Depuis
la semaine dernière un terme s’est répandu de façon regrettable et est en voie
d’être honteusement banalisé, blasphème, banalisation qu’il convient d’enrayer
sans tarder. Ce nom commun, qui, en fait, ne l’est guère, apparaît, selon le
dictionnaire étymologique Bloch& Wartburg, au XIIème siècle dans le latin
écclésiastique, blasphemia, avec le sens de parole
impie, parole qui outrage la divinité, la religion, voilà bien là un premier
détournement sémantique de taille, puisque le sens initial issu du grec blasphêmein apparaît
dans le dictionnaire latin-français Gaffiot avec le sens général et non connoté
de parole outrageante, calomnie.
Blasphème est donc issu d’une
période où le dogme régnait en maître, où la vérité était imposée aux plus
faibles par les plus forts, aux plus pauvres par les plus riches, aux
non-instruits par les détenteurs du savoir, et quiconque la contestait ou la
refusait cette vérité imposée était considéré comme une menace à l’ordre
établi, « le blasphème étant un péché, un crime contre Dieu » (le
Grand Robert). Le mot blasphème est le fruit du dogme, c’est-à-dire « un point de doctrine établi comme
une vérité incontestable dans une religion ». L’utilisation de ce mot est incompatible avec le concept de laïcité.
Dans une République laïque, chacun peut, dans le cadre de sa sphère privée,
croire en un dieu ou n’y pas croire, pratiquer ou non une religion, mais personne n’a le droit, selon ses choix
religieux ou philosophiques, de décider ce que son voisin doit faire ou ne pas
faire. C’est le chemin du fascisme et de la barbarie. Et les
apprentis-sorciers de certains media qui banalisent ce terme d’un autre âge
devraient réfléchir, réfléchir un bien grand mot bien sûr, car, quelle sera la prochaine étape ?
L’apparition du mot péché dans le vocabulaire
journalistique ?…