vendredi 13 décembre 2013

Sarkozy : notre mauvais génie


Nicolas Sarkozy a changé : la défaite l'a rendu pire.
On peut s’attendre à tout, absolument tout,
d’un homme ambitieux et déformé par la vie politique,
dès l’instant où cet homme se sent le pouvoir absolu entre les pattes.
Roger Martin du Gard


Je ne peux pas ne pas revenir, c'est une fatalité, a menacé le "sage" de la rue de Miromesnil (Le Point, JDD).
Qui ne serait pas prêt à le délier de cette ennuyeuse obligation, de ce sacrifice si éprouvant ? Il ne penserait qu'à la France mais je ne suis pas sûr que la France ne pense qu'à lui.
Percevant ce que sa forfanterie sur sa réapparition prétendument programmée par le destin avait de ridicule, au Nigeria il a préféré déclarer : "Les Français décideront" (L'Express).
Ce n'est pas ma faute s'il contraint tous ceux qui craignent son retour à s'engager, à s'impliquer, à ressasser puisqu'il ne cesse, et de plus en plus, en dépit de sa déconfiture de 2012 - et probablement à cause d'elle - de se croire indispensable parce qu'il serait irremplaçable et que la droite devrait lui être reconnaissante pour l'avoir fait battre. Il est évident qu'on ne va plus entendre parler que du futur compétiteur à partir de maintenanthttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png et qu'on passera d'un effacement ostensible à une imitation ridicule du destin d'un Charles de Gaulle écrasant pour la comparaison. Il faudra bien ne pas se lasser de répéter que beaucoup de Français désirent seulement complaire à Nicolas Sarkozy en l'invitant à rester dans le cercle enchanté et lucratif de ses conférences.
Comment ne pas s'étonner de cette volonté assénée de revenir au faîte présidentiel quand tant de signes éclatants manifestent que, décevant dans son premier parcours, il serait catastrophique au second ?
Comment ne pas juger dangereuse moralement et politiquement une personnalité qui, au plus haut niveau de l'Etat, a laissé au fil du temps, sous sa seule influence, des serviteurs, des collaborateurs, des auxiliaires se déliter alors qu'auparavant, sur des registres divers, ils n'avaient pas démérité et au contraire, pour certains, s'étaient illustrés ?
Durant cinq ans, avec un cynisme imprégné d'une redoutable perspicacité et convaincu qu'on pouvait faire peser son emprise sur quiconque, il a été le mauvais génie de personnalités qui, à son contact et parce qu'il leur faisait miroiter ambitions, espérances, privilèges et impunité, ont perdu leur valeur originelle et se sont retrouvées, pour quelques-unes, après l'élection de François Hollande, dans des processus judiciaires ou disciplinaires préoccupants. La liste pourrait comporter, sans être exhaustive, Philippe Courroye, Georges-Marc Benamou, François Pérol, Stéphane Richard, Claude Guéant, Brice Hortefeux, Rachida Dati et Christine Lagarde. J'ai toujours considéré que la singularité de Nicolas Sarkozy avait été de donner une large autonomie à ses collaborateurs parce qu'ainsi ils s'abandonnaient davantage aux vertiges du pouvoir et de la sorte étaient mieux tenus. Il exploitait des fidélités qui auraient appelé une autre éthique.
Le seul qui, dans la sphère étroite liée au chef de l'Etat, a su échapper au pire, malgré son inconditionnalité, est Henri Guaino parce qu'il y a des honnêtetés qu'une mère, qu'une grand-mère enseigne et qui sont plus fortes et plus durables que les sollicitations vulgaires qu'offre une position dominante.
Alors que les nuées judiciaires s'accumulent sur le couple Balkany en suite de certaines avanies déjà connues, je ne parviens pas à occulter qu'il s'agit des meilleurs amis de l'ex-président - chacun ses goûts - mais que Patrick Balkany a parfois été envoyé en Afrique comme conseiller par Nicolas Sarkozy. Je n'ose imaginer la rencontre d'un tel homme avec un tel continent. Quand l'amitié tourne à cette erreur de programmation, ce n'est plus de la maladresse mais de la provocation démocratique.
