jeudi 29 septembre 2016

Ainsi va la Gaule !


Les étrangers ne sont pas comme nous. Et leurs mœurs nous horrifient. Au Brésil, Dilma Rousseff, présidente soupçonnée d’avoir participé au système de corruption Petrobras, a été destituée.

 Une folie amazonienne !

Aux Etats-Unis, la candidate à la Maison-Blanche Hillary Clinton a dû comparaître pendant 12 heures devant une commission parlementaire pour avoir utilisé sa boîte mail personnelle à des fins professionnelles

Une lubie yankee ! 

En Suède, une ministre sociale-démocrate a démissionné après avoir été prise en flagrant délit de conduite en état d'ivresse.

Une dérive calviniste !

 En Roumanie, l'ex-Premier ministre Victor Ponta, poursuivi dans un dossier de financement de la campagne électorale qui l'avait mené au pouvoir en 2012, a été placé sous contrôle judiciaire en attendant son jugement.

Un folklore roumain !

En Gaule, rien de tel.

Nos dirigeants n’ont aucun souci à se faire. A défaut de leur couper la tête, nous leur pardonnons toujours, quels que soient leurs égarements. Bien qu’il ait fait exploser le plafond de dépenses de campagne en 2012, bien que les soupçons s’accumulent quant à un éventuel financement libyen de sa campagne de 2007, bien qu’il soit mis en examen dans l'affaire dite des "écoutes" pour avoir cherché à corrompre un magistrat de la Cour de cassation avec la complicité de son avocat, bien qu’il soit mis en examen dans l’affaire Bygmalion et que son renvoi devant le tribunal correctionnel soit requis par le parquet, l’ancien président reste en lice. Il crie au complot, excipe de sa probité et prétend encore devenir notre nouveau président.

Fort heureusement, pour lui, Nicolas Sarkozy n’est ni brésilien, ni américain, ni suédois, ni même roumain. Chez nous, un responsable de cette trempe, on le chérit, on l’applaudit, on l’élit.

Plus personne ne devrait gober le mensonge

Pas un jour sans que l’une de ses saillies passées ou présentes ne défraie la chronique. Nicolas Sarkozy peut cracher sur ses anciens collaborateurs et ses adversaires à longueur de off, fulminer contre les journalistes "guévaristes" qui s’autorisent à lui poser des questions et changer d’avis comme de chemise sur des sujets mineurs comme le droit du sol, le réchauffement climatique ou l’appartenance de la France à l’Union européenne, rien n’y fait. Il court toujours.
"La politique est l'art de se servir des hommes
en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire
 
Comme d’habitude, il n’a pas répondu. Comme d’habitude, il a préféré fuir ses responsabilités. Comme d’habitude, il a laissé ses sbires tempêter contre la supposée partialité du service public et dénoncer ce qu’ils considèrent comme une enquête à charge.
Mis en cause de façon simple et terriblement efficace par tout un lot de témoins, d’acteurs ou de fournisseurs de sa dernière campagne présidentielle. Tous ont démontré, factures et documents à l’appui et devant les caméras, le sidérant dérapage de ses comptes officiels, l’ancien chef de l’Etat continue de nier l’évidence, comme un enfant qui s’enferre dans le mensonge. Au lieu de cela, Nicolas Sarkozy continue de faire le malin sur les estrades et dans les colonnes des journaux. Il parle, ferraille et fanfaronne.
Pas un jour sans que l’une de ses saillies passées ou présentes ne défraie la chronique. Nicolas Sarkozy peut cracher sur ses anciens collaborateurs et ses adversaires à longueur de off, après avoir été reçu par Hollande à l’Elysée dans l’après-midi :
 "Alors, comment l’avez-vous trouvé ?
– De près, immonde, a-t-il répondu. Ses cheveux sont mal teints, il a l’air d’un ministre chinois. La graisse dégouline sous sa chemise, et, en dessous, il a des petites jambes d’enfant…"




Les médias français ont encore beaucoup à apprendre de la presse anglo-saxonne. Il faudrait l’acculer, ne plus l’inviter, refuser de lui tendre le micro tant qu’il n’aura pas répondu sur le fond. Insister, poser et reposer inlassablement les mêmes questions.. Qu’il vienne plutôt expliquer aux Français comment ses comptes ont défoncé le plafond de dépenses légal. Bref, qu’il assume, tout simplement.
La vérité, c’est que l’ancien président de la République n’ambitionne plus de sauver la France, mais de se sauver lui-même. Son retour n’est qu’une fuite en avant pour éviter de rendre des comptes. Jusqu’à quand ?

                                   Un bras de fer entre Nicolas Sarkozy et France Télévisions

Pour l'ancien président de la République, le timing, dans lequel intervient la diffusion du reportage, est mauvais. Selon Le Canard enchaîné, son entourage l'aurait bien fait comprendre à Michel Field, directeur de l'information de France Télévisions. L'équipe d'Élise Lucet aurait ensuite reçu "un message d'en haut : plus question de diffuser le sujet Bygmalion avant la fin de la primaire de la droite". Alors que Michel Field n'avait pourtant rien trouvé à redire à l'enquête en amont. Objet du bras de fer à l'époque : la présence de Nicolas Sarkozy dans L'Émission politique le 15 septembre dernier.

Remontée, Élise Lucet n'entend pas en rester là, "hurle à la censure, accuse Field (déjà soupçonné d'avoir cédé aux demandes de 
François Hollande dans Dialogues citoyens, ndlr) d'avoir cédé aux pressions de Nicolas Sarkozy" et se mobilise pour que le reportage soit diffusé lors de la soirée de lancement de la nouvelle formule d'Envoyé Spécial ce 29 septembre. Du côté du camp de Nicolas Sarkozy, on dément toute pression, "tout en s'interrogeant sur l'opportunité des choix de France 2, en pleine campagne des primaires". D'après Le MondeDelphine Ernotte, présidente du groupe France Télévisions, a tranché en personne et décidé de maintenir la programmation du reportage.

