vendredi 12 septembre 2014





Bien souvent je me suis trouvé en total désaccord avec les idées de Alain Finkielkraut en particulier sur sa défense sans critique de la politique menée par l'état d'Israel,. Il est demeuré aveugle devant la souffrance, des enfants, des femmes, des hommes de Palestine, malgré la vie dans le ghetto de Gaza, malgré la vie depuis plus de
cinquante ans de la population dans des camps, malgré les bombardements de Gaza ou la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie qui rendent impossible toute création d'un état viable pour les Palestiniens.
Aujourd'hui "Libération " publie dans une tribune le discours que devrait tenir notre Président devant les Français.
Ce discours est exactement celui que j'aimerais entendre dans la bouche de François Hollande


 

«Mes chers compatriotes,
«Vous m’avez donné mandat, en mai 2012, de mener une politique de redressement économique et de justice sociale. Je m’y suis efforcé dans un contexte très difficile. Peut-être ai-je trop longtemps tâtonné. Peut-être vous ai-je déconcerté par des annonces prématurées et des mesures contradictoires. Je souhaiterais m’expliquer aujourd’hui devant vous mais, bien que je sois seulement à mi-mandat, je constate que je n’ai plus le temps. Le temps m’a échappé, le temps s’est emballé, et vous êtes maintenant sur les gradins du Colisée, vous baissez le pouce et vous criez : "A mort !" Oh, bien sûr, vous n’êtes pas des citoyens romains avachis et cruels. Vous avez le cœur tendre, et ce que vous me reprochez, si j’ai bien compris, c’est d’avoir un cœur de pierre. Vous ne voulez pas la mort du gladiateur mais celle de l’empereur. Et qui vous a persuadé que j’étais Caligula ? Mon ex-compagne, Valérie Trierweiler. Je vous ai vus, à la télévision, vous ruer dans toutes les librairies, les Relay H aussi bien que la Hune à Paris, ou Mollat à Bordeaux, ou le Furet du Nord à Lille, pour acheter cette "bombe littéraire" : Merci pour ce moment. Et j’ai lu sur Mediapart (le site d’informations qui donne envie de changer de planète) que Valérie Trierweiler défendait la cause des femmes outragées, humiliées, martyrisées, et que seuls des "hétéro-machistes" attardés pouvaient trouver à redire à ce grand déballage. Ces indiscrétions et ces éventuelles calomnies accélèrent la marche vers l’égalité des hommes et des femmes. Elles sont donc de gauche.
Eh bien non, mes chers compatriotes : mon ex-compagne n’a pas accompli un acte révolutionnaire. Elle s’est vengée de moi comme elle a voulu se venger de la mère de mes enfants, coupable d’exister encore alors qu’elle l’avait supplantée. Et si vous n’avez rien de mieux à faire qu’à chercher à comprendre ses motivations, ne lisez pas Simone de Beauvoir, regardez plutôt le film Liaison fatale, avec Glenn Close. Le machisme est, certes, loin d’avoir disparu, mais c’est voir la réalité humaine avec les œillères de l’idéologie que de lui conférer le monopole de la malfaisance. Ce livre est un crime contre l’individu que je suis et contre la République que je représente. Et je crains qu’il ne porte le coup de grâce à ce qui restait des Temps modernes dans notre postmodernité triomphante qui, comme l’annonçait Péguy (un auteur que mes camarades socialistes seraient bien inspirés de lire) "ne se demande pas encore anxieusement si c’est grave, mais qui, inquiète, vide, se demande déjà si c’est bien amusant". La contribution majeure des Temps modernes à la civilisation tient en un mot : séparation. Séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais séparation aussi de la vie publique et de la vie privée. Or, ce mur protecteur pour l’une comme pour l’autre, ce n’est pas l’Etat qui, aujourd’hui, le démolit, ce n’est pas, en dépit de tout ce que vous racontent les lanceurs d’alerte, Big Brother : c’est vous, chers little big brothers etlittle big sisters, vous qui succombez à l’attrait du voyeurisme avec d’autant moins de réticence que vous êtes toujours plus nombreux à vous exhiber sur la Toile. "Pour vivre heureux, vivons cachés", disait l’adage. "Pour vivre heureux, déshabillons-nous devant tout le monde", dit la société de la téléréalité et de Facebook.
Il est vrai que vous en apprenez de belles sur mon compte. Non seulement, je maltraite les femmes mais je hais les pauvres. Ils me dégoûtent. Je les appelle même les "sans-dents" en pouffant de rire à ma bonne petite blague. Vous croyez vraiment à ça ? Et êtes-vous restés adolescents au point de considérer que la classe politique se divise entre ceux qui aiment les pauvres et ceux qui veulent les empêcher d’aller chez le dentiste par tous les moyens ? Et comment prouver son amour des pauvres sinon en prenant la pose ? La pose du nouveau pape faisant monter les petits enfants dans sa papamobile. La pose de l’homme politique qui va dans les "quartiers" pour montrer qu’il est solidaire de ses habitants et qu’il souffre avec eux. L’amour en politique, c’est l’image de l’amour, et l’image ne doit pas tenir lieu d’action. Certes, celui qui exerce le pouvoir se doit à son prochain comme tout un chacun, mais il a affaire à la pluralité humaine, et donc la question ne cesse de se poser : qui, dans ce cas précis, est mon prochain ? Il ne vit pas dans un monde d’effusions, mais dans un monde de problèmes et de dilemmes, parfois tragiques, parfois inextricables. Est-ce tendre la main aux jeunes gens issus de milieux modestes que de supprimer les bourses au mérite à l’université et de les remplacer par des bourses sur critères exclusivement sociaux ou est-ce au contraire les pousser malignement à se prévaloir de leur origine et à demander réparation au lieu de faire l’effort nécessaire pour accéder à la culture et à un avenir meilleur ? La justice, qui est l’objet par l’excellence de la politique, requiert le discernement. Je m’interroge tous les jours pour savoir si le discernement me guide ou s’il me fait défaut. Mais visiblement vous vous en fichez. Les problèmes, ce n’est pas votre problème. Vous voulez de l’amour. Le monde, disait Chesterton, est plein d’idées chrétiennes devenues folles, et cette folie est en train de tuer la politique. J’aurais gardé un peu d’espoir dans cette tourmente si je n’avais vu, à gauche comme à droite, des Mélenchon et des Apparu s’adosser au livre de Valérie Trierweiler pour continuer d’instruire mon procès. Ils ne savent pas, les inconscients, que nous sommes, eux et moi, dans le même bateau et que ce bateau coule.
Dans la Tache, un roman qui se déroule en pleine affaire Clinton-Lewinsky, Philip Roth écrit qu’il rêve d’une banderole tendue d’un bout à l’autre de la Maison Blanche, et qui proclamerait : "Ici, demeure un être humain". Je suis un être humain : tout aux délices de l’indiscrétion et à la volupté du sarcasme, vous n’avez pas l’air de vous en rendre compte. J’ai donc décidé de tirer ma révérence. Malgré Mediapart, je n’irai pas sur une autre planète. Mais je vous laisse, chers little big brothers et chères little big sisters. Amusez-vous bien.
Vive la République ! (mais elle est morte et ce n’est pas un nouveau numéro qui la ressuscitera). Vive la France ! (mais cette patrie littéraire n’est plus qu’un vague souvenir). A bas les réseaux sociaux ! (mais cette hydre infernale a gagné la guerre).»
Alain FINKIELKRAUT philosophe