Ce voyagehttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png avec deux avions en Afrique du Sud, avec un président Hollande ayant fait preuve d'une élémentaire courtoisie républicaine, est la conséquence - secret de polichinelle que de feindre de s'interroger sur le responsable de ce vaudeville aérien racheté par une dignité commune sur place - de la vanité de Nicolas Sarkozy qui n'aurait pas accepté de se retrouver invité dans son ancien avion présidentiel et qui se serait senti mal à l'aise, dans un unique avion, aux côtés d'un homme ayant pris sa place et qualifié par lui de "nul" en permanence.
Par ailleurs, les citoyens ont pu prendre connaissance de ce que Nicolas Sarkozy, entendu comme partie civile, avait déclaré le 10 octobre 2013 à la suite de sa plainte pour faux, usage de faux et recel contre Mediapart. Ce site, qui décortique clairement le 11 décembre, sous les signatures de Karl Laske et Fabrice Arfi, les erreurs et les approximations de cette audition du 10 octobre, avait publié, au mois d'avril 2012, entre les deux tours de la présidentielle, un document évoquant un éventuel financement de la précédente campagne présidentielle de M.Sarkozy, en 2007, par Kadhafi.
Sans entrer dans le détail des explications de Nicolas Sarkozy, il est intéressant de relever qu'il objecte principalement à cette accusation le fait qu'il était le maître d'oeuvre de l'intervention internationale en Libye et qu'un tel financement serait incompatible avec son rôle à l'encontre de Kadhafi. On peut cependant rappeler les conditions étranges et troubles de l'exécution de ce dernier et la scandaleuse réception à laquelle il avait eu droit à Paris, avec un président se voyant traité par "le Guide" comme un petit garçon. Quoi de mieux, pour venger cette humiliation et faire oublier les obscures connivences, complicités et transactions, qu'une expédition au nom des droits de l'Homme contre un dictateur aussi honni qu'il avait été adulé (Le Monde) ?
"Le Tonton flingueur de la rue de Miromesnil", en plus de François Hollande "inélégant et médiocre", "se paie" violemment, vulgairement tous ceux qui ont travaillé avec lui et qui l'ont servi, le comble, avec une obséquiosité politique durant cinq ans absolument pas récompensée par la suite. Fillon est qualifié de "traître" et "d'homme pris de panique", NKM a été semoncée pour avoir approuvé Manuel Valls sur les Roms, Bruno Le Maire n'est "qu'un énarque qui parle allemand", Xavier Bertrand "un boudeur ingrat", Laurent Wauquiez est noté comme "ne travaillant pas et puisqu'il a souffert au gouvernement, il ne souffrira plus", Jean-François Copé est comparé à Harlem Désir : "Alors lui, c'est chirurgical, il détruit tout ce que je fais".
Rien sur Juppé dont il a peur apparemment et il continue à recevoir Jean-Pierre Raffarin qui est lucide, qui ne sert plus à rien et ne lui a jamais fait peur.
Nicolas Sarkozy a fait démentir par ses proches les propos qu'on lui prête mais leur tonalité est si révélatrice de ses humeurs actuelles, de son tempérament susceptible et de son peu de considération pour son environnement politique qu'on ne peut douter de leur authenticité. J'ajoute que le problème de l'ancien président de la République, sur le plan de la justice comme sur les autres, est que précisément personne ne doute de la plausibilité de ce qui lui est imputé ou reproché. On ne se récrie pas, au mieux on attend de voir !
Dans ces acidités, que de petits chantages, de misérables ingratitudes ! Nicolas Sarkozy n'est pas plus haut que ceux qu'il méprise.
Ce n'est pas la formidable justesse d'un Mitterrand dans les dernières années de sa vie, sur le monde politique de gauche ou de droite, avec des appréciations à la fois fines et caustiques, profondes et décapantes, bien au-delà de tout esprit partisan. Pour Nicolas Sarkozy, c'est étriqué : la moquerie vengeresse et amère d'un homme que son comportement depuis sa défaite a dégradé et banalisé. Encore moins homme d'Etat depuis le mois de mai 2012 qu'avant. L'intolérable est qu'en dehors d'un noyau obtus à l'UMP - il y en a qui ont la bêtise chevaleresque -, aujourd'hui, enfin, on se dise : on n'en veut plus, il y en a d'autres!
Sarkozy : notre mauvais génie.
Le mien. Celui de l'UMP. Celui de la droite honorable. Celui de la reconstruction, de l'invention d'une autre droite. Celui des quatre années à venir. Celui de la France d'aujourd'hui.
Vous avez vraiment envie de voir revenir cet homme-là ?
Philippe Bilger
Quiconque ne sait pas se taire est indigne de gouverner.
Fénelon

