mercredi 15 juillet 2015

Grèce : la droite française ne sait plus comment elle s’appelle




En plaidant en faveur d’un « Grexit », puis en se prononçant pour un compromis, tout en continuant à critiquer la façon dont François Hollande menait les négociations, Nicolas Sarkozy a tout fait pour s’imposer dans un débat où personne ne l’invitait. Résultat :
 il a perdu tout le monde. Et s’est perdu tout seul.

Le langage politique est destiné à rendre vraisemblable 
 les mensonges,
respectables les meurtres et à donner l'apparence de la solidité 
à ce qui n'est que vent.
George Orwell
Avec le dossier grec, Nicolas Sarkozy pensait tenir de quoi attaquer François Hollande. Il voulait reprendre un peu de galon en prouvant à tous combien son successeur ne faisait pas le poids. Combien il avait mis à mal ce couple franco-allemand qu’il avait pour sa part toujours protégé. Et combien la volonté du président de« chercher des compromis » à tout prix était une erreur. Décidé à ferrailler d’égal à égal avec le chef de l’État, le patron de LR (ex-UMP) a cherché par tous les moyens à critiquer l’action de ce dernier. Mais la démonstration a tôt fait de virer au ridicule.
Sur le fond d’abord. Après avoir expliqué, dès le 2 juillet dans les colonnes du Monde, que le gouvernement grec avait « suspendu de fait, de lui-même, l’appartenance de la Grèce à la zone euro » et indiqué que la poursuite des négociations n’était pas une priorité, l’ex-chef de l’État a fait volte-face une semaine plus tard, sur TF1, en affirmant : « Tout doit être fait pour trouver un compromis, je partage ce point de vue exprimé par Monsieur Hollande et par Monsieur Valls. » Un changement de position qui n’a échappé à personne, mais que son entourage continue de nier. « Nicolas Sarkozy n'a pas varié un instant sur la Grèce », a ainsi assuré Éric Woerth, lors d’un point presse organisé lundi rue de Vaugirard.
Sur la forme ensuite. Pendant quinze jours, alors que chacun appelait à l’apaisement et au compromis, le patron de l’opposition s’est employé à taper à bras raccourcis sur Alexis Tsipras, sa nouvelle bête noire. « La Grèce s’est dotée d’un premier ministre qui ne partage aucune de nos valeurs ! », avait-il déclaré le 4 juillet à la fête de la Violette, regrettant la « complaisance médiatique » à l’égard d’un homme qui, à ses yeux, « a multiplié les provocations et les mensonges ». Il aurait pu s’arrêter là. Mais c’est plus fort que lui. De la même façon qu’il avait joué des coudes lors de la marche du 11 janvier, il a de nouveau tenté de s’imposer, dimanche, dans un débat où personne ne l’avait invité.
Alors que s’ouvrait, à Bruxelles, le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro sur les modalités d'un nouveau plan de sauvetage de la Grèce, Nicolas Sarkozy s’est une fois de plus incrusté dans la discussion. « Ce fut une erreur de laisser à penser, comme l’a fait Monsieur Hollande depuis sept mois, à Monsieur Tsipras qu’il pouvait avoir un chèque sans conditions de la part de ses partenaires de la zone euro sans faire les réformes dont nous avons besoin », a -t-il déclaré au sortir d’une réunion du Parti populaire européen (PPE), dont son parti est membre. « Il faut que Monsieur Hollande se ressaisisse et reconstitue une unité avec la chancelière allemande Merkel », a-t-il ajouté, au moment-même où les deux dirigeants étaient en pleine négociation. Jean-Luc Mélenchon s’est lui aussi exprimé sur le sujet. « Je dis à Nicolas Sarkozy de se taire, au moins le temps de la négociation. Ce n’est pas le moment de venir rendre la tâche plus compliquée. » Si la gauche française a rapidement dénoncé les errements politiciens du patron de l’opposition, la droite, elle, est restée plutôt silencieuse sur le sujet. Seuls les plus fidèles sarkozystes sont montés au créneau pour défendre leur champion, dans un exercice délicat qui ne pouvait que confiner à la mauvaise foi. « L’appel de Nicolas Sarkozy n’est pas resté lettre morte », a ainsi indiqué, le plus sérieusement du monde, Éric Woerth sur BFM-TV après l'annonce d'un accord. « Nicolas Sarkozy n'est pas sur son Aventin, il est dans la politique active »… ! , a-t-il encore justifié en point presse.
Le député Sébastien Huygues, porte-parole de LR, est allé dans le même sens, disant observer « que finalement, quand la France et l'Allemagne travaillent de concert, eh bien ça peut marcher. Sauf que pendant une bonne partie de la négociation, la France a joué un peu cavalier seul, ce qui a un peu posé problème, a-t-il précisé. Et d'ailleurs c'est pour ça que Nicolas Sarkozy, hier, est un peu monté au créneau pour rappeler que le couple franco-allemand était le moteur de l'Europe et qu'il devait se remettre à fonctionner. » Pour lui, comme pour une grande partie de la droite, tout l’enjeu consiste désormais à minimiser le rôle joué par François Hollande dans l’accord trouvé lundi matin. Et à expliquer, comme l’a fait Woerth, qu’« il y a zéro gêne » chez LR et que l’issue est « conforme à ce [qu’ils] souhaitaient ».
« Hollande est un piètre négociateur en annonçant à l’avance qu’il était prêt à tout lâcher pour un accord avec la Grèce », a encore tweeté Sébastien Huygues, accompagné du hashtag « #unaccordàtoutprix ». « Le compromis trouvé ne doit rien à François Hollande qui a incarné la faiblesse durant les négociations », a renchéri le député Éric Ciotti. Saluant dans un communiqué « l’accord négocié dans la douleur cette nuit », Nathalie Kosciusko-Morizet s’en est, elle aussi, pris au chef de l'État : « François Hollande peut s'auto-congratuler aujourd'hui : c'est pourtant bien l'Allemagne qui a permis d'aboutir à un compromis acceptable, notre président optant pour les accolades bienveillantes avec Tsipras plutôt qu'en faveur du respect de la réciprocité des grecs vis-à-vis de tous les autres peuples européens. »
Bien qu’elle s’en défende, la droite se trouve une nouvelle fois dans une situation intenable. Ses parlementaires, qui plaidaient dans un premier temps pour un « Grexit » et qui n’ont eu de cesse d’attaquer l’exécutif sur la façon dont les négociations étaient menées, seront une majorité à voter en faveur de l’accord, le 15 juillet. Christian Jacob, le patron des députés LR, qui s’est félicité auprès de l'AFP que « l’accord [se soit] fait aux conditions très strictes de l’Allemagne et d’une grande partie des pays de l’UE », plaidera d’ailleurs dans ce sens à la réunion de groupe qui se tiendra dans la matinée de mercredi. Il n’aura pas beaucoup de mal à convaincre ses troupes, la plupart des députés ayant déjà validé cette position.

La politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire

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