vendredi 8 avril 2022

Le bal des lepénotrotskistes (farce) Par Jacques-Alain Miller Psychanalyste



François Fillon avait durant toute la campagne mis en avant son âge et son expérience pour se comparer avantageusement à son rival plus jeune et moins capé. Il n’a pas insisté. Dimanche soir, comme Benoît Hamon, il appela sans faire d’histoire à voter contre Marine Le Pen et pour Emmanuel Macron.

Une ribambelle de gens de droite le suivirent ou le précédèrent. Jean-Pierre Raffarin comme illuminé par le sentiment national dont il se faisait le porte-parole. Les gens de gauche ne firent aucune difficulté à se rallier.

Un seul fit exception. Un seul se nia à entrer dans le front républicain spontané qui se formait sous nos yeux pour faire barrage, selon le terme consacré, au FN et à sa cheffe. Son nom ?

Jean-Luc Mélenchon.

Certains de ses partisans, tout en reprenant les articulations de son raisonnement (à savoir : c’est la faute à la droite et au PS si MLP est au second tour ; nous n’avons rien à faire avec personne de cette droite ni avec personne de ce PS), certains mélenchoniens ont déclaré avoir décidé à titre personnel de voter Macron. C’est le cas en particulier de Gérard Miller, et je m’en réjouis, «à titre personnel» également. Mais tout laisse à penser que les Gérard Miller seront une minorité. La France insoumise dans sa masse votera blanc ou ne votera pas.

À l’exception notable, cependant, du Parti communiste. Celui-ci en effet, par une Déclaration datée du 23 avril, appelle à «barrer la route de la Présidence de la République à Marine Le Pen, à son clan et à la menace que constitue le Front national pour la démocratie, la République et la paix (…)» Ce sont ces mots que M. Mélenchon n’a pas réussi à s’arracher dimanche soir ni toute la journée du lendemain, ni le surlendemain.

Apostrophons le Parti. «Quousque tandem, vous, les communistes, héritiers d’une grande histoire, combien de temps, toi, Pierre Laurent, fils de ton père, combien de temps, vous, les cocos, les cocus, continuerez-vous de soutenir cet homme et ses amis qui vous bernent et vous roulent dans la farine et veulent vous entraîner avec eux dans leur impasse définitive ?»


J’en reviens à M. Mélenchon. Le grand babu M. Mélenchon, nouvelle Emma Bovary, rêve qu’il est Peron, qu’il est Chavez. Entre parenthèses, tous les deux étaient antisémites.                              

Peron fit de l’Argentine le havre de la SS en fuite. C’est à Buenos Aires que vivotait Eichmann lorsque le Mossad l’enleva pour le livrer à la justice de l’Etat juif.      Quant à Chavez, j’ai vu et entendu, de mes yeux vu, de mes oreilles entendu, sur YouTube, un discours de lui mettant Israël et les Israéliens au ban de l’humanité avec des accents dignes, non de Hitler, trop avisé pour traiter en public le thème de l’extermination, mais de Charlie Chaplin imitant Hitler.

Toujours est-il que M. Mélenchon et ses amis s’imaginent qu’ils sont désormais en position d’être le Surmoi de toute la gauche. Voyez comme ils paradent ces jours-ci en gonflant leurs biscotos. Je les imagine chanter pendant qu’ils descendent sur le pavé comme la Jeune Garde du temps jadis : «Nous les purs et durs. Nous les insoumis, nous les incorruptibles, nous les invincibles. Nous, capables d’envoyer les communistes au tapis et de les faire passer sous nos fourches caudines. Nous, les amis du peuple, nous le peuple lui-même

On est ici place de la Bastille où stationnent les 130 000 militants réunis par la Marche pour la VIe République, mais on pourrait être aussi bien dans le salon des femmes savantes de Molière : «Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis.» Et les autres ? Et nous ? Nous qui nous disons modestement de gauche sans avoir le label «j», l’appellation contrôlée de la France insoumise ? Eh bien, nous, nous sommes les soumis. Nous sommes les faibles, les dupes, les dévoyés, les indignes, les vendus, les embourgeoisés, les bourgeois. Haro sur nous ! Là, on se croirait dans l’immortel feuilleton radiophonique de Francis Blanche, Signé Furax, quand on chante : «Tout le monde y pue / Y sent la charogne/ Yaqu’le Grand Babu / Qui sent l’eau de Cologne.»

