jeudi 28 novembre 2013

le retour du plombier polonais



Travailleurs détachés :

le retour du plombier polonais


Michel Sapin a dévoilé mercredi un plan de lutte 

contre le dumping

des travailleurs européens à faible coût social.




L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ;
leur unique objectif est le gain.

Napoléon Bonaparte


Sur internet, les agences spécialisées prospèrent. Intérim + Pologne ? En un clic, la solution jaillit. "Nous vous proposons : la mise à disposition de travailleurs intérimaires polonais, ce conformément à l'article 1262-1du Code du Travail, dit, par exemple, la page d'accueil de LM Europe, officine basée à Cracovie. Vous n'avez aucune formalité à accomplir. Pas de bulletin de salaire, pas de déclaration Urssaf, pas de cotisations sociales. Les règlements se font sur la base d'une facture hebdomadaire." Il suffit d'adresser une demande par mail pour engager maçons, aides-maçons, coffreurs, gaineurs, calorifugeurs, plombiers, monteurs de maison en bois, charpentiers, carreleurs, plaquistes... Et tout autre corps de métier du bâtiment. 
"Nous vous fournissons du 'clés en main', jure Nicolas Joly, l'intermédiaire français de LM Europe. Vous ne payez rien en France, tout en Pologne, sauf les cotisations sociales qui sont celles du pays en question, bien inférieures aux vôtres. Et nous vous adressons une facture. Vous n'avez pas à payer les heures supplémentaires. Pour nous, l'heure coûte 16 euros minimum, tout dépend de la qualification du salarié. Chez vous, le minimum, c'est 28 euros. Nous avons des centaines de clients. Ils sont tous satisfaits. Nous ne prenons pas le travail des Français, c'est une main-d’œuvre que vous n'avez pas !"

Rémunérations inférieures au smic horaire

Pas de doute, le plombier polonais est de retour. En toute légalité, et en vertu d'une directive européenne totalement obsolète de 1996, des salariés polonais, mais aussi roumains, hongrois, espagnols ou portugais sont ainsi exploités en France, en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg. On les appelle pudiquement les "travailleurs détachés". En principe, ils triment aux conditions de leur pays d'origine en touchant la rémunération du pays d'accueil pendant une durée déterminée (vingt-quatre mois maximum). Dans la pratique, la fraude est massive. Et les rémunérations, abusivement calculées en fonction du pays d'origine, souvent nettement inférieures au smic horaire...
Combien sont-ils ? En 2011, la Commission européenne estimait leur nombre à 1,5 million en Europe, dont 145.000 en France, en augmentation de 17% en un an. Crise oblige, le mouvement s'est encore amplifié. Impossible d'obtenir des statistiques exactes, tant le travail au noir est répandu. Mais certains spécialistes estiment que la France recourt aujourd'hui à 300.000 salariés détachés.

"Esclaves modernes"

Les secteurs privilégiés ? Le transport, le bâtiment et l'agroalimentaire. Pour le député socialiste Gilles Savary coauteur d'un rapport sur ce sujet (1), ce sont des "esclaves modernes". Ignorant de leurs droits, ne parlant pas la langue du pays où ils travaillent, terrorisés par la peur de témoigner et d'être ensuite licenciés, "ils peuvent dormir dans des hangars ou sur une simple paillasse, être nourris de boîtes de conserve pendant des semaines". Bref, ce sont des salariés low costhttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png victimes du dumping social. Selon un autre rapport, rédigé par le sénateur communiste Eric Bocquet (2), le nombre de "travailleurs détachés", provenant essentiellement des pays d'Europe de l'Est, a bondi de 45% depuis 2004 !
La controverse suscitée par la directive Bolkestein, du nom de l'ancien commissaire européen à l'union douanière, qui projetait de libéraliser l'offre de service au sein de l'Union, n'a rien changé. En 2005, le spectre d'un dumping social généralisé avait provoqué le rejet du projet de traité constitutionnel. Dans le même mouvement, la proposition dite Bolkestein avait été retoquée... Un coup de semonce dans un ciel européen déjà très chargé. Mais le business de la main-d'oeuvre à "bas coût", lui, a continué de s'étendre en vertu de la directive de 1996. 
En France, le sujet qui fâche ressurgit avec la suppression de 900 emplois chez Gad, abattoir breton concurrencé par des opérateurs allemands qui ne garantissent aucun salaire minimum aux travailleurs venus de l'Est. Une concurrence déloyale ? Poussée par ses nouveaux alliés sociaux-démocrates, la chancelière va-t-elle enfin instaurer un smic "à la française" ? "Chez nous, explique l'économiste allemand Henrik Uterwedde, c'est un fait divers scandaleux qui a servi de déclic. En juin dernier, une baraque où logeaient des travailleurs polonais a brûlé. Il n'y a pas eu de blessés, mais l'opinion s'est révoltée."

