La semaine dernière, après quelques journées
hallucinantes qui ont foudroyé François Hollandeà l'Elysée et abimé encore davantage son
quinquennat, Nicolas Sarkozy a rejoué à l'exercice ce weekend tandis que les
Jeunes de l'UMP se réunissaient à Nice pour leur "Campus UMP". Il faudrait oublier
les 5 "premières"
années, considérer
que le Bling-Bling, les scandales,
l'argent-roi, les 10 mois de "débat" islamophobes et xénophobes
sur l'identité nationale, les 600
milliards d'euros de dette publique supplémentaires, l'affaiblissement
international du pays et bien d'autres choses encore, n'étaient finalement pas
grand chose. On pouvait entendre Franck
Louvrier, son ancien directeur de communication nous rassurer: "Nicolas Sarkozy est le seul à pouvoir rassembler le pays face à
la montée des extrêmes". Dimanche, ce fut Christian Estrosi, député-maire de Nice
qui se mit à l'ouvrage:
"J'appelle
ici, à Nice, Nicolas Sarkozy pour qu'il reprenne la direction de notre
mouvement. Je serai à ses côtés." Dimanche soir, il y eut le Figaro, encore, pour qualifier Sarkozy de "tigre"
quand on pensait au loup, prédateur, ou à la hyène, rapace. Sarkozy se montre
sur tous ses lieux de vacances.
Ces appels sont coordonnés. Nicolas Sarkozy cherche le bon
moment. Finalement, il devrait concourir à la présidence de l'UMP. C'est
habile, très habile, et inévitable. Habile, car ses deux plus vigoureux rivaux
pour la présidentielle de 2017, Alain Juppé et François Fillon, ont renoncé à
cette présidence pour se consacrer à l'autre. Fillon a expliqué que la tête de
l'UMP devait être neutre pendant les primaires. Quelle
grave erreur En matière de combat politique, Juppé et Fillon se révèlent
piètres stratèges. Car
face à lui, Sarkozy n'a donc qu'un Bruno Le Maire trop calme et centriste pour
l'emporter, et l'inconnu Hervé Mariton, ancien villepiniste sarko-compatible.
Bref, Sarkozy va gagner la présidence de l'UMP avec un score nord-coréen.
Ensuite, en pleine possession d'un parti qu'il a déjà réussi à mettre à son
service en 2004 pour la conquête de 2007 - à l'époque, contre l'avis même de
Jacques Chirac - Nicolas Sarkozy éteindra les candidatures de Juppé et de
Fillon.
Dimanche,
Sarkozy dévoile son angle d'attaque contre le maire de Bordeaux. Ce sera l'âge,
ni plus ni moins.
"Juppé a beaucoup de qualités, mais il aura
72 ans en 2017"
L'homme providentiel
Sarkozy se voudrait de Gaulle.
1. De Gaulle avait un grand bilan,
rassembleur et libérateur, Sarkozy en a autre, clivant et ravageur. De Gaulle revint après une crise nationale sans
précédent, Sarkozy est l'une des causes de notre crise nationale sans
précédent.
2. De Gaulle n'avait pas de casseroles,
Sarkozy trimballe un service. Le récent ouvrage de Pierre Péan et Vanessa Ratignier, "la France sous influence ",
est la dernière étape effarante sur le chemin de la vérité, 3 millions d'euros
auraient été versés par l'émir du Qatar pour régler le divorce de Nicolas avec
Cécilia en octobre 2007.
Qu'un président de
la République soit ainsi acheté en plein exercice par un émir ne
surprend ni ne gêne visiblement personne parmi ses anciens supporteurs. Quand on appelle un
homme providentiel au sommet de l'Etat, on s'assure qu'il n'a pas un goût
trop prononcé pour l'argent et les dorures.
3. L'appel à l'homme providentiel, sans programme autre que lui même, est non seulement
anti-démocratique, mais surtout voué à
l'échec dans la période sur-informée et multi-polaire du moment. A
l'exception de quelques autocraties puissantes (la Russie) ou arriérées (les émirats), on cherche les preuves d'une formule qui à
défaut d'être démocratique serait gagnante.
C’ est le signal d'un rétrécissement de la pensée politique, une paresse qui paraît cette fois collective. On
ne s'interroge plus sur le programme ni les conditions politiques nécessaires
pour l'appliquer (et notamment les alliances, problème crucial et sous-évalué à
gauche tant chez Hollande que chez ses opposants de gauche), on se fie aux
talents du chef, à son instinct, on se fiche qu'il change d'avis ni qu'il ne
respecte sa parole ou ses promesses, puisqu'il "sait ce qu'il
fait".
