survie et de durée. Les terroristes ne pouvaient rêver victoire plus symbolique : l’invite à déserter la démocratie et à déléguer aveuglément notre pouvoir pour mieux le perdre durablement. C’est cet engrenage que nous refusons car, plutôt que de nous protéger, il nous fragilise et nous expose. Loin d’être irresponsable, cette position de principe préserve l’avenir, en refusant que se perpétuent « les noces sanglantes de la répression et du terrorisme ».
Cette injonction fut celle de l’écrivain et journaliste Albert Camus, en 1955, l’année même où fut inventé, par une loi du 3 avril, cet état d’urgence aujourd’hui imposé pour une durée de trois mois, ce qui ne s’était jamais produit depuis la guerre d’Algérie (1954-1962). Et peut-être pérennisé, demain, dans notre Constitution. Des Justes, pièce de 1949, à L’Homme révolté, essai de 1951, Albert Camus n’a jamais eu de complaisance pour le terrorisme. Quelle que soit l’accumulation de misères, de désespoirs et d’humiliations qui peut en être l’origine, il ne lui trouvait aucune excuse, condamnant un moyen d’action qui, invariablement « cesse d’être l’instrument contrôlé d’une politique pour devenir l’arme folle d’une haine élémentaire ». Son alarme de principe n’en a que plus de portée, d’autant qu’elle fut lancée sur la scène inaugurale du débat qui nous occupe aujourd’hui, dans un climat d’urgence dramatique.
Camus, comme tous les démocrates sincères, c’est-à-dire tous les républicains véritables, s’alarmait d’une course à l’abîme où « chacun s’autorise du crime de l’autre pour aller plus avant ». Dans un contexte franco-algérien de guerre civile et de crise morale, dont les enjeux mémoriels ne sont pas sans lien avec nos défis présents, il pressentait combien l’aveuglement immédiat aux causes et aux solutions allait durablement faire le jeu du pire et des pires, dans les deux camps. De la chute d’une République (française) sous les coups de boutoir des ultras de la colonisation à la déchirure d’une Nation (algérienne) par la militarisation du mouvement indépendantiste, sans compter la banalisation contagieuse de la torture, la suite allait hélas lui donner raison.
Mais en 1955, il pense qu’il est encore possible d’enrayer la machine infernale, et c’est pourquoi il redevient un temps journaliste à L’Express, avant de retourner au silence, dans l’incompréhension de ses propres amis, après l’échec de son appel à la « trêve civile », à Alger, en janvier 1956. L’Express était aussi la tribune de l’homme politique sans doute alors le plus lucide, Pierre Mendès France. Le 14 mai 1955, il y signait un appel à ne pas laisser la politique à ses professionnels. En ces temps aussi troublés que les nôtres, il appelait à une « mobilisation de la volonté populaire » face au risque de confiscation d’une « politique réservée aux initiés, chasse gardée des techniciens ».
« La politique appartient au citoyen, si le citoyen veut la prendre »,
concluait Mendès France. C’est ce que nous faisons en refusant un état d’urgence dont l’idéologie guerrière nous dépossède de notre exigence commune : la démocratie.

« Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire,
C’est d’obliger à dire. »
Roland Barthes

lundi 23 novembre 2015

«Daech essaie de faire en France ce qu’il a réussi en Irak»

Le chercheur, spécialiste de Daech et de l’Irak,

Pierre-Jean Luizard

est directeur de recherche au CNRS. Il est notamment l’auteur de Le Piège Daech.

 L’État islamique ou le retour de l’histoire,

Revient sur la manière dont l’État islamique tente d’importer en France les méthodes qui ont fait son succès au Moyen-Orient. Et esquisse quelques pistes pour lutter contre l’essor de cette organisation.

 Les attentats commis à Paris vendredi, comme ceux de Beyrouth il y a quelques jours, ceux contre l’avion russe dans le Sinaï et ceux d’Ankara il y a quelques semaines, sont-ils le signe que Daech est en plein essor ou, au contraire, qu’il est menacé militairement sur le territoire qu’il contrôle et choisit donc de porter la guerre sur d’autres terrains ?