Le Grand Babu, dans toute cette affaire, à votre avis c’est qui ?

Le Surmoi de la gauche, sa «conscience morale» ou sa conscience politique, ce serait vous, les gars et les garces de la France insoumise ? Vous n’êtes rien de tel. Vous êtes même le contraire. En refusant dimanche soir de répudier sans phrase Le Pen et ses faux-semblants comme on répudie à son baptême Satan et ses pompes, vous êtes tous, tous autant que vous êtes, devenus des damnés.

Non pas «les damnés de la terre» du regretté Frantz Fanon. Les damnés de la gauche.

Aux dernières nouvelles, la France insoumise est devenue assez sûre d’elle-même, assez impudente, pour répandre l’équation «EM = MLP» (je m’appuie ici sur le témoignage spontané de Vanessa Sudreau, de Toulouse, voir le numéro 671 de Lacan Quotidien paru il y a deux jours).

C’est trop fort ! Cette France insoumise se croit tout permis. Elle ne tient plus en place. Elle se rend vraiment incommode. Elle a la rage. Elle va finir par booster la campagne de Marine et par mettre en danger la victoire de Macron.


 Le Lepénotrotskisme, une farce

Sans doute comprenez-vous mieux maintenant à quel spectacle la France, insoumis et soumis confondus, vont assisté en direct dimanche à la télévision. Visiblement sans le savoir, les protagonistes du 20 heures rejouèrent le soir du 23 avril 2017 la séquence politique qui précéda et suivit le Débarquement du 6 juin 1944.

Les circonstances, les noms, les êtres ont changé, mais la structure, les places, sont les mêmes. Là où c’était Lambert, c’est aujourd’hui Mélenchon. Là où c’était le Parti communiste internationaliste, c’est la France insoumise. Là où c’était les nazis, c’est le RN.

On se souvient de la phrase de Marx au début de son merveilleux petit livre, Le Dix-huit Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte : «Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce.»

Farce en effet que Mélenchon en tribun et mandataire du peuple, jouant simultanément les notaires scrupuleux ne pouvant déborder sous aucun prétexte du «mandat reçu.» Tour de force de l’art théâtral. Cela mériterait un César. .../...

Farce aussi que cette fille hommasse, fameuse parricide politique, jouant les pasionarias, non pas dans le style magnifique de Dolores Ibarruri, mais en reprenant le rôle de Jefa Espiritual de la Nacion – Cheffe Spirituelle de la Nation – jadis illustré par Eva Peron, elle mince et séduisante danseuse des bordels les plus chauds du Rio de la Plata.

Et farce enfin, farce énorme, farce burlesque, que Mélenchon «vêtu de probité candide et de lin blanc» expliquant la bouche pleine de mots qu’il n’avait pas à se prononcer sur le choix à faire au second tour de l’élection présidentielle. Voter blanc ? S’abstenir ? Voter Macron ? Voter Le Pen ? Non, non, non, il ne pouvait rien dire, rien de rien, il n’avait pas mandat pour cela. Le mandat, la plate-forme ; la plate-forme, le mandat. Il n’y avait pas à sortir de là.

Voilà l’homme qui se moquait naguère des «pudeurs de gazelle» de ses rivaux. Qui est donc cette gazelle aux pudeurs, cette gazelle aux chaleurs ? Cette gazelle, c’est lui, bien entendu.

Bref, on retiendra qu’une espèce nouvelle de myrmidons est née dimanche soir sous nos yeux : les lepénotrotskistes. .../...