Sarkozy démarchait les milliardaires
aux frais de son ami Courbit
Selon Libération, les
déplacements en jet privé de l'ex-président payés par son ami Stéphane Courbit
avaient bien un lien avec la création d'un fonds d'investissement.
Le
quotidien Libération a eu accès à des documents qui montrent que
l’ex-président, fort de son carnet d’adresses, a démarché émirs et
milliardaires pour financer Columbia, le projet de fonds d’investissements
conduit avec Stéphane Courbit. Lorsque Mediapart avait révélé l’existence du fonds en janvier 2013, l’entourage
de Sarkozy avait démenti.
Dans le cadre du dossier Air Cocaïne, une juge d'instruction
marseillaise est tombée sur trois voyages en jet privé à New York, Doha et Abou
Dhabi, de Nicolas Sarkozy, réglés, à hauteur de 301 000 euros, par Lov
Group Industrie (LGI), la société de son ami Stéphane Courbit. Selon Libération, les déplacements de l'ex-président
payés par son ami avaient bien un lien avec la création d'un fonds
d'investissement. Nicolas Sarkozy profitait de son activité de conférencier de
luxe pour démarcher des milliardaires pour financer Columbia. Il ne s'agirait
donc pas d'abus de biens sociaux et de recel. Mais ces documents laissent
intacte la question du conflit d'intérêts.
Le 9 décembre 2012, par exemple, Sarkozy
et une partie de son équipe s’envolent pour Doha à bord d’un Falcon 7X, le
modèle le plus luxueux de chez Dassault, affrété par Lov Group pour
102 000 euros. Sarkozy doit rencontrer le richissime émir, Hamad ben
Khalifa al-Thani. Trois jours plus tard, le fonds souverain Qatar Investment
Authority (QIA) signe une lettre d’intention dans laquelle il s’engage,
sous conditions, à investir 200 millions d’euros. « Si ce deal n’a rien d’illégal, il
pose un problème éthique,souligne Libération. L’émir a-t-il voulu acheter un ancien
président français, avec l’espoir qu’il le redevienne. »
Quant au deuxième voyage, il s'agit d'un
déplacement à New York avec Carla Bruni, le 30 janvier 2013, à bord d’un Falcon
900EX, affrété par Lov Group pour 95 000 euros, qui a ensuite permis à
Nicolas Sarkozy de rencontrer au Canada son ami le milliardaire Paul Desmarais,
première fortune du Québec. Enfin, le 26 février 2013, Sarkozy et une partie de
son équipe prennent un Bombardier Global Express, affrété 104 000 euros
par Lov Group. L’ex-président et Courbit ont rendez-vous avec Khaldoon el
Mubarak, PDG de Mubadala, le fonds souverain de l’émirat. Là encore, le voyage
a payé. Le 4 mars, le PDG de Mubadala écrit qu’il est « très impatient de poursuivre selon le calendrier prévu et
d’établir ce partenariat » avec Columbia.
"La
politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les
sert."
Voltaire
ENQUÊTE
«Libération» a eu accès aux documents prouvant que
l’ex-président, fort de son carnet d’adresses, a démarché émirs et
milliardaires pour financer Columbia, le projet de fonds d’investissements
conduit avec Stéphane Courbit.
C’est une nouvelle affaire dont Nicolas Sarkozy se
serait bien passé. Ainsi, l’ex-président a effectué trois voyages en jet privé
à New York, Doha et Abou Dhabi, payés 301 000 euros par Lov Group
Industrie (LGI), la société de son ami Stéphane Courbit. A ce stade, la juge
marseillaise Christine Saunier-Ruellan enquête sur ces faits découverts dans le
cadre d’un autre dossier. Les documents saisis par la police au siège de LGI,
auxquels Libération a
eu accès, montrent que les voyages correspondent aux recherches de fonds de
l’ancien président, qui avait monté en 2012 avec Courbit un projet de
fonds d’investissement baptisé Columbia. Ces documents retracent l’histoire secrète de l’homme d’affaires
Sarkozy, prêt à user de son influence d’homme d’Etat pour faire fortune. Au
point d’avoir obtenu un engagement de 200 millions d’euros du Qatar, avant que
Columbia ne capote.
«Attrait». Tout
est parti de l’affaire «Air Cocaïne», ce Falcon rempli de coke saisi en
République dominicaine. Au siège de l’affréteur de l’avion, les policiers
découvrent dix factures payées par LGI, dont trois concernant Nicolas
Sarkozy. Le 3 février, la juge Saunier-Ruellan demande à l’Office central
pour la répression de la grande délinquance financière d’enquêter sur les «flux financiers» liés à ces
factures. Puis elle saisit les policiers de la Brigade financière parisienne.
