samedi 29 mars 2014

Après ce désastre... "Ensemble" vers une "Nouvelle donne"



Pour ce désastre...
Merci, Monsieur le Président!

PAR JEAN-FRANCOIS KAHN

C'est contre le locataire de l'Elysée que les Français ont voté ou se sont abstenus avec dégoût, avec rage... Non, la situation n'est pas mauvaise, elle est tout simplement à la veille de devenir épouvantable.


Ne tournons pas autour du pot. De trois façons, en s'abstenant, en privilégiant le bleu Marine, en sanctionnant les cadors du hollandisme, c'est contre le «locataire de l'Elysée», comme on dit, que les Français ont voté, rageusement, méchamment. 
Il y a quelques mois, dans ces colonnes, j'avais posé cette question, que je réitère : est-ce que cela pourra durer encore comme ça pendant trois ans ?
 
Ce pourquoi je préconisais de «dégager par le haut» le responsable de cet immense gâchis, le catalyseur de nos désespérances et le démiurge de nos déliquescences, celui
 qui est en train de rendre la France folle. 
Comment ? En le transformant en reine d'Angleterre. En confiant la conduite de
 la politique de la France à une équipe élargie, dont les vraies convictions se substitueront aux petits calculs, capable - enfin ! - de mobiliser le pays autour de ce dont le pouvoir en place l'a sevré : un projet, un objectif, une alternative. 

Autrement dit, en appliquant scrupuleusement la Constitution.
 

Qui ne perçoit cette évidence : les électeurs, dimanche, ont saisi toutes les occasions, toutes, y compris les pires, de claquer le pouvoir hollandais tout en se libérant du carcan UMP-PS, de la tenaille Jean-François Copé-Harlem Désir.
 
Ici, ils ont poussé en avant un communiste ou un mélenchonien ; là, un socialiste dissident ou différent. Ailleurs, un sans-étiquette, un divers ceci ou cela, un écolo ou un centriste.
 
Constatons-le :
Noël Mamère réélu au premier tour, mais la liste Moscovici à Montbéliard écrabouillée. A Grenoble, le PS sortant, plus hollandais que Hollande, éliminé par une concurrence sur sa gauche. A Quimper, l'homme lige du président en chute libre. A Dunkerque, l'inamovible maire PS Delebarre battu par un divers gauche. A Montpellier, une mairie socialiste jugée indéboulonnable bousculée par une déviance. D'un côté, les socialistes - nombreux - qui s'en tirent bien sont ceux qui ont bouffé leur étiquette. De l'autre, les UMP, là où ils étaient confrontés à des candidats UDI ou MoDem, ont été durement accrochés. 

Mais, faute que de telles offres aient été généralisées, c'est le Front national qui, là où il était en position d'aimanter les mécontentements et les rejets, a raflé la mise. Y compris - ô symbole ! - dans le berceau de Maurice Thorez, dans le fief de Jean Jaurès et dans la circonscription de Clemenceau. 
En conséquence, les mêmes causes finissant toujours par amplifier les mêmes effets, le parti de Marine Le Pen risque - véritable séisme - d'arriver très largement en tête aux élections européennes. Devant une UMP dont le scrutin de dimanche révèle également - quoi qu'on en dise - le peu d'appétence qu'elle suscite dans une France à bout de nerfs. Logique puisque la politique que François Hollande mène, en matière économique et sociale, avec les résultats que chacun constate, est très exactement celle que l'UMP, Copé en tête, n'a cessé de préconiser..

Dans la capitale picarde, deux nouvelles organisations politiques viennent de voir le jour à gauche: «Nouvelle donne» et «Ensemble». Portées par des courants politiques différents, elles se rejoignent sur la volonté de renouveler les pratiques politiques et sur l'objectif de bousculer l'hégémonie du Parti socialiste à gauche.

