Penelope Fillon face aux enquêteurs :
« Le Journal du dimanche »
révèle le système de défense développé par l’épouse du candidat à la
présidentielle lors de sa première audition le 30 janvier, dans les locaux du Groupe d’intervention régional, à
Versailles. De quoi donner un bon
aperçu du contenu de son argumentaire face aux enquêteurs.
Sur son emploi auprès de son mari, député de la Sarthe entre 1998 et 2002 –
pour lequel elle était rémunérée 3 340 euros net par mois –, Penelope
Fillon a détaillé sa fonction :
« Je
m’occupais du courrier arrivant à notre domicile, demandes d’administrés,
problèmes personnels de gens en difficulté, Sollicitations
diverses. »
Elle rédigeait aussi « des
fiches et des mémos » pour
son époux, concernant des manifestations locales. Elle explique aussi qu’elle
le remplaçait parfois, « notamment
dans les événements culturels qui l’intéressaient moins ». Ce travail, elle l’effectuait « dans
le manoir de Beaucé », dans
la Sarthe, « sans jamais se rendre à l’Assemblée nationale ».
Sur son emploi auprès de Marc
Joulaud (2002-2007), le suppléant sarthois de François Fillon quand ce dernier
a été nommé ministre des affaires sociales en 2002, Mme Fillon
légitime son poste devant les policiers de l’Office central de lutte contre la
corruption et les infractions financières (OCLCIFF). Selon elle, « (…) l’influence de [s]on
mari » restant « importante » dans
la Sarthe, sa présence « pouvait lui apporter du poids dans l’exercice de son mandat ».
Sauf que les enquêteurs lui font remarquer qu’à cette époque, le couple Fillon
vit à Paris. « Quelles missions effectuiez-vous pour le compte de M. Marc Joulaud la semaine à
Paris ? », demandent-ils. Penelope Fillon répond :
« Par
exemple, j’emmenais le courrier reçu au domicile du week-end pour le traiter à Paris »
Là encore, sans jamais se rendre à l’Assemblée
nationale. Pour expliquer le secret entourant sa présence, Mme Fillon
a expliqué que cela tenait à son « souhait de rester dans l’ombre », « pour des raisons de
caractère ».
Selon les informations du Monde,le Parquet National Financier a délivré le 16 mars un réquisitoire supplétif pour "escroquerie aggravée, faux et usages de faux"aux juges d’instruction chargés de l'enquête sur les époux Fillon – Serge
Tournaire, Aude Buresi et Stéphanie Tacheau –, ouverte pour « détournement de fonds publics, abus de
biens sociaux, complicité et recel de ces délits,
trafic d’influence et manquement aux obligations déclaratives ».
Cette décision fait suite à une
deuxième perquisition menée courant mars à l’Assemblée nationale une première avait été effectuée par les enquêteurs dans le cadre de l’enquête préliminaire – et à l’occasion de laquelle de
nouveaux documents ont été saisis. Ces feuilles, signées par Penelope Fillon,
comportaient différents calculs d’heures travaillées.
Au printemps 2012, Mme Fillon
a déclaré sur une fiche de renseignement « 14 heures de travail mensuel à la Revue des deux mondes, dont
elle était pourtant employée à temps plein ». Mais dans
une autre fiche, découverte lors d’une deuxième perquisition dans le bureau de
François Fillon, « les
enquêteurs ont découvert un brouillon de cette fiche de renseignement dans
lequel était inscrit cette fois “30 heures” ». A la revue, « je n’y suis jamais allée »
Entre le 1er juillet
2012 et le 30 novembre 2013, Penelope Fillon est une femme très occupée.
Salariée de la Revue des deux mondes à temps plein pour 3 900 euros net
mensuels, elle reprend des études de littérature anglaise via l’« Open
University », et travaille également auprès de son époux, alors député de
Paris. Lorsque les enquêteurs lui demandent :
« Comment
faisiez-vous pour conjuguer sur la même
période les emplois, tous les deux à plein temps ? »
L’intéressée répond :
« J’organisais
mon temps de travail comme je le voulais, et il n’y avait pas vraiment de
week-end ni de repos hebdomadaire. »
Concernant son salaire, elle assure ne pas avoir eu « de
prétentions salariales » et n’avoir jamais abordé
la question avec Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire du titre et ami de François Fillon. Lorsqu’elle
a appris le montant de sa rémunération, elle a
toutefois « pensé que c’était généreux », dit-elle.
Une note de lecture dans une revue, par un professeur, donc un type compétent, pas un amateur qui s’ennuie chez lui, c’est payé :
Pas 100.000 euros
Pas 10.000 euros
Pas 500 euros
Pas 100 euros
C’est payé 0 Euro.
Pierre Jourde
Elle explique aussi que son travail de conseillé littéraire consistait à délivrer des conseils « oraux uniquement dispensés à M. Ladreit
de Lacharrière ». « Quatre
ou cinq fois », précise-t-elle. Mais lorsque les
enquêteurs lui demandent de décrire les locaux de La revue
des deux mondes, rue de Lille dans le 7e arrondissement parisien, Mme Fillon
en est incapable : « Je
n’y suis jamais allée. »
« Vous avez effectué pendant vingt mois une mission de
réflexion stratégique sur la Revue des deux mondes sans jamais y aller, ni rencontrer le directeur, ni les employés
et auteurs de cette revue ? », insiste le policier, étonné par la réponse de Penelope
Fillon. « J’ai
été déçue de ne pas être plus sollicitée ».
En novembre 2013, Mme Fillon
démissionne de la revue après avoir rédigé, dit-elle, plusieurs notes de
lecture qui n’ont jamais été publiées. Et quitte, au même moment, sa fonction
d’assistante parlementaire auprès de son époux qui opte, lui, pour la
présidentielle.