jeudi 14 mars 2013

Elites, revenchardes & Francophobes !...

Le dénigrement antifrançais n'est pas l'apanage des Anglo-Saxons et des eurocrates. Les charges les plus francophobes viennent aussi de l'intérieur, chez ceux qui se retrouvent dans les propos insultants du PDG américain de Titan. 

Pour eux, la France est nulle, archaïque et rétrograde.



Merci, monsieur Taylor ! 

Oui, il faut remercier Maurice M. Taylor, le PDG de Titan. Il faut le remercier non pour ce qu'il a dit des ouvriers français - cette bande de fainéants, de tire-au-flanc et de flemmards qui ne pensent qu'à boire et à se la couler douce. Il faut le remercier non pour ce qu'il a osé écrire à un ministre, Arnaud Montebourg - lequel a d'ailleurs su le remettre à sa place comme il le fallait. Il faut le remercier parce qu'il aura involontairement réussi à mettre à nu la formidable hypocrisie d'une partie de l'élite française. Car le «Grizzly de l'Illinois», aussi balourd soit-il, n'aura fait que dire tout haut ce que l'on dit mezza voce dans les salons parisiens. 

A l'instar de Laurence Parisot, nos grands esprits ont réagi avec une étonnante spontanéité à l'admonestation verbale du PDG. Qu'a dit la patronne du Medef, chef de file de l'élite économique de notre beau pays ? La lettre de M. Taylor est certes «inacceptable» (service minimum obligatoire pour ne pas perdre la face), mais, «par cette façon très provocante de dire les choses», l'homme d'affaires américain «met en avant des anomalies et des dysfonctionnements que nous devons corriger». Et voilà le travail, si l'on ose dire : ce qu'écrit M. Taylor, c'est mal, mais, sur le fond, il a raison ! 

Patriotisme en berne 

Ne jurant que par le dieu Marché, le monde politico-médiatique a repris ce raisonnement à la virgule près, sans qu'il soit besoin de lui fournir les éléments de langage. 
Facile : c'est exactement ce qu'il pense. De Valérie Pécresse, ex-ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, à Dominique Seux, chroniqueur économique au journal les Echos et à France Inter, en passant par quelques étoiles de moindre éclat, le même refrain binaire repris en chœur : non, on ne peut pas parler comme Maurice Taylor ; oui, on doit reconnaître qu'il n'a pas tort. 

Anecdote symbolique : le Monde, pour rendre compte de l'échange épistolaire entre Maurice Taylor et Arnaud Montebourg, a fort symboliquement titré en une sur la «surenchère» présumée du ministre face aux «outrances» du patron. Comme si leurs propos étaient sur un pied d'égalité, comme s'ils se valaient. 

Il en est ainsi parce que ceux qui ne jurent que par le modèle allemand les jours pairs et par le modèle anglo-saxon les jours impairs ont perdu tout sens de la mesure, sinon des réalités. Désormais, le patriotisme est une valeur en berne dans les beaux quartiers. La francophobie se porte en sautoir, surtout depuis que la gauche est aux affaires. Si le terme n'était pas aussi connoté par l'histoire, on pourrait presque parler d'anti-France. Evitons-nous de mauvais procès et prenons plutôt quelques exemples. 
Chaque semaine, Franz-Olivier Giesbert, directeur de notre excellent confrère le Point, pourfend, à juste titre, les gouvernements de droite comme de gauche qui, pendant trente ans, ont laissé filer les déficits publics, creusé la dette et aliéné une partie de notre souveraineté. Il a raison. Mais, ce faisant, nombre de ses éditoriaux se résument au raisonnement suivant : sachant que, premièrement, la France est nulle ; que, deuxièmement, la France est nulle ; que, troisièmement, la France est nulle ; on peut en déduire que... la France est nulle. 

