jeudi 29 octobre 2020

 En lançant à tout-va des propos mensongers, insultants, et délibérément incendiaires, le président turc a déclenché une réaction en chaîne dans le monde arabe. Ce n’est pas un hasard s’il a choisi pour cible Emmanuel Macron. La France vient de réaffirmer ses valeurs et mérite le soutien des Européens, estime depuis Londres The Times.



Une fois de plus, le président Erdogan attise les passions démagogiques au Moyen-Orient afin de redorer son blason dans son propre pays, ainsi que dans le monde musulman. Cette fois, il prend pour cible Emmanuel Macron. La semaine dernière, par des propos grossiers et insultants, il a affirmé que le chef de l’État français avait besoin d’un traitement psychiatrique, après que ce dernier avait pris position fermement contre l’islamisme au lendemain de la décapitation d’un enseignant français par un jeune terroriste tchétchène.

[Le 26 octobre], Erdogan a une nouvelle fois proféré des insultes à son endroit, sur fond de boycotts, de manifestations et de protestations diplomatiques contre la France dans tout le monde arabe. Il a accusé la France et d’autres pays européens de se comporter en “fascistes” envers les musulmans, comparant ces États aux nazis qui organisaient des lynchages [des pogroms] de Juifs.

Non seulement ces accusations sont mensongères, insultantes, délibérément incendiaires, mais elles caricaturent l’appel lancé par Macron aux Français musulmans pour qu’ils renoncent à l’extrémisme, acceptent une société pluraliste et observent les règles, les valeurs et les normes du pays dans lequel ils vivent.

Pour ce mégalomane qu’est le président turc, toute critique de l’islamisme s’inscrit dans une campagne de haine menée par tous les dirigeants européens contre leurs minorités musulmanes. Ses propos ont déclenché une réaction rapide dans la rue arabe. Au Koweït, des boycotts spontanés ont fait disparaître les produits français des rayons des magasins. Les réseaux sociaux saoudiens appellent à un boycott de l’enseigne Carrefour. L’université du Qatar a remis à plus tard des événements prévus dans le cadre de l’Année culturelle Qatar-France. Plus loin, au Pakistan, le Premier ministre Imran Khan a affirmé que Macron avait “attaqué l’islam” en encourageant la diffusion des caricatures controversées du prophète Mahomet. Des manifestants bangladais ont brandi des affiches où Macron était qualifié d’“ennemi de la paix”.

Macron n’a rien fait d’autre qu’affirmer vigoureusement et admirablement l’engagement de son pays en faveur des valeurs laïques. Il n’a pas appelé à la diffusion ou à la reproduction des caricatures incriminées. Il ne s’en est pas pris aux principes religieux de l’islam. Il n’a certainement pas professé une haine acharnée contre les musulmans comme l’ont fait les nazis en humiliant et en persécutant les Juifs.

Cependant, ce qu’il a fait ou dit est désormais éclipsé par ce déchaînement de colère bien-pensante, cyniquement exploitée par Erdogan et ceux qui comme lui flattent le sentiment islamiste. Mais pour le leader turc, c’est devenu un enjeu personnel. Susceptible, irritable, il ne supporte pas la moindre critique de ses méthodes de plus en plus autocratiques et népotistes. Il a cherché querelle à la plupart de ses voisins, est intervenu militairement dans le conflit du Haut-Karabakh, a déployé des mercenaires syriens en Libye, a revendiqué des réserves de gaz en dehors des eaux territoriales turques et a tourné en dérision la plupart de ses partenaires de l’Otan pour avoir critiqué la traque et l’emprisonnement de milliers de ses opposants politiques. La France est l’un de ses rares alliés [sur le papier] à avoir dénoncé aussi bien l’expansionnisme turc que ces tentatives d’Erdogan de relancer sa popularité en berne.

Erdogan n’est pas seul. D’autres dirigeants de la région, en difficulté du fait de leur incapacité à gérer la crise du coronavirus, cherchent une cause populiste et un bouc émissaire étranger pour détourner la colère de leur population. Ils sont très mal inspirés. L’Europe tout au moins a fait preuve de solidarité avec Macron. Cette affirmation des valeurs occidentales communes ne doit pas être vidée de sa substance. Il faut la poursuivre.


THE TIMES 

Londres


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