Les viandes hachées surgelées viennent
d'un mélange de déchets
à base de muscles, d’os et de collagène.
Difficile donc de savoir précisément ce
qu'elles contiennent.
Un scandale de plus dans nos assiettes ?
Après la viande de cheval, et peut-être même d’âne (si l’on en croit les
révélations du quotidien britannique The Independent) retrouvée dans
des plats tout préparés censés être au bœuf, c’est bien du porc qu’on aurait
débusqué en grande quantité (30% !) dans des boulettes made in UK dont
l’emballage mentionne « 100% pur bœuf ».
Ces mauvaises surprises se font certes
aux dépens des chaînes de supermarchés qui commercialisent les produits
(Picard, Aldi et Waitrose en Grande-Bretagne) et des marques comme Findus. Mais,
dans cette histoire, les vrais dindons de la farce sont bien les consommateurs.
Comment, dès lors, faire confiance lorsqu’on achète un produit carné, qu’il soit
frais (pavé de bœuf ou rôti de porc par exemple) ou transformé (rillettes, sauce
bolognaise, pâtés) ?
En France, une enquête est en cours
pour déterminer la chaîne des responsabilités. Les résultats seront présentés
jeudi matin aux ministres concernés. Stéphane Le Foll, le ministre de
l’Agriculture, doit se rendre mercredi en fin de journée à Bruxelles pour
prendre part à une réunion de crise avec ses homologues des Etats membres
concernés par le scandale de la viande de cheval. Tonio Borg, le commissaire
européen en charge de la Santé et de la Politique des consommateurs, participera
à la réunion. Il y sera notamment question de l’étiquetage des
produits.
Pour les produits non transformés, aucun
problème, il y a obligation d’indication de l’origine de la viande. Par contre,
pour les produits transformés, il n’existe aucune obligation. Cette opacité
permet à certains agro-industriels de l’alimentaire de se comporter en
véritables traders. De changer de fournisseurs chaque semaine en fonction de
l’évolution des cours des prix sur les marchés. Je m’explique. Pour garantir la
traçabilité d’un produit, il faut une relation de confiance, il faut des
fournisseurs stables. Avec des obligations à chaque maillon de la chaîne. Une
plus grande transparence est aujourd’hui obligatoire. Les professionnels de la
filière bovine, qui se sont ralliés à
nous, en sont aussi conscients. Ils ont aussi tout
à y gagner.
L’UE s’empare de la question de l’étiquetage
A ce jour, seule l’origine géographique
des fruits et légumes, des poissons et de la viande de bœuf (héritage de la
crise de la vache folle) doit être obligatoirement mentionnée sur les
emballages. A partir du 13 décembre 2014, préciser l’origine du porc, du mouton,
de l’agneau, de la chèvre et de la volaille, deviendra impératif au niveau
européen. Mais on parle là des viandes fraîches. D’autres discussions sont en
cours au niveau de la Commission européenne pour envisager l’étiquetage des
produits transformés. La décision devait, à l’origine, attendre la fin d’année.
Actualité oblige, le sujet devrait être abordé dès la rencontre de mercredi
soir.
« La France va pousser
pour que l’origine des viandes dans les produits transformés soit
reconnue », a déclaré Stéphane Le Foll après une réunion de crise à
Bercy, ce lundi. Il estime que « ce malheureux incident devrait permettre
d’aller plus vite ». L’impatience est forte du côté de la FNSEA, principal
syndicat agricole français qui s’insurge, dans un communiqué de presse contre la
mollesse supposée de la Commission européenne sur le sujet.
« D’après elle, il serait « prématuré » d’envisager de rendre
obligatoire un étiquetage d’origine de la viande présente dans les produits
transformés… il faudrait donc attendre un futur rapport d’un futur rapporteur
pour une future décision ! Déconnectés, voilà le bon mot ! Face à l’urgence,
face à la crise, face à la fraude, il faut réagir maintenant ! »
Que mettre sur les étiquettes ?
Mais il y a un premier point à trancher.
Quel type de mention apposer en effet sur le conditionnement ? Les consciences
s’écharpent. Faut-il indiquer l’Etat membre d’origine (là où l’animal est né, a
été élevé puis abattu) ou se contenter d’une simple mention « provenance UE /
hors UE » ? S’il s’agit d’un produit transformé, et que des viandes de
plusieurs pays ont été mélangées, faut-il toutes les mentionner ? Ou seulement
celle que l’on trouve en plus grande quantité ?
