lundi 10 juin 2013

Et maintenant Copé travestit tout...





« Ne composez jamais avec l’extrémisme,

le racisme, l’antisémitisme ou le rejet de l’autre. »

Jacques Chirac




Certains remarqueront que, d'une semaine à l'autre, d'une chronique à l'autre, je m'acharne sur Jean-Francois Copé. J'en conviens aisément : je m"acharne en effet sur le président (tricheur) de l'UMP.  Il faut convenir que chaque jour, chaque semaine, Copé, chef d'un des deux grands partis politiques de notre république, s'enfonce un peu plus et s'acharne de son côté à manier la provocation comme d'une masse d'arme. 

A t-il envie, vraiment envie, qu'on le déteste? Un sentiment qui ne devrait pourtant pas exister en politique. On peut au moins sourire quand il fayotte avec Nicolas Sarkozy ou hausser les épaules quand il bourre les urnes et couine son innocence, tel un enfant tout barbouillé, niant avoir vidé le pot de confitures. Là où les choses deviennent plus ennuyeuses, c'est quand il s'adonne à l'erreur, au maquillage idéologique et historique. Ce fut une fois encore le cas la semaine dernière après la mort de Clément Méric, le jeune militant anti-fachiste. Copé a délibérement  confondu, avec un cynisme détestable, la victime et le bourreau. 
Le ministre de l'interieur, Manuel Valls, ayant évoqué l'éventuelle dissolution de certains groupes d'extrême droite, Jean-Francois Copé l'a aussitôt corrigé : dissolution, d'accord, mais à la condition que celle-ci frappe autant l'extrême gauche que l'extrême droite. Allez hop! Tous dans le même sac du joueur de bonneteau, tous ennemis de la démocratie, tous tenants de la violence physique en politique, jusqu'à la mort parfois. Je le dis sans détour: la sortie de Copé est misérable. Oui, misérable. Une démonstration de révisionnisme idéologico-historique. Bref, dans mon esprit, le pire du pire en politique. 
Puisqu'il est devenu désormais nécessaire de le préciser (ce qui, au passage, apporte la preuve supplémentaire de la dérive du curseur politique vers la droite de la droite), je n'ai jamais éprouvé la moindre sympathie pour l'extrême gauche. Pour faire vite, car ce n'est ici ni le propos ni le sujet, j'estime le gauchisme infantile, une manière de petits bourgeois jouant entre quatre murs à l'ouvriérisme et à la révolution. Mais est-ce que cela autorise le mensonge, le travestissement, la confusion, les comparaisons aussi déplacées? 
Les groupuscules d'extrême droite auxquels Copé fait allusion ne dissimulent pas volonté d'en finir avec la démocratie; ils expriment ouvertement racisme et antisémitisme, ne sachant plus très bien, confits qu'ils sont dans leur haine, s'ils exècrent davantage les juifs que les arabes, les arabes que les juifs; ils se livrent couramment a des ratonnades contre les immigrés et les homosexuels; ils nient la Shoah; ils vomissent la révolution de 1789; et je pourrais poursuivre l'inventaire de leur petite boutique des horreurs. Tout cela Copé le sait et pour des raisons de basse politique il a choisi de l'ignorer. Honte sur lui. 
Car quel rapport entre ces factions brunes de l'extrême droite avec les groupuscules gauchistes? Quoi de commun? Existe-t-il la moindre passerelle théorique , la plus infime accointance philosophique, des points de contact, une vision commune sur tel ou tel aspect du débat public?  Rien. Alors pourquoi Jean-Francois Copé s'abaisse-t-il à une aussi stupide comparaison? Parce que sa vision de la politique est strictement cynique, que le mot valeur lui est définitivement étranger. 
Il a en effet décidé qu'il n'articulerait plus jamais un mot contre l'extrême droite sans aussitôt mettre l'extrême gauche dans le même sac. C'est absurde et Copé en est d'ailleurs persuadé. Oui, mais tous les mensonges sont utiles, croit-il, s'ils permettent de récuperer un jour les voix de l'ultradroite. Peut-être aux municipales et peut-être même à la future préidentielle, si d'aventure, son icône politique ne se représentait pas. Beurk. Petite cuisine électorale. Et tant pis si le fumet qui s'échappe de ce brouet argumentaire, est aussi peu ragoûtant. 
S'en prendre à l'extrême droite, oui, et comment faire autrement quand il y a mort d' homme, quand on est dans la confusion, le déni et le mensonge, quand on laisse entendre que les engagements de la victime sont à mettre sur le même plan que les engouements de l'agresseur? Et l'on me reprocherait une obsession anti-Copé? Il est des obsessions salubres.
MAURICE SZAFRAN


Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe
 le plus aux princes de se préserver.
On ne doit jamais laisser se produire un désordre pour éviter une guerre ;
car on ne l'évite jamais, on la retarde à son désavantage.
Il y a deux manières de combattre, l'une avec les lois,
 l'autre avec la force.
 
La première est propre aux hommes,
 l'autre nous est commune avec les bêtes.
Machiavel "Le prince"

On n’oubliera pas ce visage en noir et blanc qui est celui de nos enfants ou de notre enfance. On n’oubliera pas ce prénom de générosité, Clément, dont le destin a été si tragiquement interrompu. Et ne pas l’oublier c’est refuser de le réduire « à un banal fait divers entre bandes », ainsi que le présente le Figaro dans son éditorial de samedi. Ce n’était pas « n’importe quelle bagarre de rue », dont il faudrait se débarrasser d’un coup expéditif de stylo-balais dans une rubrique « faitdiversielle ». Un tel drame de la haine a son environnement politique et médiatique dont personne ne saurait s’exonérer. 
 
Car, pour commencer, cette violence d’extrême-droite ne tombe pas du ciel serein. Cela fait des semaines, des mois, que le climat se dégrade, que les agressions perpétrées par des groupes extrémistes se multiplient, en France comme dans nombre de pays européens d’ailleurs. Et les médias n’y prêtent guère attention. Pourtant, s’ils ont une responsabilité c’est de ce côté qu’il faudrait aller la chercher, tant le culte de l’émotion et de l’apparence spectaculaire les ont éloignés du travail de fond et de réflexion. Le basculement de notre univers, français comme européen dans la mondialisation provoque partout une perte de repères et un durcissement des rapports sociaux qu’on n’étudie qu’à peine. 
 
 L’aggravation de la crise provoque ainsi partout la recherche de boucs émissaire,  boucs à misère. Et de ce point de vue la droite de pouvoir et maintenant dans l’opposition porte une lourde responsabilité tant à se vouloir « décomplexée » elle a fait sauter des tabous qui nous protégeaient de la barbarie. Ajoutons que dans son refus d’accepter sa défaite et de reconnaître la légitimité du pouvoir socialiste une partie d’entre elle se conduit en opposition de guerre civile, favorisant cette idée folle d’un « socialismus interrruptus » qui fait s’épanouir l’ultra-droite. Nicolas Sarkozy en son temps, Jean-François Copé à son tour ont été avec leurs relais les agents actifs de cette dégradation de l’esprit public qui est allée jusqu’à transformer certaines séances de l’Assemblée nationale en champ clos d’affrontements haineux. L’UMP ne s’oppose ni ne propose, elle invective, disqualifie à l’heure où la crise exigerait une contestation productive et non un confusionnisme hargneux. Jusqu’à couvrir les débordements les plus anti-démocratiques. 
 
Ainsi en a-t-il été avec le mouvement contre le mariage pour tous que le parti de Jean-François Copé a encouragé de fait dans ses pires travers. Les manifestations avaient tout à fait leur raison d’être et y prendre sa part après tout pouvait se justifier, mais ce qui était injustifiable ce fut d’expliquer tel le député UMP Henri Guaino que « la loi était peut-être légale mais illégitime ». Une telle déclaration de principe anti-républicaine revenait à légitimer toute action violente. Et notamment celle des nervis de l’ultra-droite qui en fin de dernière mobilisation aux Invalides ont attaqué policiers, journalistes et l’Assemblée nationale aux cris de « à bas la dictature socialiste ». Les dirigeants umpistes ne s’en sont que peu indignés, alors que nombre de manifestants dits « pacifiques et bon enfants » qui étaient restés sur la place prodiguaient réconforts et encouragements à ces factieux qui jouaient aux chevaliers sauveurs de la civilisation chrétienne que « François Hollande mettait à bas »selon Christine Boutin lancée en « pleine guerre sainte ».  Et tous ces hommes d’Eglise, tous ces prélats qui, avec elle ont cru bon de partir en croisade, ceux-là aussi ont joué les premiers violons de la violence qui croît en ce pays ! Tant de haine pour une religion d’amour, on peut en avoir mal à l’âme… 
 