Changer la gauche pour changer la société. C'est ce qui semble être le leitmotiv de ces deux nouvelles organisations politiques nationales, «Nouvelle donne» et «Ensemble», dont les déclinaisons locales viennent de voir le jour à Amiens. Pour l'instant quasi inconnues, ces deux organisations bien distinctes ont des objectifs communs: contester l'hégémonie du Parti socialiste (PS) à gauche et changer la manière de faire de la politique.
«Ensemble» est la plus récente de ces organisations. Son lancement officiel a eu lieu cette semaine dans la capitale picarde.
 Que veut «Ensemble»? D'abord changer d'Europe. «Notre combat se situe dans une stratégie européenne de rupture avec le libéralisme, indique Kelly Poulet, doctorante en sociologie, spécialiste des migrations et militante associative. Nous devons travailler avec d'autres pays sur une stratégie de désobéissance aux traités européens.»
Les considérations écologiques semblent également au cœur de la démarche: «Notre écologie doit être populaire et refuser les logiques culpabilisantes. On doit par ailleurs surmonter la fausse opposition entre défense de l'emploi et préservation de l'environnement en s'engageant dans la conversion écologique de l'économie.» En accord avec les textes de références adoptés nationalement par «Ensemble», Kelly Poulet a expliqué que son mouvement politique visait à «faire converger les combats entre toutes les oppressions: de l'exigence féministe à la lutte contre le racisme et la xénophobie».
«Ensemble» rassemblerait 2500 militants nationalement au sein de son «mouvement politique pluriel qui agit au sein du Front de gauche».
 Ce n'est pas encore un parti politique, seulement un «mouvement». Une période de réflexion collective d'un an vient de commencer et devrait s'achever par l'adoption de règles de fonctionnement internes claires. D'ici un an, le «mouvement politique pluriel» devrait donc sortir de sa chrysalide pour devenir un parti.
«Nouvelle donne» revendique 6000 adhérents
De son côté, «Nouvelle donne» est déjà un parti politique et il se présentera d'ailleurs, seul, aux élections européennes de juin prochain. Il a été initié par Pierre Larrouturou, ancien membre du PS et d'EELV, spécialiste de l'économie et notamment farouche partisan du partage du temps de travail.
Actuellement conseiller régional d'Île-de-France, élu en 2010 sous l'étiquette EELV, Pierre Larrouturou avait tenté d'insuffler ses propositions économiques au sein du Parti socialiste en 2012 lors du congrès. À l'époque, la motion qu'il avait déposée, et qui était notamment représentée par Stéphane Hessel, avait recueilli près de 12% des suffrages nationalement.
Depuis, Pierre Larrouturou a créé «Nouvelle donne». C'était en novembre dernier, un parti qui assure déjà rassembler 6000 adhérents. «40% d'entre nous n'avaient jamais été encartés auparavant, dont beaucoup de jeunes». Qui regrettent qu'à gauche les choix de gestion aient remplacés les choix politiques. «Il n'y a plus de réflexion sur la société».
Vingt propositions au débat
Alors sur le fond, «Nouvelle donne» entend s'attaquer fermement aux problèmes économiques et sociaux. Analysant que la crise que nous connaissons «vient d'un partage de plus en plus inégal des richesses», le parti met sur la table une vingtaine de propositions pour «rompre avec un modèle économique qui nous amène dans le mur» et pour «remettre à l’endroit tout ce que 30 ans de dérégulation ont mis à l’envers».

