jeudi 22 juin 2017

Salut à Manuel Valls

Effroi face à ce que l’anti-vallsisme d’aujourd’hui comporte de cruauté, 
de violence, de sauvagerie et de jouissance dans l’outrage
 – qui sont toujours présages du pire.

Ah les cons, s’ils savaient… Voici ce que murmura le président du Conseil Edouard Daladier à son retour de Munich, le 29 septembre 1938, surpris de se faire acclamer par ses compatriotes pour avoir lâché la Tchécoslovaquie. Telle devrait être, aujourd’hui, mutatis mutandis, le cri du cœur de tous les républicains face à la haine diffuse et méthodique qui accable Manuel Valls.
Une haine ancienne sans doute, recuite, mais qui éclate au grand jour, désentravée ; une haine qui n’a, souvent, plus rien de politique ; une haine qui relève de la pensée magique ou de l’exorcisme et que le climat de l’époque porte à incandescence.
A Evry, donc, un Jean-Luc Mélenchon battant l’estrade pour la candidate locale de son mouvement, et avouant, entre deux saillies contre le «gouvernement d’oligarques (sic)» d’Emmanuel Macron, qu’il aimerait bien voir Manuel Valls faire un «49.3 au deuxième tour»avant d’ajouter : «Il est le plus misérable de tous, qu’il dégage !» ; derrière la jactance du leader de la France insoumise, cet aréopage d’internautes et de twittos qui, comme des somnambules, s’hallucinent progressistes quand ils traitent l’ex-premier ministre de tous les noms, le déshonorent, le vouent aux gémonies de la disparition politique ; et, au-delà, cette impression, oui, d’une vaste nébuleuse de l’injure et de la calomnie, d’une conjuration des bashers et des haters qui, après avoir quitté le registre de la légitime critique politique pour celui, bien plus problématique, de la flétrissure d’un homme, opère dans l’impunité du continent numérique.
Triste et basse époque : dans des franges notables de l’opinion embrasée par le dark web, le nom de Manuel Valls deviendrait ainsi celui qui, comme dirait le linguiste Jean-Claude Milner, «divise absolument» : le nom du politique émissaire.
Conviction, face à ce débondage d’insanités, que la démocratie n’a rien, vraiment, rien à y gagner. Certitude que les amis sincères de la liberté et du droit ont tout à y perdre et que la philosophie de la république autour duquel les Français sont appelés à se rassembler est l’antithèse de cet abaissement. Effroi, enfin, face à ce que l’anti-vallsisme d’aujourd’hui comporte de cruauté, de violence, de sauvagerie et de jouissance dans l’outrage – qui sont toujours présages du pire.
Et puis… Revenons à l’essentiel : quelque appréciation que l’on porte sur ses réalisations à Matignon, qu’a été, ces dernières années, dans le paysage politique de notre pays, Manuel Valls ? Eh bien, il a été ce que les Anglo-saxons nomment un left disturber. Non un homme qui veut effacer les frontières de la gauche comme les partisans de la IIIème force jadis critiquée par Blum, mais un homme qui a relevé de l’oubli, pire de la déréliction, quelques principes cardinaux de l’action : la défense de la laïcité, l’opposition courageuse et intraitable à l’islamisme, la lutte sans faiblesse contre le néo-antisémitisme, la réaffirmation du républicanisme civique. Cela, c’est l’essentiel.
Salut à Manuel Valls.