FOG tire ainsi à boulets rouges sur «le prétendu modèle français» et dénonce le «déni français» défini comme «un mélange d'isolationnisme, de repli sur soi et de complexe de supériorité, les trois matrices du déclin». Au terme d'un looping intellectuel de haute volée, il va même jusqu'à y voir la marque de «ce qu'on pourrait appeler la xénophobie bien-pensante puisqu'elle est souvent de gauche» (sic). Quelques jours plus tôt, à propos de la situation économique, il condamnait «l'autisme français» qui conduit à refuser «les vraies solutions mises en œuvre chez la plupart de nos voisins». Saluant l'approche commune au Medef et à la CFDT, il poursuivait : «C'est encore cet autisme français qui, cadenassant le pays dans l'archaïsme, l'a jusqu'à présent empêché d'accepter les solutions qui s'imposent en matière de compétitivité ou d'emploi.» Et de désigner d'un doigt accusateur cette «île» qu'est devenue la France «protégée par une ceinture de lignes Maginot». Huit jours plus tôt, faisant écho à son chroniqueur économique, Nicolas Baverez, il fustigeait le «mal français» et «la tradition française de la peur et de l'évitement»... 

Christophe Barbier, son alter ego de l'Express, est aussi constant dans l'art de viser des cibles identiques. Evoque-t-il Florange qu'il dénonce un pays où «en chaque Français sommeille un petit Zola récitant son catéchisme». Dans une autre de ses livraisons, il écrit : «La France donne parfois l'impression d'être candidate à l'euthanasie.» Sous-entendu : ce pays est mortifère quand la vie est tellement plus belle, plus douce, en d'autres contrées. Regardez donc comment ils font ailleurs. Prenez donc exemple sur les courageux Allemands, les progressistes Britanniques, les doux Scandinaves... Même l'industrie espagnole reprend du poil de la bête quand la nôtre s'enfonce inexorablement... 

Litanie francophobe 
 
Les politiques grecs ne reconnaissent d'autre force 
que celle de la vertu.
Ceux d'aujourd'hui ne vous parlent 
que de manufactures, de commerce, de finances,
 de richesses et de luxe même.
Montesquieu


C'est un chœur où tous les interprètes ont leur propre partition. Outre les deux solistes susnommés, il y a les sopranos Alain Duhamel (sur RTL et dans Libération, tendance consensus), Yves de Kerdrel (Valeurs actuelles) et Yves Thréard (le Figaro, tendance droite libérale et libérée) ; la voix de basse de Jean-Michel Aphatie, sans oublier l'inévitable Alain Minc, l'inventeur de la «mondialisation heureuse», capable d'interpréter cette litanie dans toutes les tessitures. De Johnny Hallyday au rappeur Booba en passant par quelques stars du CAC 40, sans oublier ceux qui ont leur rond de serviette sur les plateaux télé, c'est à qui expliquera, exemples à l'appui, que le summum de l'audace consiste à s'expatrier sous des cieux plus cléments et que la France est un territoire perdu pour la modernité. 

Alain Minc, l'homme qui murmurait à l'oreille de Sarkozy, en a récemment donné un exemple presque caricatural, lors de son échange avec Arnaud Montebourg, sur le plateau de l'émission «Des paroles et des actes» (France 2). Ce soir-là, Alain Minc a expliqué grosso modo que tout ce qui se faisait en France était à jeter aux oubliettes, à commencer par le volontarisme d'Etat, et qu'il fallait absolument copier ce qui se faisait ailleurs, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, voire de l'Espagne, et pourquoi pas des îles Galapagos. 

Ainsi est né un nouveau sport. On pourrait l'appeler le french bashing de l'intérieur, par référence à ce dénigrement antifrançais qui avait fleuri de l'autre côté de l'Atlantique lorsque Jacques Chirac, non sans un certain courage politique, avait condamné fermement l'invasion américaine de l'Irak. A l'époque, d'ailleurs, nombre des voix précédemment citées avaient pris la réaction française avec des pincettes. La liberté de ton dont ils aiment se réclamer a en effet les limites de l'atlantisme bon teint. Critiquer la Russie, dont on n'oublie jamais de rappeler le passé soviétique, oui. Décrire la Chine comme le futur impérialisme dominant, pas de problème. Mais critiquer l'Amérique néoconservatrice tirant les conséquences guerrières des théories fumeuses sur le «choc des civilisations», cela valait illico presto accusation d'«antiaméricanisme». 