Trafic de main-d'oeuvre

En Belgique, l'alerte est venue du transport routier. Une fédération patronale et une organisation syndicale d'outre-quiévrain ont même créé "un syndicat d'investigation", qui a repéré, vidéo à l'appui, les sociétés polonaises qui "font du trafic de main-d’œuvre". Prochaine expédition, le Portugal... Il y a urgence : le drame des travailleurs détachés s'annonce comme l'un des points chauds des prochaines élections au Parlement européen, en mai. "Comment voulez-vous que les citoyens aient une bonne image de la politique commune s'ils constatent que ce genre de pratiques déloyales et prédatrices sont tolérées par Bruxelles ?" s'interroge un parlementaire socialiste.
Laurent Dias les connaît bien, ces "esclaves modernes". Voilà cinq ans que ce responsable CGT de la Fédération nationale des Salariés de la Construction Auvergne sillonne les chantiers de la région, distribuant des tracts en polonais, en hongrois, en portugais, voire en mandarin, pour informer ces salariés de leurs droits. Il montre la fiche de paie de l'un d'entre eux, d'origine portugaise. En février dernier, celui-ci gagnait... 2,86 euros brut de l'heure, au lieu de 9,43 euros, le taux du smic horaire français ! Soit 410 euros par mois. Son employeur, lui, dépensait 145 euros de cotisations sociales. C'est tout.
En février dernier, il neigeait sur Clermont-Ferrand. Impossible de travailler. Eh bien, le salarié concerné n'a pas perçu d'indemnités pour cause d'intempéries. Il a attendu que le beau temps revienne, chez lui, dans un mobile home qu'il louait avec quelques camarades. L'an passé, Laurent Dias a croisé des employés polonais rémunérés à la tâche. Imaginez qu'un jour l'un de ces travailleurs détachés tombe malade. Il n'est pas couvert par une assurance maladie. "Dans ce cas-là, explique le responsable CGT, son employeur l'emmène chez un médecin qu'il paie au black et achète les médicaments." Un accident du travail ? Retour au pays, illico.

"Oui à la concurrence, mais à la loyale !"

Comment sortir de ce cercle vicieux sans faire d'entorse à la libre circulation des travailleurs européens ? Le 15 octobre, lors d'un conseil des ministres de l'Emploi de l'Union, Michel Sapin a refusé de parapher une nouvelle directive destinée à "lutter contre les détournements des règles du détachement en Europe". Comme d'ailleurs ses homologues allemand, espagnol, luxembourgeois, belge et hollandais. Ce texte, présenté par la présidence lituanienne, rendait "optionnelle" la responsabilité du donneur d'ordre en cas de bavure. Pour le ministre français du Travail, qui se veut le fer de lance des Européens sur ce sujet, cette responsabilité doit être une obligation. En attendant le prochain conseil des ministres de l'emploi des Vingt-Huit, en décembre, il multiplie les contrôles sur le terrain français.
Et si les chefs d'entreprise eux-mêmes montaient aujourd'hui au front ? "Oui à la concurrence, mais à la loyale !" tempête Didier Ridoret, président de la Fédération nationale du Bâtiment, qui compte parmi ses adhérents Bouygueshttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png et Vinci, les principaux maîtres-d'œuvre français - interrogés, ils n'ont pas souhaité nous répondre. "Demain, poursuit-il, si ça continue, c'est le secteur du bâtiment tout entier qui va se casser la figure." La Fédération a d'ailleurs lancé, le 4 novembre, une pétition à l'intention des autorités européennes pour que la prochaine directive soit ferme et sans ambiguïtés.

Enquête en cours

Bouygues et EDF en ont gardé un souvenir cuisant. En 2006, quand a démarré la construction de la centrale nucléaire de Flamanville, dans la Manche, Atlanco, un sous-traitant de Bouygues, était chargé de l'ingénierie civile de l'imposant complexe. Or cette société, basée en Irlande, avait créé une filiale à Chypre... pour envoyer des ouvriers polonais sur le chantier, avec un contrat de travail rédigé en anglais ! Le trafic a duré plusieurs années. Et puis, de bouche à oreille, la vérité s'est ébruitée. L'Urssaf s'en est mêlée. Une enquêtehttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png a été ouverte auprès du procureur de la République. Elle est toujours en cours, mais, entre-temps, les organisations syndicales et EDF ont rédigé un guide, désormais distribué à chaque nouvel entrant, qui détaille ses droits.
"C'était insupportable pour l'image de marque des deux boîtes, dit Jean-François Sobecki, coordinateur CGT des chantiers nucléaires. Et qu'on ne vienne pas nous dire que les Français ne voulaient pas de ces boulots-là. Un bus de l'emploi a circulé à l'époque dans toute la Manche. Aucun des candidats locaux n'avait été retenu." En période de chômage de masse, la bombe devrait être désamorcée d'urgence, sinon gare...


