Menteur, sociopathe, égocentrique....
Dr Folamour au pouvoir
On ressent tous un filet de sueur glacée couler le long de notre colonne vertébrale en imaginant Barack Obama remettre à Donald Trump la petite mallette contenant les codes nucléaires américains
On ressent tous un filet de sueur glacée couler le long de notre colonne vertébrale en imaginant Barack Obama remettre à Donald Trump la petite mallette contenant les codes nucléaires américains
Vous ne vous
réveillerez pas de ce cauchemar :
l’homme d’affaires animateur de
télé-réalité est bien
le 45e président des Etats-Unis d’Amérique.
le 45e président des Etats-Unis d’Amérique.
Et
plus rien n’est sous contrôle.
Voilà le problème avec le nouveau
locataire de la Maison Blanche :
on en est réduit à imaginer non pas ce
qu’il fera, mais ce qu’il pourrait faire.
Si le langage usuel n’arrive pas à définir le
phénomène, c’est sans doute le grotesque, comme forme littéraire, qui permet le
mieux de rendre compte de cette figure inquiétante et risible, qui efface
la distinction entre le tragique et le comique. Une figure
du grotesque en politique ?
Plutôt que dans la Résistible
Ascension d’Arturo Ui,
c’est dans Ubu roi qu’il
faut chercher les clés de lecture du moment présent aux Etats-Unis. Le nouveau président est un personnage de
Jarry plus encore que de Brecht.
Le grotesque, comme
forme littéraire, est ce qui permet le mieux de rendre compte de cette figure
politique simultanément inquiétante et risible, qui efface la distinction entre
le tragique et le comique. Dans la farce ironiquement appelée «drame» telle qu’elle a
été jouée en 1888, le père Ubu
conquiert le pouvoir en assassinant le roi, puis l’exerce avec autant de
violence que de bouffonnerie. Egocentrique, il ne pense qu’à son intérêt
personnel. Malhonnête, il ne différencie pas les biens publics et ses affaires
privées. Incompétent, il voit sans cesse ses décisions ineptes corrigées par
son entourage. Vulgaire, il insulte tout un chacun jusqu’à son épouse. Brutal,
il humilie ses sujets et élimine ses rivaux.
il
se vante de donner de l’argent aux responsables politiques en attendant d’eux
qu’en retour ils accèdent à ses demandes, qu’il a évité une enquête judiciaire
sur les malversations de son université en effectuant un don à la procureure en
charge du dossier, qu’il souffre selon son biographe d’un déficit d’attention
qui ne lui permet pas de se concentrer plus de quelques minutes sur un sujet,
qu’il délègue à ses proches et souvent à ses enfants l’étude des dossiers
sur lesquels il doit prendre une décision, qu’il oblige ses collaborateurs à
intervenir publiquement pour amender ses déclarations les plus choquantes ou
incohérentes, qu’il se flatte que les femmes ne lui résistent pas lorsqu’il les
saisit par le sexe et qu’il est de fait accusé de harcèlement sexuel, qu’il a
mimé un journaliste handicapé pour le moquer devant une foule hilare et ironisé
sur la douleur muette de la mère d’un soldat mort au combat, qu’il assimile les
migrants mexicains à des violeurs, des dealers et des criminels et qu’il veut
constituer un fichier des musulmans résidant aux Etats-Unis, enfin qu’il invite
ses supporteurs à faire le coup-de-poing avec les activistes du mouvement Black
Lives Matter et qu’il évoque «le bon temps» où les Noirs ne protestaient pas
parce qu’ils savaient comment on les traiterait s’ils s’y risquaient ?
Les « théoriciens » de ce mouvement d’extrême droite s’appellent Kevin
MacDonald, Jared Taylor, Greg Johnson ou encore Richard Spencer. Ils
s’efforcent d’affiner la doctrine d’une « droite alternative » appelée à supplanter le
conservatisme jugé obsolète d’un Parti républicain dont les obsessions
libre-échangistes, budgétaires et fiscales ne serviraient que l’élite
internationale de Davos. Déterminés à
défier la « tyrannie du
politiquement correct » pour clamer haut et
fort un nationalisme autoritaire décomplexé, « ces auteurs se perçoivent comme les
intellectuels organiques du régime qu’ils souhaitent faire advenir, » explique Harrison Fluss, professeur de philosophie à Stony
Brook University et spécialiste de la droite américaine. Mussolini avait Filippo Tommaso Marinetti, Hitler avait le
théoricien Alfred Rosenberg, le philosophe Martin Heidegger et le juriste Carl
Schmitt ».
Menteur, sociopathe, égocentrique...
A quelques heures de l'investiture du nouveau
président américain, inspection de ses signes extérieurs très personnels...
1 L’adoubement par l’index
A la sortie d’une entrevue, Trump pointe souvent du doigt l’homme ou la femme qu’il a choisi pour rejoindre son cabinet. Le geste rappelle qui est le boss.2 La mâchoire en avant
"A force de pousser en avant ma mâchoire inférieure pour parler comme il le fait, je me la suis presque tordue", confie l’acteur Alec Baldwin, merveilleux imitateur de Trump dans l’émission "Saturday Night Live".3 La fascination pour la force
Le nouveau président adore les héros galonnés (Patton pour le passé, James "Mad Dog" Mattis, son secrétaire à la Défense, pour le présent) et se montre passionné par l’arme nucléaire. Et la proportion de militaires, dans son équipe, est sans précédent.4 L’absence d’humour
Arrive-t-il à Trump de sourire ? En tout cas, il ne sort pas de blagues en public, et il déteste les caricatures des humoristes à ses dépens. Il se prend très au sérieux. Pas étonnant : l’humour est subversif.5 La personnalisation du pouvoir
Elle passe par l’emploi répété du "je" ou du "moi". L’exemple le plus fameux étant son discours à la convention de Cleveland : "Moi, tout seul, je peux résoudre le problème."6 La couleur rouge
Sa cravate est presque toujours rouge, synonyme de force et de virilité. Heureusement, son costume n’est pas noir, mais bleu…7 La moquerie à l'égard des faibles
Trump "utilise sa tribune formidable pour écraser les gens les plus vulnérables et sans défense de notre société", dénonce la journaliste Amy Goodman. Avec le mégaphone de Twitter, les effets peuvent être redoutables.
Insoucieux du bien
commun, irrespectueux de ses concitoyens, inconvenant, irascible, impulsif,
influençable, inculte - en un mot : ubuesque - l’homme qui va diriger le pays
le plus puissant du monde est donc bien une figure du grotesque en politique.
Il y a, certes, une différence entre la créature
du Collège de Pataphysique et le nouveau président des Etats-Unis : la première
est arrivée au pouvoir par la force, le second y est parvenu par les urnes.
L’avenir dira s’il y a une autre différence entre eux : à la fin de la pièce,
le personnage de fiction est chassé du pouvoir ; alors que s’accumulent les
révélations compromettantes sur son double dans le monde réel, et notamment sur
ses liens secrets avec des puissances étrangères qui conduisent un nombre
croissant de députés à mettre en cause son élection et à boycotter son
investiture, il n’est pas certain qu’il aille jusqu’au terme de son mandat.