Lesquels perquisitionnent début août le siège de LGI à Paris, puis entendent
Stéphane Courbit comme témoin le 20 août. Le patron de Lov déclare qu’il
n’y a rien d’illégal. Selon lui, les vols étaient liés à Columbia, ce que
confirment les documents saisis. Lorsque Mediapart avait révélé l’existence
du fonds en janvier 2013, l’entourage de Sarkozy avait démenti. Pourtant,
tout était vrai.
L’histoire commence à l’automne 2012. L’idée est
venue d’Alain Minc et de Stéphane Courbit, deux proches de l’ex-président.
Minc, conseiller et homme d’influence des grands patrons, compte Courbit parmi
ses clients. Lequel a fait fortune dans la télé-réalité (Loft Story) avant de fonder Lov,
présente dans l’audiovisuel, les paris en ligne, l’hôtellerie et l’énergie.
Minc et Courbit se disent qu’avec sa force de conviction et son carnet
d’adresses Sarkozy ferait un homme d’affaires idéal. Ils lui proposent de
monter un fonds qui investirait dans des entreprises européennes. Sarkozy n’a
jamais caché sa fascination pour les patrons et leur fortune. Encore sonné par
sa défaite à la présidentielle, il se laisse tenter. «A l’époque, il ne voulait plus du tout
revenir en politique et redécouvrait l’attrait de l’argent», raconte un
proche. Il pose deux conditions. Personne ne sera payé avant le lancement. Et
les investissements en France se limiteront à l’immobilier, pour éviter les
conflits d’intérêts.
Le fonds sera basé au Luxembourg, avec des bureaux au
Grand-Duché, à Londres, puis de «petits
bureaux» à Paris et à Madrid. Sarkozy et ses associés seront
rémunérés en fonction des bénéfices. Courbit est la cheville ouvrière : son
groupe LGI sera l’opérateur du fonds et investira au moins 25 millions
d’euros. Minc recrute des figures européennes des affaires qui siégeront avec
lui au comité d’investissement. Sarkozy sera, lui, «président of the advisory committee», c’est-à-dire conseiller
en chef et tête de gondole. «C’était la locomotive», précise
un financier au fait du dossier. Son job : draguer les très grandes fortunes et
les fonds souverains pour qu’ils lui confient leur argent. Columbia espère
gérer 500 millions à 1 milliard d’euros.
«Tour du monde». Sarkozy vient de se lancer dans
le métier de conférencier de luxe, à 100 000 dollars (77 000 euros)
l’intervention. Dans le plus grand secret, il profite de ces événements pour
faire de la retape. C’est le cas dès sa première conférence, le
11 octobre 2012 à New York. A l’hôtel Waldorf Astoria, il prend
langue avec Stephen Schwarzman, patron de Blackstone, l’un des plus gros fonds
américain. Le 20 novembre, Schwarzman envoie un mail à son «cher Nicolas» : «Je
sais que tu t’es lancé dans un tour du monde pour lever de l’argent depuis
qu’on s’est rencontré au Waldorf.» Il lui propose une «coopération informelle» et
d’éventuels «co-investissements». «Ce serait un plaisir», répond
Sarkozy, précisant que «la levée
de fonds progresse avec succès».
Il a en effet un gros poisson en vue : le richissime émirat gazier du Qatar. La
cible est idéale. Sarkozy est un très proche de l’émir, Hamad ben Khalifa al
Thani (1). Il l’a séduit en l’invitant au défilé du
14 juillet 2007. Depuis, Sarkozy a fait du Qatar le pilier de la
diplomatie française au Moyen-Orient, les deux pays multipliant les services
rendus : libération des infirmières bulgares en Libye, guerre contre Kadhafi,
organisation du Mondial de foot au Qatar, exonérations fiscales des
investissements de l’émirat dans l’Hexagone… A la mi-novembre, les négociations
progressent entre LGI et le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA).
Cela tombe bien, Sarkozy est invité par l’émir à s’exprimer le 11 décembre
au Forum mondial du sport de Doha. Le 4 décembre, Sarkozy envoie un mail
aux patrons de QIA et de Qatar Holdings : il demande à les voir «afin de lever les derniers points en
suspens pour que nous puissions signer la lettre d’engagement le même jour».