mardi 9 septembre 2014

L'homme providentiel Sarkozy se voudrait de Gaulle.



La semaine dernière, après quelques journées hallucinantes qui ont foudroyé François Hollandeà l'Elysée et abimé encore davantage son quinquennat, Nicolas Sarkozy a rejoué à l'exercice ce weekend tandis que les Jeunes de l'UMP se réunissaient à Nice pour leur "Campus UMP". Il faudrait oublier les 5 "premières" années, considérer que le Bling-Bling, les scandales, l'argent-roi, les 10 mois de "débat" islamophobes et xénophobes sur l'identité nationale, les 600 milliards d'euros de dette publique supplémentaires, l'affaiblissement international du pays et bien d'autres choses encore, n'étaient finalement pas grand chose.   On pouvait entendre Franck Louvrier, son ancien directeur de communication nous rassurer: "Nicolas Sarkozy est le seul à pouvoir rassembler le pays face à la montée des extrêmes". Dimanche, ce fut Christian Estrosi, député-maire de Nice qui se mit à l'ouvrage: 
"J'appelle ici, à Nice, Nicolas Sarkozy pour qu'il reprenne la direction de notre mouvement. Je serai à ses côtés." Dimanche soir, il y eut le 
Figaro, encore, pour qualifier Sarkozy de "tigre" quand on pensait au loup, prédateur, ou à la hyène, rapace. Sarkozy se montre sur tous ses lieux de vacances. 
  
