Marseille, Radioscopie d’un désastre
« La gloire du vainqueur se proportionne au mérite du
vaincu. »
toutes les innombrables prouesses du susnommé don
Quichotte. ».
Don Quichotte
[ Miguel de Cervantès ]
[ Miguel de Cervantès ]
« La gloire du vainqueur se proportionne au mérite du
vaincu. »
toutes les innombrables prouesses du susnommé don
Quichotte. ».
Don Quichotte
[ Miguel de Cervantès ]
[ Miguel de Cervantès ]
Le FN emporte le 7ème secteur de Marseille avec 18% des inscrits. Les catégories
populaires, les pauvres, les méprisés, les descendants de l’immigration post
coloniale ont laissé faire, se désintéressant d’une élection aux conséquences
pourtant dramatiques. Comment cela a-t-il été possible ?
155000 habitants, c’est le plus gros succès du FN en
France. Certes dans le passé, le FN a conquis de grandes villes comme Toulon ou
Nice. Mais c’étaient des villes à la fois plutôt bourgeoises et de droite très
certainement. Forcément l’impact de sa victoire dans le plus gros secteur de
gauche de la Marseille plébéienne est d’une autre ampleur, annonciateur de
moments encore plus difficiles. Pour l’expliquer se combinent des facteurs
inévitablement multiples. Comme partout (plus qu’ailleurs même) le rejet de la
politique de Hollande en est le premier, majeur, irrépressible.
Sur les marchés et les
Cités où je distribuais le matériel du Front de Gauche (FG) dont j’étais tête
de liste pour ces élections, la violence des réactions ne laissait aucun doute
sur le sentiment de trahison produit par les choix de Hollande. Sentiment qui plus est
amplement justifié quand on en mesure les effets sur des quartiers déjà en très
grande difficulté. Le second élément est plus spécifiquement marseillais, celui
de la crise qui n’en finit pas du PS defferriste. Non pas tant « les
affaires » comme des esprits paresseux ne cessent de le répéter.
Malheureusement on n’est est même plus là !, Les gens, blasés, s’en
moquent ou à peu près. La preuve en est que Guérini, archi corrompu aux yeux de
tous, a tranquillement fait alliance avec Gaudin sans que cela soulève de
problèmes particuliers.
En revanche c’est le système global de soupape qu’est
le clientélisme qui est en passe de s’effondrer dans les quartiers nord. Par définition
il fait toujours des mécontents chez ceux qui ne sont pas de la clientèle, pour
un emploi, un logement, une place en crèche, une subvention. Mais la crise
globale a tari non seulement les sources illégales mais surtout légales d’un
clientélisme soutenu. Le filet est percé de mille trous, laissant des
populations démunies et pleines de rancune quant aux promesses clientélistes
non tenues. D’ailleurs cela va au-delà, même en dehors du clientélisme. Tous
les moyens ont été asphyxiés en particulier et surtout dans le service public.
Mais alors pourquoi ceci ne se traduit-il pas par une révolte globale,
collective, positive ? Et politique, par exemple par le soutien au
FG ? Là se trouve le troisième niveau d’explication.
Pendant toute la campagne, les militants du FG ont été
respectés par la population avec un subtil distinguo entre eux et « les
autres ». Mais sans que pour autant il n’y ait la confiance que là
résidait la possibilité d’une alternative qui change vraiment les choses.