«Nouvelle donne» veut adopter un fonctionnement interne très démocratique. «On ne peut plus continuer avec le centralisme démocratique dans lequel la base de l'organisation applique ce que la tête a décidé». Ce qui implique aussi, pour «Nouvelle donne», d'en finir avec la Ve République, cette «monarchie constitutionnelle dans lequel le Parlement n'est plus qu'une chambre d'enregistrement».
 Faire de la politique autrement, Attirer les ouvriers et les employés
Il s'agit aussi de diversifier l'origine sociale des militants politiques, notamment ceux qui brigueront des mandats électoraux. Et tout cela commence par la base. 
Le non-cumul des mandats, y compris dans la durée, est aussi au cœur du projet afin de supprimer les «carrières politiques». Une règle appliquée au sein même du parti: «Il faut sortir le Front de gauche de son fonctionnement en simple cartel électoral» «on n'a jamais réussi a porter un programme politique qui permette de contrecarrer et prendre le pouvoir au PS».
Dans cette optique, ces militants ont du pain sur la planche. Mais ils se sont d'ores et déjà donné rendez-vous le 12 avril pour une marche à Paris contre la politique économique du gouvernement. Et il est fort probable qu'ils y croisent des militants de «Nouvelle donne».

Incendiaires surpris par le feu

Les socialistes : des incendiaires surpris par le feu

François Hollande a bien été élu président de la République en 2012 et son pouvoir exercé depuis presque deux ans ?
Alors que les résultats du premier tour des élections municipales ont mis en évidence une abstention considérable, une poussée du FN telle qu'on doit évoquer dorénavant un tripartisme, enfin moins une victoire de l'UMP qu'une éclatante défaite des socialistes (Le Monde).
Comme l'a souligné Henri Guaino et, à l'autre bord, Olivier Besancenot, la désaffection démocratique et l'enracinement du FN non seulement dans la vie nationale mais locale révèlent une crise profonde.
Celle-ci n'est pas née de rien mais, pour le second élément, provient de ce qu'un sondeur de l'Institut CSA, Yves-Marie Cann, a justement perçu : "Gauche et droite ont servi sur un plateau ses bons scores au FN" (jdd.fr).
Les soirées électorales ne sont généralement pas des moments de sincérité totale. Les triomphes ne doivent jamais se dégrader en triomphalisme, surtout après un premier tour, et les échecs donner lieu à un accablement qui ne serait guère mobilisateur pour la suite.
Il n'empêche qu'on a le droit d'être lucide et de ne pas dérouler, face au désastre même s'il est peut-être provisoire, une guirlande de mots creux, de dénonciations mécaniques et d'arguments oubliant l'essentiel : la responsabilité du pouvoir. En ce sens, je n'ai jamais entendu, tout au long d'une vie de citoyen et de téléspectateur attentifs, des propos aussi affligeants que ceux tenus par le Premier ministre, certains ministres, le sénateur Assouline et Harlem Désir.
A les entendre, l'urgence était moins de s'interroger sur les causes de leur déroute que de se draper dans une posture éthique - qui leur va si mal ! - prétendant donner des leçons au camp qui avait eu la malchance de l'emporter, même divisé en deux familles hétérogènes l'une à l'autre.
Cette attitude d'occultation était d'autant moins admissible que comme cela a été relevé, "Jean-Marc Ayrault a été le meilleur agent publicitaire du FN". Et que l'apologie facile de l'enjeu local est inadaptée à l'égard de ce parti qui sert de vaste fourre-tout à une protestation populaire, multiple, instinctive et désespérée face à une France devenue moins familière et à un socialisme qui, notamment avec Christiane Taubira, a fait clairement et dangereusement le lit de ce qui aujourd'hui l'ébranle et l'affecte en plein coeur, en pleine béatitude autosatisfaite.
Si on cherche à conceptualiser, on peut agréer l'analyse du politologue Christophe Bouillaud qui évoque "une fracture profonde entre une gauche libertaire et une droite autoritaire". Ces clés sont en effet fondamentales qui permettent de dégager l'essence de la gauche depuis qu'elle est au pouvoir, pour tous les faits et phénomènes de société, et de la droite dans ses composantes aussi bien classique qu'extrême.
