Maud Fontenoy s’exprime :
Les intérêts des industriels avant
ceux de la planète, telle est la conception de la navigatrice, désormais
déléguée à l'Environnement au parti Les Républicains. Ce mercredi, sur France
Inter, elle a multiplié les erreurs.
L’argent n’a
pas de patrie ;
les financiers n’ont pas de patriotisme
et n’ont pas de décence
;
leur unique
objectif est le gain.
Napoléon
Bonaparte
Chaque fois que Maud Fontenoy s’exprime, elle dit vouloir défendre une écologie « raisonnable », « modérée ». Et puis,
sous couvert de pragmatisme, elle se met à défendre les intérêts des
industriels plutôt que ceux de la planète (OGM, diesel, gaz de schiste…).
La nouvelle déléguée à l’Environnement de la commission
exécutive du parti Les Républicains est ainsi devenue l’un des rares sujets à
faire l’unanimité dans la famille écologiste. Les tacles viennent de droite
comme de gauche.
Corinne Lepage, ancienne ministre du gouvernement Juppé, se moquait récemment dans Les Inrocks : « Je ne vois
pas ce qu’elle a d’écolo en dehors du fait qu’elle a été navigatrice et qu’elle
aime les océans. Soit. C’est très bien, et alors ? » Tandis
qu’Isabelle Autissier, la présidente du WWF-France, dénonçait
dans Terra eco : « C’est
un peu triste, son discours fait les choux gras des médias en donnant
l’impression de mettre les pieds dans le plat. Ce n’est pas un problème qu’elle
soit proche de l’UMP, mais qu’elle ait de vraies propositions environnementales
et on en reparle. »
Ce mercredi matin, sur France Inter, Maud Fontenoy a récidivé.
Sauf qu’elle a en prime multiplié les erreurs manifestes. Voilà donc
trois corrections qui s’imposent.
« Le Circ dit qu’il faut rester très, très prudent sur
le Roundup». Non, il n’a jamais dit ça.
Interrogée sur le coup de com’ de Ségolène Royal à propos du
Roundup – la ministre a déclaré dimanche souhaiter l’interdiction de
la vente de l’herbicide le plus vendu au monde –, Maud Fontenoy
a répondu ce mercredi matin :
« J’ai lu un petit peu quelques études, c’est le Centre
international de recherche sur la cancer (Circ) qui a fait quelques études
là-dessus en disant qu’il fallait rester très, très prudent. Les études sont
très controversées, je pense qu’il faut se plonger sur ce dossier de manière
intelligente et savoir si réellement il est cancérigène. Si c’est le cas, il
faut l’interdire partout, si ce n’est pas le cas, il faut l’interdire nulle
part. »
L’ancienne navigatrice fait au mieux preuve d’une grande
légèreté sur le sujet. Comme nous vous l’expliquions en mars, le Circ n’a pas réalisé une simple étude sur le
glyphosate, le principal ingrédient du Roundup et la clé de voûte de
l’agriculture moderne. Cet organisme, créé par l’Organisation mondiale de la
santé, a publié ce qu’il appelle une « évaluation », le résultat d’un
travail d’un an mené par dix-sept experts internationaux indépendants qui ont
recensé l’ensemble des études scientifiques sur le sujet.
La nuance est de taille : il ne s’agit pas de produire une
nouvelle étude qui pourrait effectivement nourrir la controverse, il s’agit de
faire un bilan de l’état de la recherche. Nicolas Gaudin, directeur de la
communication au Circ, nous avait détaillé en mars : « Nos évaluations
correspondent à une méthodologie très précise. Nous appliquons les mêmes
méthodes de travail depuis quarante ans, et nos évaluations sont utilisées
comme références depuis 40 ans par les gouvernements du monde entier. »
Dans son évaluation, donc, le Circ a décidé de classer le
glyphosate comme « probablement
cancérogène ». Il s’agit de la catégorie 2A, juste en dessous du seuil « cancérogène certain ».
Pour comparaison, les formaldéhydes, ces biocides dont la mise sur le marché
est interdite en France depuis 2012, sont eux aussi classés en 2A. Les bitumes
routiers, qui ont valu la condamnation en 2012 d’une filiale de Vinci après la
mort d’un employé atteint d’un « cancer
du bitume », ne sont classés eux que dans la catégorie 2B,
c’est-à-dire « cancérogènes
possibles ».
Certes, le Circ ne s’exprime pas sur l’évaluation du risque
encouru actuellement par les populations exposées. Mais il a rappelé dans son
évaluation que l’on trouve du glyphosate partout, dans l’air que l’on respire,
dans l’eau que l’on boit et dans la nourriture que l’on mange produit.
La publication du Circ n’avait donc aucunement pour but
d’inviter à la prudence. En insistant sur une prétendue controverse, Maud
Fontenoy fait le jeu des industriels et leur stratégie de Fabrique du mensonge (livre de Stéphane
Foucart. Denoël, 2013).