Certes l’absence d’une visibilité nationale du FG, du fait surtout du choix du
PCF à Paris, y a joué un rôle majeur. Mais les données sont plus profondes. Une
sorte de cercle vicieux. D’un côté la quasi disparition de la politique dans
les Cités en termes de combat de classe, malgré le courageux investissement des
militants des quartiers populaires, nombreux sur nos listes. Gérer
« démocratiquement » l’impasse socio-économique vaut mieux que de le
faire non démocratiquement. Mais n’annule rien de ses effets. Comment alors
obtenir le soutien à une force politique dont la lutte des classes est la
raison d’être et la colonne vertébrale ? Et de l’autre côté une faiblesse
évidente de l’alternative (est-ce que voter FG peut réellement changer quoi que
ce soit ?), ce qui affaiblit encore la perspective d’imposer la seule
division qui vaille, entre ceux d’en bas et ceux d’en haut. Dans ces conditions
la voie était (et demeure) ouverte à tous les errements, à la destruction des
repères minimaux. Comme avec la puissance fulgurante du délire sur « le
genre », du rejet du « mariage pour tous », pudiquement masqué
derrière le « trop de sociétal ».
Tout ceci conduisant sinon à soutenir le
FN, du moins à le laisser tranquillement emporter la Mairie. Les effets
désastreux se tourneront contre nos populations déboussolées, mais le temps de
les mesurer, le mal est fait. La victoire du FN est donc l’aboutissement de la
conjonction d’un lent pourrissement de la situation des quartiers, du
clientélisme et de sa crise, de la dépolitisation et de la perte des repères,
et du choc produit par la politique du PS national et local comme du violent
rejet qu’elle suscite. Si on laisse de côté les responsabilités évidentes de la
droite dans sa course perdue derrière le FN (ce qui nécessiterait un texte
propre), les
socialistes portent en définitive la responsabilité essentielle du résultat.
La dernière digue, traditionnelle, voter
PS par défaut pour bloquer le FN, a donc sauté, la déception à l’égard du
premier virant au rejet voire à la haine. Mais en même temps s’installe la
banalisation du FN qui elle est d’une autre portée historique, catastrophique.
Et ceci n’aurait pas été possible sans le marche pied pour le FN que fut le
comportement de Pape Diouf. Médiapart est, pour mon compte personnel, un média
d’importance qui emporte mon adhésion. Mais en l’occurrence il a servi (avec
tant d’autres) de plateforme de propagande pour cette opération. Des semaines
durant je me suis dit pas vous et pas ça, en lisant accablé les articles qui se
succédaient. Etant donné le résultat, de quoi maintenant tirer des larmes de
rage et mettre le cœur au bord des lèvres devant tant d’inconscience. Pour qui
roule Diouf se demandait-on ici et là. Dans mon secteur la réponse ne fait
aucun doute : pour le FN au final, sous la forme de sa banalisation.
Dès le départ la proximité avec Tapie aurait dû
alerter. Comme le refus obstiné de toute mise en cause des politiques
libérales, comme si seul le clientélisme était en cause. Le mécanisme de
l’homme providentiel tout autant, et le fonctionnement interne de son nouveau
mouvement hyper personnalisé. Surtout bien entendu le « ni droite ni
gauche », utilisé dans les termes mêmes du FN. « L’UMPS » par
exemple, formule retirée de justesse d’un de ses discours. Jusqu’aux formules
assassines utilisées après le premier tour, « les gens qui votent FN ont leur raisons », pour refuser de
se dresser contre Ravier. Parmi ces raisons « objectives » il y a
c’est vrai la situation sociale au sens large. Mais il y a évidemment aussi
dans le cœur de cible les roms à expulser, l’ultra sécuritaire, le racisme
débridé, l’homophobie virulente et tout le reste. Ces « raisons »
là, Diouf les admet t-il aussi ? En tout cas il n’en dit mot et personne
ne lui a posé la question.