Nous  les avons vus à l’œuvre durant cette campagne. Ce n’est pas une force négligeable. Il s’agit de militants hyperactifs comme les fourmis du mythe, adorant leur chef et d’une loyauté à toute épreuve, ce qui serait tout à leur honneur si seulement ce chef en avait, de l’honneur.

Macron, parlons-en. Car il n’y avait pas que Mélenchon pour s’être présenté à la télévision «vêtu de probité candide et de lin blanc», il y avait Macron.

Macron est lui aussi un personnage farcesque. Il est l’homme qui étend sa «bienveillance» à tous. Ainsi remercie-t-il tous ses rivaux un par un, les appelant par leur nom, et on sent bien que s’il connaissait leur petit nom, c’est celui-là qu’il utiliserait. Si on lui fait crédit, on dira qu’il pense sans doute vaincre MLP par la bienveillance, l’amour, le désarmement unilatéral. Marine est son prochain, il l’aimera comme lui-même. Et il ne semble pas s’aimer peu.

Cher Emmanuel Macron Par beaucoup de côtés, vous ne m’êtes pas antipathique. Bien qu’ayant beaucoup écrit durant cette campagne, bien que m’étant beaucoup moqué, j’ai constaté il y a quelques jours que vous aviez peu excité ma verve. J’en déduis que je dois vous apprécier plus loin que je ne sais. Est-ce votre beauté physique ? Est-ce le couple non conformiste que vous formez avec votre épouse Brigitte ? Est-ce la rumeur insistante qui fait de vous un bi ? Est-ce la bisexualité que vous touchez en moi comme chez beaucoup ? Peut-être. Je n’en suis pas sûr.

Ce dont en revanche je ne doute pas, c’est que vous soyez soutenu par ce «monde de la finance» que M. Hollande nous jurait de mettre au pas. Le truc de Hollande puait le truc, le toc, le mensonge. Pas d’histoire : n’ont été trompés que ceux qui voulaient l’être. Pour être cocu, il faut le vouloir. Ce n’est pas seulement la leçon de Freud, c’est celle de Molière, qui fait dire à son héros  : «Vous l’avez voulu ! Vous l’avez voulu, George Dandin ! Vous l’avez voulu ! Cela vous sied si bien et vous voilà ajusté comme il faut : vous avez justement ce que vous méritez…» «Taxe à 75 %», disait Hollande. «Révolution citoyenne», dit Mélenchon. Autant d’attrape-nigauds, autant de «hochets», avouait Bonaparte devenu Napoléon. Les Français veulent depuis toujours être cocufiés par leurs dirigeants. Ils les croient, déchantent, pleurnichent et râlent. De temps en temps, ils cassent tout.

Au moins, Emmanuel, on ne pourra vous reprocher de décevoir après votre élection car vous décevez déjà avant. Vous ne promettez rien, et surtout pas la lune, ni de la sueur et des larmes. 

La bienveillance ! Si vous aviez lu Jonathan Littell, vous sauriez, élève Macron, que, je cite Wikipédia, «le titre Les Bienveillantes renvoie à l’Orestie d’Eschyle dans laquelle les Érinyes, déesses vengeresses qui persécutaient les hommes coupables de parricide, se transforment finalement en Euménides apaisées.» Ça ne vous dit rien ? La France apaisée de Marine-la-parricide ? Vous ne voyez pas d’où ça sort ? Vous n’avez pas compris que si Marine joue les Euménides, c’est parce que toutes les nuits elle est tirée par les pieds et torturée par les Erinyes qui lui reprochent d’avoir sacrifié son père adoré à ses ambitions, à son goût immodéré du pouvoir ?