A cette occasion, Jacques Chirac avait confirmé qu'il n'avait pas (totalement) oublié la tradition gaullienne et que la France avait encore quelque aptitude à faire entendre une voix singulière dans le concert des nations. Certes, le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, sous l'ère sarkozyste, participe d'un processus de normalisation fort regrettable. On s'étonne d'ailleurs que François Hollande, si critique sur le sujet du temps où il était dans l'opposition, ait décidé de n'y rien changer. Reste que la France continue de bénéficier d'une aura internationale attestant qu'elle n'a rien d'un nain politique. Qu'importe : aussitôt la guerre au Mali déclenchée - et saluée par la plupart des commentateurs -, les mêmes se dépêchent d'expliquer que la France est isolée, pour ne pas dire abandonnée par ses alliés. 

Voilà la ritournelle en vogue. La France a toutes les tares. On en trouvera ici même quelques exemples les plus criants. Certains sont excessifs, caricaturaux. Ils sont néanmoins représentatifs de ce qui se susurre dans les cercles privés qui jouent le dénigrement permanent, comme si le roman national lui était désormais insupportable et que l'avenir s'écrivait ailleurs. Certes, la situation, économique, sociale, financière, est grave. Une dette himalayenne, des déficits publics abyssaux, un chômage de masse qui menace de battre tous les records... Faut-il pour autant dénigrer notre pays à tout bout de champ ? N'y a-t-il pas, tout de même, quelques raisons d'en être fier ? Pour ceux-là, telle n'est pas la question. De fil en aiguille, tout est passé à la Moulinette : le gaullisme (cela va de soi), l'esprit de la Résistance (à oublier), le Front populaire (à vomir), et même la Révolution française, symbolisée par la nuit du 4 août qui donne des cauchemars à Jean-François Copé (mais il n'est pas le seul). 

Un pays qui a des prétentions émancipatrices et des traditions rebelles, c'est forcément dangereux. D'où cet étalage de francophobie douteuse. Alors que notre pays est la cinquième puissance économique du monde, alors qu'il reste la deuxième destination préférée des investissements étrangers en Europe, alors qu'il dispose encore d'une certaine aura internationale, un jeu de fléchettes est en vente dans les magasins chic de l'élite avec le symbole national comme cible désignée. La belle et forte démographie française ? Jamais évoquée. Les salariés français sont les plus productifs ? On les traite de feignants ! Les atouts économiques de ce pays ? Passés par pertes et profits. 

Rassurez-vous : à Marianne, on n'est pas des Bisounours ! Loin de nous l'idée de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes tricolores. Chacun connaît la situation désastreuse léguée par le sarkozysme flamboyant et par une crise qui ouvre des plaies béantes dans l'ensemble du corps industriel. De ce point de vue, on ne sera jamais assez sévère avec les politiques mises en œuvre par la droite comme par la gauche depuis plus d'une trentaine d'années. Mais ceux qui, aujourd'hui, jugent la France morte et enterrée sont les mêmes qui, hier, ont encouragé les délocalisations, entonné l'hymne du capitalisme financier et théorisé la désindustrialisation sous prétexte que l'avenir était aux services. Aujourd'hui, sans l'esquisse de la moindre autocritique (pas le genre de la maison), ils jouent la carte du catastrophisme pour prôner des pseudo-réformes qui ne font qu'aggraver le mal. 

En fait, les accros au néolibéralisme proposent d'en rajouter une couche (de néolibéralisme) pour essayer de masquer les fissures dans les fondations. Telle est la véritable arrière-pensée du french bashing : réussir à briser ce qui reste du modèle social à la française sous prétexte de copier ailleurs non pas ce qui se fait de mieux, mais de pis. 

L'originalité de ce modèle social, largement inspiré par le programme du Conseil national de la Résistance, a consisté à promouvoir le sens du collectif. Son atout maître était un secteur public dynamique, dégagé de la recherche du profit à court terme, destiné à construire un appareil économique efficace. On ne peut comprendre la période des Trente Glorieuses sans prendre en compte la dynamique enfantée par ces réformes nées d'un système de mixité économique et sociale, daté certes, mais original. Le public et le privé se sont épaulés (non sans contradictions) pour permettre la reconstruction, puis la modernisation de l'outil industriel. Ce n'est pas par hasard si, aujourd'hui encore, la France réalise ses principales performances dans des secteurs comme l'aéronautique et le nucléaire. 

