vendredi 11 décembre 2020

« Merkel a capitulé face à l’extorsion hongroise et polonaise »

 


Le compromis passé par le Conseil européen pour éviter que la Pologne et la Hongrie ne bloquent le budget européen est un formidable cadeau qui leur est fait : il vaudrait mieux être ferme face à ces deux pays voyous qui, en refusant les valeurs démocratiques communes, menacent la raison d’être de l’Union européenne.

Par George Soros (financier et philanthrope)

L’Union européenne fait face à une menace existentielle, et pourtant les dirigeants de l’UE semblent être convaincus qu’elle peut être écartée d’un revers de la main : en témoigne le compromis passé ce jeudi 10 décembre.

Le régime kleptocratique du Premier ministre Viktor Orban en Hongrie et, dans une moindre mesure, le gouvernement illibéral Droit et Justice (PiS) en Pologne, défient effrontément les valeurs sur lesquelles l’Union européenne a été construite. Traiter leur défi comme une position politique légitime, qui mérite de trouver un compromis, ne fera qu’aggraver – massivement – les risques auxquels l’UE est aujourd’hui confrontée.                                                      Je reconnais et je comprends l’énorme pression qui s’est exercée sur la chancelière allemande, Angela Merkel. Elle est chancelière allemande depuis 15 ans et elle approche maintenant du départ à la retraite, prévu pour septembre 2021. Le président français, Emmanuel Macron, étant temporairement distrait par la question de la laïcité et d’autres graves problèmes de sécurité en France, Merkel est devenue l’unique leader de l’UE.                                                                                           Je comprends également pourquoi la chancelière allemande ne veut pas qu’un pays, la Hongrie, annonce son intention de quitter l’UE sous sa garde. C’est apparemment ce qu’Orban se préparait à faire ces derniers jours, car il ne peut se permettre d’exposer l’ampleur de la corruption de son régime, ce à quoi aurait fatalement conduit le fait d’exiger le respect de « l’Etat de droit » comme condition au décaissement des fonds de soutien de l’Union. Le régime de Viktor Orban a volé et détourné de vastes sommes au cours de sa décennie au pouvoir, y compris des fonds européens, qui auraient dû profiter au peuple hongrois. Il ne peut pas se permettre d’imposer une limite concrète à sa corruption personnelle et politique, car ces produits illicites sont la graisse qui permet aux rouages de son régime de tourner en douceur et à ses fidèles de se tenir à carreau. Menacer de torpiller les finances de l’UE en opposant son veto à son budget était un pari désespéré de la part d’Orban. Mais c’était un coup de bluff qui aurait dû être dénoncé. Malheureusement, Merkel a, semble-t-il, cédé à l’extorsion hongroise et polonaise.

Au moment où j’écris, il semble clair que Merkel a négocié un compromis avec Orban et le chef de facto de la Pologne, le vice-Premier ministre, Jaroslaw Kaczynski. L’accord conclu par l’Allemagne avec les deux Etats voyous de l’UE constitue cependant le pire de tous les scénarios possibles. Le texte du compromis proposé, qui doit être intégré dans la déclaration finale du Conseil européen de cette semaine, présente trois défauts fondamentaux.

  • Premièrement, la déclaration modifie la lettre et l’esprit du règlement qui a été approuvé par les institutions de l’UE le 5 novembre, affaiblissant considérablement la conditionnalité de l’Etat de droit. Ni la Commission européenne ni le Parlement européen, et encore moins les gouvernements nationaux qui ont fait de l’intégrité du règlement leur principale préoccupation au sein du Conseil européen, ne devraient se laisser faire de cette manière.
  • Deuxièmement, certaines dispositions de l’accord servent à retarder de deux ans la mise en œuvre de la conditionnalité de l’Etat de droit. Ce serait un véritable coup d’éclat pour Orban, car cela reporterait toute possibilité d’action après les prochaines élections législatives hongroises prévues en 2022. Ce sursis donnerait au parti Fidesz d’Orban amplement le temps de modifier les lois hongroises et les dispositions constitutionnelles, afin de redéfinir ce qui constitue des « fonds publics » en Hongrie. Ainsi, Orban pourrait canaliser les pillages des organismes publics vers des « fondations » privées, contrôlées par ses copains. Les principales victimes de l’accord que Merkel a conclu avec Orban seront le peuple hongrois.
  • Troisièmement, par cette proposition de déclaration, le Conseil européen excède son autorité : elle limite la compétence de la Commission européenne à l’interprétation et à l’application de la législation communautaire convenue. C’est un dangereux précédent, car il réduit l’indépendance juridique de la Commission. Ce compromis semble enfreindre le traité sur l’Union européenne, du moins dans l’esprit.

L’accord, tel qu’il apparaît, est affreux. Il fait fi des souhaits explicites du Parlement européen. Mais en raison de la nécessité urgente d’utiliser le fonds de relance constitué pour affronter la crise du Covid-19 (750 milliards d’euros) le Parlement européen pourrait très bien l’approuver.