Se sachant traîtresse, elle est habitée par un profond sentiment de culpabilité qui la fragilise. Il faut la mettre sur le grill là-dessus, Macron, là-dessus. Et sur le fait qu’une fille ayant trahi son père ne saurait prétendre à gouverner un pays qui se distinguait entre tous sous la Monarchie d’exclure les femmes de la succession au trône (la loi salique). Alors, une femme président, oui, pourquoi pas, c’est l’époque qui veut ça. Mais surtout, surtout, pas une femme parricide. Ça ne pourrait que porter la poisse au beau Royaume de France – qu’on appelle République française pour faire croire qu’y règne l’égalité réelle des conditions (Tocqueville).

 Le candidat du fric quand je vois des gens de gauche tomber dans les pommes sous prétexte que la planète financière vote Macron, cela m’amuse. Qui en France a jamais été élu président de la Ve République contre le grand capital ? Qui ?

Êtes-vous ou n’êtes-vous pas le candidat que les milieux financiers se sont choisi, comme le déclarait dimanche soir le Parti communiste ? Tout indique que vous l’êtes. François Bayrou première époque ne disait pas autre chose avant de vous rejoindre.

Je suis d’accord et avec lui et avec le Parti, à ceci près que je suis persuadé que l’initiative vient de vous et non de je ne sais quels Treize (référence balzacienne) supposés savoir manipuler le monde comme Pierre Lambert jadis manipulait sa marionnette Jospin et sa marionnette Mélenchon pour qu’elles avancent ses affaires dans le Parti socialiste. Je dirai plus : celui qui croit que cela est concevable est tout sauf un marxiste. Président par un coup de main, président par un coup d’État, je ne dis pas. Mais président par les urnes ? Ce serait du jamais-vu. C’est d’ailleurs pourquoi le projet de «Révolution citoyenne» du sieur Mélenchon ne tient pas la route une seconde.

Emmanuel Macron, vous êtes condamné à être le candidat du fric. Vous avez voulu être candidat, vous l’avez été, vous avez réussi votre pari, vous êtes maintenant au second tour, votre réélection, le fric mise sur vous. C’est un fait, que cela vous plaise ou non.

À vrai dire, vous donnez plutôt l’impression que cela ne vous déplaît pas. 

Le fric choisit qui il veut, comme l’esprit souffle où il veut. Le fric choisit en fonction de ses intérêts de fric. En 1940, le fric était contre de Gaulle. En 1958, le fric était pour de Gaulle. De Gaulle, quant à lui, ne s’est jamais réduit à n’être que l’instrument du fric. Et puis, le fric s’est détourné de De Gaulle quand celui-ci s’est dit que, vu Mai 68, il serait bon pour le pays de réformer un petit peu l’entreprise au profit des «classes laborieuses» en introduisant sa rêveuse «participation». Alors le fondé de pouvoir de la finance tourna lentement son pouce vers le sol, et cria : «Tchao, De Gaulle !»

Je dis «lentement», mais en fait le «dégagisme» fut rapidissimo.

La force va à la force. Soyez fort face au RN. Ne cédez rien. Surtout pas de bienveillance. Pas de nuances. Pas de compréhension. Je ne parle pas des électeurs du RN, qui sont nos frères humains, mais de sa clique dirigeante, qui est la lie de la terre ou plutôt l’ennemie du genre humain. C’est elle qu’il convient de casser, de pulvériser «façon puzzle», comme on dit dans «Les Tontons flingueurs». Sa cheffe, il faut l’affronter et la vaincre, non pas la dorloter pour la consoler d’être moche quand vous êtes beau.

Ce n’est pas joué d’avance. Elle est Goliath, vous êtes David. Ajustez votre fronde et comptez sur le Dieu d’Israël, si je puis dire. Tout en sachant que bon nombre de juifs votent Le Pen. Je songe au livre demeuré célèbre de Curzio Malaparte, que j’ai beaucoup pratiqué, Technique du coup d’état. Vous, Emmanuel Macron, quand vous aurez gagné la finale, vous serez reconnu comme un grand maître de la prise du pouvoir en régime démocratique. Mais vous n’y êtes pas encore. C’était un peu tôt pour festoyer dimanche soir à la Rotonde. Au moins Nicolas Sarkozy avait-il attendu d’être élu avant de gobichonner au Fouquet’s.