La finance contre l'Etat social 
La Banque [internationale] pourrait mettre en place un compte en faveur d'une autorité de gouvernance supranationale chargée de préserver la paix et de maintenir l'ordre international. Si un quelconque pays venait à empiéter sur ses ordonnances convenablement autorisées, cette autorité de gouvernance pourrait être habilitée à saisir les gouverneurs de la Banque des Règlements afin de geler le compte de la banque centrale du pays délinquant envers l'une de ses ordonnances et empêcher toute transaction sur ce compte en dehors de son autorité. Ceci consituerait une excellente machinerie pour imposer un blocus financier.

The Bank might set up an account in favour of the supranational policing body charged with the duty of preserving the peace and maintaining international order. If any country were to infringe its properly authorised orders, the policing body might be entitled to request the Governors of the Clearing Bank to hold the Clearing Account of the central bank of the delinquent country to its order and permit no further transactions on the account except by its authority. This would provide an excellent machinery for enforcing a financial blockade.
John Maynard Keynes (1941)


Comme dans d'autres pays du Vieux Continent (notamment en Europe du Nord, mais aussi en Allemagne de l'Ouest), la puissance publique avait pour mission de réguler, d'organiser, de rationaliser et parfois de contrecarrer la pente naturelle du marché, dans les conditions spécifiques de l'époque. Il s'agissait d'une forme d'Etat social, doté de structures collectives de protection des salariés, malgré des conditions de travail difficiles. 

Cet attelage baroque n'a pas résisté aux coups de boutoir successifs qui ont dégagé la place pour un nouveau capitalisme poussé par les grands vents de la financiarisation. Sous la pression des gardiens du temple de l'orthodoxie financière que sont les organismes internationaux chargés de faire appliquer à la schlague les règles de la mondialisation néolibérale, le couple diabolique dérégulation-privatisation a conduit à une série de crises successives, dont celle déclenchée en 2008, d'une ampleur inégalée depuis la grande dépression de 1929. 

Pourtant, face à la déferlante qui balaie le monde occidental, la protection sociale, le système de retraite par répartition, l'indemnisation du chômage, la dépense publique pourraient être utilisés comme des amortisseurs face à la crise
. Or, ce sont ces vestiges présumés d'une certaine époque que veulent enterrer les tenants du modèle anglo-saxon pour faire entrer la France dans le moule de l'économiquement correct, en cédant à la vague dérégulatrice qui renverse tout sur son passage. 

"The Economist" donne le ton 

Voilà comment et pourquoi ces élites instruisent quotidiennement le procès de la France. Voilà même pourquoi ils jubilent quand ce procès est instruit par d'autres qu'eux-mêmes. Par The Economist, par exemple, journal de référence de la pensée dominante qui ose titrer à propos de la France : «La bombe à retardement au cœur de l'Europe». Vrai, disent-ils. «La France dans le déni», vrai encore, répètent-ils. Plus c'est dur, plus c'est bon ! Et qu'importe que les Etats-Unis soient plus endettés que la France. Qu'importe que la Grande-Bretagne vienne de perdre elle aussi son triple A. 

Comment remettre de l'ordre dans la maison quand la plupart des outils structurels permettant un pilotage public de l'économie ont été jetés par la fenêtre ? Comment instaurer une distribution sélective du crédit sans un pôle bancaire public redéfini sur la base de nouvelles missions ? Comment redresser l'économie en restant enfermé dans les critères dogmatiquement fixés par les apôtres européens de l'austérité pour tous ? Comment espérer relancer le potentiel industriel et de recherche français en faisant du «coût du travail» le problème numéro un sans poser la question du coût du capital ? Comment échapper au diktat des marchés sans exiger de la Banque centrale européenne qu'elle joue son rôle, comme le font les banques centrales américaine et japonaise ? Comment prétendre gagner la bataille économique en flexibilisant encore plus ? Bref, comment faire mieux en aggravant ce qui a été fait hier et qui a conduit aux blocages d'aujourd'hui ? 

