vendredi 6 décembre 2019

SNCF, RATP, EDF... Les incroyables avantages des régimes spéciaux de retraite



Certains secteurs d’activité ont fait de leur système de retraite un pilier intouchable. Âge de départ précoce, faible taux de cotisation ou niveau de pension élevé… Aux frais du contribuable et malgré les réformes. Niveau de pensions, subventions publiques... Les agents de la RATP, de la SNCF et d’EDF conservent de solides avantages en matière de retraites  Les subventions à la charge de l’Etat ne cessent de s’alourdir, notamment celles allouées aux cheminots : 3,4 milliards d’euros, dans le budget 2020, soit 64% des pensions versées. Certes, ce montant sert à compenser le déséquilibre démographique, du fait notamment de la baisse des effectifs enregistrée depuis plusieurs dizaines d’années au sein de la SNCF. Mais il vient aussi combler l’âge précoce de départ à la retraite des cheminots.  Les précédentes réformes, celles de 2008, 2010 et 2014, avaient vocation à aligner le régime spécial des cheminots (comme celui des agents de la RATP et d’EDF-GDF) sur celui de la fonction publique. D’abord en modifiant la durée de cotisation (passée progressivement de 150 à 172 trimestres), puis en faisant reculer petit à petit de deux ans l’âge plancher de départ à la retraite. A 52 ans contre 50 ans pour un conducteur de train et 57 ans contre 55 pour les autres agents, dits "sédentaires".  Ainsi, en 2017, l’âge moyen de départ à la retraite des conducteurs ayant effectué une carrière complète est de 53,7 ans; celui des sédentaires, de 58,2 ans. Mais toujours en décalage avec ceux des fonctionnaires de l’Etat (61,1 ans) et des salariés du privé (62,5 ans). Les cheminots jouissent d'un régime spécial de retraites bien plus avantageux que celui auquel sont soumis les salariés du privé. Leur taux de cotisations salariales de retraite est inférieur à celui des salariés du domaine privé (9,1 % en janvier 2019, contre 11,3 %). Et c'est sans compter sur le fait que de nombreux agents prennent leur retraite bien plus tôt que les travailleurs du privé alors que leur espérance de vie est sensiblement la même. Les agents de conduite nés avant 1962, et certains nés avant 1967, peuvent prendre leur retraite à taux plein à 50 et 55 ans A titre de comparaison, l’âge moyen de départ à la retraite est de 59,2 ans dans la fonction publique hospitalière, de 61,6 ans dans les collectivités territoriales, de 61,3 ans pour les fonctionnaires civils de l’État et de 63 ans ans pour régime général. « Des écarts entre les différents régimes qui ne reflètent pas des différences manifestes d’espérance de vie à 60 ans et se traduisent ainsi par des écarts du même ordre pour les durées passées à la retraite »

Le niveau moyen de pension de retraite des cheminots est également plus élevé que dans le secteur privé. Il correspond à taux plein à 75 % du salaire des six derniers mois d'activité de l'agent, contre un taux plein de 50 % sur le salaire moyen des 25 meilleures années pour les salariés du privé. Ces derniers bénéficient toutefois d'une retraite complémentaire portant ce taux à environ 75 % du salaire. En moyenne, la pension brute moyenne en équivalent carrière complète des agents partis à la retraite en 2017 est de 2 636 euros par mois à la SNCF. Si c’est plus que les 1 804 euros des retraités des collectivités territoriales, c’est bien moins que les 3 705 euros mensuels des retraités de la RATP.
Les cheminots travaillent-ils alors plus que les salariés du privé ? Pas vraiment. Même si les personnels roulants et certaines autres catégories d'emplois travaillent souvent en horaires décalés, dimanche et jours fériés inclus, la durée annuelle du travail à temps complet des salariés sédentaires de l'entreprise ferroviaire est relativement proche de celle des fonctionnaires, et donc moins importante que la durée de travail des employés du secteur privé : entre 1.568 et 1.589 heures par an, contre 1.708 heures dans le privé. Une catégorie de cheminots bénéficie d'une durée annuelle de travail à temps complet encore un peu plus faible : il s'agit des conducteurs de trains (1.409 h).

mardi 3 décembre 2019


Échanges de noms d’oiseaux et propos furibards : l’Otan, la plus grande alliance militaire au monde, a donné le ridicule spectacle, mardi à Londres, de dirigeants divisés. Le vacarme, déclenché par les propos de Macron sur « la mort cérébrale » de l’alliance, a empêché de répondre aux questions de fond sur l’avenir d’une organisation obsolète, inutile, voire toxique.