Rendez-vous est pris le 10 décembre à 8 h 30. Le 9 décembre, Sarkozy
et une partie de son équipe s’envolent pour Doha à bord d’un Falcon 7X, le
modèle le plus luxueux de chez Dassault, affrété par Lov Group pour 102
000 euros. L’investissement paye. Le 10 décembre, QIA signe une
lettre d’intention dans laquelle il se dit «enchanté» de s’engager, sous conditions, à investir
200 millions d’euros. Ce document montre le rôle majeur de Sarkozy : il
est l’un des trois signataires, avec Courbit et un dirigeant du fonds qatari. Si ce deal n’a rien d’illégal, il pose un
problème éthique. L’émir a-t-il voulu acheter un ancien président français,
avec l’espoir qu’il le redevienne ? A l’époque, Sarkozy n’y a pas vu malice. «Il pensait qu’il lui suffirait de se
retirer de Columbia si jamais il voulait reprendre sa carrière politique»,
raconte un proche du dossier.
«Impatient». Après ce succès, Sarkozy embarque
pour New York avec Carla Bruni, le 30 janvier 2013, à bord d’un Falcon
900EX, affrété par Lov Group pour 95 000 euros. Le lendemain, il
intervient lors d’une conférence à Greenwich, à côté de New York, par Goldman
Sachs, en présence du patron de la banque. Le 1er février, le
Falcon et un hélicoptère l’emmènent au Canada, où il déjeune chez le
milliardaire Paul Desmarais (2), première fortune du Québec. Sarkozy veut
convaincre cet ami intime d’investir dans Columbia.
Un mois plus tard, Sarkozy profite encore d’une
conférence. Il doit causer le 27 février 2013 au Global Financial
Markets Forum à Abou Dhabi, terrain favorable car, le 26 mai 2009, le
président Sarkozy y avait inauguré une base militaire permanente française. Le
26 février, Sarkozy et une partie de son équipe prennent un Bombardier
Global Express, affrété 104 000 euros par Lov Group. L’ex-président et
Courbit ont rendez-vous avec Khaldoon el Mubarak, PDG de Mubadala, le fonds
souverain de l’émirat. Sarkozy tente aussi de décrocher un rendez-vous avec le
prince héritier, Mohammed ben Zayed al Nahyane, ministre de la Défense et frère
de l’émir - les mails ne disent pas si la rencontre a eu lieu. Mais le voyage a
payé. Le 4 mars, le PDG de Mubadala écrit à Courbit qu’il est «très impatient de poursuivre selon le
calendrier prévu et d’établir ce partenariat» avec Columbia.
«Par devoir». Columbia souhaitait signer
l’ensemble des pré-engagements fin mars 2013, pour un lancement d’ici la
fin juin. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Le 19 février, Courbit est mis en examen pour «escroquerie» et «recel d’abus de faiblesse» dans
l’affaire Bettencourt, suite à l’investissement de 143,5 millions
d’euros de la milliardaire dans LGI. Pour les partenaires potentiels de
Columbia, c’est la douche froide. «Les
investisseurs ont considéré qu’il y avait un risque et n’ont pas voulu
l’assumer. En quinze jours, il est devenu évident que Columbia était mort»,
raconte un initié.
Sarkozy n’a donc pas eu à choisir entre affaires et
politique. Mais il s’était déjà mis à douter. «Il avait un peu levé le pied», indique un financier. Il y a eu
la guerre Copé-Fillon de 2012, qui l’a convaincu qu’il était le seul recours.
La polémique déclenchée fin janvier 2013 par les révélations de Mediapart sur Columbia, qui lui
a fait réaliser qu’il ne pourrait pas revenir si le fonds était lancé. Et enfin
l’affaire Bettencourt, qui le rattrape lui aussi (3). La fuite des
investisseurs a-t-il cristallisé sa réflexion ? Dans les derniers jours de
février, au moment où Columbia bat de l’aile, Sarkozy se confie à Valeurs Actuelles pour la
première fois depuis sa défaite. Dans l’article, publié le 7 mars, Sarkozy
déclare qu’il sera peut-être «obligé»
de revenir en politique «par devoir».
Reste à savoir ce que deviendra l’affaire au niveau
judiciaire, dont l’avocat général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a requis
la validité ce lundi, y compris sur les vols empruntés par Sarkozy. De son
côté, si son enquête est validée, la juge Saunier-Ruellan peut soit estimer
qu’il n’y a rien d’illégal. Ou, si elle soupçonne un délit, elle peut
transmettre les faits au procureur. Selon le parquet de Marseille, ce n’était
pas le cas ce lundi. Joint par Libération, Courbit
et Minc n’ont pas souhaité commenter. Dans l’entourage de Sarkozy, on confirme
sa participation à Columbia, précisant que le fonds est resté «au stade de projet».
(1) Il a abdiqué le 25 juin 2013 au profit de son fils
Tamim.
(2) Il est décédé le 8 octobre 2013.
(3) Sarkozy a été mis en examen le 21 mars 2013 avant
de bénéficier d’un non-lieu. Stéphane Courbit a été renvoyé en correctionnelle.