Je crains surtout que cela ne soit le signe que vous inclinez à vendre prématurément la fameuse peau de l’ourse (je dis : ourse). Et les femelles de l’espèce ont la réputation d’être plus redoutables que les mâles. 

Cognez Marine Le Pen. Cognez aussi son clan. Dites bien qu’il est composé d’admirateurs de Hitler. Ne négligez pas de cogner le lepénotrotskisme qui s’étend tous les jours davantage dans la jeunesse comme une maladie infectieuse. 

Conformément à la malédiction destinale qui le voue à répéter indéfiniment la faute de son maître, l’hitlérien Lambert, Mélenchon est obligé de rechercher tous les moyens propres à désarmer la jeunesse. Lui et ceux qui le suivent ne savent plus quoi inventer pour ligoter les jeunes et les détourner de résister et de combattre. «Ils se valent !» disait Lambert, quand Résistants et Alliés étaient aux prises avec les troupes d’occupation. «Ils se valent !» répète Mélenchon en vous pointant du doigt, vous et Marine Le Pen, alors que vous allez vous affronter tous les deux dans un combat à mort (électoral s’entend)

Quoiqu’il en soit, cher Emmanuel Macron, quel que soit le cas que vous ferez de mes conseils, je voterai MACRON, parce que c’est tout ce que nous avons entre les mains, un bulletin de vote à votre nom. Le pouvoir est au bout du fusil, certes, mais prendre en main un fusil aujourd’hui, ce serait incongru, fou, hautement condamnable.

Je ferai campagne pour que la jeunesse vote MACRON.

Je cognerai MLP même si vous vous refusez à le faire.

Je cognerai aussi JLM. En effet, à mon avis, éradiquer le mélenchonisme sous toutes ses formes est la condition sine qua non de la renaissance d’une gauche qui en soit une.


mercredi 6 avril 2022

 

Les rapports qui nous parviennent ce soir font état d’enfants violés, puis tués devant leurs parents. Je n’ose même pas partager les photos qui y figurent tellement c’est abject. Et nous, bien à l’abri, nous avons des débats sans fin sur le gaz et le pétrole, les armes qu’on doit ou ne doit pas envoyer à la résistance ukrainienne… Comment l’Histoire nous jugera-t-elle? Comment l’Histoire jugera ces dirigeants européens incapables de décider d’arrêter les importations d’hydrocarbures qui financent cette guerre? Et comment jugera-t-elle ces candidats à la Présidence de la République française qui ont érigé ce tyran fasciste en modèle politique et idéologique?


Massacres de Bucha: les tergiversations européennes ont assez duré, le moment est venu d’arrêter de financer la machine de mort du Kremlin, de mettre fin aux importations de gaz et de pétrole russes, d’augmenter nos livraisons d’armes aux Ukrainiens et de ne plus passer son temps chercher « une porte de sortie honorable » à Poutine. Nous avons abandonné les Tchétchènes, puis les Géorgiens, puis les Syriens, sans parler des opposants russes ou biélorusses, pour ne pas « provoquer Poutine » et ne pas « humilier la Russie ».
Ce n’est pas notre arrogance qui a nourri les élans guerriers du Kremlin toutes ces années, c’est notre faiblesse.
Face à un fasciste, toute compromission est une invitation à l’agression.
Face au fascisme, on résiste. Ou on est complice.


Un Oradour en Ukraine

BH Lévy 3 avril 2022

Cette fois, pas de doute pour BHL :

les Russes se conduisent bien comme des nazis.

Face au carnage de Boutcha, face à ces habitants aux mains liées, tués d’une balle dans la tête, leurs corps éparpillés dans la rue principale de la ville, on pense à Katyn. 

A un Srebrenica par balles. 