Tout ce que je peux faire, c’est exprimer l’indignation morale que doivent ressentir les personnes qui croient en l’UE, en tant que protectrice des valeurs européennes et universelles. Je tiens également à avertir que ce compromis risque d’entamer gravement la confiance durement recouvrée, notamment grâce à la création du fonds de relance, par les institutions de l’Union.


jeudi 10 décembre 2020

En France, des réfugiés qui suivent un stage où le pays d’accueil est dénigré

 Dans le cadre d’une politique d’intégration des réfugiés, un journaliste syrien a assisté à quatre jours d’information sur la France et ses valeurs, dispensés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Aux arabophones présents, la traductrice d’arabe ajoutait des commentaires sarcastiques, affirmant que la France est la source principale de leur malheur. Hallucinant. 

almodon.com

En août dernier, j’ai signé le contrat d’intégration républicaine, étape obligatoire de mon parcours de réfugié, après une longue attente pour cause de coronavirus.

J’avais l’impression d’être déjà intégré et d’avoir adhéré, tout naturellement, au système français de valeurs, mais cela ne me posait pas de problème d’assister à un stage obligatoire de quatre jours pour être informé sur l’histoire de France, sur sa société et sur ses différentes institutions.

Étant donné que je ne maîtrisais pas encore la langue française, j’ai demandé la présence d’un interprète. J’ai préféré demander une traduction vers l’anglais puisque j’étais certain qu’en cas de traduction vers l’arabe, le résultat allait être catastrophique.

J’en ai eu la confirmation quand je me suis retrouvé à la même table que des réfugiés originaires de différents pays arabes, qui étaient flanqués d’une interprète franco-marocaine. Celle-ci se répandait en commentaires et remarques au sujet de tout ce que le formateur nous apprenait.

La démocratie n’est qu’un mensonge

Cet affreux bavardage de l’interprète consistait par exemple à dire que les droits de l’homme et la démocratie n’étaient que mensonges. Elle affirmait également que la France avait répandu l’esclavagisme et qu’elle continuait à faire la même chose aujourd’hui sous d’autres formes. Qu’elle feignait d’aider les réfugiés, alors qu’en réalité l’exode des populations était causé par la politique guerrière qu’elle menait au Moyen-Orient.

Tout cela ressemblait au genre de discours qu’on peut entendre au journal télévisé en Syrie. Évidemment, elle n’assumait pas ce discours devant les responsables, mais le faisait passer pour des conversations amicales et anodines.

Évidemment, elle n’a pas oublié d’expliquer qu’à titre personnel elle avait profité de la gratuité des prestations offertes par l’État, d’un logement à loyer réduit et à l’enseignement scolaire et universitaire pour ses enfants.

Légitime de voler la France

Le pire, c’est que les stagiaires se sont rangés à ses arguments. La conclusion qu’ils ont tirée de son discours sur l’histoire coloniale française était qu’il était légitime que les réfugiés arabes profitent de leur présence en France pour voler, puisque la France avait pillé les ressources arabes pendant des siècles.

Au bout du troisième jour, j’étais tellement mal à l’aise, et de manière tellement évidente, que le formateur a demandé à me parler. Il était interloqué quand je lui ai dit ce qui se passait pendant les cours : des remarques désobligeantes sur lui-même jusqu’aux sarcasmes au sujet des droits des homosexuels, l’égalité hommes-femmes ou la séparation entre la religion et l’État.

L’interprète nous disait également que nous ne devions pas chercher à nous intégrer en France, surtout pour ce qui est de la religion, des valeurs familiales et des spécificités culturelles. Selon elle, nous devions les préserver et, au cas où elles entreraient en contradiction avec la loi française, les pratiquer en secret.

De consternants conseils

Elle-même musulmane, elle partait évidemment du principe que tous les réfugiés présents l’étaient également.

Ses “conseils” paraissent d’autant plus consternants qu’ils tombaient au moment des polémiques sur le séparatisme, puis des attentats terroristes, avec notamment l’assassinat du professeur Samuel Paty.

Il se trouve qu’en France on pense que les migrants respectent la République et la démocratie du simple fait qu’ils signent une déclaration dans ce sens, après un simple stage de quatre jours.

Tel n’est pas le cas en Allemagne par exemple, où l’on exige qu’ils passent de véritables examens.

Des cours de français mal adaptés

On peut peut-être créditer la méthode française d’un surcroît d’humanité et de générosité, mais elle est surtout naïve. Elle ne prend pas suffisamment en compte le besoin de parler aux migrants pour combler le fossé qui les sépare [de la société française].

Et les longs délais de traitement des dossiers ne sont pas là pour arranger les choses, avec des centres d’hébergement où toute vie privée est impossible et où la gratitude des réfugiés peut facilement tourner au ressentiment quand ils ont l’impression de n’être que des numéros que l’on traite avec mépris à longueur de temps.

Par ailleurs, on ne leur donne pas le moyen d’étudier sérieusement le français. Les cours obligatoires organisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) n’apportent rien, c’est le moins qu’on puisse dire, même si certains professeurs se démènent et font du bon travail.

Pour commencer, ces cours ne couvrent que le premier niveau de langue. Ensuite, avec des enseignants qui changent chaque jour et en l’absence de coordination, les élèves reçoivent ces cours de manière désordonnée. Et cela fait naître un sentiment de culpabilité et les décourage.

Lors du premier cours de français, la directrice de l’école m’a dit que je devais me détendre et ne pas prendre les choses trop au sérieux.

Des insultes envers le pays d’accueil

Car l’enseignement à l’OFII n’était pas assez approfondi pour vraiment apprendre le français. L’important était de faire acte de présence, a-t-elle conclu.

