Comment
voulez-vous que ça aille mieux ?"
L'ancien
président de la République Nicolas Sarkozy a commenté jeudi 9 juin sur Europe 1
la petite phrase de François Hollande. Quitte à s'arranger avec la réalité des
chiffres ?
Chômage : quelle catégorie ?
Nicolas Sarkozy déclare :
"C'est
un mensonge de plus, monsieur Sotto, vous parlez du chômage de catégorie A ou
du chômage de catégorie A, B et C ? A ? C'est un choix éditorial de votre part
? Parce que si le chômage de catégorie A baisse, ça veut dire qu'on a envoyé en
catégorie B des gens qui étaient en A et en catégorie C des gens qui étaient en
B."
Catégorie A,
B, C… de quoi parle Nicolas Sarkozy ? Le nombre de demandeurs d'emploi
habituellement donné est en fait le nombre de chômeurs sans aucune activité
tenus de chercher un emploi. Si vous réalisez deux heures d'intérim dans
le mois, vous passez dans la catégorie B, et si vous travaillez à mi-temps
seulement, vous êtes dans la catégorie C. Le président du parti Les
Républicains laissent entendre que, plutôt qu'une vraie baisse du chômage, les
chiffres de mars et d'avril sont le fait d'un simple glissement
d'une catégorie à l'autre.
Il n'a pas complètement tort : au mois
de mars, la catégorie A s'est vidée de 60.000 chômeurs, mais les
catégories B et C se sont remplies, de telle sorte qu'en prenant les catégories
A, B et C, la baisse n'était que de 8.700. Toutefois, cela reste une baisse.
Celle-ci s'est d'ailleurs confirmée en avril, avec
une baisse de 19.900 pour la catégorie A, et de 57.100 pour les catégories A, B
et C ensemble. Par ailleurs, il faut rappeler que ce
transfert de catégorie, qui correspond à une hausse de l'activité des chômeurs,
est le chemin logique du retour vers l'emploi. Même s'il est déjà arrivé
que la catégorie A baisse mais que les catégories B et C augmentent davantage,
et que le mois suivant, ce soit l'inverse.
Il
faut donc regarder la tendance à long terme. Selon l'Insee, les
créations nettes d'emploi des deux derniers trimestres ont été plus importantes
que prévues, et sur un an, l'emploi marchand est en très nette hausse, avec
159.600 postes créés.
Plus de déficits qu'ailleurs ?
Nicolas
Sarkozy poursuit :
"Sur
l'ensemble du quinquennat c'est très simple, sur les quatre ans et demi, la
France, malheureusement, a fait en termes de chômage et de déficit, infiniment
moins bien que l'ensemble des pays européens." Il y a "plus d'un
million de chômeurs depuis que François Hollande est
là. Et, quand il y a un million de chômeurs en plus, à mon avis, il n'a pas
baissé."
Les déficits publics en France sont passés de 4,8% du PIB en 2012 à 3,5% en
2015. La France a fait mieux que les "mauvais élèves" : la Grèce est
passée de 8,8% à 7,2%, l'Espagne de
10,4% à 5,1%, l'Italie de
2,9% à 2,6%, le Portugal de 5,7% à 4,4%. Mais aussi que certains pays supposés
plus rigoureux : la Finlande est passée de 2,2% à 2,7%. Ou que certains pays
censés être dynamiques : les déficits publics du Royaume-Uni sont passés de
8,3% à 4,4%.
En
moyenne, les déficits publics dans l'Union européenne sont
passés de 4,3% en 2012 à 2,4% en 2015, soit une baisse de 1,7 point. La France
a, elle, enregistré une baisse de 1,3 point. Toutefois les économistes disent
clairement qu'une réduction des déficits publics simultanée dans l'Union
européenne a plombé la croissance. Il n'est pas certain qu'il eut été
préférable que la France mène une politique de réduction de ses déficits publics plus
rapide.
Il
est vrai que certains pays voient leur taux de chômage se
réduire rapidement depuis quelques mois ou années, mais il s'agit de pays dont
le taux de chômage est bien plus élevé. De l'autre côté, il est vrai que
certains pays comme l'Allemagne,
le Royaume-Uni ou
l'Autriche ont des taux de chômage bien plus faible que celui de la France. En
fait, le taux de chômage en
France est de 10,2% de la population active, ce qui est inférieur à la moyenne
de l'Union européenne,
à 10,4% de la population active. On ne peut pas vraiment dire que la France
fasse moins bien que l'ensemble des pays européens.
Plus de dépenses, plus d'impôts, plus de rigidité ?
Nicolas
Sarkozy enfonce le clou :
"Nous
sommes le seul pays d’Europe qui a une politique qui consiste à augmenter la
dépense publique, à augmenter les impôts et à accroître la rigidité du droit
social pour les entreprises. Tous les autres ont fait autrement."
Bulgarie,
Estonie, Hongrie, Malte, Autriche, Slovaquie,
Finlande… il est vrai que les pays qui ont vu la part de leurs dépenses
publiques dans leur PIB augmenter entre 2012 et 2015 sont
minoritaires. Toutefois, la France n'en fait pas partie. En France, les
dépenses publiques sont passées de 56,8% du PIB en 2012 à… 56,8% du PIB en 2015.
Les
recettes, il est vrai, sont passées de 52 à 53,2% entre 2012 et 2015. Et le taux
de prélèvements obligatoires de 43,8% à 44,7%. Toutefois, cette hausse est
en partie due à la hausse de la croissance en 2015, d'autre part, la pression
fiscale diminue avec des baisses d'impôts décidées par
le gouvernement, notamment sur les faibles revenus imposables. Probablement
trop peu et pas assez vite au goût de nombreux contribuables.
Du
point de vue de la rigidité du droit social, on ne peut pas
vraiment donner raison à Nicolas Sarkozy. D'une part, depuis 2012, le
gouvernement a fait voter des lois visant à donner davantage de souplesses aux
entreprises, d'autre part, il impose aujourd'hui la loi travail, qui pousse
dans cette direction en s'inspirant des réformes des voisins européens de la
France.
Des cadeaux ?
Enfin, Nicolas Sarkozy reproche à Manuel Valls de
pratiquer le clientélisme :
"Chaque
jour, M. Valls annonce de nouvelles dépenses publiques pour arroser une
catégorie particulière afin de les acheter dans le cadre du prochain
rendez-vous présidentiel."
A
ce sujet, François Hollande avait déjà
déclaré au micro d'Europe 1 :
"Quand un agriculteur, qui souffre de
ne pas pouvoir écouler ses produits à un prix décent, entend qu’on lui a fait
un cadeau, il ne peut pas l’admettre. Concernant les fonctionnaires : pendant
six ans, le point d’indice avait été gelé. J’ai considéré que parce que la croissance revenait, il
était assez logique qu’il y ait une augmentation pour les fonctionnaires."
Homines id quod volunt credunt.
Les
homme croient ce qu'ils désirent.
(César)
Donald Hebert « L’OBS »