mercredi 11 décembre 2013

Pêche en eaux profondes, suite & fin ...



Le chalutage en eaux profondes ne sera pas interdit !
« Les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient d’autre force qui pût le soutenir, que celle de la vertu.
Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures,
 De commerce, de finances, de richesses, et de luxe même. Lorsque cette vertu cesse, l’ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir, et l’avarice entre dans tous.
Montesquieu
Ce mardi lors d’un vote au Parlement, les députés ont rejeté par 342 voix contre 326 l’interdiction de la pêche en eaux profondes. Malgré la mobilisation des associations écologistes et le succès de leur mobilisation portée notamment par une bande dessinée, ils ont préféré voter pour un compromis concocté par les élus socialistes et conservateurs de la commission Pêche du Parlement. Celui-ci vise non pas à interdire mais à encadrer de manière plus stricte le chalutage profond, en le bannissant notamment des zones les plus vulnérables, listées par la Commission et où se trouvent éponges, coraux et écosystèmes fragiles.

Il fallait bien s'attendre avec la majorité socialiste à un nouveau renoncement, et un nouveau manque de courage ...

mardi 10 décembre 2013

A votre santé, monsieur le président ! Philippe Bilger

Le mépris et la haine sont sans doute les écueils
dont il importe le plus aux princes de se préserver.
Machiavel "Le prince"
Monsieur le président, vous ne facilitez pas la tâche de ceux qui ont voté en votre faveur en s'imaginant que votre rondeur apparente ne dissimulerait pas des rigidités et des entêtements préoccupants.
Ils ont eu tort, j'ai eu tort. Vous êtes tout sauf un faible.
Je ne fais même pas allusion à votre incroyable détermination pour engager nos forces dans des interventions armées qui, visant à prévenir des massacres ou à contenir la progression du terrorisme, sont approuvées par l'ensemble de la classe politique, ce qui montre bien que vous êtes capable de rassembler quand vous le voulez et que la loi édictant le mariage pour tous a inutilement déchiré un pays dont vous aviez souhaité pourtant, lors de votre campagne, l'unité.
Comme sur le plan économique, financier et social vous êtes confronté à un réel qui bat en brèche ce qu'il y avait de vraiment socialiste en vous même si vous n'avez jamais fait partie des illuminés de la rue de Solférino, vous ne nous épargnez rien pour le reste qui ne vous coûte rien, et vous faites donner Taubira pour le laxisme, Filippetti pour la culture et tous contre le racisme, votre compagne comprise.
Ce qu'il y a de bien avec votre morale, c'est qu'elle est inépuisable, avec votre mansuétude, c'est qu'elle est illimitée, avec votre tolérance, c'est qu'elle est orientée. En dépit de la Corrèze, vous préférez - tous vos choix le démontrent - le parisianisme à la France qui pense, selon vous, de travers. Les citoyens qui, en attendant le retour d'une droite honorable, vous ont porté au pouvoir n'obtiendront rien de vous. Pas la moindre concession. On va racler les fonds de tiroir du socialisme plutôt que de donner quelques miettes aux alliés d'une élection absolument pas payés de retour.
Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de continuer à vous apprécier, à vous estimer, tant, paraît-il, cette tendance est perverse chez moi qui parvient à distinguer l'homme et son action, le caractère et la politique, ce que vous êtes et ce que vous accomplissez ou réalisez médiocrement. Il y a un capital qui probablement vous sauvera au moment du jugement dernier, donc au second tour de l'élection présidentielle de 2017 si vos calculs trop savants et votre stratégie trop mitterrandienne ne vous ont pas écarté de la compétition.
