mercredi 11 novembre 2020

Tony Tata, un frappadingue au Pentagone


    Pour paraphraser Gramsci, le vieux monde trumpien se meurt, le nouveau monde bidenien tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. L’un de ces derniers s’appelle Tata. Tony Tata. A part son nom, rien n’est sympathique chez lui.

    Trump, qui est en train de procéder à une véritable purge au Pentagone, virant quatre hauts responsables – à commencer par le Secrétaire à la défense Mark Esper et son directeur de cabinet – pour les remplacer par certains de ses fidèles, vient de désigner Tata à la place de James Anderso, sous-secrétaire pour la politique de cette puissante administration. Il s’agit du troisième poste du Pentagone.

    Général de brigade à la retraite, auteur de romans de gare, ex-commentateur sur FoxNews, Tata, 61 ans, était secrétaire aux transports de Caroline du Nord et surintendant de l’école du comté de Wake. 

    Trump a déjà cherché il y a quelques mois à le propulser sous-secrétaire au Département de la Défense. Mais le processus de confirmation de sa nomination a déraillé au Sénat, pourtant majoritairement républicain, quand ses tweets ont été examinés à la loupe. Tata s’est fait remarquer en affirmant, entre autres, que l’islam était « la religion la plus violente et la plus oppressive » et qu’Obama était un « chef terroriste ». Exit Tata ? Non : Trump avait contourné l’obstacle en le désignant comme « assistant au sous-secrétaire », un poste qui ne nécessite pas de confirmation sénatoriale.

    Tony Tata n’est pas précisément un exemple de modération, si l’on en juge à ces tweets, surtout ceux qu’il a depuis supprimés. Il a ainsi partagé un article qui faisait la promotion d’une théorie du complot selon laquelle Obama était un agent dormant au service du Hamas et des frères musulmans (un « manchourian candidate », allusion au film de 1962 « Un crime dans la tête » en VF). Selon Tata, Obama a plus fait pour « aider les pays musulmans que n’importe quel président ». S’il a négocié l’accord sur le nucléaire iranien, c’est parce qu’il avait « des racines islamiques » et qu’il voulait « aider les Iraniens et le grand État islamique à écraser Israël ». Il s’en est aussi pris dans un autre tweet hallucinant à l’ancien directeur de la CIA John Brennan :

    « Ce serait peut-être le bon moment pour choisir votre poison : peloton d’exécution, pendaison publique, perpétuité comme bitch de prison, ou vous pouvez tout simplement sucer votre pistolet. A votre choix”, suivi des hashtags #Treason #Sedition #crossfirehurricane #Obamagate.

    En 2018, comme l’a relevé CNN, Tata a dénoncé une « cabale de l’État profond » visant à renverser le président Trump. Dans sa mire, Brennan encore. L’ancien patron de la CIA ayant un jour cité Ciceron dans un tweet (« C’est le propre de l’être humain de se tromper ; seul l’insensé persiste dans son erreur »), Tata a cru y voir un signal codé pour déclencher l’assassinat de Trump : 

    « Aussi incompétent que John Brennan fut-il, en tant qu’analyste de la CIA (…), nous devons supposer qu’il connaît les techniques des espions. C’est un signal adressé à quelqu’un, quelque part. Cicéron a été assassiné pour des raisons politiques. C’est une menace claire contre le président des Etats-Unis. »

    Du style « Qanon » pur jus…

    Bref, un frappadingue de première classe. Il a évidemment exprimé par la suite des regrets sur ces tweets invraisemblables, parlant de « propos relevant de l’hyperbole » : « Il n’y a aucune excuse pour ces commentaires, pour lesquels je prends l’entière responsabilité et que je me rétracte et dénonce pleinement ». Mais même les militaires qui le soutenaient ont pris leurs distances. 

    Trump ne l’a jamais abandonné. Il faut dire que Tata est un maestro de la brosse à reluire, ce qu’il a démontré quand il était chroniqueur de Fox News. Il a ainsi vanté les pires décisions du président, du pardon que Trump a accordé à des criminels de guerre américains à l’abandon des alliés kurdes en Syrie.

    Les démocrates se consolent en se disant qu’il n’est là que pour 70 jours. Puis il éteindra la lumière. Certains appellent toutefois la Commission de la Défense du Sénat à s’élever contre cette nomination.