"Laxisme",
fiches "S"...
Les 5 mensonges de Nicolas Sarkozy après les
attentats à Paris
"La politique est l'art de se servir des hommes
en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire
Une fois
de plus, c’est du grand n’importe quoi.
Nicolas Sarkozy, dimanche soir, dans le JT de TF1, au lieu de se
présenter devant les Français comme un chef de l’opposition raisonnable,
conscient de la tragédie qui frappe notre pays et respectueux de ses victimes,
a voulu jouer une fois de plus les présidents de substitution, les présidents
bis, en multipliant les critiques à l’égard du chef de l’État au lieu de le
soutenir, comme l’aurait voulu la règle républicaine.
Incapable de se présenter autrement que comme un candidat à la
prochaine présidentielle, passant rapidement sur la compassion pour se lancer
les deux pieds dans la bataille électorale, il a multiplié les mensonges et les
enfumages, quand le temps du deuil n’est pas encore achevé.
Personnellement, j’ai relevé pas moins de cinq contre-vérités,
destinées à contourner l’exigence, faite à toute la classe politique, de ne pas
tenir des propos de politique politicienne en ces moment si douloureux.
1. Pas d’unité nationale
mais de la "solidarité"
le faire,
après une longue tirade emberlificotée dans laquelle il a tenté d’expliquer
qu’il était, bien sûr, "solidaire" avec les victimes et leurs
familles, mais qu’il n’était pas question pour lui "d’unité
nationale" au sens où on l’entend couramment, à savoir la nation toute
entière, et donc sa classe politique aussi, derrière le président de la
République.
Une posture à la fois stupide et non républicaine, qu’avait d’ailleurs dénoncée le matin même Alain Juppé.
Le maire de Bordeaux a expliqué, devant les cadres et le chef de
"LR", que l’union nationale ne se découpe pas en tranche selon son
bon vouloir politicien et ses objectifs personnels.
Cette réaction, sans doute jugée trop "raisonnable", a
déclenché la colère de l’ancien président qui, le soir sur TF1, a fait fi de
cet "état de guerre" qui exige pourtant, selon les principes
gaullistes, de se ranger derrière celui qui, par statut, est bel et bien le
chef des armées.
2. Il se lance
dans une insupportable surenchère
Il y aurait en France, à ce jour, 11.500 personnes qui feraient
l’objet d’une fiche "S", et c’est ce chiffre énorme que Nicolas
Sarkozy a brandi à la télévision, en laissant entendre que tous seraient
suspectés de djihadisme.
Mais qu’importe, lancé dans une insupportable surenchère avec
l’exécutif, Nicolas Sarkozy propose d’assigner à résidence "tous les
fichiers S" et de leur mettre à la cheville un bracelet
électronique !
Il y aurait de quoi rire s’il n’y avait pas de quoi d’abord
s’indigner de tant de démagogie et de méconnaissance du droit français.
Un
décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015, adopté en conseil des
ministres à 00h, déclare l'état d'urgence sur le territoire métropolitain et en
Corse. Il a été modifié, quelques heures plus tard, par un décret n° 2015-1478 qui précise les restrictions qui
peuvent être apportées aux libertés publiques au nom de cet état d'urgence.
Définition
Avant toutes choses, il convient de définir l'état d'urgence qui ne doit pas
être confondu avec des notions voisines. Il se distingue d'abord de l'Article
16 de la Constitution qui confère au Président de la République des pouvoirs
exceptionnels "lorsque les
institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son
territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une
manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics constitutionnels est interrompu". Les constituants de 1958
songeaient surtout au désastre de juin 1940, c'est-à-dire à l'invasion du
territoire. Dans le cas des attentats terroristes du 13 novembre, l'intégrité
du territoire n'a pas été réellement menacée et le fonctionnement des pouvoirs
publics, heureusement, n'a jamais été interrompu.
L'état
de siège, quant à lui, figure dans l'article 36 de la Constitution. Décidé par décret en
conseil des ministres, il peut être prorogé au-delà de douze jours par le
Parlement. Il consiste à donner à l'autorité militaire des pouvoirs très
étendus dans le but de rétablir l'ordre et s'analyse comme un transfert du
pouvoir civil aux mains des militaires. Il ne peut être utilisé cependant qu'en
cas "de péril imminent résultant
d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée". C'est
donc l'hypothèse de la guerre, voire de la guerre civile, qui est visée. De
fait, l'état de siège n'a pas été utilisé depuis les deux conflits mondiaux
(décrets des 2 août 1914 et 2 septembre 1939). Inutile de dire que même si l'on
affirme être en "guerre" contre le terrorisme, cette formulation
relève de la communication. La lutte contre le terrorisme n'a rien à voir avec
un conflit armé entre Etats ou avec une guerre civile.
