Eva Joly et Éric de Montgolfier livrent un
réquisitoire contre « l’esprit
de la corruption » qui gangrène la France.
Comment qualifieriez-vous la situation qui est
la nôtre, avec un ancien président de la République (Jacques Chirac) condamné,
son successeur (Nicolas Sarkozy) deux fois mis en examen, une trentaine de ses
proches mis en examen et deux de ses anciens ministres (Claude Guéant et
Christine Lagarde) condamnés, le leader du parti majoritaire (Jean-Christophe
Cambadélis) condamné, l’ex-ministre du budget condamné pour fraude fiscale
(Jérôme Cahuzac), le candidat de droite à la présidentielle (François Fillon)
dans les filets de la justice, cinq enquêtes pénales contre le Front
national… ?
"Le fait d'employer son mari, sa femme ou ses enfants comme
assistant parlementaire constitue le délit de prise illégale d'intérêt. Cela aurait dû être proscrit depuis longtemps sur le plan moral. On élit un
parlementaire et non sa famille. Nous ne sommes plus au
temps des rois et de leurs dauphins."
Eric de Montgolfier
Pendant des décennies, il y a eu des classements sans suite opportuns,
des nominations de procureurs et de juges très proches des politiques…
Eva
Joly et Éric de Montgolfier mettent notamment en cause un déficit de tradition
démocratique de la classe politique et des institutions face à la délinquance
en col blanc. C’est le jeu qu’on connaît tous : je te tiens, tu me tiens
par la barbichette. On est dans une situation où, quand un candidat a des
problèmes de probité, des problèmes avec l’argent, on n’y touche pas. C’est
encore plus sacré que le sexe dans notre pays !
Les
autres candidats sont gênés. Cela ne veut pas dire qu’ils sont malhonnêtes,
cela veut dire que parler d’un problème qui touche une très large partie de la
classe politique reviendrait à briser un pacte, j’allais dire un pacte qui est
presque mafieux. On est au sein de la complaisance dans la classe
politique : on ne parle pas de cela, parce qu’on ne sait jamais ce qui
pourrait nous arriver. Et c’est dommage, parce que la justice n’est pas au cœur
du débat.
Ils
ne sont pas tendres non plus contre certains aspects de leur corps
d’origine : la magistrature.
Fin du « verrou de Bercy »
dans la lutte contre la fraude fiscale, renforcement des moyens pour la justice
et la police anticorruption, sévérité accrue dans les peines contre les
fraudeurs… Il faut revenir à la séparation des pouvoirs de Montesquieu. Ou
alors, on laisse aux magistrats de ce pays le soin de fixer eux-mêmes leur
budget et de dépenser comme ils le veulent l’argent public. Or, nul n’y songera
jamais. Alors pourquoi l’accepter des députés ?
Pourquoi
supporter un discours qui est manifestement hostile à la démocratie ? Nul
ne peut être son propre juge.
Il
faut retirer l’immunité du chef de l’État. Je rappelle qu’elle n’a été créée
que pour protéger Jacques Chirac. Le statut pénal du chef de l’État se voulait
protecteur de la fonction et il n’a en fait servi qu’à protéger la fraude. Il a
été protecteur de la corruption.
Pour
les politiques, cela permet tout simplement de se garantir contre d’éventuels
retours de bâton. Ils n’ont pas très envie de contre-pouvoirs qui puissent les
déshabiller sur la place publique et montrer ce qu’ils font.
Il
y a beaucoup de choses à changer dans ce pays : les électeurs, les élus et
un certain nombre de vos confrères et de mes collègues. Il faut trouver des
mesures symboliques. Le ministre de la justice souligne ainsi que M. Fillon « a voté systématiquement contre tous les textes renforçant l’indépendance de la justice et favorisant la transparence ».
-la loi du 25 juillet 2013 interdisant au garde des Sceaux de donner des instructions individuelles aux magistrats du ministère public,
-la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique,
-la loi organique du 6 décembre 2013 créant le procureur de la République financier,
-le projet de loi constitutionnelle réformant le Conseil supérieur de la magistrature,
-la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats,
-et enfin la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Dans la version initiale de son programme, François Fillon prenait déjà quelques précautions quant à l’indépendance du parquet : « S’il faut aller vers une plus grande autonomie du parquet, il faut répondre en même temps à l’exigence de maintien d’un lien organique avec le pouvoir exécutif issu du jeu démocratique », soulignait-il à l’époque. Aujourd’hui, il n’est même plus question de cela.
-la loi du 25 juillet 2013 interdisant au garde des Sceaux de donner des instructions individuelles aux magistrats du ministère public,
-la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique,
-la loi organique du 6 décembre 2013 créant le procureur de la République financier,
-le projet de loi constitutionnelle réformant le Conseil supérieur de la magistrature,
-la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats,
-et enfin la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Dans la version initiale de son programme, François Fillon prenait déjà quelques précautions quant à l’indépendance du parquet : « S’il faut aller vers une plus grande autonomie du parquet, il faut répondre en même temps à l’exigence de maintien d’un lien organique avec le pouvoir exécutif issu du jeu démocratique », soulignait-il à l’époque. Aujourd’hui, il n’est même plus question de cela.
Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice.
Montesquieu
Montesquieu
L’arrogance des corrompus n’est que le résultat
de longues années d’impunité.
Conseillers
vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
L'état s'est
ruiné dans ce siècle funeste,
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !
Victor Hugo
"Ruy Blass"