La faute à qui ? Aux médias fascinés par son show ? Sans doute. Mais à ce degré d’intoxication, c’est le corps social tout entier qui manque de défense immunitaire. Plus aucun citoyen français honnêtement informé ne devrait gober le mensonge. Plus aucun politicien normalement courageux ne devrait cautionner l’imposture.*

Elu en 2007, battu en 2012, Nicolas Sarkozy n’aurait même pas dû figurer dans la course de 2017. Les dirigeants de l’UMP qui lui ont remis les rênes du parti en 2014, sont les grands fautifs : comment ont-ils pu éponger les mécomptes de sa précédente campagne et s’en remettre à lui, sauf par instinct de soumission clanique ?

"Les affaires finiront par le rattraper et l’empêcher de se présenter", entend-on.

Mais c’est l’inverse qui se produit. Sarkozy, le Berlusconi des Hauts-de-Seine, n’est candidat à la présidentielle que pour se tirer d’affaires. Son fracassant retour en politique ne sert qu’à occulter son destin judiciaire. En avocat qu’il n’a jamais cessé d’être, maître Sarko inverse la charge de la preuve : si les juges lui cherchent des noises, c’est qu’il s’agit de le faire taire et même, en sa personne, de museler le peuple qu’il exprime si bien…

Foin de sondages ! Ce Tartuffe est déjà gagnant à tous les coups. Si Juppé remporte la primaire puis la présidentielle, il devra lui accorder une protection en contrepartie de son soutien. Bingo... Et rebingo ! 

Si Sarkozy réussit son hold-up sur la primaire, il sera lavé de tous les soupçons par l’onction démocratique. Un miracle. Mais si ce revenant magnifié parvenait à se faire réélire président à la faveur d’un malentendu, il redeviendrait intouchable comme le prévoit notre grandiose Constitution et pourrait se venger de tous ceux qui lui ont manqué.

 Ainsi va la Gaule !

Sylvain Courage









*Patrick Buisson n’est pas un exilé de la Sarkozie mais un inspirateur dont les idées n’ont jamais été aussi présentes dans le discours de l’homme qui rêve d’un second mandat. Le « roman national », c’est du Buisson ; les « racines chrétiennes », c’est Buisson ; « les Gaulois », c’est inspiré par Buisson ; l’idée que la droite va du Front national aux électeurs de François Bayrou, c’est Buisson ; « l’identité nationale », c’est Buisson ; « La France des oubliés », c’est Buisson ; « la périphérie plutôt que les banlieues », c’est Buisson ; « le peuple contre les élites », c’est Buisson…

La « bataille des idées » qui précède les conquêtes électorales, c’est encore du Patrick Buisson venu chercher ses sources dans les théories du philosophe communiste Antonio Gramsci…

Or ces idées, et même cette technique électorale qui consiste à « transgresser la pensée unique », atteignent en cet automne 2016 un niveau inouï, au sens étymologique du terme, dans la campagne de Nicolas Sarkozy. Le triomphe de Buisson est absolu au moment même où ses nouveaux ennemis tentent de l’excommunier, et sa descente aux enfers touche à la consécration.

 La contradiction entre la dénonciation du traître et la fidélité à l’inspirateur est si profonde que le Figaro la concède sans complaisance : « La rupture personnelle est peut-être définitive. Le débat politique, lui, est loin d'être clos, comme le prouvent les accents “buissoniens” de cette nouvelle


Christian Jacob, chef de file des députés Les Républicains, illustre ce propos, en le portant à incandescence. Il lâche une formule terrible dont le double sens, inconscient comme un lapsus, pourrait le faire frémir lui-même : « Ce qui vient du caniveau a vocation à finir dans une bouche d’égout. » Il se trouve que le « caniveau » c’était l’Élysée, de 2007 à 2012, et que la bouche d’égout, effectivement, a la gueule grande ouverte.le campagne sarkozyste. ». La députée de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet estime que le pays « a besoin de visionnaires, pas de réactionnaires ». Jean-François Copé accuse par ailleurs Nicolas Sarkozy de vouloir échapper à la justice en se présentant à l'élection présidentielle. "Sa mise en examen n'est pas que technique, elle porte sur une vingtaine de millions d'euros, qui en réalité sont un détournement ! C'est une fuite éperdue en avant. [...] Il voudrait que vous l'élisiez pour ne pas aller au tribunal !"

Au fond, le portrait de Nicolas Sarkozy dressé par l’ancien conseiller Buisson dans La Cause du peuple (édité chez Perrin) n’apporte aucune révélation. Rien qu’on ne sache déjà sur ce faux dur, obsédé par son image, dévoré par l’immédiat, oublieux de ses engagements, envahi par la sphère privée, fanfaron, méprisant avec les hommes et les femmes qu’il promeut…

On sait tout sur ce Bismuth immature et mégalomane, ses foucades, son sens de la formule à l'emporte-Kärcher, ses financements, ses entourages mis en examen ou déjà condamnés. Et pourtant les éclaboussures de ce livre seront sans commune mesure avec tout ce qui atteignait jusqu’à présent l’image de l’ancien président. Pourquoi ? Précisément parce que c'est une sorte de document interne et qu'il confirme et « certifie conforme », d’une plume brillante et féroce, ce qui se disait déjà à l'extérieur du bastion assiégé, dans les textes ou les discours des adversaires de toujours de l’ancien président, ou d’une flopée d’anciens alliés ayant rompu les amarres.