Au massacre de Raçak, au Kosovo. 

Et on pense à Oradour-sur-Glane et à ses 643 victimes tuées, en juin 1944, par un détachement de la Division SS Das Reich en route vers la Normandie. 

C’est toujours la même histoire. 

On nous fait l’affront ne nous résister ? 

Nous sommes impuissants à vaincre à la loyale, en respectant les lois de la guerre ?  

On se venge sur les civils. 

On punit les femmes et les enfants. 

Et, comme disait Bernanos en Espagne, on tue comme on déboise. 

Les hommes qui ont fait cela, ce n’est plus une armée, c’est une bande de criminels. 

Ce ne sont plus des soldats, ce sont des assassins lâches, probablement vaincus, et de sang-froid. 

Et ce n’est plus une guerre, c’est une boucherie.


dimanche 3 avril 2022

« Nos vies valent plus que leurs profits » à la Défense, Macron a fait du pied à la gauche

  • Ce samedi, devant 30.000 spectateurs à La Défense Arena, à Nanterre, le président-candidat a multiplié les clins d’œil à l’électorat social-démocrate et s’est posé en rempart contre les extrêmes.

Par Alexandre Le Drollec et Maël Thierry 


Les macronistes avaient promis un show spectaculaire et, sur ce point, la promesse a été partiellement tenue. Jeux de lumière, un set DJ en ouverture, une flopée d’écrans géants, des drapeaux français et européens, et une entrée de rock star devant 30.000 personnes (et quelques rangées de sièges vides) : pour son seul et unique meeting d’avant premier tour, Emmanuel Macron, seul en scène durant plus de deux heures, a vu les choses en grand et n’a pas franchement fait dans la sobriété. De sobriété – celle-là même qui était réclamée par le camp Macron il y a encore quelques jours aux vues de l’évolution de la guerre en Ukraine - il n’était plus du tout question à La Défense Arena de Nanterre, la plus grande salle indoor d’Europe. Alors que la campagne entre dans sa dernière ligne droite, le candidat a voulu marquer les esprits en faisant passer deux messages : parler à sa gauche et se poser en rempart contre les extrêmes.

Aux électeurs de gauche, d’abord, il a multiplié les mots doux :                « Solidarité »« Humanisme »« Progrès » 

  « Corriger les inégalités à la racine ».

 « La France est une nation solidaire, humaine, 

qui ne laisse personne au bord du chemin »

, a-t-il notamment lancé. Des accents très différents de ceux de la conférence de presse de son programme. Evoquant les salaires qui partent dans les factures ou les pleins d’essence, les mères obligées de renoncer à une carrière complète, il a répété « c’est injuste ». Avec la volonté manifeste de répondre au sentiment d’injustice qui traverse le pays et sert, selon les macronistes, de carburant aux extrêmes.

Alors que certains ténors de la majorité présidentielle observent, perplexes, la dynamique qui s’enclenche dans le camp de Marine Le Pen, Emmanuel Macron a aussi voulu préparer le second tour : il espère pouvoir non seulement compter sur l’électorat social-démocrate qui, en 2017, a essentiellement voté pour lui mais au-delà, en parlant aux autres électeurs de gauche. A Nanterre, le Macron version 2022 a donc pris grand soin de valoriser son bilan social et sociétal : dédoublement des classes de CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire, congé paternité allongé à 28 jours, Pass culture, PMA pour toutes. « C’était notre projet. C’est maintenant notre bilan. Nous l’avons fait ». Il a aussi beaucoup insisté sur ses promesses sociales pour un prochain quinquennat : minimum retraites de 1200 euros, recrutement de 50.000 aides-soignants et infirmiers, mise en place d’un compte épargne temps universel, réévaluation de l’allocation pour les mères seules, versement des aides sociales à la source.