Mais, pour les adeptes des modèles étrangers, ces questions-là n'ont pas à être posées. Avec eux, toute velléité de sortir des canons de la pensée correcte est un crime contre l'esprit. Nonobstant tous les enseignements que l'on devrait retirer de la crise, ils exigent plus de néolibéralisme, comme d'autres, à l'époque de l'URSS, appelaient à plus de communisme pour sauver un système fondamentalement pervers. Voilà pourquoi se répand une campagne sournoise, malsaine, permanente, alimentée par une élite qui n'aime pas la France à cause de ce qu'elle en a fait et en raison de ce qu'elle veut en faire. 

lundi 11 mars 2013

"donnant-perdant" pour les salariés


Un accord "donnant-perdant"

 pour les salariés

18 janvier 2013

Tribune de Denis Auribault, Guillaume Etiévant et Laurent Garrouste, 
membres de la Fondation Copernic, dans Le Monde.fr du 18 janvier 2013

L’accord du 11 janvier signé par le patronat et trois syndicats (CFDT, CFE-CGC et CFTC) est une étape dans les relations sociales françaises. Rarement, un accord de ce niveau aura entériné autant de reculs pour les salariés. Les "nouveaux droits pour les salariés" sont très limités, tandis que des revendications patronales de grande portée sont satisfaites. 

Quels sont donc ces nouveaux "droits" ? La fameuse majoration de cotisation (incorrectement nommée "taxation") des contrats à durée déterminée (CDD) courts est limitée : + 0,5 à + 3 points en fonction des types ou des durées de contrat, de moins d’un à trois mois . Elle peut aisément être contournée : en allongeant la durée des contrats les plus courts au-delà des seuils ; en remplaçant les CDD par des contrats d’intérim, qui peuvent être conclus pour les mêmes motifs que les CDD ou en utilisant la période d’essai du contrat à durée indéterminée (CDI). Difficile de croire, par conséquent, à l’efficacité de cette mesure. 

Le coût de ce dispositif est estimé à 110 millions d’euros pour le patronat, mais il obtient en compensation une réduction de cotisations sociales de 155 millions d’euros pour les embauches en CDI de jeunes de moins de 26 ans. On pourrait faire la même démonstration sur la quasi-totalité des conquêtes de papier de l’accord. Les droits rechargeables pour les chômeurs ? La discussion concrète se fera avec la renégociation de la convention Unedic, sans "aggraver le déséquilibre financier du régime d’assurance chômage". Traduction : ce qui sera donné à certains chômeurs sera enlevé à d’autres. La couverture santé complémentaire généralisée ? Elle est renvoyée à la négociation de branche, et en cas d’échec, ce n’est qu’en 2016 que toutes les entreprises seraient tenues d’assurer la couverture d’un "panier de soins" limité, le tout financé à moitié par les salariés. 

Le patronat quant à lui peut se féliciter de l’accord. Il gagne à la fois une plus grande flexibilité et une plus grande sécurité juridique. 

Tout d’abord, la conclusion d’"accords de compétitivité-emploi" souhaités par Nicolas Sarkozy, qualifiés d’"accords de maintien dans l’emploi", est rendue possible. Un accord majoritaire pourrait, ainsi, prévoir une baisse de salaire en échange du maintien de l’emploi. Le salarié qui refuserait serait licencié pour motif économique, et si les salariés sont plus de dix à refuser sans les obligations d’un licenciement collectif. De fait, le contrat de travail ne pourra plus résister à l’accord collectif, même si ce dernier est moins favorable au salarié. L’inversion de la hiérarchie des normes et la destruction du principe de faveur se poursuivent. 

Il devient également possible de déroger par accord d’entreprise majoritaire aux procédures de licenciement économique collectif. En l’absence d’un tel accord la procédure et le plan social feraient l’objet d’une homologation par l’administration. Les délais de contestation seraient drastiquement raccourcis : 3 mois pour contester l’accord ou l’homologation (12 mois actuellement), 12 mois pour un salarié contestant son licenciement (5 ans actuellement). 

UNE POLITIQUE D’INSPIRATION LIBÉRALE 

Tout est fait pour éviter que le juge judiciaire s’en mêle comme le souhaite le Medef pour "sécuriser les relations de travail". Cerise sur le gâteau, l’article 26 limite l’accès au juge prud’homal : instauration d’un délai de 2 ans maximum pour une réclamation portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail (sauf discrimination) et de 3 ans pour une demande de salaire en cours d’exécution du contrat (contre 5 ans actuellement). Enfin, les prérogatives des comités d’entreprises sont réduites par diverses dispositions et un délai de 3 mois est accordé aux employeurs pour organiser l’élection des délégués du personnel et du comité d’entreprise une fois atteint l’effectif déclenchant l’obligation : un comble ! 

