vendredi 11 décembre 2020

« Merkel a capitulé face à l’extorsion hongroise et polonaise »

 


Le compromis passé par le Conseil européen pour éviter que la Pologne et la Hongrie ne bloquent le budget européen est un formidable cadeau qui leur est fait : il vaudrait mieux être ferme face à ces deux pays voyous qui, en refusant les valeurs démocratiques communes, menacent la raison d’être de l’Union européenne.

Par George Soros (financier et philanthrope)

L’Union européenne fait face à une menace existentielle, et pourtant les dirigeants de l’UE semblent être convaincus qu’elle peut être écartée d’un revers de la main : en témoigne le compromis passé ce jeudi 10 décembre.

Le régime kleptocratique du Premier ministre Viktor Orban en Hongrie et, dans une moindre mesure, le gouvernement illibéral Droit et Justice (PiS) en Pologne, défient effrontément les valeurs sur lesquelles l’Union européenne a été construite. Traiter leur défi comme une position politique légitime, qui mérite de trouver un compromis, ne fera qu’aggraver – massivement – les risques auxquels l’UE est aujourd’hui confrontée.                                                      Je reconnais et je comprends l’énorme pression qui s’est exercée sur la chancelière allemande, Angela Merkel. Elle est chancelière allemande depuis 15 ans et elle approche maintenant du départ à la retraite, prévu pour septembre 2021. Le président français, Emmanuel Macron, étant temporairement distrait par la question de la laïcité et d’autres graves problèmes de sécurité en France, Merkel est devenue l’unique leader de l’UE.                                                                                           Je comprends également pourquoi la chancelière allemande ne veut pas qu’un pays, la Hongrie, annonce son intention de quitter l’UE sous sa garde. C’est apparemment ce qu’Orban se préparait à faire ces derniers jours, car il ne peut se permettre d’exposer l’ampleur de la corruption de son régime, ce à quoi aurait fatalement conduit le fait d’exiger le respect de « l’Etat de droit » comme condition au décaissement des fonds de soutien de l’Union. Le régime de Viktor Orban a volé et détourné de vastes sommes au cours de sa décennie au pouvoir, y compris des fonds européens, qui auraient dû profiter au peuple hongrois. Il ne peut pas se permettre d’imposer une limite concrète à sa corruption personnelle et politique, car ces produits illicites sont la graisse qui permet aux rouages de son régime de tourner en douceur et à ses fidèles de se tenir à carreau. Menacer de torpiller les finances de l’UE en opposant son veto à son budget était un pari désespéré de la part d’Orban. Mais c’était un coup de bluff qui aurait dû être dénoncé. Malheureusement, Merkel a, semble-t-il, cédé à l’extorsion hongroise et polonaise.

Au moment où j’écris, il semble clair que Merkel a négocié un compromis avec Orban et le chef de facto de la Pologne, le vice-Premier ministre, Jaroslaw Kaczynski. L’accord conclu par l’Allemagne avec les deux Etats voyous de l’UE constitue cependant le pire de tous les scénarios possibles. Le texte du compromis proposé, qui doit être intégré dans la déclaration finale du Conseil européen de cette semaine, présente trois défauts fondamentaux.

  • Premièrement, la déclaration modifie la lettre et l’esprit du règlement qui a été approuvé par les institutions de l’UE le 5 novembre, affaiblissant considérablement la conditionnalité de l’Etat de droit. Ni la Commission européenne ni le Parlement européen, et encore moins les gouvernements nationaux qui ont fait de l’intégrité du règlement leur principale préoccupation au sein du Conseil européen, ne devraient se laisser faire de cette manière.
  • Deuxièmement, certaines dispositions de l’accord servent à retarder de deux ans la mise en œuvre de la conditionnalité de l’Etat de droit. Ce serait un véritable coup d’éclat pour Orban, car cela reporterait toute possibilité d’action après les prochaines élections législatives hongroises prévues en 2022. Ce sursis donnerait au parti Fidesz d’Orban amplement le temps de modifier les lois hongroises et les dispositions constitutionnelles, afin de redéfinir ce qui constitue des « fonds publics » en Hongrie. Ainsi, Orban pourrait canaliser les pillages des organismes publics vers des « fondations » privées, contrôlées par ses copains. Les principales victimes de l’accord que Merkel a conclu avec Orban seront le peuple hongrois.
  • Troisièmement, par cette proposition de déclaration, le Conseil européen excède son autorité : elle limite la compétence de la Commission européenne à l’interprétation et à l’application de la législation communautaire convenue. C’est un dangereux précédent, car il réduit l’indépendance juridique de la Commission. Ce compromis semble enfreindre le traité sur l’Union européenne, du moins dans l’esprit.