Comment un réfugié pourrait apprendre le français ou changer progressivement de vie si les personnes responsables de l’aider ne prennent pas leur travail au sérieux ?

Au bout du troisième jour du stage d’intégration, je suis rentré en voiture avec un réfugié syrien qui a fui la guerre après avoir perdu des membres de sa famille dans les cachots du régime de Bachar El-Assad. Pendant plus d’une demi-heure de trajet, il a insulté la France de la pire manière et disait ne souhaiter qu’une chose : rentrer en Syrie.

Je lui ai dit que nous nous y ferions probablement tuer ou jeter dans un cachot. Au mieux, nous passerions notre temps à faire la queue pour acheter du pain ou obtenir un peu d’essence. Il n’a pas répondu, mais continuait à proférer des gros mots.

Macron, touche pas à l’islam

Et quand le nom d’Emmanuel Macron est arrivé dans la discussion, il a explosé de colère à propos de son soutien absolu à la liberté d’expression. C’est probablement pour cela que le fossé persiste entre lui et sa nouvelle société.

Parmi les réfugiés que j’ai croisés lors de ce stage, certains pensent par exemple qu’Emmanuel Macron contrevient à la laïcité. Selon eux, il ne devrait pas du tout parler de sujets religieux, et encore moins quand cela concerne l’islam.

D’autres estiment que la démocratie est un mensonge. Des groupes de réfugiés en France sur les réseaux sociaux répètent les mêmes discours de victimisation historique. Ils oublient que les causes de leurs malheurs sont les régimes totalitaires du Moyen-Orient, et non pas les pays qui les accueillent.

Waleed Barkasiyeh

vendredi 20 novembre 2020

Le président Macron accuse la Russie et la Turquie d’inspirer des discours anti-français au Sahel

 En janvier, lors du sommet de Pau ayant réuni les membres du G5 Sahel [Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad, Niger], le président Macron fit une mise au point face à l’inflation des discours anti-français au Sahel.

« J’entends beaucoup de choses sur les réseaux, dans les déclarations. J’entends beaucoup de gens qui disent tout et n’importe quoi. Demandez-vous par qui ils sont payés et quels intérêts ils servent »« Mais que ces gens-là disent qui se fait tuer pour leurs enfants! Moi, je sais qui est tombé pour la sécurité des Maliennes et des Maliens, des Nigériens, des Burkinabè : des soldats français! ».

Ces discours sont « indignes parce qu’ils servent d’autres intérêts, soit ceux des groupements terroristes […], soit ceux d’autres puissances étrangères qui veulent simplement voir les Européens plus loin, parce qu’elles ont leur propre agenda, un agenda de mercenaires. ».

Pour autant, le président français s’était gardé de désigner ces « puissances étrangères » à l’origine de ces campagnes de dénigrement, même si l’on pouvait nourrir quelques soupçons. C’est désormais chose faite. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Jeune Afrique, ce 20 novembre, Emmanuel Macron n’a pas pris de gants.

« Pendant des décennies, nous avons entretenu avec l’Afrique une relation très institutionnelle, en passant par les chefs d’État en fonction et par des entreprises bien installées. Ce faisant, le ressentiment a pris une certaine place, mais il y a également une stratégie à l’œuvre, menée parfois par des dirigeants africains, mais surtout par des puissances étrangères, comme la Russie ou la Turquie, qui jouent sur le ressentiment post-colonial »

 « Il ne faut pas être naïf sur ce sujet : beaucoup de ceux qui donnent de la voix, qui font des vidéos, qui sont présents dans les médias francophones sont stipendiés par la Russie ou la Turquie »

Le président Macron a dit avoir « besoin d’une réitération claire du souhait de nos partenaires de voir la France rester à leurs côtés. »

Ankara peut avoir l’oreille de quelques personnages influents, comme l’imam Dicko, a priori proche de la fondation turque Maarif. Ce dernier, qui a joué un rôle important dans le coup d’État ayant renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, cet été, est un partisan du dialogue avec certains jihadistes maliens, c’est à dire ceux du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM/JNIM]. 

Or, pour le président Macron, cela n’est pas acceptable.

« Avec les terroristes, on ne discute pas. On combat », a-t-il lancé lors de son entretien accordé à Jeune Afrique. « Il faut s’inscrire dans la feuille de route claire que sont les accords [de paix] d’Alger [signés en 2015 entre la rébellion touareg et Bamako, ndlr], Ceux-ci prévoient un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats »

mercredi 11 novembre 2020

Tony Tata, un frappadingue au Pentagone


    Pour paraphraser Gramsci, le vieux monde trumpien se meurt, le nouveau monde bidenien tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. L’un de ces derniers s’appelle Tata. Tony Tata. A part son nom, rien n’est sympathique chez lui.

    Trump, qui est en train de procéder à une véritable purge au Pentagone, virant quatre hauts responsables – à commencer par le Secrétaire à la défense Mark Esper et son directeur de cabinet – pour les remplacer par certains de ses fidèles, vient de désigner Tata à la place de James Anderso, sous-secrétaire pour la politique de cette puissante administration. Il s’agit du troisième poste du Pentagone.