Cet accord ne fera pas reculer la précarité, ni le chômage, ne créera pas d’emploi, mais fera régresser un peu plus les droits des salariés, à commencer par les plus précaires d’entre eux, les femmes en particulier. Il n’a été signé que par trois organisations syndicales n’ayant rassemblé aux dernières élections prud’homales que 38,7 % des voix (et 28,11 % au référendum de représentativité organisé récemment dans les TPE-PME). 

Si les règles de validité permettent de considérer cet accord comme "majoritaire", il apparaît éminemment problématique qu’il puisse être repris dans la loi, alors même qu’il n’est signé que par des organisations ne représentant qu’une minorité de syndicats et de salariés. La majorité de gauche au Parlement n’a pas été élue pour mener une politique d’inspiration aussi nettement libérale.


Après le choc de compétitivité… 

le flop de solidarité


Allons, consciences, debout ! éveillez-vous, il est temps !
Si la loi, le droit, le devoir, la raison, le bon sens, l'équité, la justice,
ne suffisent pas, qu'on songe à l'avenir.
Si le remords se tait, que la responsabilité parle !
Victor Hugo

Le premier ministre, après deux jours de débats au Conseil économique, social et environnemental, qui ont rassemblé plus de 350 personnes et pas moins de 11 ministres, a annoncé le 11 décembre les grandes lignes de son futur « Plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » qui sera présenté en détails le 22 janvier prochain. Selon les déclarations de Jean Marc Ayrault, ce plan constituerait un « pacte de compétitivité sociale ». A mille lieues du plan d’urgence et des mesures structurelles nécessaires. 

Les quelques 8,6 millions de pauvres ont certainement été heureux d’apprendre que la mesure phare du quinquennat de François Hollande pour lutter contre la misère en France sera d’augmenter le RSA de 10 % sur 5 ans ! Cette largesse gouvernementale, qualifiée le jour même par la droite de retour à l’assistanat, fera, il est vrai, passer en 2013 le montant mensuel du RSA, pour une personne seule, de 475 € à 485 €, soit un niveau moitié moins élevé que le seuil de pauvreté. 

Comme le déclarait en substance le premier ministre, avec des trémolos dans la voix lors de son intervention de clôture : « Il est impossible de vivre avec le montant actuel du RSA ! Et c’est pour cela que le gouvernement s’engage dans une politique résolue de soutien au revenu des plus pauvres ». Si l’on ne peut pas vivre avec 475 € par mois, sera-t-il plus facile de s’en sortir avec 10 € de plus ? En tout cas, c’est ce que nous devons en conclure des mesures annoncées. 

Au total, cette « revalorisation » représentera environ 1,2 milliard d’euros, à comparer aux 20 milliards qui, dans le cadre du pacte de compétitivité, ont été distribués au patronat, sans aucune contrepartie en matière d’emploi. 10 % d’augmentation en cinq ans ne parviendront même pas, comme le prétend le gouvernement, à rattraper les 15 % de perte de pouvoir d’achat enregistrés sur les vingt dernières années par le RMI d’abord et le RSA ensuite, par rapport au SMIC. Et n’en déplaise au premier ministre, le RSA continuera de décrocher par rapport au salaire minimum, et les pauvres continueront d’être encore plus pauvres. 

Rappelons qu’hier Nicolas Sarkozy, dont le quinquennat ne peut pas être qualifié de particulièrement social, avait augmenté le minimum vieillesse de 25 % en cinq ans. Le gouvernement socialiste aura réussi la prouesse de faire pire qu’un des gouvernements les plus antisociaux de l’histoire de la cinquième République. Les femmes chargées de familles, dont on a dit tout au long de la conférence qu’elles étaient parmi les premières victimes de la crise, devront se contenter de 10 € de plus par mois pour élever leurs enfants. 