Il est vrai que, lorsque l’État islamique (EI) se trouve en difficulté sur le terrain militaire, il choisit de régionaliser et d’internationaliser le conflit en commettant des attentats hors du territoire qu’il contrôle. Mais il faut relativiser la défaite récemment subie par l’EI dans la ville de Sinjar. L’EI peut reculer à Sinjar, qui était une ville kurdophone et majoritairement yézidie, tout en conservant toute sa puissance et son implantation, qui n’est pas seulement fondée sur les armes, mais aussi sur le fait qu’il est parvenu à s’imposer comme le représentant des communautés arabes sunnites en Irak.
Cet acte de terrorisme en France n’est selon moi pas du tout une marque de faiblesse. Il illustre une guerre qui nous est déclarée. L’État islamique essaie de faire en France ce qu’il a parfaitement réussi en Irak, en multipliant les violences envers certaines communautés, à savoir finir par convaincre les différentes communautés qu’elles ne pouvaient plus vivre ensemble.
Quelles pourraient être les réponses adéquates au piège tendu par Daech ?
Face au terrorisme dans nos pays, je ne vois pas quelle parade on pourrait avoir ici, même en décrétant l’état d’urgence. Il faut donc revenir à la source du phénomène, qui se trouve en Irak et en Syrie. Et cela suppose une action à la fois politique et militaire. Je ne suis pas stratège et je suis donc réticent à donner des conseils, mais la question d’un déploiement au sol va se poser. On ne peut plus continuer à mener une guerre a minimaà l’aide de bombardements aériens en déléguant l’action au sol à l’armée irakienne, aux Kurdes, ou même à l’armée syrienne, dans le cas de la Russie. Ces acteurs sont parties prenantes du conflit et cela ne peut qu’aggraver la situation.
Dans une guerre qui est une guerre communautaire, prendre parti pour une communauté contre une autre revient à tomber dans le piège que tend l’État islamique. Il cherche à apparaître comme le seul défenseur des Arabes sunnites de la région et a tout intérêt à accentuer les divisions et les violences. La Russie est tombée dans ce piège et l’État islamique a pu décréter le djihad contre la « Russie orthodoxe » alliée aux « renégats chiites ». Il faudra donc un déploiement au sol de forces non impliquées dans le conflit, sous l’égide de l’ONU, donc n’impliquant ni les pays de la région (et éviter donc des troupes turques, iraniennes ou arabes), ni les armées semi-confessionnelles irakienne ou syrienne, ni les Kurdes. On en est très loin.