    Général de brigade à la retraite, auteur de romans de gare, ex-commentateur sur FoxNews, Tata, 61 ans, était secrétaire aux transports de Caroline du Nord et surintendant de l’école du comté de Wake. 

    Trump a déjà cherché il y a quelques mois à le propulser sous-secrétaire au Département de la Défense. Mais le processus de confirmation de sa nomination a déraillé au Sénat, pourtant majoritairement républicain, quand ses tweets ont été examinés à la loupe. Tata s’est fait remarquer en affirmant, entre autres, que l’islam était « la religion la plus violente et la plus oppressive » et qu’Obama était un « chef terroriste ». Exit Tata ? Non : Trump avait contourné l’obstacle en le désignant comme « assistant au sous-secrétaire », un poste qui ne nécessite pas de confirmation sénatoriale.

    Tony Tata n’est pas précisément un exemple de modération, si l’on en juge à ces tweets, surtout ceux qu’il a depuis supprimés. Il a ainsi partagé un article qui faisait la promotion d’une théorie du complot selon laquelle Obama était un agent dormant au service du Hamas et des frères musulmans (un « manchourian candidate », allusion au film de 1962 « Un crime dans la tête » en VF). Selon Tata, Obama a plus fait pour « aider les pays musulmans que n’importe quel président ». S’il a négocié l’accord sur le nucléaire iranien, c’est parce qu’il avait « des racines islamiques » et qu’il voulait « aider les Iraniens et le grand État islamique à écraser Israël ». Il s’en est aussi pris dans un autre tweet hallucinant à l’ancien directeur de la CIA John Brennan :

    « Ce serait peut-être le bon moment pour choisir votre poison : peloton d’exécution, pendaison publique, perpétuité comme bitch de prison, ou vous pouvez tout simplement sucer votre pistolet. A votre choix”, suivi des hashtags #Treason #Sedition #crossfirehurricane #Obamagate.

    En 2018, comme l’a relevé CNN, Tata a dénoncé une « cabale de l’État profond » visant à renverser le président Trump. Dans sa mire, Brennan encore. L’ancien patron de la CIA ayant un jour cité Ciceron dans un tweet (« C’est le propre de l’être humain de se tromper ; seul l’insensé persiste dans son erreur »), Tata a cru y voir un signal codé pour déclencher l’assassinat de Trump : 

    « Aussi incompétent que John Brennan fut-il, en tant qu’analyste de la CIA (…), nous devons supposer qu’il connaît les techniques des espions. C’est un signal adressé à quelqu’un, quelque part. Cicéron a été assassiné pour des raisons politiques. C’est une menace claire contre le président des Etats-Unis. »

    Du style « Qanon » pur jus…

    Bref, un frappadingue de première classe. Il a évidemment exprimé par la suite des regrets sur ces tweets invraisemblables, parlant de « propos relevant de l’hyperbole » : « Il n’y a aucune excuse pour ces commentaires, pour lesquels je prends l’entière responsabilité et que je me rétracte et dénonce pleinement ». Mais même les militaires qui le soutenaient ont pris leurs distances. 

    Trump ne l’a jamais abandonné. Il faut dire que Tata est un maestro de la brosse à reluire, ce qu’il a démontré quand il était chroniqueur de Fox News. Il a ainsi vanté les pires décisions du président, du pardon que Trump a accordé à des criminels de guerre américains à l’abandon des alliés kurdes en Syrie.

    Les démocrates se consolent en se disant qu’il n’est là que pour 70 jours. Puis il éteindra la lumière. Certains appellent toutefois la Commission de la Défense du Sénat à s’élever contre cette nomination.


    vendredi 6 novembre 2020

    les États-Unis ressemblent à une république bananière

     Chez les manifestants, deux visions de l’Amérique s’opposent, mais ils s’entendent tous sur une chose :

     Les États-Unis ressemblent à une république bananière

    Donald Trump, le populisme à la tête des États-Unis



     

                                    Trump déroule le scénario du pire


    “Make America great again”. C’est avec ce slogan que Donald Trump est élu 45e président des États-Unis en novembre 2016, succédant à Barack Obama. Personnalité américaine très médiatisée grâce à son empire immobilier et à son émission de télé-réalité, The Apprentice, Donald Trump base sa politique sur une stratégie populiste et nationaliste, souhaitant construire un mur avec le Mexique – dans une logique anti-immigration –, et sur un penchant à donner son avis sur tous les sujets via Twitter.

    Parmi les événements notables de sa présidence : il remet en cause le traité nucléaire avec l’Iran, ainsi que l’accord de Paris sur le climat car il ne croit pas aux changements climatiques et l’écologie n’est pas une priorité de son mandat. Après avoir menacé la Corée du Nord de destruction, faisant craindre une nouvelle menace nucléaire, il se rapproche finalement de Kim Jong-un. Et devient le premier président à franchir la frontière entre les deux Corées. Donald Trump est régulièrement accusé de racisme, d’homophobie et surtout d’agression et de harcèlement sexuels.

    Difficile de croire encore à une transition en douceur en écoutant le président américain s’autoproclamer vainqueur du scrutin, et dénonçant sans preuve une fraude massive.

