vendredi 16 décembre 2016

Fillon ou Le Pen, le pari gagnant-gagnant du Kremlin





Une vraie collaboration étroite entre Fillon et Poutine se forme à l'époque où chacun d'eux est premier ministre de son pays respectif : entre 2008 et 2012.
Le candidat de la droite à la prochaine élection présidentielle l’a dit et redit, il faut parler avec tout le monde. Et cette généralisation inclut Vladimir Poutine, avec qui, selon la presse bien pensante et aux ordres (de la droite bien évidemment), François Fillon serait dans les meilleurs termes qui soient.

Selon Le Point, Poutine et Fillon se tutoient, sans que l’on sache si c’est en français ou en russe, mais qu’importe ce détail linguistique puisque « la presse aux ordres » est si heureuse de souligner que son nouveau champion est adoubé par le néo-tsar.
A l’occasion de la victoire de Fillon, lors du deuxième tour de la primaire de la droite et du centre, Poutine a même tressé des louanges à l’ex-premier ministre en parlant d’un « grand professionnel ».  Poutine a-t-il voulu rendre hommage au parcours d’un individu qui n’a jamais travaillé, c’est-à-dire qui n’a jamais vécu d’un salaire payé par une entreprise publique ou privée, mais  d’une indemnité d’assistant parlementaire puis de député, après avoir été suppléant, et enfin de ministre et de premier ministre ? Poutine a-t-il voulu dire que Fillon est un « grand professionnel » de la politique et de « l’assistanat » ? Auquel cas le projet de suppression de 500.000 emplois publics serait une forme d’expiation d’un passé coupable d’avoir toujours vécu des deniers publics, eux aussi. Par ailleurs, est-ce vraiment honorable et gratifiant d’être couvert d’éloges par un homme qui a confisqué la liberté et la démocratie dans son pays, qui a annexé la Crimée (une grande première européenne depuis Hitler), qui a généreusement participé au désordre qui règne en Ukraine et qui organise en Syrie le massacre de populations civiles tout en maintenant son boucher préféré au pouvoir ? 
Fillon n'a jamais trahi ses convictions pro-russes. Persuadé de la nécessité pour la France et pour l'Europe de prendre en compte les intérêts de Moscou, il était notamment contre le rapprochement de la Géorgie et de l'Ukraine avec l'OTAN. Aujourd'hui, il soutient sans réserve l'intervention russe en Syrie et insiste sur la levée immédiate des sanctions occidentales imposées à la Russie à la suite de son annexion de la Crimée et de son soutien – politique, économique et militaire – aux séparatistes du Donbass. 
En clair, cette position repose sur l'idée d'une répartition historique de sphères d'influence. Dans cette optique, il ne faut pas punir la Russie puisque, historiquement, l'Ukraine et tout l'espace post-soviétique font partie des intérêts russes.
 Fillon pourra toujours monter au créneau afin de lever les sanctions de façon unilatérale ou avec le soutien de quelques autres pays européens, comme la Hongrie ou l'Autriche La levée des sanctions contre la Russie pourra provoquer une profonde scission au sein de l'Europe "En cas de la victoire de Fillon, le tandem Berlin-Paris va éclater en ce qui concerne la Russie, et Merkel restera seule avec Varsovie et les Baltes. Une presque solitude". n'importe quelle excuse sera permise au nom de la Realpolitik. Et il ne faudra pas s'étonner si la Russie décide par la suite de renforcer ses positions en Ukraine, voire obtenir la chute du gouvernement issu de la révolution démocratique du Maïdan.
Pour le Kremlin, miser sur la victoire de François Fillon ou sur celle de Marine Le Pen – qui ont des positions similaires sur le régime russe – est un pari gagnant-gagnant.
De toute évidence, lorsque l’on entend la prudence rhétorique de François Fillon, on ne peut s’empêcher de penser que l’esprit de capitulation perdure et la descendance politique de Neville Chamberlain est assurée :
"Aider le régime de Bachar al-Assad qui, avec tous les défauts qui sont les siens, est sur le point de tomber".
"Je ne sais pas, je ne suis pas sur place."
"Attention au vocabulaire. Il ne faut pas utiliser des mots comme ça, sans pouvoir vérifier."
Peut-être est-il utile que François Fillon relise son histoire contemporaine, non pas son indéfinissable « récit national », mais simplement les faits qui marquent l’histoire du monde, et que, pour cela, il remonte à septembre 1938. C’est la période des historiquement lamentables et honteux accords de Munich, signés par le premier ministre britannique, Neville Chamberlain, le président du conseil, Edouard Daladier et le chancelier allemand Adolf Hitler. L’engagement mutuel était de travailler à préserver la paix, promesse hautement risible de la part des Nazis puisqu’elle intervenait six mois après l’Anschluss. D’ailleurs le jour où Chamberlain et Daladier ont quitté Munich ils ont appris par leurs services secrets respectifs que l’annexion de la Tchécoslovaquie était prête.
Plus recement, lors de leur premier tête à tête, agacé par l'assurance affichée par Nicolas Sarkozy le chef d'Etat russe ne l'aurait pas ménagé. Par ses remarques sur "les sujets qui fâchent" : la Tchéchénie et l'assassinat d'Anna Politovskaïa "inadmissible" aurait dit Nicolas Sarkozy.
La réponse de Poutine fut cinglante : 
"Bon alors je vais t'expliquer. Tu vois, ton pays, il est comme ça", lui aurait-il dit, mimant un petit écart avec ses mains. "Mon pays, il est comme ça", aurait-il poursuivi, écartant cette fois largement ses bras. 
"Alors maintenant, de deux choses l'une, ou bien tu continues sur ce ton et je t'écrase. Ou alors tu arrêtes de parler comme ça et tu verras. Tu viens juste de devenir Président de la France mais je peux faire de toi le roi d'Europe", lui aurait-il lancé, dans un discours ponctué d'insultes.
A sa sortie de ce premier entretien, le président français avait semblé dans un état second, que certains avait attribué à un abus d'alcool. A tort.