jeudi 28 novembre 2013

le racisme ordinaire dispose de multiples visages

Madame la Ministre,
Nous pensions que le 20e siècle nous avait enseigné le pire et que la conscience humaine saurait en tirer les indispensables leçons. La naissance de l’UNESCO, au lendemain de la Second Guerre mondiale, temps de barbarie et de crimes, portait un immense espoir et semblait indiquer que la sagesse des peuples et des nations allait enfin s’imposer.
Plus loin dans notre mémoire, par les échos des voix de Nelson Mandela et de Luther King, l’évocation de l’esclavage, génocide monstrueux jamais enregistré dans l’histoire des hommes, semblait nous inviter définitivement à affirmer l’égale dignité de tous les êtres humains, dans la reconnaissance de la richesse de leurs multiples diversités.
Les couloirs et les espaces du Palais de l’UNESCO offrent, à cet égard, l’immédiate possibilité d’une magnifique promenade au cœur de cette diversité humaine, mosaïque chatoyante de langues, de cultures, de talents et d’apparences.
C’est pourquoi nous tenons tant à conduire en ce lieu nos jeunes et moins jeunes adhérents. L’UNESCO, image vivante d’une humanité fraternelle, nuancée dans toutes ses richesses et sa complexité, voilà bien le sens et la force de notre loyauté à l’endroit de cette grande et belle organisation, quelles que soient ses limites et ses difficultés de l’heure.
Malheureusement, les imbéciles ne fréquentent guère l'UNESCO et, plus malheureusement encore, leurs voix, encouragées et manipulées par les marchands d’exclusion, se banalisent au cœur même de notre République, menaçant jusqu'à ses fondements mêmes.
Madame la Ministre, votre peau est noire et vous êtes femme de surcroît. Quelle impudence alors que d’être en charge des plus hautes responsabilités, celles de garantir la justice dans notre République ! Votre personne, Madame, est devenue aujourd’hui la cible symbolique des attaques racistes et xénophobes.
Il y a ceux qui relativisent, se disant que le pire n’est jamais sûr ; ceux qui, étrangement, confessent ne pas savoir comment répondre à ces assauts de stupidité haineuse. Il y a ceux qui se taisent…
Il y a ceux qui n’hésitent plus à revendiquer ouvertement leur racisme et nous sommes trop souvent horrifiés de découvrir chez le plus sympathique de nos voisins l’aveu des pensées les plus brutales, xénophobes et racistes.
Oh certes, le racisme ordinaire dispose de multiples visages et sait aussi se faire subtil et pernicieux. Ainsi cette anecdote rapportée par un ami. Sollicitant l’usage associatif de locaux publics, son interlocuteur, au demeurant courtois lors d’entretiens téléphoniques préliminaires, découvrant la couleur noire de sa peau, ne sut s’empêcher d’une mise en garde de circonstance : pas question de grillades de merguez dans les dits locaux… Une expression m’est venue pour caractériser de telles injures : "chronique de la vexation ordinaire".
Dans ce climat nauséabond où notre République pourrait s’abîmer, les clubs UNESCO français, pour modestes que soient leurs forces, ne seront pas silencieux. Souvenons-nous. L’histoire nous dit assez ce qu’il en a coûté à l’humanité de certains silences. L’horreur vient rarement d’un jet sinon par petites touches ; c’est la discrimination, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie qui ont été l’antichambre de l’extermination et du génocide.
Catastrophisme, exagération s’écrieront de belles âmes. Parce que nous nous voulons les héritiers de l’UNESCO, nous n’attendrons pas. Brecht déjà nous mettait en garde : "le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête immonde". Prenons garde à ne pas céder à l’apparence anodine des insultes.
Excès d’une enfant manipulée par la stupidité aveugle de ses parents, une couverture provocatrice mais sans conséquence d’un journal qui a fait de la haine de l'autre son fonds de commerce ordinaire. Nous ne voulons pas nous laisser abuser. Plus que jamais notre vigilance éducative et citoyenne doit être vive et ferme. Elle le sera. Mobilisant nos Clubs UNESCO, nous veillerons ardemment à ce que les ferments pernicieux du racisme ne viennent ruiner les esprits et les cœurs.
Aussi les clubs UNESCO de France veulent-ils, par la voix de leur Fédération, vous exprimer, madame la ministre, tout leur respect et leur indéfectible soutien.
Recevez, madame la ministre, les plus fraternelles de nos salutations.

Président des clubs Unesco (fédération française

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