     "Il s’avère que, dans la défaite, Donald Trump est encore plus pleurnichard, malhonnête et égocentrique qu’il ne l’était avant sa perte décisive contre Biden." “Rien de tout cela ne devrait surprendre” “sa personnalité désordonnée, son instabilité émotionnelle et mentale et ses tendances sociopathes”.  Il était inévitable que, lorsque [Trump] sentirait les murs de la réalité se refermer sur lui – en 2020, ce furent la pandémie, la ‘cratérisation’ de l’économie et sa défaite électorale –, il se détacherait encore plus de la réalité”.

    soutient The Atlantic, évoquant à propos de Trump,



    Quel mot pour qualifier le discours de Donald Trump jeudi soir 5 novembre ? Délirant ? Pathétique ? Dangereux ? Sans doute tout cela et bien pire encore. En quatre ans, on pensait avoir tout vu en matière de mensonge, d’absurdités trumpiennes. Un nouveau seuil a été franchi quand le président d’une voix aussi doucereuse qu’inquiétante s’est autoproclamé vainqueur de l’élection, contestant Etat par Etat, les résultats d’un scrutin, qu’il sait désormais perdu. Dénonçant, sans la moindre preuve, une série de fraudes « avérées » et une élection truquée. Exigeant un arrêt du décompte des bulletins, il s’est étonné que la plupart des votes par correspondance soient en faveur de Joe Biden, oubliant que c’est lui-même qui avait enjoint à ses supporters de se rendre dans les bureaux, et à se méfier des courriers. Répétant en boucle qu’il y avait eu triche, il a promis une avalanche de recours et appelé ses supporters à « ne pas se laisser voler la victoire ». Il faut se souvenir de la grande classe avec laquelle George Bush avait félicité Bill Clinton, insistant sur « la majesté de la démocratie américaine » et promettant son soutien plein et entier de la nouvelle administration à venir… Autres temps, autres mœurs.              

    « Voilà le président des Etats-Unis, voilà la personne la plus puissante au monde, devant nous, telle une tortue obèse retournée sur le dos s’agitant sous le soleil brûlant, réalisant que son temps est passé »

    A résumé Anderson Cooper sur CNN, tandis que plusieurs télévisions américaines décidaient d’interrompre la diffusion de la conférence de presse, estimant qu’il s’agissait de désinformation. Du jamais-vu ! Le 21 décembre, Donald Trump poursuivait sa croisade postélectorale en tweetant : 

    “Grande nouvelle en provenance de Pennsylvanie. Très gros lot de bulletins de vote illégaux qui ne peuvent être pris en compte. Élection truquée !” (Comme c’est désormais devenu de mise pour ce type de déclarations, Twitter émettait l’avis suivant : “Cette affirmation sur l’élection est contestée.”)

    Tout cela serait simplement grotesque s’il s’agissait d’un satrape isolé, perdu dans son délire. Mais près de 70 millions d’Américains ont voté pour lui, et beaucoup parmi eux, croient en lui, comme au Messie. Que vont-ils faire s’ils sont convaincus que les démocrates ont volé la victoire ? Chez les manifestants, deux visions de l’Amérique s’opposent, mais ils s’entendent tous sur une chose : les États-Unis ressemblent à une république bananière. “Le comportement de Trump n’est pas différent de celui d’un dirigeant de république bananière. Il discrédite les modalités de vote employées par des gens qui voulaient se protéger de la pandémie. C’est complètement absurde”. Et d’ajouter : « Et je suis très attristée et découragée de voir à quel point nous sommes divisés sur des questions aussi fondamentales”.“Pour tout vous dire, c’est une honte pour le peuple américain. J’ai une femme asiatique. Les gens du monde entier considèrent les États-Unis comme un phare de la démocratie, l’étalon-or de la démocratie. Et j’ai l’impression de vivre au Venezuela ou en Argentine”. “Il est temps que l’establishment républicain se lève et dénonce les efforts de Trump pour discréditer le vote, a-t-il dit. Je ne pense pas seulement aux élus du Congrès, mais aux membres de son administration. Trump est en train de causer un tort peut-être irréparable à ce pays”. 

    Trump, l’auto-proclamé protecteur de l’Ordre et de la Loi, se perçoit comme étant au-dessus des lois. Sa prétention à pouvoir s’auto-grâcier implique qu’en fin de compte il n’a pas besoin de pardon, puisque ses actions ne tombent pas sous le coup de la loi.



    jeudi 29 octobre 2020

     En lançant à tout-va des propos mensongers, insultants, et délibérément incendiaires, le président turc a déclenché une réaction en chaîne dans le monde arabe. Ce n’est pas un hasard s’il a choisi pour cible Emmanuel Macron. La France vient de réaffirmer ses valeurs et mérite le soutien des Européens, estime depuis Londres The Times.



    Une fois de plus, le président Erdogan attise les passions démagogiques au Moyen-Orient afin de redorer son blason dans son propre pays, ainsi que dans le monde musulman. Cette fois, il prend pour cible Emmanuel Macron. La semaine dernière, par des propos grossiers et insultants, il a affirmé que le chef de l’État français avait besoin d’un traitement psychiatrique, après que ce dernier avait pris position fermement contre l’islamisme au lendemain de la décapitation d’un enseignant français par un jeune terroriste tchétchène.

    [Le 26 octobre], Erdogan a une nouvelle fois proféré des insultes à son endroit, sur fond de boycotts, de manifestations et de protestations diplomatiques contre la France dans tout le monde arabe. Il a accusé la France et d’autres pays européens de se comporter en “fascistes” envers les musulmans, comparant ces États aux nazis qui organisaient des lynchages [des pogroms] de Juifs.