« On ne peut pas, par principe,
arrêter la recherche sur les gaz de schiste » Ça tombe bien, ce n’est
pas le cas en France.
Interrogée par Léa Salamé sur les gaz de schiste, Fontenoy a
rétorqué : « Sur la
question des gaz de schiste, il faut aller sur de la recherche, on ne peut pas,
par principe, arrêter la recherche. »
Là encore, la parole de Maud Fontenoy se confond avec celle du
patronat. Et là encore, les propos de l’ancienne navigatrice sont erronés. Car
en France, la recherche sur les gaz de schiste continue. Depuis l’interdiction
de la fracturation hydraulique en France, en 2011, les industriels du secteur
ne se sont pas cachés de tenter de localiser du pétrole « pour lequel les techniques
de production […] sont interdites ».
Pourquoi ? « Ils veulent montrer à leurs
actionnaires qu’ils sont dans la valorisation d’actifs. Ils font le pari qu’un
jour, la France changera d’opinion. Ils essaient de préempter les sites pour
éviter la concurrence », expliquait à Terra
eco Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, en 2013. Même si depuis
plusieurs déconvenues ont frappé ces industriels, des alternatives sont
étudiées. Notamment l’exploitation des hydrocarbures de schiste sans
fracturation hydraulique.
« Il y a des diesels qui ne polluent pas » Ah bon ?
Sur le diesel, Maud Fontenoy a répondu assez longuement : « Cette question du diesel est
passionnante parce qu’on a fait beaucoup d’amalgames, on a mélangé les voitures
diesels d’anciennes génération qui polluent énormément et les voitures diesels de
nouvelle génération, qui ont des filtres à particules et qui polluent moins que
les voitures à essence. On a encouragé les Français à acheter du diesel parce
qu’il pollue moins, il émet 20% de CO2 en moins et consomme 25% de carburant en
moins. Aujourd’hui, on leur dit l’inverse, il est difficile de s’y retrouver.
La décision de la maire de Paris vient des pics de pollutions aux particules
fines. Quand il y a un 80 microgrammes de particules fines dans l’air, on
considère qu’il y a un pic de pollution. Quand vous êtes dans vos rames de
métro, vous pour venir ce matin au travail, vous avez environ
200 microgrammes de particules fines […]. Il faut arrêter de culpabiliser
les Français, leur donner des solutions alternatives, quelqu’un qui doit venir
travailler à Paris doit venir à travailler à Paris, il y a des diesels qui ne
polluent pas, il y a des filtres à particules fines, il faut dire la vérité, il
faut aider à mettre des filtres à particules ou à changer de véhicule. »
Là encore, on croit entendre la parole des représentants de
l’industrie auto. Certes, les nouvelles normes et l’installation de filtres à
particules – obligatoire sur les véhicules neufs depuis 2013 – ont
permis de réduire de beaucoup les émissions des nouveaux véhicules diesel.
Sauf qu’il y a plusieurs « mais », qu’on peut lister
ainsi :
Les normes mettent bien longtemps à être suivies d’effets. Selon l’Ademe,
l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, il faut 25 à 30 ans
pour arriver à un renouvellement du parc. Ainsi, un quart des diesels qui
circulent aujourd’hui datent d’avant 2000 et émettent encore de grandes quantités
de particules fines ;
Une partie des automobilistes détruisent volontairement leur
filtre à particules pour éviter de le remplacer, comme l’a montré l’émission « Cash
Investigation » en
2013 ;
Les filtres à particules ne filtrent… que les particules. Alors que les moteurs
diesels émettent aussi beaucoup d’autres polluants, les oxydes d’azote
notamment. Des oxydes d’azote (NOx) que l’on retrouve d’ailleurs dans la liste
des principaux polluants de l’air intérieur des logements en milieu
urbain ;
Les filtres à particules ont certains inconvénients, rappelait en mars LeMonde.fr : « Selon l’Agence française de sécurité sanitaire
(Anses) dans un rapport en 2009, leur installation associée à un catalyseur
d’oxydation (pour abaisser la température nécessaire à la combustion des
particules) a entraîné une hausse des émissions de dioxyde d’azote
(NO2) » ;
Les mesures des émissions de particules fines ne sont pas très
fiables, indiquait également LeMonde.fr dans le même article,
citant un rapport du Joint Research Centre : « Il existe une très grande
divergence entre les émissions mesurées sur le cycle d’essai réglementaire et
les émissions mesurées pendant l’usage réel : les paramètres du véhicule
(réglages du moteur et aérodynamisme) sont optimisés pour offrir les meilleurs
résultats lors des tests, mais ils diffèrent grandement en conditions réelles,
avec des vitesses de conduite qui changent brusquement, un état des routes
variable et des véhicules qui ne sont pas neufs. »
Maud Fontenoy ne s’embarrasse pas de ces nuances, ce qui n’a pas
manqué de faire réagir ce jeudi. Et c’est probablement tout ce qu’elle
recherchait.