Ces appels sont coordonnés. Nicolas Sarkozy cherche le bon moment. Finalement, il devrait concourir à la présidence de l'UMP. C'est habile, très habile, et inévitable. Habile, car ses deux plus vigoureux rivaux pour la présidentielle de 2017, Alain Juppé et François Fillon, ont renoncé à cette présidence pour se consacrer à l'autre. Fillon a expliqué que la tête de l'UMP devait être neutre pendant les primaires.                                      Quelle grave erreur En matière de combat politique, Juppé et Fillon se révèlent piètres stratèges. Car face à lui, Sarkozy n'a donc qu'un Bruno Le Maire trop calme et centriste pour l'emporter, et l'inconnu Hervé Mariton, ancien villepiniste sarko-compatible. Bref, Sarkozy va gagner la présidence de l'UMP avec un score nord-coréen. Ensuite, en pleine possession d'un parti qu'il a déjà réussi à mettre à son service en 2004 pour la conquête de 2007 - à l'époque, contre l'avis même de Jacques Chirac - Nicolas Sarkozy éteindra les candidatures de Juppé et de Fillon. 
Dimanche, Sarkozy dévoile son angle d'attaque contre le maire de Bordeaux. Ce sera l'âge, ni plus ni moins. 
"Juppé a beaucoup de qualités, mais il aura 72 ans en 2017"
 L'homme providentiel 
Sarkozy se voudrait de Gaulle 
  
1. De Gaulle avait un grand bilan, rassembleur et libérateur, Sarkozy en a autre, clivant et ravageur. De Gaulle revint après une crise nationale sans précédent, Sarkozy est l'une des causes de notre crise nationale sans précédent. 
  
2. De Gaulle n'avait pas de casseroles, Sarkozy trimballe un service.  Le récent ouvrage de Pierre Péan et Vanessa Ratignier, "
la France sous influence ", est la dernière étape effarante sur le chemin de la vérité, 3 millions d'euros auraient été versés par l'émir du Qatar pour régler le divorce de Nicolas avec Cécilia en octobre 2007. 
  
Qu'un président de la République soit ainsi acheté en plein exercice par un émir ne surprend ni ne gêne visiblement personne parmi ses anciens supporteurs.  
Quand on appelle un homme providentiel au sommet de l'Etat, on s'assure qu'il n'a pas un goût trop prononcé pour l'argent et les dorures. 
  
3.
L'appel à l'homme providentiel, sans programme autre que lui même, est non seulement anti-démocratique, mais surtout voué à l'échec dans la période sur-informée et multi-polaire du moment. A l'exception de quelques autocraties puissantes (la Russie) ou arriérées (les émirats), on cherche les preuves d'une formule qui à défaut d'être démocratique serait gagnante. C’ est le signal d'un rétrécissement de la pensée politique, une paresse qui paraît cette fois collective. On ne s'interroge plus sur le programme ni les conditions politiques nécessaires pour l'appliquer (et notamment les alliances, problème crucial et sous-évalué à gauche tant chez Hollande que chez ses opposants de gauche), on se fie aux talents du chef, à son instinct, on se fiche qu'il change d'avis ni qu'il ne respecte sa parole ou ses promesses, puisqu'il "sait ce qu'il fait".  
  

 

 

« A quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur ;

L’inhumanité de fermeté ;

Et la fourberie, d’esprit. »

de Jean de La Bruyère

 

 

 

 

Sarkozy démarchait les milliardaires

aux frais de son ami Courbit

 |  PAR LA RÉDACTION DE MEDIAPART
Selon Libération, les déplacements en jet privé de l'ex-président payés par son ami Stéphane Courbit avaient bien un lien avec la création d'un fonds d'investissement.
Le quotidien Libération a eu accès à des documents qui montrent que l’ex-président, fort de son carnet d’adresses, a démarché émirs et milliardaires pour financer Columbia, le projet de fonds d’investissements conduit avec Stéphane Courbit. Lorsque Mediapart avait révélé l’existence du fonds en janvier 2013, l’entourage de Sarkozy avait démenti.