    Non seulement ces accusations sont mensongères, insultantes, délibérément incendiaires, mais elles caricaturent l’appel lancé par Macron aux Français musulmans pour qu’ils renoncent à l’extrémisme, acceptent une société pluraliste et observent les règles, les valeurs et les normes du pays dans lequel ils vivent.

    Pour ce mégalomane qu’est le président turc, toute critique de l’islamisme s’inscrit dans une campagne de haine menée par tous les dirigeants européens contre leurs minorités musulmanes. Ses propos ont déclenché une réaction rapide dans la rue arabe. Au Koweït, des boycotts spontanés ont fait disparaître les produits français des rayons des magasins. Les réseaux sociaux saoudiens appellent à un boycott de l’enseigne Carrefour. L’université du Qatar a remis à plus tard des événements prévus dans le cadre de l’Année culturelle Qatar-France. Plus loin, au Pakistan, le Premier ministre Imran Khan a affirmé que Macron avait “attaqué l’islam” en encourageant la diffusion des caricatures controversées du prophète Mahomet. Des manifestants bangladais ont brandi des affiches où Macron était qualifié d’“ennemi de la paix”.

    Macron n’a rien fait d’autre qu’affirmer vigoureusement et admirablement l’engagement de son pays en faveur des valeurs laïques. Il n’a pas appelé à la diffusion ou à la reproduction des caricatures incriminées. Il ne s’en est pas pris aux principes religieux de l’islam. Il n’a certainement pas professé une haine acharnée contre les musulmans comme l’ont fait les nazis en humiliant et en persécutant les Juifs.

    Cependant, ce qu’il a fait ou dit est désormais éclipsé par ce déchaînement de colère bien-pensante, cyniquement exploitée par Erdogan et ceux qui comme lui flattent le sentiment islamiste. Mais pour le leader turc, c’est devenu un enjeu personnel. Susceptible, irritable, il ne supporte pas la moindre critique de ses méthodes de plus en plus autocratiques et népotistes. Il a cherché querelle à la plupart de ses voisins, est intervenu militairement dans le conflit du Haut-Karabakh, a déployé des mercenaires syriens en Libye, a revendiqué des réserves de gaz en dehors des eaux territoriales turques et a tourné en dérision la plupart de ses partenaires de l’Otan pour avoir critiqué la traque et l’emprisonnement de milliers de ses opposants politiques. La France est l’un de ses rares alliés [sur le papier] à avoir dénoncé aussi bien l’expansionnisme turc que ces tentatives d’Erdogan de relancer sa popularité en berne.

    Erdogan n’est pas seul. D’autres dirigeants de la région, en difficulté du fait de leur incapacité à gérer la crise du coronavirus, cherchent une cause populiste et un bouc émissaire étranger pour détourner la colère de leur population. Ils sont très mal inspirés. L’Europe tout au moins a fait preuve de solidarité avec Macron. Cette affirmation des valeurs occidentales communes ne doit pas être vidée de sa substance. Il faut la poursuivre.


    THE TIMES 

    Londres


    mercredi 28 octobre 2020

     OUI 

    Le droit de choquer est nécessaire

                          Erdogan caricaturé par Charlie                        Hebdo: Ankara apportera une réponse "judiciaire et diplomatique"

    La Turquie a annoncé mercredi qu'elle allait prendre des mesures "judiciaires et diplomatiques" après la publication par l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo d'une caricature du président Recep Tayyip Erdogan.

    "Les actions judiciaires et diplomatiques nécessaires seront entreprises contre ladite caricature", a déclaré la direction de la communication de la présidence turque dans un communiqué en français, dans un contexte de tensions croissantes entre Ankara et Paris. Le magazine satirique français a publié mardi soir sur les réseaux sociaux la une de son dernier numéro, sur laquelle s'étale une caricature de M. Erdogan en slip, bière à la main, qui soulève la robe d'une femme voilée en s'écriant: "Ouuuh ! Le prophète !" 



    La présidence turque a condamné mercredi avec "la plus grande fermeté" cette "caricature abjecte" qui reflète, selon elle, une "hostilité contre les Turcs et l'islam".

     “il y en a toujours pour affirmer que ‘la liberté d’expression n’en vaut pas la peine’”constate le journaliste britannique Kenan Malik. Une posture regrettable, assène-t-il dans The Observer. Dans ces moments-là, il nous incombe de faire le contraire, c’est-à-dire de défendre la liberté d’expression et la liberté d’​offenser.” Selon lui, “ce qui est appelé ‘outrage à une communauté’ cache souvent des dissensions au sein même de ces communautés

    En refusant de défendre les principes de liberté fondamentaux, certains à gauche trahissent “les progressistes au sein des minorités et encouragent ainsi les réactionnaires”assure Kenan Malik dans les colonnes de l’hebdomadaire orienté à gauche. “Plus la société entérine l’indignation, plus il y aura de gens pour se dire indignés, et plus leur indignation sera meurtrière.” Dans le même temps, “cette lâcheté est un moteur de l’islamophobie car elle alimente l’idée raciste selon laquelle tous les musulmans seraient réactionnaires”. Et de conclure : “Nous devons rejeter les obscurantistes des deux camps. Dans une société plurielle, quasiment tout ce qu’on dit est susceptible d’être choquant pour quelqu’un. Si nous voulons une société plurielle, nous devons défendre la liberté de choquer.”