Je suis persuadé que votre personne ne sera jamais haïssable au point de coaliser une majorité contre elle mais que votre solitude dans l'inspiration et vos difficultés dans l'exécution, avec un gouvernement que vous devez supporter quoi que vous en ayez, ne vous assureront pas forcément une seconde victoire. La social-démocratie, pour beaucoup, est un mot magique mais qui ne permet pas de faire l'économie d'un contenu.
Vos adversaires naturels, toutefois, se donnent beaucoup de mal pour vous gêner le moins possible et force est d'admettre que cette droite est bien sage qui proteste sans pour autant susciter de désir d'elle : vous n'auriez jamais osé rêver d'une opposition pareille, incapable de se repentir pour hier et d'inventer demain.
Votre souci dominant - vous faites semblant de le prendre à la légère - concerne le Front de gauche et cet insupportable Mélenchon qui, même s'il n'engrange pas, fait mal avec ses ruades et son talent qui proposent une alternative, ces socialistes à la gauche du PS pour lesquels vous êtes un président à discuter, à contester et ces écologistes de gouvernement qui heureusement préfèrent les positions aux principes. Ils y sont, ils y restent !
Je déteste les polémiques absurdes qui visent encore davantage à vous déstabiliser. Vous n'êtes pas assez bas, il faut amplifier le rythme de votre descente. Je ne vous trouve pas ridicule quand à la suite d'une visite discrète dans une association, vous avez été photographié en train de pouponner. On sent que les bébés, les enfants ne sont pas étrangers à votre coeur. Vous ne vous forcez pas.
Sur votre santé, la manière dont le journalisme français, négligent souvent pour l'essentiel, cultive l'accessoire et l'inutile a atteint un paroxysme. Parce qu'au mois de février 2011 vous avez subi une opération bénigne sans d'ailleurs alors avoir cherché à la cacher, avant la primaire socialiste et alors qu'évidemment votre avenir politique demeurait incertain, vous auriez dû, toutes affaires cessantes, vous exposer et considérer que votre santé était de nature à inquiéter tous les Français (Le Monde, Le Figaro, Le Parisien).
Cette controverse est grotesque puisqu'elle oublie que la sphère de la vie privée doit absolument être respectée quand aucune incidence politique sur l'exercice du pouvoir n'est susceptible d'en résulter. On a même osé soutenir que vous auriez maigri à cause de cette malheureuse prostate comme si, par exemple, la ridicule et permanente écharpe rouge de Christophe Barbier était motivée par un autre dessein que celui de se singulariser à petit prix !
Qu'on vous laisse tranquille avec ces pitoyables morsures qui, j'en suis sûr, ne vous détournent pas une seconde de votre devoir. De vous colleter avec l'immensité de ce que la France a à affronter chaque jour, et je devine l'angoisse qui doit être la vôtre à l'idée que vous ne parvenez pas, ou trop lentement, trop faiblement, à alléger son fardeau, sa charge.
C'est un piètre compliment que je vais vous adresser mais en attendant 2017 - et en dépit de nos aspirations contrastées à l'égard de cet avenir -, puis-je vous dire que, pour moi, un Hollande qui déçoit est infiniment plus supportable qu'un Sarkozy qui irrite.
Que je peux vous regarder, vous entendre, sans éprouver la moindre nostalgie pour celui qui bout d'impatience et de ressentiment.
A votre santé, monsieur le président.