Après le premier tour, un des colistiers de Diouf
lançait « Pour le PS, c’est mort, les gens ne lui pardonneront pas le
mariage pour tous et la théorie du genre. ». Et il est indubitable que
ceci était aussi en partie à la source de ses listes dans mon secteur. La gravité
de la chose était saisissable dès le départ : tous ceux qui voulaient
savoir savaient. Les militants du FG savaient. Les journalistes aussi auraient
pu, auraient dû, à condition de poser les bonnes questions au lieu de se
laisser berner par « la nouveauté ». Et saisir cette connexion de
fait du fascisme d’en haut et du désarroi et des dérives d’en bas, qu’on a
retrouvé, atterrés, pendant toute la campagne. Ils ont porté leur pierre au
désastre qui nous touche. Quelle tristesse…
Désormais le PS est en loques, Diouf va retourner dans
les beaux quartiers qui sont sa famille naturelle. Les envoyés spéciaux vont
faire leurs valises. Et le FN triomphe. Que dire à cet ancien résistant
rencontré à la sortie de la boulangerie m’expliquant que désormais c’est Ravier
qui viendra pour le goûter annuel de sa résidence de retraités ? La vraie gauche elle va entrer en
résistance. Elle sait que ce sera très difficile, puisqu’il lui faudra à la
fois parer les coups venus du FN, créer les conditions de nouvelles pratiques
démocratiques, reconstruire une conscience de classe à partir de presque rien
dans le champ de ruines laissé par l’effondrement du PS et la faiblesse du FG.
Et aussi inventer les liens nouveaux entre cette conscience politique et la
réalité des quartiers. Puisque là est le dernier élément de l’équation
conduisant au désastre. Ni par ses préoccupations, ni par ses mots, ni sur la
forme utilisée, cette gauche de gauche n’est suffisamment au contact de ce qui
devrait pourtant être son terrain naturel, celui des nouveaux damnés de
la terre, survivants vaille que vaille dans nos quartiers.
Les mauvais jours finiront dit la chanson. Mais
quand ?
Une autre politique pour conjurer la catastrophe!
François
Hollande est le premier responsable de la défaite socialiste. Alors que tout
plaide en faveur d'un changement de cap, il semble n'envisager que des
ajustements économiques cosmétiques.
"La politique est l'art de
se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les
sert."
Voltaire
D’abord, il y a la colère
ou l’exaspération !
Par-delà le décompte précis des municipalités perdues par la gauche et de
celles qui ont été gagnées par la droite et par l’extrême droite, c’est avant
tout cela l’enseignement majeur de ces élections municipales. Elles sont le révélateur de l'indignation d’une bonne partie du pays
contre un pouvoir socialiste qui, depuis l’alternance, n’a cessé de piétiner
les promesses de changement et qui, depuis le soir du premier tour, se
refuse à admettre l’urgence d’un changement de cap. Cette dernière semaine, il
n'a eu qu'un seul et pauvre argument de campagne, celui du Front républicain,
consistant à appeler à voter pour l'UMP de Jean-François Copé – lequel
Jean-François Copé restera à tout jamais célèbre pour avoir barboté dans la
piscine du marchand d'armes Ziad Takieddine et pour avoir préempté nombre de
thèses du Front national.
A
quels autres résultats les dignitaires socialistes pouvaient-ils
s’attendre ? Après tant de mensonges, tant de promesses bafouées, que
pouvaient-ils escompter d'autre que ces résultats sinistres, et même souvent
inquiétants ?
Durant la campagne présidentielle, le candidat socialiste François Hollande a fait
entendre une petite musique de gauche qui, même si elle n’était guère enjouée ou dynamique, a
au moins donné l’assurance au pays que la page des années Sarkozy serait
tournée. Que la politique économique et
sociale inégalitaire du président sortant serait suspendue. Que l’affairisme
qui avait marqué le dernier quinquennat prendrait fin.
Si le candidat François
Hollande n’a pas fait de nombreuses promesses – et surtout pas de
promesses véritablement audacieuses –, il a pourtant marqué les
esprits. Ne serait-ce qu’à cause de sa célèbre phrase : « Mon ennemie, c’est la
finance. »
Si la formule était passablement elliptique, elle résonnait au moins comme une promesse de résistance, contre toutes les
injustices générées par un capitalisme financier de plus en plus tyrannique.
