Madame
la Ministre,
Nous
pensions que le 20e siècle nous avait enseigné le pire et que la conscience
humaine saurait en tirer les indispensables leçons. La naissance de l’UNESCO, au
lendemain de la Second Guerre mondiale, temps de barbarie et de crimes, portait
un immense espoir et semblait indiquer que la sagesse des peuples et des nations
allait enfin s’imposer.
Plus
loin dans notre mémoire, par les échos des voix de Nelson Mandela et de Luther King, l’évocation de
l’esclavage, génocide monstrueux jamais enregistré dans l’histoire des hommes,
semblait nous inviter définitivement à affirmer l’égale dignité de tous les
êtres humains, dans la reconnaissance de la richesse de leurs multiples
diversités.
Les
couloirs et les espaces du Palais de l’UNESCO offrent, à cet égard, l’immédiate
possibilité d’une magnifique promenade au cœur de cette diversité humaine,
mosaïque chatoyante de langues, de cultures, de talents et
d’apparences.
C’est
pourquoi nous tenons tant à conduire en ce lieu nos jeunes et moins jeunes
adhérents. L’UNESCO, image vivante d’une humanité fraternelle, nuancée dans
toutes ses richesses et sa complexité, voilà bien le sens et la force de notre
loyauté à l’endroit de cette grande et belle organisation, quelles que soient
ses limites et ses difficultés de l’heure.
Malheureusement,
les imbéciles ne fréquentent guère l'UNESCO et, plus malheureusement encore,
leurs voix, encouragées et manipulées par les marchands d’exclusion, se
banalisent au cœur même de notre République, menaçant jusqu'à ses fondements
mêmes.
Madame
la Ministre, votre peau est noire et vous êtes femme de surcroît. Quelle
impudence alors que d’être en charge des plus hautes responsabilités, celles de
garantir la justice dans notre République ! Votre personne, Madame, est devenue
aujourd’hui la cible symbolique des attaques racistes et xénophobes.
Il
y a ceux qui relativisent, se disant que le pire n’est jamais sûr ; ceux qui,
étrangement, confessent ne pas savoir comment répondre à ces assauts de
stupidité haineuse. Il y a ceux qui se taisent…
Il
y a ceux qui n’hésitent plus à revendiquer ouvertement leur racisme et nous
sommes trop souvent horrifiés de découvrir chez le plus sympathique de nos
voisins l’aveu des pensées les plus brutales, xénophobes et racistes.
Oh
certes, le racisme ordinaire dispose de multiples visages et sait aussi se faire subtil et pernicieux.
Ainsi cette anecdote rapportée par un ami. Sollicitant l’usage associatif de
locaux publics, son interlocuteur, au demeurant courtois lors d’entretiens
téléphoniques préliminaires, découvrant la couleur noire de sa peau, ne sut
s’empêcher d’une mise en garde de circonstance : pas question de grillades de
merguez dans les dits locaux… Une expression m’est venue pour caractériser de
telles injures : "chronique de la vexation
ordinaire".
Dans
ce climat nauséabond où notre République pourrait s’abîmer, les clubs UNESCO
français, pour modestes que soient leurs forces, ne seront pas silencieux.
Souvenons-nous. L’histoire nous dit assez ce qu’il en a coûté à l’humanité de
certains silences. L’horreur vient rarement d’un jet sinon par petites touches ;
c’est la discrimination, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie qui ont
été l’antichambre de l’extermination et du génocide.
Catastrophisme,
exagération s’écrieront de belles âmes. Parce que nous nous voulons les
héritiers de l’UNESCO, nous n’attendrons pas. Brecht déjà nous mettait en
garde : "le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête
immonde". Prenons garde à ne pas céder à l’apparence anodine des
insultes.
Excès
d’une enfant manipulée par la stupidité aveugle de
ses parents, une couverture provocatrice mais sans conséquence d’un
journal qui a fait de la
haine de l'autre son fonds de commerce ordinaire. Nous ne voulons pas nous
laisser abuser. Plus que jamais notre vigilance éducative et citoyenne doit être
vive et ferme. Elle le sera. Mobilisant nos Clubs UNESCO, nous veillerons
ardemment à ce que les ferments pernicieux du racisme ne viennent ruiner les
esprits et les cœurs.
Aussi
les clubs UNESCO de France veulent-ils, par la voix de leur Fédération, vous
exprimer, madame la ministre, tout leur respect et leur indéfectible
soutien.
Recevez,
madame la ministre, les plus fraternelles de nos salutations.
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