A l’heure de faire le SAV de « la » mesure qui hérisse la gauche, à savoir la réforme du RSA et son conditionnement à une activité : Emmanuel Macron a gommé de son discours le terme « contrepartie » et lui a préféré celui d’«accompagnement ». Égalité homme femme, protection de l’enfance, éducation, santé : Macron a également mis essentiellement l’accent sur ces grandes causes qui, traditionnellement, trouvent écho dans l’électorat de gauche. Exhumant par ailleurs à plusieurs reprises le mantra mitterrandien de 1988 « la France Unie ». A l’évocation du scandale secouant les EHPAD, celui qui fut taxé de « président des riches » est même allé jusqu’à emprunter une citation d’Olivier Besancenot : « Nos vies, leurs vies valent plus que tous leurs profits ». L’effet fut immédiat : Philippe Poutou s’est dit victime d’une forme de pillage. « Macron nous vole nos slogans, a aussitôt tweeté le candidat NPA. Décidément, ces gens osent tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît » .

Sécurité, lutte contre les déficits, immigration… Les marqueurs de droite, eux, ont été du coup rapidement balayés : « J’assume de vous dire qu’il faudra travailler plus » et « passer l’âge de notre retraite à 65 ans », a tout même glissé le candidat, justifiant cette mesure qu’il sait peu populaire par la nécessité de financer toutes les autres. « Il n’y a pas d’argent magique », a-t-il dit, promettant de baisser les impôts et de ne pas creuser plus la dette. « Nous rembourserons en travaillant davantage. Il n’y a pas d’Etat Providence s’il n’y a pas d’Etat productif fort ». Il a aussi, sans les citer, évoquer Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon : « Ne croyez pas ceux qui vous disent la retraite à 60 ans ou 62 ans - d’ailleurs ce n’est plus tellement clair, ce n ’est pas vrai ».

A une semaine du premier tour, Emmanuel Macron a voulu faire passer un autre message en se posant comme rempart aux extrêmes. S’il a évoqué sans la nommer la France Insoumise coupable à ses yeux de complaisance avec « le communautarisme », c’est surtout à l’extrême-droite qu’il s’est attaqué, dénonçant « le grand rabougrissement » et réactivant le clivage déjà brandi en 2017 : à lui la France ouverte et tournée vers l’avenir, à eux le repli. Avec une différence selon lui : une banalisation. « Nous nous sommes habitués à voir sur les plateaux télés des auteurs racistes, antisémites »... Des élus qui « peuvent le matin dire qu’ils vont sortir de l’Euro et revenir dans l’Europe le soir »« Non au politiquement correct et non au politiquement abject », a-t-il lancé dans une formule très « en même temps ». Le candidat s’est aussi voulu lyrique en parlant de sa France et de ses héros - de Simone Veil au colonel Beltrame en passant par Joséphine Baker ou Daniel Cordier. « La France, au fond, ce sont des moments de bravoure et quelques mots d’amour ». Ou encore :

« La France est un bloc. On ne trie pas, on ne choisit pas. On la prend comme elle est et on l’aime toute entière ».

Des mots doux, il en a eu beaucoup pour l’aréopage hétéroclite réuni pour ce meeting. A une semaine du premier tour, personne ne manquait à l’appel. Tout le ban et l’arrière-ban de la Macronie était présent : Jean Castex et son prédécesseur Edouard Philippe, le discret Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée. Dans les travées, on croisait aussi d’anciens chefs du gouvernement (Manuel Valls, Jean-Pierre Raffarin), l’ex-EELV Barbara Pompili claquant une bise au chiraquien Renaud Muselier, l’ex-LR Eric Woerth et l’ex-PS Elisabeth Guigou côte à côte et même l’animateur Bernard Montiel. Un grand dépassement qu’Emmanuel Macron entend bien continuer s’il est réélu : 

« J’appelle tous ceux, de la sociale démocratie au gaullisme en passant par les écologistes qui ne nous ont pas encore rejoint, à le faire ».

 Ou comment appeler tout l’arc républicain à se ranger derrière lui contre les extrêmes.