L'état d'urgence, quant à lui, est dépourvu de fondement constitutionnel
spécifique. Sa base juridique repose sur la loi du 3 avril 1955, votée lors du
conflit algérien. Il peut être déclaré par décret en conseil des ministres,
soit en cas de "péril imminent
résultant d'atteintes graves à l'ordre public", soit en cas
d'"évènements présentant par leur
nature et leur gravité le caractère de calamités publiques". Sa
mise en place entraine l'accroissement des compétences des autorités civiles,
et notamment des préfets, mais ne modifie en rien celles des autorités
militaires. Il a été utilisé durant la guerre d'Algérie de 1955 à 1963,
en Nouvelle Calédonie de décembre 1984 à juin 1985, et enfin en novembre 2005
lors des émeutes qui se sont déroulées dans les banlieues de certaines villes.
Ce régime d'exception avait alors été prorogé pendant trois semaines.
Le
Conseil constitutionnel, dans une décision du 25 janvier 1985 portant précisément sur l'état
d'urgence en Nouvelle Calédonie, a affirmé la compétence législative pour sa
prorogation. Il rappelle que le législateur a reçu compétence, par l'article 34
de la Constitution, pour fixer les règles relatives aux libertés publiques. Il
lui appartient donc d'"opérer la
conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de
l'ordre public". Alors même que la Constitution ne mentionne pas
l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel confirme la valeur
constitutionnelle du principe de la compétence législative pour en décider la
prorogation. Dans les jours qui viennent, le conseil des ministres va donc
adopter un projet de loi décidant une telle prorogation au-delà des douze jours
initiaux.
Les
prérogatives conférées par l'état d'urgence
Le
contenu des prérogatives autorisées par l'état d'urgence est, en quelque sorte,
à géométrie variable.
Sur la plan géographique tout d'abord, puisque la loi de 1955 permet de délimiter des zones territoriales à
l'intérieur desquelles certaines libertés peuvent faire l'objet de
restrictions. En l'espèce, les décrets de 2015, reprenant la formulation
quelque peu désuète de la loi de 1955, affirment que l'état d'urgence
s'applique à l'ensemble du "territoire
métropolitain et à la Corse". On se souvient qu'en 2005, l'état
d'urgence avait été limité à un certain nombre de ville énumérées dans le
décret.
Sur
le plan des libertés faisant l'objet de restrictions, les décrets précisent que
les mesures susceptibles d'être prises sont celles visées par les
articles 5, 6, 8, 9, 10 et l'alinéa 1 de l'article 11. La formulation n'est
guère éclairante. En termes plus simples, les libertés de circulation et de
réunion peuvent être réglementées ou interdites, en particulier par une recours
à la procédure d'assignation à résidence. Le principe de sûreté est également
atteint par la possibilité offerte à l'administration de réaliser des
perquisitions, de jour comme de nuit. D'une manière générale, la
caractéristique essentielle de ces mesures est de relever du pouvoir
discrétionnaire de l'Exécutif, sans intervention préalable du juge.
Il
convient de noter que les décrets ne font pas référence à l'article 11 alinéa 2
de la loi de 1955 qui autorise les atteintes à la liberté d'expression, y
compris par l'interdiction de journaux, de représentations cinématographiques
ou théâtrales. L'idée générale est de prendre des dispositions facilement
applicables aux individus jugés dangereux, mais de faire en sorte que les
libertés de l'écrasante majorité de la population ne soient pas profondément
atteintes. La seule exception concerne les restrictions de circulation à
proximité de lieux considérés comme d'éventuelles cibles des terroristes mais, à
dire vrai, elles pouvaient déjà être décidées en dehors de tout état d'urgence.
S'il
n'existe pas d'intervention a priori
du juge judiciaire, il existe une intervention a posteriori du juge administratif. Les mesures prises sur le
fondement de l'état d'urgence sont susceptibles de recours dans les conditions
du droit commun. Les décrets de 2015 écartent ainsi la procédure prévue par
l'article 7 de la loi de 1955 qui permettait d'organiser une procédure
préalable devant une simple commission consultative.
Si le contrôle contentieux a le mérite d'exister, il ne permet pas un contrôle
global de la mise en oeuvre de l'état d'urgence.
Or,
le risque de l'état d'urgence pour les libertés réside dans sa pratique
générale, dans l'éventuelle installation d'une routine qui conduit à utiliser
la procédure d'exception quand on peut utiliser celle du droit commun. L'état
d'urgence n'est donc concevable que pour une durée par définition limitée, les
conditions de son utilisation devant être réunies à chaque prorogation. Il
appartiendra au Parlement, compétent pour décider de la prorogation, de
s'assurer que le péril terroriste demeure "imminent". Les questions essentielles sont donc celles de
l'information et du contrôle parlementaire sur l'état d'urgence.
