jeudi 2 juillet 2015

Nicolas Sarkozy, Uchrologue en chef des "Rep" ...



L’uchronie géopolitique de Nicolas Sarkozy

« A quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur ;


l’inhumanité de fermeté ;


et la fourberie, d’esprit. »


 Jean de La Bruyère



Nicolas Sarkozy n’aime pas assumer son bilan. Quel que soit le sujet, admettre ses erreurs pour mieux en tirer les leçons est pour lui inconcevable, comme s’il s’agissait d’un aveu de faiblesse attentatoire à sa virilité plutôt que d’une preuve de la capacité d’un homme d’Etat à dépasser sa personne dans l’intérêt général.
Hier dans Le Monde, il est allé encore plus loin. Sur les dossiers géopolitiques brûlants, de la Lybie à la Russie en passant par la Syrie, il se livre à un exercice systématique de réécriture de l’Histoire, pour se déresponsabiliser de ses décisions passées lorsqu’il était Président de la République et partir à la charge contre François Hollande sur des hypothèses historiques fictives.

Rétablissons donc les faits, pour aider le président du parti « Les Républicains » à mettre fin à son amnésie politique sans limites ni frontières, comme l’a si bien dit le Premier Secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis.

Si Nicolas Sarkozy n’a pas tort quand il affirme que l’immigration n’a pas commencé avec la chute de Mouammar Kadhafi, il est étrange qu’il oublie de préciser que l’afflux actuel de migrants du sud vers le nord résulte directement de la fragmentation de la Libye. Selon le HCR, 110.000 personnes sont parties de Libye vers l’Italie en 2014.
Loin de reconnaître sa responsabilité dans le désastre Libyen, il préfère s’auto-congratuler et blâmer l’actuel Président. Pourtant, il est clair que c’est bien l’incapacité de Nicolas Sarkozy et des gouvernants de l’époque à préparer la suite de l’intervention militaire en Libye en 2011 qui est la cause du chaos que François Hollande s’attache depuis 2012 à résorber.
L’intervention militaire de l’OTAN n’a pas été suivie d’une présence internationale en Libye pour assurer la sécurité et soutenir la transition démocratique dans un pays sortant de la guerre. Il était pourtant prévisible que la Libye – après 40 ans de dictature et compte tenu de l’absence d’institutions solides – se déchire. Si les Libyens ne voulaient pas de cette présence, il fallait la négocier avec eux ou l’imposer car il en allait de la sécurité du Maghreb, de la région méditerranéenne et de l’Europe.
Cette imprévoyance a permis que les factions radicales prennent le dessus et que le pays se déchire sans que la communauté internationale puisse réagir efficacement. On en voit aujourd’hui le résultat : montée en puissance des groupes terroristes, expansion des flux migratoires, division de la Libye, risque régional.
S’agissait-il d’une grande naïveté de la part de Nicolas Sarkozy, d’une ignorance coupable des réalités du pays avec ses spécificités claniques et tribales, ou la conséquence d’une précipitation à en finir avec un régime qui avait peut-être trop à dire sur les financements de sa campagne de 2007 ? L’information judiciaire en cours nous éclairera sur ce point lorsqu’elle arrivera à son terme.
N’en déplaise à l’ancien Président de la République, ses liens avec le dictateur libyen et son régime sont indéniables, et les semblants d’explications donnés dans son entretien au Monde irrecevables. Kadhafi est venu à Paris en décembre 2007 alors que les infirmières bulgares ont été libérées en juillet 2007. Il est donc faux que cette visite ait servi à leur libération. Il est nécessaire de rappeler que Nicolas Sarkozy avait déjà rendu visite à Kadhafi en 2005 (comme ministre de l’intérieur) puis en juillet 2007 (comme Président de la République), et que Claude Guéant le voyait régulièrement. Il serait d’ailleurs utile d’en savoir plus sur les conditions de la libération des infirmières bulgares (Y’a-t-il eu un financement du Qatar ? des contreparties ?). Il serait enfin intéressant que Nicolas Sarkozy explique pourquoi des personnalités proches de Kadhafi – notamment Bachir Saleh, ancien président de la Libyan Investment Authority – ont été accueillies en France après la chute du régime en 2011.
Lorsque Nicolas Sarkozy a quitté le pouvoir (en mai 2012 et non comme il l’affirme – fabuleusement ! – en juillet 2012), la transition politique en Libye se poursuivait dans des conditions difficiles, les modérés n’étaient pas au pouvoir, un gouvernement d’union nationale était en place mais ne fonctionnait pas et les milices islamistes avaient le contrôle du terrain, notamment à Tripoli.
François Hollande a pris la mesure du problème dès son élection. Il a lancé l’initiative française de soutien aux forces de sécurité libyennes (formation et équipement), organisé la conférence de Paris sur l’Etat de droit, la sécurité et la justice en Libye (décembre 2013), décidé le déploiement du dispositif Barkhane au sud de la Libye, orchestré la coopération renforcée avec les pays voisins – notamment l’Algérie – et le soutien aux forces de sécurité tunisiennes dans les zones frontalières de la Libye.
Aujourd’hui, nous travaillons avec nos partenaires les plus proches à obtenir un accord de réconciliation inter-libyen pour rétablir un gouvernement unique en Libye et lui apporter les moyens nécessaires pour lutter contre le terrorisme, rétablir la sécurité et empêcher le départ des migrants illégaux depuis les côtes libyennes. Nous poursuivrons nos efforts dans des conditions difficiles dont nous avons hérité en 2012, car ils sont la seule façon de corriger les erreurs déjà commises par la communauté internationale et d’aider les Libyens à reconstruire leur pays.
Des négociations sont en cours dans le cadre de l’ONU. Nous verrons dans les prochaines semaines si elles peuvent aboutir. Si aucun résultat n’est obtenu, nous pourrons envisager d’autres initiatives pour traiter nos priorités : lutter contre le terrorisme, empêcher l’immigration illégale, assurer la sécurité régionale. 