On sait ce qu’il
en est advenu ! Fait sans précédent dans la longue histoire de la gauche,
François Hollande a tourné casaque le jour même où il a accédé au pouvoir. Pas
six mois, pas deux mois, pas un mois ! Non, le jour même ! À la
différence du Front populaire, qui a attendu six bons mois en 1936 pour
décréter la « pause », selon la formule de Léon Blum ; à
la différence aussi du gouvernement d’union de la gauche qui, en 1981, a
attendu aussi un bon semestre pour annoncer « la
pause dans l’annonce des réformes », selon la formule de Jacques
Delors, et une bonne année avant d’engager le premier plan d’austérité ; François
Hollande, lui, a négocié son « virage »… le jour même où il a accédé
à l’Élysée.
Aussitôt, il a jeté à la
poubelle toutes les promesses en lesquelles les électeurs de gauche avaient eu
l’imprudence de croire.
La grande réforme fiscale, prévoyant
notamment la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, a été
enterrée ; la partition promise des
banques, entre activités spéculatives et activités commerciales, s’est
transformée en mascarade ; la
promesse faite aux ouvriers de Florange de sauver leur site industriel a
été honteusement oubliée – et le Conseil constitutionnel vient de jeter
aux oubliettes ce qu'il restait de l'ersatz de protection pour les
ouvriers ; la grande réforme
démocratique, avec notamment l’organisation d’une justice indépendante,
l’indépendance du Parquet ou encore la
suppression de la Cour de justice de la République, a été enterrée...
C’est une sorte de hold-up
démocratique qui est intervenu, car les électeurs ont été privés de leur
victoire. Et ils en ont été privés de manière d’autant plus spectaculaire que
François Hollande ne s’est pas borné à oublier quelques-unes de ses promesses
de campagne. Il s’est aussi appliqué à désespérer chaque jour un peu plus les
électeurs qui l’avaient porté au pouvoir en
mettant en œuvre la politique du camp d’en face : la politique néolibérale défendue par l’UMP et revendiquée par le
Medef.
Comme
s’il n’y avait pas eu d’alternance, comme si le suffrage des électeurs ne
comptait pas, François Hollande a poursuivi, dès le premier jour, la politique
de rigueur salariale et budgétaire conduite auparavant par Nicolas Sarkozy. Pis que cela ! Il l’a même
aggravée, en portant à 50 milliards d’euros le montant des économies
budgétaires promis à Bruxelles. En clair, la promesse d’un quinquennat en deux
temps – deux années d’effort, puis trois autres années pour en récolter les
fruits – a très vite été balayée. Et François
Hollande a fini par faire au pays une promesse radicalement différente :
l’austérité à perpétuité.
François Hollande a même été
piocher dans la boîte à outils des officines du patronat – l’Institut de
l’entreprise et l’Institut Montaigne – pour inventer le plus scandaleux
des transferts : financée en partie par le plus injuste des impôts, la
TVA, la somme de 20 milliards d’euros a été apportée aux entreprises, sans la
moindre contrepartie ni le moindre contrôle.
En
somme, le gouvernement a mis en œuvre non pas une politique sociale-libérale,
qui impose un donnant-donnant entre les entreprises et les salariés. Dans le
cas présent, il n’y a pas eu de
donnant-donnant : il y a juste eu un cadeau en pure perte apporté aux entreprises.
Comme l’a écrit Christian Salmon (lire L’économie zombie et la politique de l’offrande), ce n’est pas même une politique de l’offre
qui a été mise en œuvre, mais bien plutôt une politique… de l’offrande !
Vers des ajustements microscopiques
Et les 20
milliards d’euros n’ont pas suffi. Très
vite, François Hollande a fait un geste de plus.
Toujours dans le même sens, en faveur du patronat. Après le « choc
de compétitivité », il a donc promis un « pacte de
responsabilité » qui s’emboîterait à ce premier gigantesque cadeau
et qui porterait au total à 30 ou 35 milliards d’euros le total des allègements
de cotisations sociales ou fiscales en faveur des entreprises.