Pour intervenir contre l’État islamique, il faudra une légitimité internationale, mais aussi politique, pour faire des propositions concrètes aux populations arabes sunnites qui vivent sous le contrôle de l’EI et à qui on ne peut imposer ni le gouvernement de Bagdad ni le régime de Bachar qui sont parties prenantes du problème et ne peuvent donc pas faire partie de la solution. Il faut pouvoir offrir politiquement quelque chose aux populations arabes sunnites sans diaboliser le fait qu’elles aient marché vers le diable qu’est Daech et comprendre les raisons profondes des allégeances massives à l’État islamique parmi ces communautés. Si l’État islamique est rentré à Mossoul sans tirer un seul coup de feu en juin 2014, c’est qu’une majorité de la population, au pire, n’y était pas hostile.  
Comment Daech fait-il pour réunir facilement une équipe d’au moins huit personnes, jeunes et prêtes à se faire sauter en tuant le maximum de gens ? Au-delà des questions logistiques et matérielles, quels sont les arguments psychologiques et idéologiques utilisés pour mobiliser ces kamikazes ?
Que huit militants djihadistes soient capables de bouleverser un pays entier est lié au fait qu’on ne peut pas combattre à armes égales des personnes qui sont prêtes au martyre. Il est nécessaire de comprendre cet élément très important pour ce courant de l’islam radical djihadiste, qui est le fait que le martyre leur permet de se poser à égalité avec les grandes puissances occidentales qu’ils combattent.
Que retirez-vous de la lecture de la revendication officielle des attentats par Daech ?
Les cibles choisies, les supporters de football et la jeunesse bobo des quartiers est de Paris, ne l’ont pas été par hasard. On trouve dans la revendication les diatribes traditionnelles contre l’idolâtrie, des joueurs de football notamment, et contre les lieux de perversion que seraient les salles de spectacle. Mais c’est surtout une manière de s’attaquer à la jeunesse la plus tolérante envers l’islam, à une population qui réfléchit à la situation du monde, à un public éduqué qui essaie de comprendre.
Dans les quartiers attaqués, on peut voir des jeunes, cigarettes et verre de vin à la main, sociabiliser avec ceux qui vont à la mosquée rigoriste du quartier. C’est cela que l’EI veut briser, en poussant la société française au repli identitaire et à la peur de l’autre, en suscitant des réactions irrationnelles où l’explication et la réflexion n’ont plus leur place, pour aboutir à ce qu’ils ont réussi à faire au Moyen-Orient, que chacun considère l’autre non plus en fonction de ce qu’il pense et de ce qu’il est, mais en fonction de son appartenance communautaire. Ils veulent engager la société française, y compris en prenant en otages les musulmans français, dans un processus sans retour et des affrontements communautaires dont ils seraient les seuls à sortir vainqueurs.
Pourquoi la France est-elle davantage visée que la Grande-Bretagne ou les États-Unis, qui frappent pourtant plus souvent Daech en Irak et en Syrie ?
Parce que la France est l’incarnation d’un projet universaliste rejeté par Daech et que c’est aussi le pays colonisateur qui en a le plus renié les valeurs dans ses pratiques coloniales, notamment en Algérie. À la lumière de l’histoire, on ne peut pas s’étonner que les musulmans aient de la laïcité une vision qui n’est pas la nôtre, tant les élites républicaines françaises ont retourné ces valeurs pour défendre une domination impériale.
L’autre raison est que la France, considérée comme un pionnier idéologique à abattre, est aussi le pays le plus fragile parce que son unité a été obtenue grâce à l’exclusion de la religion, considérée comme source de conflits, alors que dans les autres pays, cela s’est fait plus en douceur. La France a plus de mal que les autres à trouver son identité et à assumer son passé chrétien. Être français ne peut se résumer à une adhésion aux principes républicains. Cette fragilité est très bien perçue par ceux qui veulent nous détruire.

vendredi 20 novembre 2015



L’argent n’a pas de patrie ;
les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ;
leur unique objectif est le gain.

Napoléon BONAPARTE
« Mes chers amis entrepreneurs, vous êtes nombreux, très nombreux 
à avoir quitté la France, pour des raisons personnelles parfois et fiscales souvent. »

C’est par une phrase, qui sonne comme un reproche, que commence l’appel de Marc Simoncini. Alors que la France panse ses plaies, le serial entrepreneur français (Sensee, Meetic, ifrance) a invité dimanche 15 novembre à 23 heures sur Twitter et Facebook les entrepreneurs français exilés à l’étranger à rentrer créer de la richesse dans leur pays.

« Revenez, payez-y vos impôts, vous verrez, ça n’est pas si difficile ! Revenez, parce que si nous ne sauvons pas notre nation, vous aurez vous aussi bientôt tout perdu »

Cette initiative, Marc Simoncini l’a prise seul, sans en avoir préalablement discuté avec d’autres entrepreneurs de la Netosphère.

« J’ai eu une réaction épidermique. Cela m’est venu en voyant le désarroi des forces de sécurité [à la suite des attentats du 13 novembre], qui manquent de moyens. On a beau retourner le problème dans tous les sens, à la fin, c’est quand même un problème d’argent»

« La question n’est plus de savoir si l’on va payer 40 % ou 45 % d’impôts. La question est de savoir si l’on va continuer à vivre dans le même pays »,

poursuit l’investisseur, qui cible les très nombreux entrepreneurs partis mettre leur argent à l’abri, après avoir vendu leur entreprise.