Il y a l’art d’enfoncer les portes ouvertes. Emmanuel Macron l’avait fait, non sans talent, il y a un mois, en déclarant dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist 
« Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan. » Il faut « clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégiques de l’Otan », ajoutait le président français, citant à titre d’exemple : « Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires de l’Otan et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’Otan, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination. »
Le président ne faisait là que reprendre un constat largement partagé depuis un quart de siècle par tous ceux qui s’interrogent sur l’utilité d’une alliance militaire – la plus grande au monde – rendue obsolète par l’effondrement du camp soviétique et la dissolution du pacte de Varsovie le 1er juillet 1991. La « mort cérébrale » de l’Otan est actée de longue date, tout comme le fait que cette organisation demeure entièrement dans les mains du commandement militaire américain, qui est le seul décisionnaire. La sortie du président français n’a fait que déclencher une foire d’empoigne. Son homologue turc Recep Tayyip Erdogan a répliqué dès ce week-end en ironisant sur « l’état de mort cérébrale de Macron ». Puis est arrivé ce mardi matin Donald Trump, armé de quelques propos chocs. Trump a déclaré être « très surpris » par la déclaration « très dangereuse » de Macron et de son jugement « très insultant » et « très très méchant »Au passage, il a souligné que la France a « un taux de chômage très élevé » et « ne va pas du tout économiquement »« Jugement intempestif », avait déjà dit Angela Merkel. « Irresponsable », avait estimé le pouvoir polonais.
À l’Élysée, on se satisfaisait de faire enfin « bouger les lignes ». Le problème est que, sur le fond, rien n’a bougé et ne devrait pas bouger tant Emmanuel Macron se trouve isolé. Pays baltes, Pologne, Hongrie, Roumanie se méfient au plus haut point d’une défense européenne poussée par la France et l’Allemagne, et entendent rester dans une organisation dominée par les États-Unis. Il n’est pas plus question pour ces pays de s’engager dans un nouveau dialogue avec la Russie.
Il y a plusieurs années, un grand diplomate français, Gabriel Robin expliquait en ces termes son rejet de l’Otan : « L’Otan pollue le paysage international dans toutes les dimensions. Elle complique la construction de l’Europe. Elle complique les rapports avec l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – ndlr]. Elle complique les rapports avec la Russie, ce qui n’est pas négligeable. […] Par conséquent, je ne vois pas très bien ce qu’un pays comme la France peut espérer de l’Otan, une organisation inutile et nuisible, sinon qu’elle disparaisse. » Pour Régis Debray, de tous ces arguments, l’un d’eux reste très actuel tant il percute le discours d’Emmanuel Macron et de ses ministres des affaires étrangères et de la défense : Le « pilier européen » ou un « état-major européen au sein de l’Otan » est « une fumisterie ». Si l’on oublie les habituels thuriféraires de l’alliance atlantique, d’autres soutiennent encore l’Otan comme l’un des rares systèmes multilatéraux de sécurité encore existants. Au moins l’Otan évite-t-elle des conflits entre ses pays membres (Europe, États-Unis, Canada), soulignent-ils. Ces derniers mois viennent justement de démontrer le contraire. C’est, par exemple, la dénonciation par l’administration Trump du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI). Cette décision, prise sans concertation avec les Européens, et qui a entraîné la dénonciation du traité FNI par la Russie, transforme à nouveau l’Europe en potentiel champ de bataille nucléaire. L’attaque menée par la Turquie, membre de l’Otan, contre les Kurdes en Syrie, autres alliés de l’Otan… Les protestations américaines, françaises, européennes n’y ont rien fait. Et Erdogan a menacé de bloquer des programmes de défense de certains pays d’Europe centrale avec l’Otan, pays baltes en tête, s’ils ne reconnaissaient pas comme « terroristes » les combattants kurdes syriens. Bien d’autres exemples (achat de systèmes d’armes, programmes d’armement, tensions dans les Balkans) démontrent que l’Otan n’est plus à même de garantir l’unité de ses membres sur des questions stratégiques importantes. Les menaces répétées de Trump contre l’organisation achèvent de déstabiliser l’institution. C’est dire qu’au-delà des invectives, il est plus que temps de définir un « après-Otan » à même de garantir la sécurité
Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), estime désormais « qu’il faut que nous, Européens, nous nous préparions à la fin de l’Otan, car c’est un scénario suffisamment crédible, surtout si Donald Trump est réélu en 2020 »