Il était fatal que les échanges médiatiques - belle équipe sur LCI avec Michel Field et Audrey Mara-Crespo - tournassent sur la démarche à adopter à l'égard du FN et que le Front républicain revînt comme une antienne : la gauche qui a perdu ne sait faire que cela !
Mais le piège maladroit et répétitif ne s'est pas refermé.
D'une part, parce que les socialistes vont devoir affronter, plus que l'UMP, dans la multitude des triangulaires le choix et l'embarras de ces situations où la conscience et l'éthique sont sensiblement dépendantes des rapports de force sur le terrain.
D'autre part, parce que l'UMP, qui pourrait en effet ramasser substantiellement la mise au second tour, a su échapper à des justifications oiseuses et inutiles. Henri Guaino qui ne devrait plus parler de justice, parce que sur tous les autres sujets il est remarquable et décisif, a très élégamment renvoyé Najat Vallaud-Belkacem dans sa sphère guère démonstrative en lui rappelant que le FN était inscrit dans l'espace républicain - il n'a aucune vocation monarchiste ! - et qu'il n'était pas interdit. Dans ces conditions, décider de ne pas voter pour les candidats de ce parti pas plus que pour ceux du PS constituait une démarche parfaitement honorable qui avait le mérite d'assumer les risques de la démocratie.
Cette volonté de l'UMP - enfin ! - de ne plus céder sur le plan de sa tactique aux injonctions malvenues de l'adversaire socialiste est d'autant plus cohérente que tout la distingue du PS comme du FN, dont les positions, pour tout ce qui ne concerne pas l'insécurité et l'immigration, sont absurdes, politiquement et techniquement. Les électorats du FN et de l'UMP sont "très différents, notamment pour l'Europe et la mondialisation" et, en définitive, ces deux familles de la droite largement entendue n'aspirent pas plus l'une que l'autre, aujourd'hui, à l'union.
Le recours à la morale genre UDI pour vanter le Front républicain a depuis longtemps révélé ses limites. Il y a dans le centrisme mou un obscur masochisme qui le conduit sans nécessité à se soumettre aux fourches caudines de l'ennemi et à tenter avec obstination de maintenir une façade éthique dans le seul problème de la relation avec le FN. Quand l'éthique a disparu de la vie publique à proportion même de son invocation purement verbale !
Surtout, quelle formidable absurdité ce serait que de venir au secours d'une gauche directement responsable de cette triple faillite de notre vie politique : une abstention dévastatrice, l'émergence du FN comme troisième parti et le destin fragilisé de notre pays.
Il conviendrait, si on suivait cette ligne, de manifester paradoxalement des signes apparents de complicité et de connivence avec un pouvoir discuté de toutes parts aussi bien par ceux qui lui imputent d'avoir trahi la gauche que par ceux qui lui reprochent de n'avoir donné aucun gage à la droite non sarkozyste. Il faudrait, contre vents, marées, bilan de presque deux ans, insécurité grandissante et politique pénale aberrante - le 14 avril, on validera le projet judiciaire d'une équipe qui a perdu ! - simuler une union des coeurs et des sensibilités alors que les esprits sont de plus en plus antagonistes et les visions désaccordées ?

« Le pouvoir est aveugle, les détresses les plus accablantes sont muettes...

Comment faire se rejoindre ceux qui savent et ceux qui peuvent ? »

« Il y aura chaque hiver le “scandale des sans-logis” et chaque été la “violence des banlieues”. »

« Il faut que la voix des hommes sans voix empêche les puissants de dormir. »

« Pour avoir le droit de parler, il faut avoir les mains propres.

Il faut avoir eu le courage de reconnaître, de réagir si on s’est trompé. »

de Abbé Pierre


Ce serait du théâtre et l'état de la France et son avenir sollicitent trop pour qu'on puisse s'abandonner à un tel simulacre.
En général, on n'aide pas les incendiaires à éteindre leur feu.
D'autant moins qu'on nous annonce fièrement que l'incendie va s'intensifier et que 
"le cap sera tenu".
Il y a des pompiers pour le salut. 
Espérons en la relève.