Quant au million de jeunes de moins de 25 ans en situation de pauvreté, dont le gouvernement nous dit qu’ils constituent la cible principale de son action, ils ne seront pas mieux lotis. Ceux qui attendaient qu’enfin le RSA soit ouvert à tous les jeunes sans condition de durée préalable d’emploi (puisque de l’emploi, justement il n’y en a pas pour eux), devront encore attendre. Pour eux non plus le changement ce ne sera pas maintenant. Peu importe que dans les cités, près d’un jeune sur deux soit pauvre. Pour ces millions de jeunes précaires, le gouvernement a prévu…. 100 000 contrats d’insertion rémunérés au niveau du RSA, sous condition de ne pas refuser l’emploi qui leur sera proposé. Quand on sait que les offres déposées par les entreprises à Pôle emploi sont composées à 80 % de contrats précaires, on imagine les pressions auxquelles seront soumis les jeunes. Pour tous les autres, la situation restera inchangée. Refuser d’ouvrir le RSA à tous les jeunes de moins de 25 ans entérine une véritable discrimination par l’âge : majeurs à 18 ans, pénalement responsables, électeurs, potentiellement éligibles... ils ne bénéficient pas des mêmes droits que leurs aînés. 

Ces annonces sont une véritable provocation. À aucun moment n’ont été discutées les causes véritables de la montée de la pauvreté qui touche aujourd’hui plus de 14 % de la population. Nous avons eu droit à un discours compassionnel et larmoyant qui a imprégné ces deux jours et particulièrement les interventions ministérielles. Les femmes, les jeunes, les salariés précaires, les chômeurs attendaient des mesures concrètes, qui ne sont pas au rendez-vous. Il faut dénoncer un discours de circonstance, dont le seul but est d’essayer d’endormir tous les acteurs publics et les associations. Il faut exiger que soit mis en place un véritable plan d’urgence pour les plus pauvres, et que des mesures structurelles soit engagées pour mettre fin aux inégalités économiques et sociales qui ne font que prospérer et sont à l’origine de la pauvreté. 

Julien Bonnefond, économiste, est membre de la Fondation Copernic.

la journée des femmes = non cumul des mandats

8 Mars, Journée de la non-Femme


Rédigé par Martine GOZLAN le Jeudi 7 Mars 2013

Chaque année, même les machos les plus farouches feignent, le 8 mars, de jeter une brassée de roses aux pieds de la femelle. Sans que rien ne change, au contraire...Le sempiternel retour de ces 24 heures lénifiantes, passées à ronronner entre bonnes consciences, est une mauvaise blague pour peu qu'on se penche sur le sort véritable des héroïnes du jour.


Elle est revenue, la divine journée qui prétend faire des dernières les premières, des Cendrillon les princesses, des princesses les tigresses, des obscures les étoiles et des sans-grade les générales. 
Le 8 mars, cette foutaise, revient à l'assaut, bon gros dérivatif aux liquidations de toutes sortes qui s'acharnent contre le deuxième sexe, lequel ne risque vraiment pas de se retrouver premier ces temps-ci quoiqu'en disent vrais réacs et fausses féministes.  Dossiers, séminaires, plateaux, éditos ( jusqu'à celui-ci, hélas) sacrifient au rite de la déification des masses féminines. On donne ainsi avec bonté, à moindres frais, histoire d'apaiser la galerie comme le poulailler, de l'oxygène pour un jour aux asphyxiées de l'année. Ajustez bien votre ballon d'air pur, il n'y en pas pour longtemps ni pour tout le monde. 
Celles qu'on célèbre semblent à priori bien choisies. Ainsi, en 2013, "la révolte des femmes arabes" occupe généreusement le champ. Une floppée de bouquins sortent en même temps: citons entre autres  "l'automne des femmes arabes", par Djemila Benhabib ( éditions H0) ou " Toutes libres" de "Sihem Habchi (Pygmalion). Et tout cela est bel et bon. Leurs auteurs ont parfaitement raison. Djemila Benhabib a reçu le Prix international de la laïcité 2012 et Sihem Habchi s'est battue comme une lionne à "Ni putes ni soumises" pour, écrit-elle, " faire tomber le voile qui nous entoure". Je signe des deux mains. J'achète. Sauf que cette blague du  8 mars, dans laquelle nos essayistes ne sont du reste pour rien, accroit encore le brouillard. Voyez-vous, on la fête partout, cette journée-là, y compris dans les pays où les femmes ne sont pas en odeur de sainteté mais  plutôt soupçonnées de diablerie. Bien sûr, il est logique que les plus hardies des humiliées s'en emparent, comme à Tunis, pour faire valoir leurs droits, en l'occurrence leur absence de droits ou les menaces qui pèsent sur  le maigre lot concédé naguère. 
Il me semble cependant que, sous nos climats, la journée de la femme sert surtout à hisser sur le podium une silhouette rêvée qui serait à la réalité féminine ce que les top models  de Karl Lagerfeld sont à la Française injustement qualifiée de moyenne. Les mannequins du 8 mars sont toutes battantes et épatantes. Elles pulvérisent le plafond de verre des entreprises, mènent de front trois ou quatre vies ( le marronnier de la presse féminine dont la majorité des lectrices  n'ont pourtant à leur disposition qu'une seule existence), affichent une carnation de 20 ans à la cinquantaine, se ruent à Amsterdam ou Londres pour la dernière expo et chez Louboutin pour le prochain shopping. Le mannequin du 8 mars vit au dessus des moyens financiers et psychologiques de la masse qu'elle est censée représenter. 
On a beau faire, on a beau dire, ça sent le botox et l'embrouille. On ne m'enlèvera pas de la tête que ce jour-là, on fête un leurre. Une non-Femme. 
  