« Entendre la vérité ne fait plaisir à personne »

Sur Facebook, son message a été partagé 775 fois. Sur Twitter, il a été retwitté 561 fois et « liké » (apprécié) 309 fois. L’appel du créateur de Meetic a été diversement apprécié. Ses supporters l’ont félicité. 
« Tellement juste. Ne pas déserter et continuer de se battre
– économiquement pour la France – you’re right »

A lancé sur Facebook Hugo Brugière, vice-président de Cybergun, fabricant d’armes factices.
D’autres, qui se sont sentis visés, ont vertement répondu au fondateur de Meetic. Développeur dans une start-up américaine et partageant son temps entre San Francisco et la France, Pierre Vannier a trouvé le message de Marc Simoncini « pathétique », considérant qu’il y a là un « mélange des genres inacceptable ». « C’est surtout la fin du message qui rapproche le départ de certains des attentats, qui m’a choqué, explique-t-il. C’est de la récupération. »
Marc Simoncini a bien conscience d’avoir jeté un pavé dans la mare. 

« Je me suis fâché avec beaucoup de mes amis. Entendre la vérité ne fait plaisir à personne. Mais pour dix critiques, j’ai eu 100 soutiens »

L’entrepreneur, qui a lui-même songé à s’installer à l’étranger il y a deux ou trois ans. Pierre Kosciuszko-Morizet, qui a vendu PriceMinister à Rakuten en 2010, a volé au secours de l’entrepreneur
« Je suis exactement sur la même ligne, même si cela fait donneur de leçon. Et Marc n’en est pas un. Moi-même, j’ai ressenti l’envie de partir après avoir vendu, mais la fiscalité n’est pas une bonne raison de déménager »,

explique celui qui a également vu de nombreux entrepreneurs aller se réfugier à Londres ou à Bruxelles.

mercredi 18 novembre 2015

"Laxisme", fiches "S"...



"Laxisme", fiches "S"...

Les 5 mensonges de Nicolas Sarkozy après les attentats à Paris

"La politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire

LE PLUS. Deux jours après les attentats qui ont visé Paris, des voix dissonantes se font déjà entendre côté politique. Nicolas Sarkozy a notamment exprimé quelques critiques au sujet des moyens mis en œuvre par le gouvernement pour lutter contre le terrorisme. Thierry de Cabarrus déplore que le chef des "Républicains" ose jouer sa carte personnelle en pareil moment.


Une fois de plus, c’est du grand n’importe quoi.

Nicolas Sarkozy, dimanche soir, dans le JT de TF1, au lieu de se présenter devant les Français comme un chef de l’opposition raisonnable, conscient de la tragédie qui frappe notre pays et respectueux de ses victimes, a voulu jouer une fois de plus les présidents de substitution, les présidents bis, en multipliant les critiques à l’égard du chef de l’État au lieu de le soutenir, comme l’aurait voulu la règle républicaine.

Incapable de se présenter autrement que comme un candidat à la prochaine présidentielle, passant rapidement sur la compassion pour se lancer les deux pieds dans la bataille électorale, il a multiplié les mensonges et les enfumages, quand le temps du deuil n’est pas encore achevé.

Personnellement, j’ai relevé pas moins de cinq contre-vérités, destinées à contourner l’exigence, faite à toute la classe politique, de ne pas tenir des propos de politique politicienne en ces moment si douloureux.

1. Pas d’unité nationale mais de la "solidarité"

Nicolas Sarkozy a commencé par dire qu’il serait "indigne" de "polémiquer" mais s’est employé à
le faire, après une longue tirade emberlificotée dans laquelle il a tenté d’expliquer qu’il était, bien sûr, "solidaire" avec les victimes et leurs familles, mais qu’il n’était pas question pour lui "d’unité nationale" au sens où on l’entend couramment, à savoir la nation toute entière, et donc sa classe politique aussi, derrière le président de la République.

Une posture à la fois stupide et non républicaine, qu’avait d’ailleurs dénoncée le matin même Alain Juppé. Le maire de Bordeaux a expliqué, devant les cadres et le chef de "LR", que l’union nationale ne se découpe pas en tranche selon son bon vouloir politicien et ses objectifs personnels.

Cette réaction, sans doute jugée trop "raisonnable", a déclenché la colère de l’ancien président qui, le soir sur TF1, a fait fi de cet "état de guerre" qui exige pourtant, selon les principes gaullistes, de se ranger derrière celui qui, par statut, est bel et bien le chef des armées.