    La réponse sécuritaire de la France à l’assassinat de Samuel Paty ne mérite ni le qualificatif d’“excessif” ni celui de “raciste”

    Au cours des huit ans qui se sont écoulés depuis que Mohamed Merah a exécuté trois enfants devant une école juive à Toulouse, et tué cinq autres personnes en mars 2012, le pays a connu 36 attentats terroristes islamistes graves ou très graves. Il y a bientôt cinq ans qu’une série d’attentats suicides coordonnés a causé la mort de 130 personnes dans les rues de Paris et au Bataclan. L’année suivante, 86 autres ont été tuées quand un camion de 19 tonnes a foncé sur la foule à Nice à l’occasion des festivités du 14 juillet.

    Il est aussi malhonnête que dangereux de laisser entendre que la France serait coupable plutôt que victime – ainsi que le font Erdogan et certains détracteurs occidentaux. La France a davantage souffert du terrorisme islamiste qu’aucun autre pays d’Europe au cours des dix dernières années. La grande majorité des attentats n’avaient aucun lien direct avec la publication de caricatures du prophète Mahomet dans les pages de Charlie Hebdo.




    Il est vrai que la réaction du gouvernement Macron dans le domaine de la sécurité après l’assassinat de Samuel Paty a pu paraître un peu éparpillée, mais elle n’a rien eu de draconien. L’arrestation des suspects déjà connus – sans parler de ceux qui sont en prison – est une réaction classique de la part des autorités qui pensent qu’elles doivent donner l’impression de “faire quelque chose”. Même la fermeture de la mosquée de Pantin, au nord de Paris, qui se trouvait sous la coupe d’un imam extrémiste, a été bien accueillie par ses fidèles plus modérés.

    samedi 26 septembre 2020

    La démocrature, une démocratie d'apparence

     

    Sur fond de ressentiment social, monte une vague populiste qui conforte les régimes autoritaires.



    En 1946, au sortir d’une guerre qu’il avait passée à Londres dans une proximité critique avec le général de Gaulle, Raymond Aron doutait encore du caractère durable du succès des Alliés. Dans l’Introduction à la publication de ses essais publiés dans la revue de la France libre, L’homme contre les tyrans, il posait la question « La victoire des démocraties a-t-elle été plus qu'un épisode d'un destin inexorable ? » Dans la famille libérale, on trouve ainsi, à côté d’une branche qui croit, avec Tocqueville, à l’universalisation inéluctable de la démocratie, une autre plus pessimiste. Celle-ci redoute que les divisions internes, la promotion de l’individu et son éloignement des affaires publiques n’affaiblissent le « pire des régimes à l’exception de tous les autres », comme disait Churchill, ce conservateur libéral.

    Un demi-siècle plus tard, le camp de la démocratie paraissait bien plus confiant. Durant les trois dernières décennies du XX° siècle en particulier, les dictatures étaient tombées progressivement, un peu partout, de l’Afrique du Sud à l’Europe centrale, de la Thaïlande au Brésil. Dans notre naïveté, nous imaginions notre système de gouvernement tellement désirable que le monde entier allait s’y convertir. Et en ce début de XXI° siècle, les Printemps arabes de 2011, ont semblé, un moment, confirmer le caractère inéluctable de la démocratie.

    Nous avions tort, explique Renée Fregosi politologue spécialiste de l’Amérique latine, le type de régime qui a le vent en poupe, ce n’est pas la démocratie, c’est la démocrature. Cela sonne encore mieux en espagnol, democradura. Il désigne un système hybride que nous voyons se répandre, de la Russie au Venezuela, en passant par la Turquie et l’Asie centrale. La démocrature mêle des éléments de démocratie, comme la tenue d’élections et d’autres qu’il nomme : « le justicialisme. »

    Le justicialisme est un populisme. Au nom d’un mot d’ordre de « justice », assez vague mais mobilisateur, un leader charismatique, qui semble en campagne électorale permanente, lance l’anathème sur des « élites », qu’il accuse d’avoir trompé le peuple. Il s’alimente au sentiment égalitariste des moins instruits, ceux qui ont le sentiment de n’avoir aucune prise sur les évènements et de ne pas être pris en considération. Il prône un idéal de justice « abstrait, immédiat et total », « fondé sur un ressentiment profond et diffus », qui s’exprime en deux slogans : « justice pour le peuple, châtiment des coupables ! »

    A la différence des totalitarismes ou des tyrannies classiques, la démocrature n’attaque pas de front l’idéal démocratique. Au contraire, elle prétend la réaliser de manière plus authentique, en « rendant la parole au peuple », « baillonné par les élites ».

    Formellement, ce type de régime se légitime par la tenue d’élections ; mais celles-ci sont contrôlées à chaque étape de leur déroulement. En amont, par l’invalidation, voire par l’emprisonnement, des candidats hostiles au régime qui risqueraient d’être élus ; ainsi, du maire de Caracas, Antonio Ledezma. Voire de leur assassinat, comme Boris Nemtsov, à Moscou, Alexeï Navalny, emprisonné plusieurs fois et qui a été empoisonné. Ou lors du vote, par des achats de voix, des tricheries de tous ordres. Quant au dépouillement, il est, bien sûr contrôlé par les hommes du parti-Etat, qui en profitent pour bourrer les urnes. Le contentieux électoral est lui-même entre les mains de juges inféodés au pouvoir.