Nicolas Sarkozy réécrit aussi l’Histoire de ses relations avec le régime Syrien. Comme pour la Libye, ses positions velléitaires s’expliquent par sa situation paradoxale : ami puis ennemi, de Bachar al-Assad comme de Mouammar Kadhafi. Faut-il rappeler que le dictateur Syrien était l’invité d’honneur au défilé du 14 juillet 2008 ?
A l’inverse Hollande n’a jamais eu aucune faiblesse pour lui, François et a toujours été clair : Bachar al-Assad est le principal responsable de la guerre dans son pays, il fait objectivement le jeu des jihadistes, il doit partir pour qu’une solution durable soit trouvée à la crise. Le Président a pris des décisions courageuses en ce sens (décision de frapper la Syrie en septembre 2013, soutien militaire à l’opposition).
François Hollande prend toutes les initiatives pour qu’une transition politique soit enfin engagée en Syrie. Il y travaille avec tous nos partenaires dans la région. Il s’en entretient aussi régulièrement avec le président Poutine et a rencontré deux fois le président iranien auquel il en a parlé.
Il ne faut pas se faire d’illusion : la crise syrienne peut encore durer longtemps et il faudra rester mobilisé après la chute de Bachar al-Assad afin d’éviter que le pays ne soit livré aux extrémistes et devienne un nouveau sanctuaire terroriste.
Nous sommes conscients de la nécessité d’inclure la Russie dans les discussions pour trouver une solution politique durable en Syrie sur la base de la chute du régime de Bachar al-Assad. Nicolas Sarkozy attise les tensions à tort et avec inconséquence en parlant de guerre froide entre l’Europe et la Russie, alors que François Hollande n’a cessé de maintenir le dialogue dans la fermeté avec Vladimir Poutine.
Là encore il se jette des fleurs en prenant des libertés avec l’Histoire. En 2008 en Géorgie, Nicolas Sarkozy n’a rien réglé mais au mieux réalisé le but de Poutine, celui de geler le conflit avec la Russie présente sur le territoire souverain géorgien. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il ne semble pas savoir quelle attitude adopter face à la Russie : il passe l’annexion de la Crimée par pertes et profits, se contentant  d’ « affirmer un désaccord » au sujet du comportement de Vladimir Poutine en Ukraine tout en arguant qu’il aurait fallu « arrêter M. Poutine dès le départ pour éviter la crise de Donetsk ». On peut donc se demander ce que Nicolas Sarkozy aurait vraiment négocié avec Vladimir Poutine pour traiter et la crise ukrainienne, et la crise syrienne.

Cette crise syrienne doit impérativement être résolue dans le cadre de la lutte contre Daech. Le leadership de François Hollande, quoiqu’en dise son prédécesseur, est apprécié de tous nos partenaires au Moyen-Orient. C’est notamment ce qui lui a valu d’être l’invité d’honneur du sommet exceptionnel des pays arabes du Golfe à Riyad en mai 2015.
La coalition contre Daech a un objectif clair : détruire cette organisation terroriste. La France a été parmi les premiers pays à réagir l’été dernier en Irak : aide militaire aux Kurdes en août, engagement de nos forces le 4 septembre, conférence internationale sur l’Irak à Paris le 15 septembre. Nous poursuivons notre action mais chacun comprend que l’usage de la force n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous encourageons les autorités de Bagdad à rassembler leur peuple et à donner à toutes les communautés irakiennes la sécurité et la représentation qu’elles méritent : Kurdes, sunnites, chiites et minorités vulnérables – notamment les chrétiens et les Yezidis. Nous ne vaincrons durablement Daech, en Irak comme en Syrie, qu’avec le soutien des populations locales. Nos soldats ne peuvent pas le faire à leur place.
Encore une fois, les leçons que Nicolas Sarkozy prétend donner à François Hollande sont à côté de la plaque.

Quand il s’agit de faire le bilan de sa Présidence, Nicolas Sarkozy a un credo : On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, et une méthode : "fictionnaliser" l’Histoire. Mais les faits sont têtus, la réalité le rattrapera ...

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