L’accord, tel qu’il apparaît, est affreux. Il fait fi des souhaits explicites du Parlement européen. Mais en raison de la nécessité urgente d’utiliser le fonds de relance constitué pour affronter la crise du Covid-19 (750 milliards d’euros) le Parlement européen pourrait très bien l’approuver.

Tout ce que je peux faire, c’est exprimer l’indignation morale que doivent ressentir les personnes qui croient en l’UE, en tant que protectrice des valeurs européennes et universelles. Je tiens également à avertir que ce compromis risque d’entamer gravement la confiance durement recouvrée, notamment grâce à la création du fonds de relance, par les institutions de l’Union.


jeudi 10 décembre 2020

En France, des réfugiés qui suivent un stage où le pays d’accueil est dénigré

 Dans le cadre d’une politique d’intégration des réfugiés, un journaliste syrien a assisté à quatre jours d’information sur la France et ses valeurs, dispensés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Aux arabophones présents, la traductrice d’arabe ajoutait des commentaires sarcastiques, affirmant que la France est la source principale de leur malheur. Hallucinant. 

almodon.com

En août dernier, j’ai signé le contrat d’intégration républicaine, étape obligatoire de mon parcours de réfugié, après une longue attente pour cause de coronavirus.

J’avais l’impression d’être déjà intégré et d’avoir adhéré, tout naturellement, au système français de valeurs, mais cela ne me posait pas de problème d’assister à un stage obligatoire de quatre jours pour être informé sur l’histoire de France, sur sa société et sur ses différentes institutions.

Étant donné que je ne maîtrisais pas encore la langue française, j’ai demandé la présence d’un interprète. J’ai préféré demander une traduction vers l’anglais puisque j’étais certain qu’en cas de traduction vers l’arabe, le résultat allait être catastrophique.

J’en ai eu la confirmation quand je me suis retrouvé à la même table que des réfugiés originaires de différents pays arabes, qui étaient flanqués d’une interprète franco-marocaine. Celle-ci se répandait en commentaires et remarques au sujet de tout ce que le formateur nous apprenait.

La démocratie n’est qu’un mensonge

Cet affreux bavardage de l’interprète consistait par exemple à dire que les droits de l’homme et la démocratie n’étaient que mensonges. Elle affirmait également que la France avait répandu l’esclavagisme et qu’elle continuait à faire la même chose aujourd’hui sous d’autres formes. Qu’elle feignait d’aider les réfugiés, alors qu’en réalité l’exode des populations était causé par la politique guerrière qu’elle menait au Moyen-Orient.

Tout cela ressemblait au genre de discours qu’on peut entendre au journal télévisé en Syrie. Évidemment, elle n’assumait pas ce discours devant les responsables, mais le faisait passer pour des conversations amicales et anodines.

Évidemment, elle n’a pas oublié d’expliquer qu’à titre personnel elle avait profité de la gratuité des prestations offertes par l’État, d’un logement à loyer réduit et à l’enseignement scolaire et universitaire pour ses enfants.

Légitime de voler la France

Le pire, c’est que les stagiaires se sont rangés à ses arguments. La conclusion qu’ils ont tirée de son discours sur l’histoire coloniale française était qu’il était légitime que les réfugiés arabes profitent de leur présence en France pour voler, puisque la France avait pillé les ressources arabes pendant des siècles.

Au bout du troisième jour, j’étais tellement mal à l’aise, et de manière tellement évidente, que le formateur a demandé à me parler. Il était interloqué quand je lui ai dit ce qui se passait pendant les cours : des remarques désobligeantes sur lui-même jusqu’aux sarcasmes au sujet des droits des homosexuels, l’égalité hommes-femmes ou la séparation entre la religion et l’État.