    Dans de nombreux cas, on remarque que le président réélu une première fois fait modifier la Constitution, afin de pouvoir se représenter sans limites. Pour contourner cet écueil, Poutine a imaginé un système ridicule d’alternance aux postes de président de la Fédération et de premier ministre, avec Medvedev. C’est d’ailleurs comme un coup d’arrêt sur la voie d’une dérive justicialiste qu’il faut interpréter le refus des électeurs boliviens, d’accorder, le mois dernier, à Evo Morales l’autorisation de solliciter un quatrième mandat en 2019.

    Ces régimes sont dangereux parce qu’ils reposent sur l’antagonisation, le clivage, la diabolisation des adversaires politiques ; ils propagent la théorie du complot, usent parfois de l’antisémitisme. Ils refusent le consensus négocié, la conciliation – qui sont au cœur même de l’idée démocratique. Ils tolèrent la violence politique, quand ils ne l’encouragent pas.


    Nous qui nous croyons à l’abri, observons bien ce qui se passe aujourd’hui en Hongrie, ou encore le déroulement des meetings de Donald Trump. Les personnalités charismatiques sachant manier les jeux de mots provocateurs plutôt que les indices économiques ne manquent pas. Et le ressentiment de catégories sociales qui peuvent à juste titre s’estimer lésées et reléguées non plus…. La rencontre des deux peut se révéler explosive.

    lundi 15 juin 2020

    « Souveraineté », « indépendance »...


    Le chef de l’Etat a mis en avant à plusieurs reprises la notion d’indépendance lors de son allocution du 14 juin. La tonalité souverainiste des discours du président depuis le début de la crise sanitaire étonne.

    Elle renvoie à un épisode méconnu : son passage au Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement à la fin des années 1990.

    « Retrouver notre indépendance pour vivre heureux et vivre mieux » ; « La consolidation d’une Europe indépendante » ; « Notre indépendance technologique, numérique, industrielle et agricole » ; « Ce projet d’indépendance »… 
    Lors de son allocution, dimanche 14 juin, Emmanuel Macron a prononcé une demi-douzaine de fois le mot « indépendance ». Ce n’est pas la première fois depuis le début de la crise sanitaire que la parole présidentielle prend des accents souverainistes. Une tonalité patriotique qui, trois ans après son arrivée à l’Elyssée, interroge mais qui renvoie à un épisode souvent passé sous silence de la trajectoire du chef de l’État, son engagement au sein du Mouvement des Citoyens (MDC) de Jean-Pierre Chevènement à la fin des années 1990.
    C’est un déjeuner qui ne figure pas à l’agenda officiel de la présidence de la République. Un rendez-vous qui doit se dérouler à l’abri des regards indiscrets. Ce mercredi 6 mai, dans le huis clos du palais de l’Elysée, à quelques jours d’un déconfinement qui s’annonce à haut risque, Emmanuel Macron reçoit Jean-Pierre Chevènement. Quatre fois ministre, figure tutélaire de la gauche républicaine et étatiste, le « Che », 81 ans, occupe une place singulière dans l’édifice macronien : il est, depuis le début du quinquennat, l’un de ceux qui murmurent à l’oreille du président. A intervalles réguliers, et « toujours à des moments clés de son mandat » L’allocution d’Emmanuel Macron, fut un exercice de haute voltige politique. Comment récupérer le bénéfice de la sortie de crise sanitaire pour se lancer dans la bataille de la reconstruction et prendre de vitesse ses éventuels rivaux dans la course à l’élection présidentielle de 2022 ? Lâchant un trapèze pour en agripper un autre, l’acrobate de l’Elysée s’est encore une fois élancé sans filet, au-dessus du vide. Roulez tambour !
    « Nous n’avons pas à rougir, mes chers compatriotes, de notre bilan. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées par nos choix, par nos actions. […] La période a montré que nous avions du ressort, de la ressource, que, face à un virus qui nous a frappés plus tôt et plus fort que beaucoup d’autres, nous étions capables d’être inventifs, réactifs, solides. Nous pouvons être fiers de ce qui a été fait et de notre pays. » Seul en piste, il a pris son élan en annonçant une bonne nouvelle : le passage au vert de l’ensemble du territoire à l’exception de Mayotte et de la Guyane. « Nous allons donc pouvoir retrouver le plaisir d’être ensemble, de reprendre pleinement le travail, mais aussi de nous divertir, de nous cultiver. Nous allons retrouver pour partie notre art de vivre, notre goût de la liberté. En somme, nous allons retrouver pleinement la France. »
     Les Français, fort défiants à son égard, jugeront aux actes et surtout aux résultats. « Je m’adresserai à vous en juillet pour préciser ce nouveau chemin, lancer les premières actions et cela ne s’arrêtera pas », jure le président. Bateleur, il annonce déjà sa prochaine pirouette. Au grand dam de ces adversaires relégués au rang de simples spectateurs, l’acrobate n’est toujours pas tombé.

    Sylvain Courage