3. Il dénonce son propre
laxisme
Ainsi, sur TF1, il affirme avec une gravité voire une colère
feinte parfaitement bien jouée :
"L’un des individus avait été condamné huit fois. Huit fois,
et pas un seul jour en prison !"
Sur ce point, il a parfaitement raison, sauf quand il s’agit
d’attribuer cet état de fait au vrai responsable. Or, le délinquant en
question, qui est devenu un barbare faute de punitions appropriées, a fait
l’objet de huit condamnations entre 2004 et 2010.
À cet époque, Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur
(de mai 2005 à mars 2007) avant d’être élu président de la République. C’est
donc à lui et à lui seul qu’il aurait dû s’en prendre sur TF1, au lieu de
laisser entendre que tout était de la faute de son successeur.
4. Il réclame une mesure
déjà annoncée par Valls
Soucieux d’apparaître comme celui qui fait le plus grand nombre de
propositions concrètes et fermes en matière de sécurité, Nicolas Sarkozy
n’hésite pas, non seulement à ressortir ses vieilles recettes (la pénalisation
pour les internautes qui vont sur les sites islamistes) mais aussi à reprendre
à son compte celles de ceux qu’ils critiquent.
Anne-Claire Coudray, qui n’avait pas réagi à propos du précédent
mensonge sur le "laxisme", a cette fois repris son invité en
précisant qu’il s’agissait d’"une mesure déjà annoncée par Manuel Valls
samedi soir". Sauf qu’il en faut beaucoup pour déstabiliser le roi des
enfumeurs, et qu’il lui a répondu dans un sourire crispé :
"Mais je préfère qu’il sache qu’il est Premier
ministre et donc qu'il agisse."
5. Il exige un
"accord" avec Hollande
Nicolas Sarkozy est aussi un spécialiste de la rhétorique
politicienne. C’est ainsi que vers la fin de l’interview, il a conditionné son
soutien à François Hollande à un "accord" qu’il attendait du chef de
l’État, après qu’il lui a proposé ses recettes antiterroristes durant une 1h15 à
l’Élysée.
A priori, c’est
un mot anodin, mais c’est l’exact contraire, car ce terme d’"accord"
lui permet de se hisser au niveau du président de la République et donc
d’apparaître, aux yeux des téléspectateurs, comme le président bis qu’il
s’efforce d’être depuis qu’il est sorti de sa retraite politique.
Or, dans un tel contexte de guerre, Nicolas Sarkozy oublie qu’il
devrait se ranger derrière François Hollande en faisant abstraction de son
obsession de revanche. Au nom de cette unité nationale qu’il peine tant à
accepter. Ce comportement irresponsable s’inscrit d’ailleurs dans la droite
ligne de sa
visite à Vladimir Poutine et
dans son désir de changer, à lui seul, la diplomatie française.
Il l’a fait
en tant que Président en recevant Kadhafi lui permettant de planter sa tente en
plein Paris en le recevant comme son ami et son égal, avant de bombarder la
Lybie et le faire assassiner. Il a reçu Bachar Al-Assad pour le 14 juillet 2008 et l’a
fait assister au défilé de nos troupes à ses côtés. Ses amitiés envers certains
hommes politiques étrangers, les plus controversés, nous préparent elles pas à
un nouveau régime après son retour : « la Démocrature »
On le voit, Nicolas Sarkozy ne recule devant rien, ni les
mensonges, ni les enfumages, pour tenter d’exister politiquement dans une
séquence où pour tout autre, s’imposeraient les seuls principes républicains
qui vaillent : l’unité nationale en pleine guerre contre le terrorisme.
Platon
« Décidément triste semaine »
Certes, quelques (rares) élus LR ont déploré cette façon de faire, jugeant ce comportement de cour d’école « pathétique », à l’instar de Thierry Solère, élu des Hauts-de-Seine.
« Journée de deuil national et pourtant à l’Assemblée, invectives, provocations et sifflets. Des deux côtés. Décidément triste semaine »,
a également commenté son collègue Edouard Philippe (Seine-Maritime) sur Twitter.
Et pourtant, cela relève d’un « choix politique », regrette un cadre du parti.
« Nicolas Sarkozy et Christian Jacob [président du groupe parlementaire] ont fait le choix de laisser la parole aux plus offensifs, ils pensaient qu’il fallait être hyper agressifs. »
Preuve s’il en faut : Bruno Le Maire, qui voulait poser une question concernant le vivre-ensemble, a été prié d’attendre la séance de mercredi pour jouer au rassembleur.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/17/a-l-assemblee-la-droite-survoltee-face-au-gouvernement_4812162_4809495.html#EaZ25qAo5Cgbs2Ji.99