vendredi 11 janvier 2019

« La génuflexion devant les gilets jaunes finit par devenir grotesque »


C'est la troisième grande crise, depuis un siècle, de l'idée démocratique. Il y a eu celle de l'affaire Dreyfus. Celle des années 1930. Et celle, aujourd'hui, sur le même fond de haine et de violence, des illibéraux hongrois, des « gilets jaunes » français et des branquignols italiens (Salvini, Di Maio...) qui s'en servent comme d'un levier pour tenter d'affaiblir la France. Le point commun entre les trois périodes, c'est l'idée que la démocratie représentative est un modèle périmé, qui a produit tout ce qu'il pouvait produire et qui doit être dépassé. Or, il n'y a, historiquement, qu'un « dépassement » de la démocratie - et c'est le totalitarisme.
La vraie faillite des élites, c'est celle des Mélenchon, Le Pen ou Dupont-Aignan, François Ruffin qui appelle au meurtre. qui attisent la haine au lieu d'aider le mouvement social à trouver sa traduction républicaine,  se conduisent très mal. La sacralisation du peuple est une maladie de la démocratie. Ni Tocqueville, ni Rousseau, ni même Robespierre ne défendaient cette idée
Je ne parle pas des intellectuels qui, comme Emmanuel Todd ou Christophe Guilluy, expliquent tout par le fossé entre la France d'en haut et la France d'en bas, la France périphérique et la France des métropoles, etc. Le vrai clivage n'est pas là. Il est entre les héritiers du peuple de 89, de 1848, de Michelet, de Lamartine - et les héritiers de ces autres mouvements populaires qui défilaient, hélas, derrière les chefs factieux des années 1930 ou d'avant 14.
la politique, en démocratie, ce sont des questions complexes, effroyablement intriquées, avec des injonctions contradictoires, des compromis inévitables, la recherche nécessaire du moindre mal, etc. Or, à ces questions-là, on ne peut pas juste répondre, comme dans un « RIC », par un simple « oui » ou un simple « non ». Le faire croire est idiot. Et éventuellement criminel. Voyez le Brexit. Des centaines d'heures de discussions... Des milliers de pages d'expertise pour arriver à démêler l'écheveau - et encore... Et les « référendocrates » qui, comme dans « Full Metal Jacket », aboient : « Oui ? Non ? vous n'avez qu'un choix - dire oui ou dire non ! »
Car il y a, au fond, deux solutions. Ou bien on accompagne le mouvement social, on l'aide à trouver sa traduction républicaine et on travaille loyalement à améliorer le sort des déshérités. Ou bien on se moque de leur misère, on joue avec la vie et la dignité des gens et on fait des petites phrases. Ces gens-là, aussi, sont des « élites ». Et c'est clairement ce choix-là, ce second choix, qu'ont fait ces élites numéro deux, celles du grand parti de la Démagogie.
La vérité c'est que les gens n'ont jamais autant donné de la voix que depuis l'apparition des réseaux sociaux. A l'âge de Facebook, tout le monde a droit à la parole et la parole de chacun prétend à la même valeur que celle de chaque autre - la parole d'un démagogue, ou d'un xénophobe, a le même poids, parfois, que celle d'un démocrate.

Bernard-Henri Lévy 


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