Les professionnels français de la viande
optent pour un étiquetage par pays d’origine. Dans un entretien à L’Usine
nouvelle, Dominique Langlois, président
d’Interbev,
l’association nationale inter-professionnelle du bétail et des viandes bovines
et équines, précise que le but de cet étiquetage est double : donner plus
d’informations au consommateur sur l’origine du produit et imposer aux
entreprises de vérifier la conformité de ce qu’elles inscrivent sur les
emballages avec ce qui est réellement vendu. Ce qui permettrait de limiter les
fraudes.
Un cochon exemplaire
La filière porcine française a, elle,
pris les devants. En décembre 2010, un accord interprofessionnel a été signé
pour apposer le logo VPF (Viande porcine française) sur les viandes dont les
animaux sont nés, ont été élevés, abattus et transformés en France.
Jean-Michel Serres, président de
la Fédération nationale porcine, explique que « ce qu’il faut identifier et
tracer, c’est l’origine du produit ». « Nous avons combattu la simple
mention ’transformé en France’ car elle était trompeuse pour le
consommateur, précise-t-il. La plupart du temps, la viande venait d’un
autre pays. Non pas que le produit soit nécessairement mauvais s’il ne vient pas
de France, mais le consommateur a le droit de savoir d’où vient ce qu’il
achète. »
Ne serait-ce que parce que les modes
d’élevage peuvent différer d’un pays à l’autre. Un exemple : si tous les
porcs français sont végétariens, les porcs espagnols, eux, sont nourris aux
graisses animales. Et acheter français, c’est aussi s’assurer que les
porcs ont été abattus dans l’Hexagone par des personnes qui perçoivent un
salaire décent. « Alors qu’en Allemagne, les employés des abattoirs sont des
Polonais, des Ukrainiens, des Roumains payés au même tarif que dans leur pays
d’origine », ajoute Jean-Michel Serres. Soit 5 euros de l’heure au lieu de
18 euros en France...
Mais la filière porcine s’expose ces
temps-ci à des tensions internes. Alors que les éleveurs souhaitent que
l’UE tranche pour un étiquetage mentionnant le pays d’origine, les charcutiers
traiteurs, qui transforment la viande, préféreraient que la Commission
européenne rende obligatoire la simple mention « viande de
l’UE ». L’objectif ? Garder la possibilité, si bon leur semble, de
mélanger, dans un même jambon blanc, des morceaux de cochons français et
espagnols sans avoir à le mentionner. Un patchwork signe de l’intégration
européenne mais pas forcément bien rassurant.
Astuce
Si l’origine de la viande n’est pas
explicite sur le produit, il faut chercher sur l’emballage deux lettres suivies
de cinq chiffres. Les deux lettres indiquent le produit de provenance
(FR=France, DE=Allemagne, IT=Italie, etc.), les deux premiers chiffres font
référence au département où la viande a été produite. Les trois suivants sont le
numéro attribué à la ferme. Cela ne vaut que pour les produits carnés
frais....
Minerai de viande :
« Ce sont des bouts de machin.
En fait, c’est catégoriquement de la merde »
Par Rue89
Ma mère n’a jamais cuisiné. J’ai passé mon
enfance à manger des petites quiches vertes toutes molles et des lasagnes à la
bolognaise surgelées.
Le scandale de la viande de cheval 100% pur
bœuf a éclaté la semaine dernière, et aucune surprise pour moi : je me doutais
bien que ce qu’il y avait dans ma moussaka micro-ondée n’était pas de la vraie
viande, saillante et fraîche.
Ces petits bouts de trucs marrons étaient
denses sous la dent et je crois que cela me suffisait. La sauce rouge (je n’ose
plus affirmer que c’était de la tomate) faisait passer le tout. Cela ne m’a
jamais empêché de dormir.
Déchets de viande, viande de déchets
Je ne pensais pas qu’on me mettrait un
jour face à la triste et dégoûtante réalité : j’ai mangé des centaines de kilos
de « minerai de viande », donc de déchets.
C’est un article publié sur Rue89 par
Colette Roos qui m’a appris l’existence de ce mot.