2. Il se lance dans une insupportable surenchère

Il y aurait en France, à ce jour, 11.500 personnes qui feraient l’objet d’une fiche "S", et c’est ce chiffre énorme que Nicolas Sarkozy a brandi à la télévision, en laissant entendre que tous seraient suspectés de djihadisme.

Or il semble que, volontairement ou pas (soit il ment, soit il est ignorant), le patron de "LR" ait additionné la totalité des personnes signalées "S" pour les risques qu’ils font encourir à la sûreté de l’État : les éventuels terroristes bien sûr, mais aussi les hooligans, les manifestants altermondialistes, et pourquoi pas, les opposants à Notre-Dame-des-Landes.


Mais qu’importe, lancé dans une insupportable surenchère avec l’exécutif, Nicolas Sarkozy propose d’assigner à résidence "tous les fichiers S" et de leur mettre à la cheville un bracelet électronique !

Devant un tel nombre de suspects, la mesure est totalement irréaliste, même si elle apparaît quand même plus "présentable" que la proposition scandaleuse de Laurent Wauquiez : mettre tous les fichés "S" dans des camps de rétention alors qu’aucun fait délictueux ne peut encore leur être reproché

Il y aurait de quoi rire s’il n’y avait pas de quoi d’abord s’indigner de tant de démagogie et de méconnaissance du droit français.

Un décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015, adopté en conseil des ministres à 00h, déclare l'état d'urgence sur le territoire métropolitain et en Corse. Il a été modifié, quelques heures plus tard, par un décret n° 2015-1478 qui précise les restrictions qui peuvent être apportées aux libertés publiques au nom de cet état d'urgence.

Définition



Avant toutes choses, il convient de définir l'état d'urgence qui ne doit pas être confondu avec des notions voisines. Il se distingue d'abord de l'Article 16 de la Constitution qui confère au Président de la République des pouvoirs exceptionnels "lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu". Les constituants de 1958 songeaient surtout au désastre de juin 1940, c'est-à-dire à l'invasion du territoire. Dans le cas des attentats terroristes du 13 novembre, l'intégrité du territoire n'a pas été réellement menacée et le fonctionnement des pouvoirs publics, heureusement, n'a jamais été interrompu.

L'état de siège, quant à lui, figure dans l'article 36 de la Constitution. Décidé par décret en conseil des ministres, il peut être prorogé au-delà de douze jours par le Parlement. Il consiste à donner à l'autorité militaire des pouvoirs très étendus dans le but de rétablir l'ordre et s'analyse comme un transfert du pouvoir civil aux mains des militaires. Il ne peut être utilisé cependant qu'en cas "de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée". C'est donc l'hypothèse de la guerre, voire de la guerre civile, qui est visée. De fait, l'état de siège n'a pas été utilisé depuis les deux conflits mondiaux (décrets des 2 août 1914 et 2 septembre 1939). Inutile de dire que même si l'on affirme être en "guerre" contre le terrorisme, cette formulation relève de la communication. La lutte contre le terrorisme n'a rien à voir avec un conflit armé entre Etats ou avec une guerre civile.

L'état d'urgence, quant à lui, est dépourvu de fondement constitutionnel spécifique. Sa base juridique repose sur la loi du 3 avril 1955, votée lors du conflit algérien. Il peut être déclaré par décret en conseil des ministres, soit en cas de "péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public", soit en cas d'"évènements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques". Sa mise en place entraine l'accroissement des compétences des autorités civiles, et notamment des préfets, mais ne modifie en rien celles des autorités militaires.  Il a été utilisé durant la guerre d'Algérie de 1955 à 1963, en Nouvelle Calédonie de décembre 1984 à juin 1985, et enfin en novembre 2005 lors des émeutes qui se sont déroulées dans les banlieues de certaines villes. Ce régime d'exception avait alors été prorogé pendant trois semaines.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 25 janvier 1985 portant précisément sur l'état d'urgence en Nouvelle Calédonie, a affirmé la compétence législative pour sa prorogation. Il rappelle que le législateur a reçu compétence, par l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles relatives aux libertés publiques. Il lui appartient donc d'"opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public". Alors même que la Constitution ne mentionne pas l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel confirme la valeur constitutionnelle du principe de la compétence législative pour en décider la prorogation. Dans les jours qui viennent, le conseil des ministres va donc adopter un projet de loi décidant une telle prorogation au-delà des douze jours initiaux.