L’interprète nous disait également que nous ne devions pas chercher à nous intégrer en France, surtout pour ce qui est de la religion, des valeurs familiales et des spécificités culturelles. Selon elle, nous devions les préserver et, au cas où elles entreraient en contradiction avec la loi française, les pratiquer en secret.

De consternants conseils

Elle-même musulmane, elle partait évidemment du principe que tous les réfugiés présents l’étaient également.

Ses “conseils” paraissent d’autant plus consternants qu’ils tombaient au moment des polémiques sur le séparatisme, puis des attentats terroristes, avec notamment l’assassinat du professeur Samuel Paty.

Il se trouve qu’en France on pense que les migrants respectent la République et la démocratie du simple fait qu’ils signent une déclaration dans ce sens, après un simple stage de quatre jours.

Tel n’est pas le cas en Allemagne par exemple, où l’on exige qu’ils passent de véritables examens.

Des cours de français mal adaptés

On peut peut-être créditer la méthode française d’un surcroît d’humanité et de générosité, mais elle est surtout naïve. Elle ne prend pas suffisamment en compte le besoin de parler aux migrants pour combler le fossé qui les sépare [de la société française].

Et les longs délais de traitement des dossiers ne sont pas là pour arranger les choses, avec des centres d’hébergement où toute vie privée est impossible et où la gratitude des réfugiés peut facilement tourner au ressentiment quand ils ont l’impression de n’être que des numéros que l’on traite avec mépris à longueur de temps.

Par ailleurs, on ne leur donne pas le moyen d’étudier sérieusement le français. Les cours obligatoires organisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) n’apportent rien, c’est le moins qu’on puisse dire, même si certains professeurs se démènent et font du bon travail.

Pour commencer, ces cours ne couvrent que le premier niveau de langue. Ensuite, avec des enseignants qui changent chaque jour et en l’absence de coordination, les élèves reçoivent ces cours de manière désordonnée. Et cela fait naître un sentiment de culpabilité et les décourage.

Lors du premier cours de français, la directrice de l’école m’a dit que je devais me détendre et ne pas prendre les choses trop au sérieux.

Des insultes envers le pays d’accueil

Car l’enseignement à l’OFII n’était pas assez approfondi pour vraiment apprendre le français. L’important était de faire acte de présence, a-t-elle conclu.

Comment un réfugié pourrait apprendre le français ou changer progressivement de vie si les personnes responsables de l’aider ne prennent pas leur travail au sérieux ?

Au bout du troisième jour du stage d’intégration, je suis rentré en voiture avec un réfugié syrien qui a fui la guerre après avoir perdu des membres de sa famille dans les cachots du régime de Bachar El-Assad. Pendant plus d’une demi-heure de trajet, il a insulté la France de la pire manière et disait ne souhaiter qu’une chose : rentrer en Syrie.

Je lui ai dit que nous nous y ferions probablement tuer ou jeter dans un cachot. Au mieux, nous passerions notre temps à faire la queue pour acheter du pain ou obtenir un peu d’essence. Il n’a pas répondu, mais continuait à proférer des gros mots.

Macron, touche pas à l’islam

Et quand le nom d’Emmanuel Macron est arrivé dans la discussion, il a explosé de colère à propos de son soutien absolu à la liberté d’expression. C’est probablement pour cela que le fossé persiste entre lui et sa nouvelle société.

Parmi les réfugiés que j’ai croisés lors de ce stage, certains pensent par exemple qu’Emmanuel Macron contrevient à la laïcité. Selon eux, il ne devrait pas du tout parler de sujets religieux, et encore moins quand cela concerne l’islam.

D’autres estiment que la démocratie est un mensonge. Des groupes de réfugiés en France sur les réseaux sociaux répètent les mêmes discours de victimisation historique. Ils oublient que les causes de leurs malheurs sont les régimes totalitaires du Moyen-Orient, et non pas les pays qui les accueillent.

Waleed Barkasiyeh