Parliament (Quand les Communes font honte à
l'Assemblée)
Parfois, la honte légère d'être français
nous effleure, et on résiste difficilement à la lecture des comptes-rendus de
la Chambre des communes, qui votait hier le mariage pour tous au Royaume-Uni.
Pour qui parle anglais, jaugez de la différence avec , ce que
racontaient nos députés, le même jour, au même moment peut-être. A Londres, on
se donne du "honorable" à longueur de bars sans renier de la fermeté
des oppositions, à Paris, on galèje et on grasseye, on ironise et
trichotte...
Paris.
M. Olivier Dussopt . Mes
chers collègues, ne soyez pas si impatients : il faut bien équilibrer le
nombre de rappels au règlement entre ceux de l’opposition et ceux de la
majorité
M. Xavier Breton . Il
faut surtout gagner du temps !
M. Olivier Dussopt . Monsieur
le président, mon rappel est fondé sur l’article 58 alinéa 1, de notre
règlement…
M. Philippe Gosselin . La
majorité ne semble pas très mobilisée !
le président. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas
abusé des rappels au règlement, elle.
M. Olivier Dussopt . Je
recommence, monsieur le président. Mon rappel est fondé sur l’article 58,
alinéa 1, de notre règlement et a trait à l’intelligibilité de nos débats.
M. Philippe Gosselin . Dépêchez-vous
d’arriver, les gens de gauche !
M. le président. S’il vous plaît !
M. Olivier Dussopt . Monsieur
Gosselin, vous nous avez habitués à plus de retenue, contrairement à vos
collègues.
M. Philippe Gosselin . Ne
vous inquiétez pas pour moi.
M. Olivier Dussopt . Nous
sommes partis, grâce ou à cause des manoeuvres dilatoires de l’opposition,…
M. Jean Leonetti . Il
retarde les débats, c’est insupportable !
M. Olivier Dussopt . …pour
examiner une série de 187 amendements identiques, par séries de cinq,
portant sur chacune des occurrences des mots « père » et
« mère » dont vous avez longtemps craint qu’elles seraient supprimées
dans le code civil et dans d’autres.
M. Patrick Ollier . M.
Dussopt veut gagner du temps car la gauche est minoritaire !
M. Olivier Dussopt . L’amendement-balai
aurait dû vous rasséréner, mais ce n’est visiblement pas le cas.Je regrette que
nous passions autant de temps à répéter en permanence le même
débat. Monsieur Gosselin, l’objectif principal de mon rappel au règlement
était presque de vous faire une proposition. (Vives exclamations sur
les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin . Je
comprends l’embarras de la majorité !
M. Patrick Ollier . C’est
que nous voulons avancer, nous !
M. le président. Calmez-vous ! Si vous continuez ainsi,
je vais devoir suspendre la séance. (Sourires.)
Et on est ici dans le soft, sans évocation de twitter ou noms d'oiseaux,
amendements vaseux ou lyrisme de circonstance...
Londres.
Dr Matthew Offord (Hendon, conservateur): Est-ce que le ministre
pourrait profiter de l'occasion tôt pour confirmer que les opposants au projet
de loi, y compris des centaines de mes électeurs, ne sont pas homophobes, et
non pas des bigots et non pas de sgens qui aboient?
Maria Miller (ministre de l'Egalité): Mon honorable ami a parfaitement
raison.
(...)
Maria Miller: Certains disent que le projet de loi redéfinit le
mariage, mais le mariage est une institution avec une longue histoire
d'adaptation et de changement. Au 19ème siècle, les catholiques, les baptistes,
les athées et beaucoup d'autres ont été autorisés à se marier à condition de le
faire dans une église anglicane, et au 20ème siècle, des changements ont été
faits pour reconnaître les hommes mariés et les femmes mariées comme égaux
devant la loi. Suggérer que le projet de loi modifie quelque chose qui
n'a pas changé depuis des siècles, c'est simplement ne pas reconnaître la route
que le mariage a voyagé en tant qu'institution.
M. Winnick: Est-ce que le ministre garde à l'esprit le fait qu'il y
avait beaucoup d'opposition à la dépénalisation de l'homosexualité en 1967?
J'ai voté pour le projet de loi, mais il y avait beaucoup d'opposition à
celui-ci. Est-elle d'accord piur dire qu'aujourd'hui, personne ne souhaiterait
revenir à la situation antérieure à la loi de 1967 et qu'il est possible que si
cette mesure est adoptée, elle sera généralement acceptée de la même façon dans
quelques années?
Maria Miller: Je suis sûr que le député a raison. Ce que nous avons
à faire est non seulement légiférer pour aujourd'hui, mais pour l'avenir.
Rehman Chishti (Gillingham et Rainham, Con): Le ministre sait que
5% de la population est musulmane au Royaume-Uni. Quelle proportion de la
communauté musulmane a répondu à la consultation? Combien étaient pour elle et
combien étaient contre? Sur ce que je comprends, pas une seule mosquée a a
soutenu la redéfinition du mariage.
Maria Miller: Mon honorable. Ami saura que cette question n'est pas
une question de chiffres, il s'agit de travailler ensemble et d'offrir des
garanties pour s'assurer que les chaque croyant sera assuré qu'il pourra
continuer à pratiquer selon ses convictions. C'est le point du débat
d'aujourd'hui."
Et ainsi de suite. And so on. …
Il y avait hier aux Communes des débats peu compréhensibles en France, sur le
fond, sur le droit accordé ou non à l'Eglise anglicane de marier des
homosexuels -compromis entre le rôle institutionnel de cette église, et la
liberté religieuse. Mais ceci est du folklore, ou de la culture. On ne perdra
même pas de temps à comparer la droite française et celle de David Cameron, qui
ose se diviser et faire avancer la société. Ce qui compte ici est le ton, et le respect réciproque, et le refus de
trivialiser ce qu'un peuple a de plus précieux: la mission sacrée qu'il a
confié à quelques-uns, élus, de débattre et de légiférer pour lui.
Soyons clair. La politesse n'empêche rien.
Tout ce qui a travaillé les français -l'âpre nouveauté, "orwellienne"
pour un conservateur de ce mariage homo, la marche de l'histoire, la nature et
la culture- a été évoqué aux Communes, mais sans jamais tomber dans la vulgarité complaisante, et
complaisamment relayée par les media gaulois, qui entache le Palais-Bourbon. Le
tempérament gaulois aura bon dos, et la verdeur de notre langage, et on moquera
si l'on veut la pratique compassée des britanniques? On aura tort. C'est en prenant au sérieux ce que l'on
est, un représentant du peuple, l'incarnation même de la démocratie, que l'on
élève le peuple et que l'on s'élève.
J'avais été frappé, en 2003, au moment de
la guerre d'Irak, par la différence entre les Communes, où des élus Labour
indignés apostrophaient leur Tony Blair, et le verrouillage de notre débat à
l'Assemblée, autorisé aux seuls représentants -unanimes pour le coup- des
groupes. Ils faisaient la guerre et débattaient. Nous étions en paix et
cadenassions le verbe. Aujourd'hui, nous
l'avilissons, ou on l'avilit pour nous. C'est ainsi, et ce que nous sommes,
et ce que nous voulons être. Nul ne force Mariton à troller, Myard à
expectorer, Coronado a twitter, Galut et Bays à galucher. Ils sont ce qu'est ce
pays.
On a la démocratie factice que l'on souhaite,
et l'antiparlementarisme que l'on mérite.