Les prérogatives conférées par l'état d'urgence


Le contenu des prérogatives autorisées par l'état d'urgence est, en quelque sorte, à géométrie variable.

Sur la plan géographique tout d'abord, puisque la loi de 1955 permet de délimiter des zones territoriales à l'intérieur desquelles certaines libertés peuvent faire l'objet de restrictions. En l'espèce, les décrets de 2015, reprenant la formulation quelque peu désuète de la loi de 1955, affirment que l'état d'urgence s'applique à l'ensemble du "territoire métropolitain et à la Corse". On se souvient qu'en 2005, l'état d'urgence avait été limité à un certain nombre de ville énumérées dans le décret.

Sur le plan des libertés faisant l'objet de restrictions, les décrets précisent que les mesures susceptibles d'être  prises sont celles visées par les articles 5, 6, 8, 9, 10 et l'alinéa 1 de l'article 11. La formulation n'est guère éclairante. En termes plus simples, les libertés de circulation et de réunion peuvent être réglementées ou interdites, en particulier par une recours à la procédure d'assignation à résidence. Le principe de sûreté est également atteint par la possibilité offerte à l'administration de réaliser des perquisitions, de jour comme de nuit. D'une manière générale, la caractéristique essentielle de ces mesures est de relever du pouvoir discrétionnaire de l'Exécutif, sans intervention préalable du juge.

Il convient de noter que les décrets ne font pas référence à l'article 11 alinéa 2 de la loi de 1955 qui autorise les atteintes à la liberté d'expression, y compris par l'interdiction de journaux, de représentations cinématographiques ou théâtrales. L'idée générale est de prendre des dispositions facilement applicables aux individus jugés dangereux, mais de faire en sorte que les libertés de l'écrasante majorité de la population ne soient pas profondément atteintes. La seule exception concerne les restrictions de circulation à proximité de lieux considérés comme d'éventuelles cibles des terroristes mais, à dire vrai, elles pouvaient déjà être décidées en dehors de tout état d'urgence.

S'il n'existe pas d'intervention a priori du juge judiciaire, il existe une intervention a posteriori du juge administratif. Les mesures prises sur le fondement de l'état d'urgence sont susceptibles de recours dans les conditions du droit commun. Les décrets de 2015 écartent ainsi la procédure prévue par l'article 7 de la loi de 1955 qui permettait d'organiser une procédure préalable devant une simple commission consultative.

Si le contrôle contentieux a le mérite d'exister, il ne permet pas un contrôle global de la mise en oeuvre de l'état d'urgence.

Or, le risque de l'état d'urgence pour les libertés réside dans sa pratique générale, dans l'éventuelle installation d'une routine qui conduit à utiliser la procédure d'exception quand on peut utiliser celle du droit commun. L'état d'urgence n'est donc concevable que pour une durée par définition limitée, les conditions de son utilisation devant être réunies à chaque prorogation. Il appartiendra au Parlement, compétent pour décider de la prorogation, de s'assurer que le péril terroriste demeure "imminent". Les questions essentielles sont donc celles de l'information et du contrôle parlementaire sur l'état d'urgence.

3. Il dénonce son propre laxisme

La mauvaise foi de Nicolas Sarkozy atteint des sommets quand il ose attribuer au pouvoir en place, et donc à Christiane Taubira (qui heureusement a les épaules larges) un prétendu "laxisme" dont il est le premier responsable.

Ainsi, sur TF1, il affirme avec une gravité voire une colère feinte parfaitement bien jouée :


"L’un des individus avait été condamné huit fois. Huit fois, et pas un seul jour en prison !"

Sur ce point, il a parfaitement raison, sauf quand il s’agit d’attribuer cet état de fait au vrai responsable. Or, le délinquant en question, qui est devenu un barbare faute de punitions appropriées, a fait l’objet de huit condamnations entre 2004 et 2010.

À cet époque, Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur (de mai 2005 à mars 2007) avant d’être élu président de la République. C’est donc à lui et à lui seul qu’il aurait dû s’en prendre sur TF1, au lieu de laisser entendre que tout était de la faute de son successeur.

