C'est la troisième
grande crise, depuis un siècle, de l'idée démocratique. Il y a eu celle de
l'affaire Dreyfus. Celle des années 1930. Et celle, aujourd'hui, sur le même
fond de haine et de violence, des illibéraux hongrois, des « gilets
jaunes » français et des branquignols italiens (Salvini, Di Maio...) qui
s'en servent comme d'un levier pour tenter d'affaiblir la France. Le point
commun entre les trois périodes, c'est l'idée que la démocratie représentative
est un modèle périmé, qui a produit tout ce qu'il pouvait produire et qui doit
être dépassé. Or, il n'y a, historiquement, qu'un « dépassement » de
la démocratie - et c'est le totalitarisme.
La vraie faillite des
élites, c'est celle des Mélenchon, Le Pen ou Dupont-Aignan, François
Ruffin qui appelle au meurtre. qui attisent la haine au lieu d'aider le mouvement
social à trouver sa traduction républicaine, se
conduisent très mal. La sacralisation du peuple est une maladie de la
démocratie. Ni Tocqueville, ni Rousseau, ni même Robespierre ne défendaient
cette idée
Je ne parle pas
des intellectuels qui, comme Emmanuel Todd ou Christophe Guilluy, expliquent
tout par le fossé entre la France d'en haut et la France d'en bas, la France
périphérique et la France des métropoles, etc. Le vrai clivage n'est pas
là. Il est entre les héritiers du peuple de 89, de 1848, de Michelet, de
Lamartine - et les héritiers de ces autres mouvements populaires qui
défilaient, hélas, derrière les chefs factieux des années 1930 ou d'avant 14.
la politique, en démocratie, ce sont des questions
complexes, effroyablement intriquées, avec des injonctions contradictoires, des
compromis inévitables, la recherche nécessaire du moindre mal, etc. Or, à
ces questions-là, on ne peut pas juste répondre, comme dans un
« RIC », par un simple « oui » ou un simple
« non ». Le faire croire est idiot. Et éventuellement criminel. Voyez
le Brexit. Des centaines d'heures de discussions... Des milliers de pages
d'expertise pour arriver à démêler l'écheveau - et encore... Et les
« référendocrates » qui, comme dans « Full Metal Jacket »,
aboient : « Oui ? Non ? vous n'avez qu'un choix
- dire oui ou dire non ! »
Car il y a,
au fond, deux solutions. Ou bien on accompagne le mouvement social, on l'aide à
trouver sa traduction républicaine et on travaille loyalement à améliorer le
sort des déshérités. Ou bien on se moque de leur misère, on joue avec la vie et
la dignité des gens et on fait des petites phrases. Ces gens-là, aussi, sont
des « élites ». Et c'est clairement ce choix-là, ce second choix,
qu'ont fait ces élites numéro deux, celles du grand parti de la Démagogie.
La vérité c'est que les gens n'ont jamais autant donné
de la voix que depuis l'apparition des réseaux sociaux. A l'âge de Facebook, tout le monde a droit à la parole et la parole de chacun
prétend à la même valeur que celle de chaque autre - la parole d'un démagogue,
ou d'un xénophobe, a le même poids, parfois, que celle d'un démocrate.