Dans le cadre du dossier Air Cocaïne, une juge d'instruction marseillaise est tombée sur trois voyages en jet privé à New York, Doha et Abou Dhabi, de Nicolas Sarkozy, réglés, à hauteur de 301 000 euros, par Lov Group Industrie (LGI), la société de son ami Stéphane Courbit. Selon Libération, les déplacements de l'ex-président payés par son ami avaient bien un lien avec la création d'un fonds d'investissement. Nicolas Sarkozy profitait de son activité de conférencier de luxe pour démarcher des milliardaires pour financer Columbia. Il ne s'agirait donc pas d'abus de biens sociaux et de recel. Mais ces documents laissent intacte la question du conflit d'intérêts.
Le 9 décembre 2012, par exemple, Sarkozy et une partie de son équipe s’envolent pour Doha à bord d’un Falcon 7X, le modèle le plus luxueux de chez Dassault, affrété par Lov Group pour 102 000 euros. Sarkozy doit rencontrer le richissime émir, Hamad ben Khalifa al-Thani. Trois jours plus tard, le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) signe une lettre d’intention dans laquelle il s’engage, sous conditions, à investir 200 millions d’euros. « Si ce deal n’a rien d’illégal, il pose un problème éthique,souligne Libération. L’émir a-t-il voulu acheter un ancien président français, avec l’espoir qu’il le redevienne. »
Quant au deuxième voyage, il s'agit d'un déplacement à New York avec Carla Bruni, le 30 janvier 2013, à bord d’un Falcon 900EX, affrété par Lov Group pour 95 000 euros, qui a ensuite permis à Nicolas Sarkozy de rencontrer au Canada son ami le milliardaire Paul Desmarais, première fortune du Québec. Enfin, le 26 février 2013, Sarkozy et une partie de son équipe prennent un Bombardier Global Express, affrété 104 000 euros par Lov Group. L’ex-président et Courbit ont rendez-vous avec Khaldoon el Mubarak, PDG de Mubadala, le fonds souverain de l’émirat. Là encore, le voyage a payé. Le 4 mars, le PDG de Mubadala écrit qu’il est « très impatient de poursuivre selon le calendrier prévu et d’établir ce partenariat » avec Columbia.
"La politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire


ENQUÊTE
«Libération» a eu accès aux documents prouvant que l’ex-président, fort de son carnet d’adresses, a démarché émirs et milliardaires pour financer Columbia, le projet de fonds d’investissements conduit avec Stéphane Courbit.
C’est une nouvelle affaire dont Nicolas Sarkozy se serait bien passé. Ainsi, l’ex-président a effectué trois voyages en jet privé à New York, Doha et Abou Dhabi, payés 301 000 euros par Lov Group Industrie (LGI), la société de son ami Stéphane Courbit. A ce stade, la juge marseillaise Christine Saunier-Ruellan enquête sur ces faits découverts dans le cadre d’un autre dossier. Les documents saisis par la police au siège de LGI, auxquels Libération a eu accès, montrent que les voyages correspondent aux recherches de fonds de l’ancien président, qui avait monté en 2012 avec Courbit un projet de fonds d’investissement baptisé Columbia. Ces documents retracent l’histoire secrète de l’homme d’affaires Sarkozy, prêt à user de son influence d’homme d’Etat pour faire fortune. Au point d’avoir obtenu un engagement de 200 millions d’euros du Qatar, avant que Columbia ne capote.
 «Attrait». Tout est parti de l’affaire «Air Cocaïne», ce Falcon rempli de coke saisi en République dominicaine. Au siège de l’affréteur de l’avion, les policiers découvrent dix factures payées par LGI, dont trois concernant Nicolas Sarkozy. Le 3 février, la juge Saunier-Ruellan demande à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière d’enquêter sur les «flux financiers» liés à ces factures. Puis elle saisit les policiers de la Brigade financière parisienne. Lesquels perquisitionnent début août le siège de LGI à Paris, puis entendent Stéphane Courbit comme témoin le 20 août. Le patron de Lov déclare qu’il n’y a rien d’illégal. Selon lui, les vols étaient liés à Columbia, ce que confirment les documents saisis. Lorsque Mediapart avait révélé l’existence du fonds en janvier 2013, l’entourage de Sarkozy avait démenti. Pourtant, tout était vrai.
L’histoire commence à l’automne 2012. L’idée est venue d’Alain Minc et de Stéphane Courbit, deux proches de l’ex-président. Minc, conseiller et homme d’influence des grands patrons, compte Courbit parmi ses clients. Lequel a fait fortune dans la télé-réalité (Loft Story) avant de fonder Lov, présente dans l’audiovisuel, les paris en ligne, l’hôtellerie et l’énergie. Minc et Courbit se disent qu’avec sa force de conviction et son carnet d’adresses Sarkozy ferait un homme d’affaires idéal. Ils lui proposent de monter un fonds qui investirait dans des entreprises européennes. Sarkozy n’a jamais caché sa fascination pour les patrons et leur fortune. Encore sonné par sa défaite à la présidentielle, il se laisse tenter. «A l’époque, il ne voulait plus du tout revenir en politique et redécouvrait l’attrait de l’argent», raconte un proche. Il pose deux conditions. Personne ne sera payé avant le lancement. Et les investissements en France se limiteront à l’immobilier, pour éviter les conflits d’intérêts.
Le fonds sera basé au Luxembourg, avec des bureaux au Grand-Duché, à Londres, puis de «petits bureaux» à Paris et à Madrid. Sarkozy et ses associés seront rémunérés en fonction des bénéfices. Courbit est la cheville ouvrière : son groupe LGI sera l’opérateur du fonds et investira au moins 25 millions d’euros. Minc recrute des figures européennes des affaires qui siégeront avec lui au comité d’investissement. Sarkozy sera, lui, «président of the advisory committee», c’est-à-dire conseiller en chef et tête de gondole. «C’était la locomotive», précise un financier au fait du dossier. Son job : draguer les très grandes fortunes et les fonds souverains pour qu’ils lui confient leur argent. Columbia espère gérer 500 millions à 1 milliard d’euros.
«Tour du monde». Sarkozy vient de se lancer dans le métier de conférencier de luxe, à 100 000 dollars (77 000 euros) l’intervention. Dans le plus grand secret, il profite de ces événements pour faire de la retape. C’est le cas dès sa première conférence, le 11 octobre 2012 à New York. A l’hôtel Waldorf Astoria, il prend langue avec Stephen Schwarzman, patron de Blackstone, l’un des plus gros fonds américain. Le 20 novembre, Schwarzman envoie un mail à son «cher Nicolas» «Je sais que tu t’es lancé dans un tour du monde pour lever de l’argent depuis qu’on s’est rencontré au Waldorf.» Il lui propose une «coopération informelle» et d’éventuels «co-investissements»«Ce serait un plaisir», répond Sarkozy, précisant que «la levée de fonds progresse avec succès».