Certains de mes proches l’avaient découvert en écoutant France Inter ce week-end
et ils sont restés bloqués sur des images de terrils, de sidérurgie.
En cliquant sur le mot « minerai » –
une page Wikipédia a aussi été
créée le mardi 12 février – je suis tombée sur
cette définition :
« Un mélange de déchets à base de
muscles, d’os et de collagène. »
C’est le mot « collagène » qui m’ennuie le
plus.
Colette renvoie aussi vers le blog de Fabrice
Nicolino, sur lequel est posté un document officiel
[PDF] : la spécification technique n°B1-12-03 du
28 janvier 2003 applicable aux viandes hachées et aux préparations de viandes
hachées.
A sa lecture, cela se confirme. On peut donc
mettre du « minerai » dans la viande hachée, « qui provient des muscles
striés et des affranchis » (y compris les tissus graisseux).
Pourquoi on peut confondre bœuf et cheval
Donc : après avoir découpé les morceaux
« nobles » (entrecôte, faux-filet...) du bœuf, l’abattoir récupère les chutes
non commercialisables, un bloc de 5 ou 10 kg vendu aux industriels pour la
fabrication des plats préparés : boulettes de viande, raviolis, lasagnes, hachis
parmentier. Cela représente 10% à 15% de la masse de l’animal. L’affaire des
lasagnes Findus devient plus compréhensible.
Il est impossible de confondre un steak de
viande bovine et un steak de cheval, c’est facile de faire la différence même
pour moi et les types de Comigel – fournisseur de Findus et de Picard – ne s’y
seraient pas laissés prendre. Même en petits morceaux, les deux matières ne se
ressemblent pas : la viande bovine est plus rouge, plus grasse, elle n’a pas la
même tenue.
Mais, à l’inverse, on peut prendre du
minerai de porc ou de cheval (haché) pour un minerai de bœuf, très facilement.
Constantin Sollogoub, ancien inspecteur des abattoirs à la retraite,
m’explique :
« Quand le minerai est haché, il devient
un magma prêt à entrer dans les plats préparés. On ne peut plus savoir ce que
c’est qu’avec des tests poussés. La mixture peut également contenir de l’âne et
du mulet, personne ne s’en rendra compte. Celui qui a haché le minerai et qui a
réalisé le mélange entre le bœuf et le cheval est celui qui a arnaqué. Les
autres se sont fait avoir. »
Il note qu’il est aussi possible de
retrouver des parcelles de viande de porc dans des produits halal : c’est déjà arrivé et c’est bien plus grave.
« Même pas bon pour les chats »
Constantin Sollogoub est un ancien
vétérinaire libéral, sympa, enrôlé par l’Etat pour faire des inspections dans sa
région (Nevers). Il nous dit qu’il connaît bien la Roumanie, pour y être allé
dans le cadre de son association Coopération et échanges vétérinaires. Selon
lui, « au passage », on y trouve surtout des vaches à lait et la viande qui en
est issue est de mauvaise qualité.
Constantin Sollogoub se doutait qu’un
scandale allait éclater un jour. A propos du minerai, il dit en se
marrant :
« Ce sont des bouts de machin, de gras
notamment. En fait, c’est catégoriquement de la merde. Il y a 40 ans, cette
matière allait à l’équarrissage pour être brûlée. Les industriels n’osaient même
pas en faire de la bouffe pour chat. Là-dessus, nos grandes maisons auréolées de
luxe et de qualité, comme Picard, ont décidé que c’était du gâchis... Avec les
progrès de la chimie additionnelle, c’est devenu possible d’en faire quelque
chose. C’est presque bon à manger, ça a bonne allure. Ces morceaux sont donc
ramassés, mis en bloc et congelés et ils se baladent à droite et à
gauche. »
Constantin Sollogoub pense que la solution
est de redevenir parano et de ne consommer que le steak haché que l’on voit
passer dans la machine du boucher. Celui qui est dans les rayons d’hypermarchés
est moins sûr. Une dizaines d’acteurs ont probablement spéculé sur la matière,
la qualité en a forcément pris un coup.
De son côté, Colette Roos conseille de se
remettre à cuisiner avec des bons produits. Les lasagnes bolognaises, c’est 45 minutes de
préparation. Et il faut avoir des feuilles de
laurier sous la main...