Et ce n’est pas tout ! Le gouvernement ne s’est pas
contenté de poursuivre la politique économique et sociale inique de Nicolas Sarkozy. Sous la
houlette de Manuel Valls, il s’est aussi appliqué à poursuivre dans ses grandes
lignes la politique sécuritaire de Claude Guéant ou de Brice Hortefeux. Avec les mêmes résonances xénophobes, un
jour contre les Roms, le lendemain contre « l’ennemi
intérieur »…
Enfin, François Hollande n’a
rien fait pour sortir de cette insupportable culture monarchique française, qui
a nécrosé la démocratie. « Moi,
je… », « moi,
je… »: tout s’est joué à l’Élysée, autour d’un président omnipotent,
désordonné et cafouilleux, mais tout-puissant, décidant de tout, selon son bon
plaisir. Encore et toujours, le « coup d’État permanent »…
Dans
un pays rongé par un chômage qui atteint des niveaux historiques, touchant plus
de 5,5 millions de personnes toutes catégories confondues, et miné par une
pauvreté qui englobe désormais plus de 10 millions de personnes, sur quoi pouvaient donc
déboucher de nouvelles élections, fussent-elles locales ? Il n’était guère
besoin d’être un politologue chevronné pour le pressentir : sur la colère, précisément. Ou sur
l’indignation.
Au soir de ce second
tour des élections municipales, la question
qui est posée aux dirigeants socialistes – mais tout autant, pour des
raisons qui ne sont pas les mêmes, à ceux des autres composantes de la gauche
ou du mouvement écologiste – est donc d’une triste évidence :
fallait-il que le Front national progresse encore, pour qu’un nouveau cap soit
enfin choisi ? À l’instar de Hénin-Beaumont, fallait-il que d’autres
villes tombent entre les mains de l’extrême droite,
avant que les dirigeants socialistes comprennent qu’ils doivent se
ressaisir ?
C’est l’avenir de la gauche qui est durablement menacé. Plus
même que l’avenir de la gauche : c’est la République qui vacille et qui
est en danger. La République, avec ses
valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité…
Si ces questions prennent au
soir de ce second tour une si forte acuité, c’est que les dirigeants
socialistes ont fait mine, dans la semaine de l’entre-deux tours, de ne pas
comprendre la gravité de l’alerte. Et c’est à un théâtre d’ombre proprement
surréaliste auquel on a assisté. On a ainsi appris, mercredi, à l’issue du
conseil des ministres, que pour François Hollande il fallait « entendre les Français » et que la « leçon » à tirer du scrutin consisterait à « travailler
au redressement du pays avec plus de force, plus de cohérence et plus de
justice sociale ». Phrases
creuses qui, par leur vacuité même et leur imprécision, sont terriblement
inquiétantes.
Dans
une authentique démocratie, où le peuple a la parole, une sanction aussi grave
aurait été prise en compte. Au pays du « coup
d’État permanent », le monarque républicain, aussi minoritaire soit-il
dans le pays, aussi désavoué soit-il, peut décider ce que bon lui semble,
contre l’avis même de tout le pays. Ainsi le permettent les institutions très
anti-démocratiques issues du coup d’État à froid du général de Gaulle, en 1958,
et que la gauche n’a jamais véritablement réformées : c’est celui-là même
qui a été sanctionné par les électeurs qui a les pleins pouvoirs pour tirer les
enseignements de la sanction. Voire… pour n’en tirer aucun enseignement, ou
alors seulement cosmétique.
François
Hollande décidera, seul, des enseignements à tirer de cette sanction
démocratique qui le vise personnellement. Et il en décidera dans quel
sens ?
Tout au long de la semaine
écoulée, comme dans une monarchie malade, les supputations de la cour ont été
bon train, suggérant de
multiples hypothèses. Avec selon les variantes, le maintien de Jean-Marc
Ayrault à Matignon ou son remplacement par Manuel Valls. Mais de l’un à
l’autre, quelle différence ? En termes de politique économique et sociale, aucune !