4. Il réclame une mesure déjà annoncée par Valls

Soucieux d’apparaître comme celui qui fait le plus grand nombre de propositions concrètes et fermes en matière de sécurité, Nicolas Sarkozy n’hésite pas, non seulement à ressortir ses vieilles recettes (la pénalisation pour les internautes qui vont sur les sites islamistes) mais aussi à reprendre à son compte celles de ceux qu’ils critiquent.

Par exemple, il a exigé "l’expulsion des imams radicaux", en faisant semblant d’ignorer que le Premier ministre, Manuel Valls, avait annoncé cette mesure la veille, sur cette même chaîne.


Anne-Claire Coudray, qui n’avait pas réagi à propos du précédent mensonge sur le "laxisme", a cette fois repris son invité en précisant qu’il s’agissait d’"une mesure déjà annoncée par Manuel Valls samedi soir". Sauf qu’il en faut beaucoup pour déstabiliser le roi des enfumeurs, et qu’il lui a répondu dans un sourire crispé :

"Mais je préfère qu’il sache qu’il est Premier ministre et donc qu'il agisse."

5. Il exige un "accord" avec Hollande

Nicolas Sarkozy est aussi un spécialiste de la rhétorique politicienne. C’est ainsi que vers la fin de l’interview, il a conditionné son soutien à François Hollande à un "accord" qu’il attendait du chef de l’État, après qu’il lui a proposé ses recettes antiterroristes durant une 1h15 à l’Élysée.

A priori, c’est un mot anodin, mais c’est l’exact contraire, car ce terme d’"accord" lui permet de se hisser au niveau du président de la République et donc d’apparaître, aux yeux des téléspectateurs, comme le président bis qu’il s’efforce d’être depuis qu’il est sorti de sa retraite politique.


Or, dans un tel contexte de guerre, Nicolas Sarkozy oublie qu’il devrait se ranger derrière François Hollande en faisant abstraction de son obsession de revanche. Au nom de cette unité nationale qu’il peine tant à accepter. Ce comportement irresponsable s’inscrit d’ailleurs dans la droite ligne de sa visite à Vladimir Poutine et dans son désir de changer, à lui seul, la diplomatie française.


Il l’a fait en tant que Président en recevant Kadhafi lui permettant de planter sa tente en plein Paris en le recevant comme son ami et son égal, avant de bombarder la Lybie et le faire assassiner. Il a reçu Bachar Al-Assad  pour le 14 juillet 2008 et l’a fait assister au défilé de nos troupes à ses côtés. Ses amitiés envers certains hommes politiques étrangers, les plus controversés, nous préparent elles pas à un nouveau régime après son retour : « la Démocrature »




On le voit, Nicolas Sarkozy ne recule devant rien, ni les mensonges, ni les enfumages, pour tenter d’exister politiquement dans une séquence où pour tout autre, s’imposeraient les seuls principes républicains qui vaillent : l’unité nationale en pleine guerre contre le terrorisme.

 
Platon

« Décidément triste semaine »

 

Certes, quelques (rares) élus LR ont déploré cette façon de faire, jugeant ce comportement de cour d’école « pathétique », à l’instar de Thierry Solère, élu des Hauts-de-Seine. 
 « Journée de deuil national et pourtant à l’Assemblée, invectives, provocations et sifflets. Des deux côtés. Décidément triste semaine »,
 a également commenté son collègue Edouard Philippe (Seine-Maritime) sur Twitter.
Et pourtant, cela relève d’un « choix politique », regrette un cadre du parti. 
« Nicolas Sarkozy et Christian Jacob [président du groupe parlementaire] ont fait le choix de laisser la parole aux plus offensifs, ils pensaient qu’il fallait être hyper agressifs. »  
Preuve s’il en faut : Bruno Le Maire, qui voulait poser une question concernant le vivre-ensemble, a été prié d’attendre la séance de mercredi pour jouer au rassembleur.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/17/a-l-assemblee-la-droite-survoltee-face-au-gouvernement_4812162_4809495.html#EaZ25qAo5Cgbs2Ji.99