Ces « gens-là » n'ont jamais renoncé.
             Utilisant désormais les leviers financiers,                   Une caste confisque les fruits des efforts de tous,
Collectivisant les pertes et privatisant les bénéfices,
Ils ont simplement changé d'échelle. Elle est désormais planétaire. Et ils se gavent.
Face à cela, la gauche, qui n'a rien appris en plus de cent ans.
Rien.
Ni sur le fond, ni sur les méthodes, encore moins sur la nécessité  de la morale dans l'action.
Danielle Mitterrand


(1) "Le détachement des travailleurs : cheval de Troie du travailleur low costhttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png", avec la députée socialiste Chantal Guittet et le député UDI Michel Piron.
(2) "Le travailleur détaché, un salarié low costhttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png ?"

le racisme ordinaire dispose de multiples visages

Madame la Ministre,
Nous pensions que le 20e siècle nous avait enseigné le pire et que la conscience humaine saurait en tirer les indispensables leçons. La naissance de l’UNESCO, au lendemain de la Second Guerre mondiale, temps de barbarie et de crimes, portait un immense espoir et semblait indiquer que la sagesse des peuples et des nations allait enfin s’imposer.
Plus loin dans notre mémoire, par les échos des voix de Nelson Mandela et de Luther King, l’évocation de l’esclavage, génocide monstrueux jamais enregistré dans l’histoire des hommes, semblait nous inviter définitivement à affirmer l’égale dignité de tous les êtres humains, dans la reconnaissance de la richesse de leurs multiples diversités.
Les couloirs et les espaces du Palais de l’UNESCO offrent, à cet égard, l’immédiate possibilité d’une magnifique promenade au cœur de cette diversité humaine, mosaïque chatoyante de langues, de cultures, de talents et d’apparences.
C’est pourquoi nous tenons tant à conduire en ce lieu nos jeunes et moins jeunes adhérents. L’UNESCO, image vivante d’une humanité fraternelle, nuancée dans toutes ses richesses et sa complexité, voilà bien le sens et la force de notre loyauté à l’endroit de cette grande et belle organisation, quelles que soient ses limites et ses difficultés de l’heure.
Malheureusement, les imbéciles ne fréquentent guère l'UNESCO et, plus malheureusement encore, leurs voix, encouragées et manipulées par les marchands d’exclusion, se banalisent au cœur même de notre République, menaçant jusqu'à ses fondements mêmes.
Madame la Ministre, votre peau est noire et vous êtes femme de surcroît. Quelle impudence alors que d’être en charge des plus hautes responsabilités, celles de garantir la justice dans notre République ! Votre personne, Madame, est devenue aujourd’hui la cible symbolique des attaques racistes et xénophobes.
Il y a ceux qui relativisent, se disant que le pire n’est jamais sûr ; ceux qui, étrangement, confessent ne pas savoir comment répondre à ces assauts de stupidité haineuse. Il y a ceux qui se taisent…
Il y a ceux qui n’hésitent plus à revendiquer ouvertement leur racisme et nous sommes trop souvent horrifiés de découvrir chez le plus sympathique de nos voisins l’aveu des pensées les plus brutales, xénophobes et racistes.
Oh certes, le racisme ordinaire dispose de multiples visages et sait aussi se faire subtil et pernicieux. Ainsi cette anecdote rapportée par un ami. Sollicitant l’usage associatif de locaux publics, son interlocuteur, au demeurant courtois lors d’entretiens téléphoniques préliminaires, découvrant la couleur noire de sa peau, ne sut s’empêcher d’une mise en garde de circonstance : pas question de grillades de merguez dans les dits locaux… Une expression m’est venue pour caractériser de telles injures : "chronique de la vexation ordinaire".
Dans ce climat nauséabond où notre République pourrait s’abîmer, les clubs UNESCO français, pour modestes que soient leurs forces, ne seront pas silencieux. Souvenons-nous. L’histoire nous dit assez ce qu’il en a coûté à l’humanité de certains silences. L’horreur vient rarement d’un jet sinon par petites touches ; c’est la discrimination, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie qui ont été l’antichambre de l’extermination et du génocide.
Catastrophisme, exagération s’écrieront de belles âmes. Parce que nous nous voulons les héritiers de l’UNESCO, nous n’attendrons pas. Brecht déjà nous mettait en garde : "le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête immonde". Prenons garde à ne pas céder à l’apparence anodine des insultes.
Excès d’une enfant manipulée par la stupidité aveugle de ses parents, une couverture provocatrice mais sans conséquence d’un journal qui a fait de la haine de l'autre son fonds de commerce ordinaire. Nous ne voulons pas nous laisser abuser. Plus que jamais notre vigilance éducative et citoyenne doit être vive et ferme. Elle le sera. Mobilisant nos Clubs UNESCO, nous veillerons ardemment à ce que les ferments pernicieux du racisme ne viennent ruiner les esprits et les cœurs.
Aussi les clubs UNESCO de France veulent-ils, par la voix de leur Fédération, vous exprimer, madame la ministre, tout leur respect et leur indéfectible soutien.
Recevez, madame la ministre, les plus fraternelles de nos salutations.

Président des clubs Unesco (fédération française