Lors des primaires socialistes, Manuel Valls est celui qui, le
premier, a défendu l’idée de relever la TVA et d’engager une politique pour
stimuler la compétitivité des entreprises. En quelque sorte, dans la politique
néolibérale que suivent aujourd’hui les socialistes, il a joué les précurseurs.
Quant à sa politique
sécuritaire ou en matière d’immigration, il a si fréquemment joué de l’emphase,
marchant avec délectation sur les brisées de la droite, sous les
applaudissements de certains caciques de l’UMP, jusqu’à Serge Dassault, que sa
promotion à Matignon aurait des allures de provocation. A l'époque, ses
camarades socialistes lui avaient fait amèrement grief de dupliquer le
programme de la droite ultra-libérale.
L’autisme dans lequel semble
enfermé François Hollande a d’ailleurs d’autres manifestations. Car, dans le
prolongement de ces rumeurs de cour sur le nom du possible futur premier
ministre – le même ou un autre encore plus marqué à droite –, on a
appris les mesures que pourrait prendre le nouveau gouvernement, au lendemain
d’un probable remaniement.
Le chef de file des députés
socialistes, Bruno Le Roux, a ainsi lâché que des mesures fiscales « à destination des plus
modestes » seraient
prises dans les tout « prochains
jours » tandis que la
porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a souligné mercredi que « l'objectif à terme est
d'aller vers une baisse de la fiscalité des ménages », sans s'engager
sur un quelconque calendrier.
En clair, rien de nouveau sous
le soleil socialiste.
Car voilà des mois, dans la foulée des vœux de fin d'année de François
Hollande, que le gouvernement évoque une possible baisse de l’impôt sur le
revenu, sans jamais préciser à quelle échéance. De surcroît, une baisse de
l’impôt sur le revenu, même ciblée sur les tranches basses du barème,
profiterait par construction aussi à toutes les autres tranches du barème, y
compris aux plus riches. Et cette baisse n’aurait aucun effet sur les 50 %
des Français qui n’y sont pas assujettis, et qui sont… les plus modestes !
Seul, face au peuple
En clair, si le
gouvernement avançait vers une telle solution, ce serait toujours tourner le
dos à la justice fiscale. Car une telle disposition contribuerait à démanteler
encore un peu plus l’impôt sur le revenu, l’un des rares prélèvements
progressifs en France avec l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Ou si
l’on préfère, cela équivaudrait à prendre exactement le chemin inverse à celui
que préconisait autrefois le Parti socialiste, au travers de cette fusion entre
l’impôt sur le revenu et la CSG, pour refonder un impôt citoyen et progressif.
L’autre piste
évoquée vise à modifier le plan d’allègement des cotisations sociales et
fiscales envisagé par le gouvernement en faveur des
entreprises.
Jusqu’à présent, on sait que le gouvernement avait en effet
prévu d’abord un allègement de 20 milliards d’euros, sous la forme d’un crédit
d’impôt, baptisé « CICE », pour créer un soi-disant « choc de compétitivité ».
Et, dans un deuxième temps, François Hollande avait annoncé une
possible suppression des cotisations familiales payées par les employeurs,
venant se cumuler aux 20 milliards d’euros. Au total, sous une forme ou sous
une autre, les entreprises devaient y gagner de 30 à 35 milliards d’euros.
C’est donc cette
articulation entre le « choc
de compétitivité » et le « pacte de
responsabilité » qui
pourrait être revue, sous des modalités qui sont encore mal connues. Ce qui a
filtré, c’est juste que le gouvernement maintienne cette enveloppe globale de
30 à 35 milliards d’euros d’allègements, mais préférerait l’utiliser au travers
d’un élargissement du système de crédit d’impôt
plutôt qu'au travers d’une suppression des cotisations familiales.