Il a en effet un gros poisson en vue : le richissime émirat gazier du Qatar. La cible est idéale. Sarkozy est un très proche de l’émir, Hamad ben Khalifa al Thani (1). Il l’a séduit en l’invitant au défilé du 14 juillet 2007. Depuis, Sarkozy a fait du Qatar le pilier de la diplomatie française au Moyen-Orient, les deux pays multipliant les services rendus : libération des infirmières bulgares en Libye, guerre contre Kadhafi, organisation du Mondial de foot au Qatar, exonérations fiscales des investissements de l’émirat dans l’Hexagone… A la mi-novembre, les négociations progressent entre LGI et le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA). Cela tombe bien, Sarkozy est invité par l’émir à s’exprimer le 11 décembre au Forum mondial du sport de Doha. Le 4 décembre, Sarkozy envoie un mail aux patrons de QIA et de Qatar Holdings : il demande à les voir «afin de lever les derniers points en suspens pour que nous puissions signer la lettre d’engagement le même jour». Rendez-vous est pris le 10 décembre à 8 h 30. Le 9 décembre, Sarkozy et une partie de son équipe s’envolent pour Doha à bord d’un Falcon 7X, le modèle le plus luxueux de chez Dassault, affrété par Lov Group pour 102 000 euros. L’investissement paye. Le 10 décembre, QIA signe une lettre d’intention dans laquelle il se dit «enchanté» de s’engager, sous conditions, à investir 200 millions d’euros. Ce document montre le rôle majeur de Sarkozy : il est l’un des trois signataires, avec Courbit et un dirigeant du fonds qatari. Si ce deal n’a rien d’illégal, il pose un problème éthique. L’émir a-t-il voulu acheter un ancien président français, avec l’espoir qu’il le redevienne ? A l’époque, Sarkozy n’y a pas vu malice. «Il pensait qu’il lui suffirait de se retirer de Columbia si jamais il voulait reprendre sa carrière politique», raconte un proche du dossier.
«Impatient». Après ce succès, Sarkozy embarque pour New York avec Carla Bruni, le 30 janvier 2013, à bord d’un Falcon 900EX, affrété par Lov Group pour 95 000 euros. Le lendemain, il intervient lors d’une conférence à Greenwich, à côté de New York, par Goldman Sachs, en présence du patron de la banque. Le 1er février, le Falcon et un hélicoptère l’emmènent au Canada, où il déjeune chez le milliardaire Paul Desmarais (2), première fortune du Québec. Sarkozy veut convaincre cet ami intime d’investir dans Columbia.
Un mois plus tard, Sarkozy profite encore d’une conférence. Il doit causer le 27 février 2013 au Global Financial Markets Forum à Abou Dhabi, terrain favorable car, le 26 mai 2009, le président Sarkozy y avait inauguré une base militaire permanente française. Le 26 février, Sarkozy et une partie de son équipe prennent un Bombardier Global Express, affrété 104 000 euros par Lov Group. L’ex-président et Courbit ont rendez-vous avec Khaldoon el Mubarak, PDG de Mubadala, le fonds souverain de l’émirat. Sarkozy tente aussi de décrocher un rendez-vous avec le prince héritier, Mohammed ben Zayed al Nahyane, ministre de la Défense et frère de l’émir - les mails ne disent pas si la rencontre a eu lieu. Mais le voyage a payé. Le 4 mars, le PDG de Mubadala écrit à Courbit qu’il est «très impatient de poursuivre selon le calendrier prévu et d’établir ce partenariat» avec Columbia.
«Par devoir». Columbia souhaitait signer l’ensemble des pré-engagements fin mars 2013, pour un lancement d’ici la fin juin. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Le 19 février, Courbit est mis en examen pour «escroquerie» et «recel d’abus de faiblesse» dans l’affaire Bettencourt, suite à l’investissement de 143,5 millions d’euros de la milliardaire dans LGI. Pour les partenaires potentiels de Columbia, c’est la douche froide. «Les investisseurs ont considéré qu’il y avait un risque et n’ont pas voulu l’assumer. En quinze jours, il est devenu évident que Columbia était mort», raconte un initié.
Sarkozy n’a donc pas eu à choisir entre affaires et politique. Mais il s’était déjà mis à douter. «Il avait un peu levé le pied», indique un financier. Il y a eu la guerre Copé-Fillon de 2012, qui l’a convaincu qu’il était le seul recours. La polémique déclenchée fin janvier 2013 par les révélations de Mediapart sur Columbia, qui lui a fait réaliser qu’il ne pourrait pas revenir si le fonds était lancé. Et enfin l’affaire Bettencourt, qui le rattrape lui aussi (3). La fuite des investisseurs a-t-il cristallisé sa réflexion ? Dans les derniers jours de février, au moment où Columbia bat de l’aile, Sarkozy se confie à Valeurs Actuelles pour la première fois depuis sa défaite. Dans l’article, publié le 7 mars, Sarkozy déclare qu’il sera peut-être «obligé» de revenir en politique «par devoir».
Reste à savoir ce que deviendra l’affaire au niveau judiciaire, dont l’avocat général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a requis la validité ce lundi, y compris sur les vols empruntés par Sarkozy. De son côté, si son enquête est validée, la juge Saunier-Ruellan peut soit estimer qu’il n’y a rien d’illégal. Ou, si elle soupçonne un délit, elle peut transmettre les faits au procureur. Selon le parquet de Marseille, ce n’était pas le cas ce lundi. Joint par Libération, Courbit et Minc n’ont pas souhaité commenter. Dans l’entourage de Sarkozy, on confirme sa participation à Columbia, précisant que le fonds est resté «au stade de projet».
(1) Il a abdiqué le 25 juin 2013 au profit de son fils Tamim.
(2) Il est décédé le 8 octobre 2013.
(3) Sarkozy a été mis en examen le 21 mars 2013 avant de bénéficier d’un non-lieu. Stéphane Courbit a été renvoyé en correctionnelle.