lundi 10 février 2014

Victor Hugo, Les Misérables

Ces hommes hérissés qui, dans les jours génésiaques du chaos révolutionnaire, déguenillés, hurlants, farouches, le casse-tête levé, la pique haute, se ruaient sur le vieux Paris bouleversé, que voulaient-ils ? Ils voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l’homme, l’instruction pour l’enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l’égalité, la fraternité, le pain pour tous, l’idée pour tous, l’édénisation du monde, le Progrès ; et cette chose sainte, bonne et douce, le progrès, poussés à bout, hors d’eux-mêmes, ils la réclamaient terribles, demi-nus, la massue au poing, le rugissement à la bouche.  C’étaient les sauvages, oui ; mais les sauvages de la civilisation.
Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l’épouvante, forcer le genre humain au paradis. Ils semblaient des barbares et ils étaient des sauveurs. Ils réclamaient la lumière avec le masque de la nuit.
En regard de ces hommes, farouches, nous en convenons, et effrayants, mais farouches et effrayants pour le bien, il y a d’autres hommes, souriants, brodés, dorés, enrubannés, constellés, en bas de soie, en plumes blanches, en gants jaunes, en souliers vernis, qui, accoudés à une table de velours au coin d’une cheminée de marbre, insistent doucement pour le maintien et la conservation du passé, du moyen-âge, du droit divin, du fanatisme, de l’ignorance, de l’esclavage, de la peine de mort, de la guerre, glorifiant à demi-voix et avec politesse le sabre, le bûcher et l’échafaud.

Quant à nous, si nous étions forcés à l’option entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions les barbares.
Victor Hugo, Les Misérables

Salaires : chez les patrons, ça remonte !



Aux totalitarismes de XXe siècle ont succédé la tyrannie
d'un capitalisme financier qui ne connait plus de bornes,
 soumet États et peuples à ses spéculations,
et le retour de phénomènes de fermeture xénophobe,
 raciale, ethnique et territoriale.
Le chemin de l'espérance 
Edgar Morin
Chaque année au début de l’année, se tient à Davos le Forum économique mondial où sont attendues plus de 2 500 personnes, dont une quarantaine de chefs d’état et de gouvernement; ainsi que des décideurs politiques et économiques parmi les plus influents au monde.
Ce n’est donc pas un hasard si Oxfam publie cette semaine un
nouveau rapport intitulé « En finir avec les inégalités extrêmes », et que la directrice générale d’Oxfam international, Winnie Byanyima, se rend à Davos pour rencontrer certains des intervenants.
Dans ce rapport, Oxfam souligne l’augmentation, depuis le début de la crise économique, des inégalités économiques au profit des personnes les plus riches : aujourd’hui, les 85 plus grandes fortunes au monde possèdent autant que la moitié la moins riche de la population mondiale. D’un côté, les profits de très grandes entreprises, les salaires d’une poignée de dirigeants et les transactions boursières battent chaque jour de nouveaux records, et ne montrent aucun signe de ralentissement, tandis que de l’autre, le chômage et la précarité augmentent…
1% vs. 99%
"Qu'ils s'en aillent tous!"
Demain, des millions de gens iront prendre aux cheveux les puissants, excédés de les voir saccager notre pays et condamner la population de la cinquième puissance économique du monde au recul de tous ses acquis sociaux. Ils le feront, révulsés par les mœurs arrogantes des amis de l'argent, non seulement ce Président (Sarkozy...) et son gouvernement, mais aussi toute l'oligarchie (qui a suivit): les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les financiers qui vampirisent les entreprises, les barons des médias qui ont effacé des écrans le peuple. Du balai ! Ouste ! De l'air ! Je souhaite une révolution "citoyenne" en France pour reprendre le pouvoir à l'oligarchie, au monarque présidentiel, et à l'argent roi.

J. L. Mélenchon, 2011
Près de la moitié des richesses mondiales est entre les mains des 1 % les plus riches, tandis que 99 % de la population mondiale se partagent l'autre moitié.  Et cela dans le monde entier : l'Inde a vu le nombre de ses milliardaires passer de seulement 6 à 61 ces dix dernières années, concentrant environ 250 milliards de dollars entre les mains de quelques dizaines de personnes dans un pays qui compte 1,2 milliard d'habitants. 
On pourrait penser que ces milliardaires se contenteraient de cet argent, mais pour Oxfam, ces inégalités économiques riment de plus en plus avec confiscation du pouvoir politique au profit des plus riches, posant un véritable défi pour la démocratie et entravant tous les efforts qui sont fait pour lutter contre la pauvreté.
Oxfam s’inquiète également pour l’avenir, et du risque de voir ces privilèges se transmettre de générations en générations. Cela vous rappelle quelque chose ? Oui, sous l’Ancien régime que nous apprenons à l’école, chaque corps, chaque communauté avait ses règles, ses devoirs et ses privilèges et visait à les perpétuer coûte que coûte.
Bien entendu, aujourd’hui cela a bien changé, mais les élites sont toujours soucieuses de leurs intérêts.
Dans leur ouvrage « Les ghettos du gotha », les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon parlent de la mobilisation des élites françaises pour perpétuer leur mode de vie, et détaillent les nombreux « cercles » qui défendent leur pré-carré. Ils y soulignent le contraste « entre les discours de ces familles sur des sujets économiques et politiques, qui prônent la flexibilité du travail et la mobilité des salariés, et leurs propres pratiques qui visent au contraire à la multiplication des enracinements et à la continuité à travers les générations » C’est également ce que souligne le journaliste Hervé Kempf dans son ouvrage « L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie » :
 « Ce groupe a acquis un pouvoir énorme, qui lui permet de contrôler les grands choix collectifs. Derrière l’apparence d’une démocratie représentative, le destin de la collectivité est déterminé par un petit groupe de gens, la classe oligarchique »

Quelques solutions ?
Les chefs d’Etats et de gouvernement réunis à Davos ont le devoir d'inverser la progression galopante des inégalités. Oxfam insiste sur la nécessité de prendre des décisions ambitieuses, notamment concernant les paradis fiscaux, qui décuplent les inégalités économiques ; sur la mise en place de fiscalité progressive sur les richesses et les revenus ; en encourageant les États à utiliser leurs recettes fiscales pour financer la protection sociale universelle et non de simples ‘’filets de sécurité’’; ou en défendant un salaire minimum vital.
Ces « gens-là » n'ont jamais renoncé.
Utilisant désormais les leviers financiers,
une caste confisque les fruits des efforts de tous,
 collectivisant les pertes et privatisant les bénéfices,
ils ont simplement changé d'échelle.
 Elle est désormais planétaire. Et ils se gavent.
Face à cela, la gauche, qui n'a rien appris en plus de cent ans.
Rien.
Ni sur le fond, ni sur les méthodes, encore moins sur la nécessité
 de la morale dans l'action.
Danielle Mitterrand

Oxfam demande également la mise en place d'un objectif global pour mettre fin aux inégalités économiques extrêmes dans tous les pays, avec par exemple la surveillance constante de la part des richesses allant aux 1 % les plus riches dans chaque pays.