Mais, là encore, d’un
système à l’autre, quelle différence ? Le débat sur l’efficacité supposée
d’une modalité plutôt que l’autre fait peut-être rage entre quelques chapelles
néolibérales, mais n’a, en vérité, aucun véritable enjeu. Car dans un cas comme
dans l’autre, on sait à l’avance ce que seront les effets de ces différents
dispositifs : d’abord et avant tout des effets d’aubaine pour les employeurs, mais pas ou peu
d’effet en termes d’emploi ou d’investissement.
Cet aveuglement de
François Hollande et de ses proches, qui veulent poursuivre dans la même
direction, a d’ailleurs eu une autre traduction spectaculaire. Dans un article
qui n’a pas profité de la publicité qu’il
méritait, publié par Les Échos,
sous le titre explicite « Sur
les économies, nous ne changerons pas de cap », le ministre du
travail, Michel Sapin, qui est aussi un intime de
François Hollande, a dit le plus important : en dehors de quelques
ajustements de détail, rien ne changera.
Le plan d’austérité de 50 milliards d’euros
– qui est le cœur de la politique néolibérale française, et qui plonge la France dans une
situation de déflation en même temps qu’elle nourrit une explosion du chômage
et de la pauvreté – n’est pas négociable. Quoi qu’en pensent les électeurs qui
ont sanctionné François Hollande.
Il n’est pas besoin d’être
expert budgétaire pour le comprendre : la mise en œuvre de ces 50 milliards
d’euros d’économies constituerait un saccage majeur, auquel rien ne
résisterait. Pas de politique de
l’emploi ! Y en a-t-il seulement eu une depuis l'alternance ? Pas de politique culturelle ! Pas même de politique de refondation de
l’école publique ! Pour ceux qui en douteraient, les mêmes rumeurs
alimentées par Bercy sont venues confirmer ces derniers jours que même la
promesse phare de François Hollande visant à créer 60 000 emplois dans
l’éducation nationale d’ici la fin de son quinquennat risquait d’être De
surcroît, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a eu beau
démentir qu’il avait proposé le gel de l’avancement automatique des
fonctionnaires, l’information est avérée, comme l’a révélé une enquête de
Mediapart (lire Salaires des
fonctionnaires : le poker menteur de Vincent Peillon). En
somme, tout se passe comme si François Hollande n’avait plus le moindre
tabou : converti à une politique
économique radicalement de droite, il donne le sentiment d’être indifférent
à scandaliser son électorat, jusqu’aux enseignants, dont les gros bataillons
ont toujours été fidèles à la gauche.
Au soir du second tour des
élections municipales, c’est ce qu’il y a de plus inquiétant. Dans une véritable démocratie, les élus du
peuple chercheraient sur-le-champ à prendre en compte le message des urnes.
Message en l’occurrence transparent ! D’urgence, il faudrait fixer un cap
nouveau ; renouer avec les
promesses de la campagne du candidat socialiste ; engager une
véritable réforme fiscale pour refonder un impôt progressif ; desserrer
l’étau de l’austérité et conduire une politique salariale et budgétaire plus
dynamique…
Bref,
il faudrait un cours nouveau. Pour conjurer la catastrophe qui se dessine. Pour
refonder notre démocratie. François Hollande semble tourner le dos à cette
aspiration. Alors qu’il faudrait réinventer la gauche, lui redonner une
doctrine et un espoir, il s’est claquemuré dans les pouvoirs insupportables que
lui confèrent les institutions de la Ve République. Seul face au peuple…
« La gloire du vainqueur se
proportionne au mérite du vaincu. »
Ainsi donc elles sont miennes,
elles m'appartiennent désormais,
toutes les innombrables
prouesses du susnommé don Quichotte. ».
Don Quichotte
[ Miguel de Cervantès ]
[ Miguel de Cervantès ]
« La gloire du vainqueur se proportionne au mérite du
vaincu. »
toutes les innombrables prouesses du susnommé don
Quichotte. ».
Don Quichotte
[ Miguel de Cervantès ]
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