LE PLUS. Deux événements ont eu lieu le même jour : 

 la journée des femmes, combat pour l'égalité des sexes et

 le repport de l'examen de la loi sur le non cumul des mandats par le Conseil des ministres, engagement du président.

Deux phénomènes totalement disctincts ? 

Pas si sûr, comme le montre 

Jean-Marcel Bouguereau.




JOURNÉE DES FEMMES.
 Ce 8 Mars fut la journée des violons. Une sérénade aux femmes. Dès 7 heures France Inter inaugurait la journée des filles avec Lisa. Et 12 heures plus tard Canal plus fermait le ban avec Roselyne Bachelot, Caroline Fourest, Natacha Polony. Entre temps, c’était un festival, avec Najat Vallaud-Belkacem omniprésente pour annoncer le nouveau congé parental, un plan Crèche ou proposer qu’on mette Colette au Panthéon.
Derrière ce rideau de fumée de bons sentiments, la cause des femmes avait reculé. On apprenait que le projet de loi interdisant le cumul ne serait pas à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres, contrairement à ce qui avait été programmé.
 Or le cumul fait que ce sont des hommes qui tiennent les rênes du pouvoir. Concernant les femmes au 1er février 2013, la France se situe au 37e rang mondial, entre l’Afghanistan et le Lesotho ! Avec 26,9 % de députées, 21,8 % de sénatrices et 13,8 % de Maires notre parlement, malgré quelques progrès récents (l’assemblée sortante comptait seulement 18,5% de femmes), n’est pas à l’image du pays qui compte plus de 32 millions de femmes contre 30 millions d’hommes.
Or, le grand responsable de cette situations c’est un cumul qui, loin de s’atténuer, se renforce puisque en 2011, 83 % des députés ont un mandat local alors qu’en 1936, ils étaient seulement 33 %, quand leurs collègues italiens, allemands et britanniques ne sont qu’environ 20 %. Il serait temps de faire cesser cette exception.
On pouvait espérer que la gauche mette d’autant plus rapidement en œuvre ses promesses que le non cumul est très populaire. Mais au PS le poids des parlementaires cumulards reste fort.

Pour l'égalité, interdisez le cumul des mandats
À l’heure où les sondages indiquent une forte crise de confiance, on pouvait espérer que François Hollande, qui s’était montré favorable à cette loi, fasse preuve de l’autorité dont on l’accuse de manquer. Alors que Matignon semble plutôt suivre l’avis des parlementaires hostiles à une application trop rapide du non-cumul, on pouvait penser que Harlem Désir, critiqué pour trop coller au gouvernement, en ferait son affaire. Il avait d’ailleurs commencé.
Depuis Janvier, il se faisait ovationner en martelant qu’il fallait viser 2014 et non 2017 comme le sempiternel sens du compromis hollandais semble y conduire. Il paraît qu’il y a un obstacle : le Conseil d’Etat pousse pour 2017 craignant une censure du Conseil Constitutionnel.
Le PS, sur ce sujet très populaire, pourrait demander un référendum. Mais hier c’était silence dans les rangs socialistes, le site du PS titrant sur "les droits des femmes : de l’égalité dans les textes à l’égalité dans les faits".
Résultat de ce 8 Mars 2013 : le député moyen restera un homme, blanc, souvent de plus de soixante ans, marié avec enfants et les femmes devront attendre encore !