Comment l’Eglise par exemple ne s’est pas davantage indignée du suicide de l’écrivain d’extrême droite Dominique Venner en l’Eglise de Notre Dame ? Double sacrilège que de se donner ainsi la mort et dans un lieu consacré ! Un acte narcissique profanateur auquel Marine Le Pen a accordé elle une valeur politique exemplaire, ce qui revenait à justifier tous les actes transgressifs de violence contre soi comme contre les autres. La présidente du FN ne maintenait pas seulement le lien avec les origines ultra-droitières de son mouvement, elle contribuait aussi puissamment au climat nauséeux tout en réclamant toujours plus de cette respectabilité que d’aucuns feraient bien de ne pas si vite lui accorder. 

Le parti lepéniste n’utilise par seulement l’extrême-droite fascisante pour son service d’ordre, elle a gardé dans son arrière boutique le fonds de commerce intellectuel débilitant qui à la faveur des difficultés que traverse le pays peut connaître un « revival ». Il n’est que de voir autour de nous  comme l’anti-sémitisme reprend, même s’il a été supplanté par un anti-islamisme primaire des plus mortifères. 
 
Maintenant on n’exonèrera pas la gauche de toute responsabilité dans cette déliquescence. Ni la gauche de la gauche qui par la voix de Jean-Luc Mélenchon pose de vraies questions mais avec une telle virulence que son excès l’emporte désormais sur le propos. L’utilisation insupportable du mot de « salopard » lancé contre Pierre Moscovici restera de ce point de vue un moment clef où le Front de gauche s’est abîmé dans la polémique du pourrissoir généralisé. Le mot ne relevait pas du débat, il l’enfonçait même, mais de l’insulte stigmatisante, de la violence qui appelait la violence.Elle était d’autant plus forte qu’elle était légitimée par un des rares hommes de culture du monde politique, Jean-Luc Mélenchon qui sait le poids des mots et le choc des propos. Lui qui passe costume et cravate rouge pour parler au peuple n’ignore pourtant pas que le respect pour lui passe par le poli du propos. Le butor perd vite de sa force comme de sa légitimité. 
 
Mais la gauche de gouvernement doit aussi balayer devant sa porte. A commencer par François Hollande, élu, faut-il encore le rappeler sur une promesse d’apaisement. Laquelle n’impliquait pas seulement une loi d’amnistie, sur laquelle il est revenu, mais une attention toute particulière envers ce qui pouvait miner la cohésion nationale fragilisée par l’hystérie sarkozyste. Or il faut constater qu’il n’a su trouver ni les mots, ni les gestes, y compris après la mort de Clément Méric, qui permettent d’apaiser les tensions. La gestion du mariage gay fut à cet égard d’une médiocrité insigne. Mais on ne trouve toujours pas dans sa présidence pourtant débonnaire l’accompagnement social, l’engagement fraternel résolu qui donnerait confiance à un peuple qui chaque matin que Dieu fait se demande si le ciel ne va pas lui tomber sur la tête. Ou un coup de poing américain… 
 
Enfin s’il fallait donner un dernier exemple de cette dégradation du climat, je puis donner juste cette expérience personnelle. 
Dans le métro il m’arrive très souvent de faire des rencontres. Le plus souvent enrichissantes et chaleureuses. Parfois, des désaccords se manifestent. Civilisés et qui se terminent pas une poignée de mains. Depuis la dernière manifestation contre la loi sur le mariage pour tous, il arrive que ce soit plus tendu. Mais presque toujours courtois. Sauf cette semaine où un malotru s’est exclamé à mon passage : « Ordure ! Pourriture ». Il est passé trop vite pour que je lui réponde à la façon de Chirac qui avait été ainsi malgracieusement hélé : « enchanté. Moi, c’est Nicolas Domenach… »
 Nicolas Domenach