En plaidant en faveur d’un
« Grexit », puis en se prononçant pour un compromis, tout en
continuant à critiquer la façon dont François Hollande menait les négociations,
Nicolas Sarkozy a tout fait pour s’imposer dans un débat où personne ne
l’invitait. Résultat :
il a
perdu tout le monde. Et s’est perdu tout seul.
Le langage politique est destiné à rendre vraisemblable
les mensonges,
respectables les meurtres et à donner l'apparence de la solidité
à ce qui n'est que vent.
à ce qui n'est que vent.
George Orwell
Avec
le dossier grec, Nicolas Sarkozy pensait tenir de quoi attaquer François Hollande.
Il voulait reprendre un peu de galon en prouvant à tous combien son successeur
ne faisait pas le poids. Combien il avait mis à mal ce couple franco-allemand
qu’il avait pour sa part toujours protégé. Et combien la volonté du président
de« chercher des compromis » à
tout prix était une erreur. Décidé à ferrailler d’égal à égal avec le chef de
l’État, le patron de LR (ex-UMP) a cherché par tous les moyens à critiquer
l’action de ce dernier. Mais la démonstration a tôt fait de virer au ridicule.
Sur
le fond d’abord. Après avoir expliqué, dès le 2 juillet dans les
colonnes du Monde, que le gouvernement grec
avait « suspendu de fait, de lui-même,
l’appartenance de la Grèce à la zone euro » et indiqué que la poursuite des
négociations n’était pas une priorité, l’ex-chef de l’État a fait volte-face
une semaine plus tard, sur
TF1,
en affirmant : « Tout doit être fait pour trouver
un compromis, je partage ce point de vue exprimé par Monsieur Hollande et par
Monsieur Valls. » Un
changement de position qui n’a échappé à personne, mais que son entourage
continue de nier. « Nicolas
Sarkozy n'a pas varié un instant sur la Grèce », a ainsi assuré Éric
Woerth, lors d’un point presse organisé lundi rue de Vaugirard.
Sur
la forme ensuite. Pendant quinze jours, alors que chacun appelait à
l’apaisement et au compromis, le patron de l’opposition s’est employé à taper à
bras raccourcis sur Alexis Tsipras, sa nouvelle bête noire. « La
Grèce s’est dotée d’un premier ministre qui ne partage aucune de nos valeurs ! »,
avait-il déclaré le 4 juillet à la fête de la
Violette,
regrettant la « complaisance médiatique » à l’égard d’un homme qui, à ses yeux, « a
multiplié les provocations et les mensonges ». Il aurait pu
s’arrêter là. Mais c’est plus fort que lui. De la même façon qu’il avait joué
des coudes lors de la marche du 11 janvier, il a de nouveau tenté de s’imposer,
dimanche, dans un débat où personne ne l’avait invité.
Alors
que s’ouvrait, à Bruxelles, le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la
zone euro sur les modalités d'un nouveau plan de sauvetage de la Grèce, Nicolas
Sarkozy s’est une fois de plus incrusté dans la discussion. « Ce fut une erreur de laisser à penser, comme l’a fait Monsieur Hollande
depuis sept mois, à Monsieur Tsipras qu’il pouvait avoir un chèque sans
conditions de la part de ses partenaires de la zone euro sans faire les
réformes dont nous avons besoin », a -t-il déclaré au sortir
d’une réunion du Parti populaire européen (PPE), dont son parti est membre. « Il
faut que Monsieur Hollande se ressaisisse et reconstitue une unité avec la
chancelière allemande Merkel », a-t-il ajouté, au moment-même où
les deux dirigeants étaient en pleine négociation. Jean-Luc Mélenchon s’est lui
aussi exprimé sur le sujet. « Je dis à Nicolas Sarkozy de se
taire, au moins le temps
de la négociation. Ce n’est pas le moment de venir rendre la tâche plus
compliquée. » Si
la gauche française a rapidement dénoncé les errements politiciens du patron de
l’opposition, la droite, elle, est restée plutôt silencieuse sur le sujet.
Seuls les plus fidèles sarkozystes sont montés au créneau pour défendre leur
champion, dans un exercice délicat qui ne pouvait que confiner à la mauvaise
foi. « L’appel de Nicolas
Sarkozy n’est pas resté lettre morte », a ainsi indiqué, le plus
sérieusement du monde, Éric Woerth sur BFM-TV après l'annonce d'un accord. « Nicolas Sarkozy n'est pas sur
son Aventin, il est dans la politique active »… ! , a-t-il
encore justifié en point presse.
Le
député Sébastien Huygues, porte-parole de LR, est allé dans le même sens,
disant observer « que
finalement, quand la France et l'Allemagne travaillent de concert, eh bien ça
peut marcher. Sauf que pendant une bonne partie de la négociation,
la France a joué un peu cavalier seul, ce qui a un peu posé problème,
a-t-il précisé. Et d'ailleurs c'est pour ça que Nicolas Sarkozy, hier,
est un peu monté au créneau pour rappeler que le couple franco-allemand était
le moteur de l'Europe et qu'il devait se remettre à fonctionner. » Pour lui, comme pour une grande partie
de la droite, tout l’enjeu consiste désormais à minimiser le rôle joué par
François Hollande dans l’accord trouvé lundi matin. Et à expliquer, comme l’a
fait Woerth, qu’« il y a zéro gêne » chez LR et que l’issue est « conforme à ce [qu’ils]
souhaitaient ».
« Hollande
est un piètre négociateur en annonçant à l’avance qu’il était prêt à tout
lâcher pour un accord avec la Grèce », a encore tweeté
Sébastien Huygues, accompagné du hashtag « #unaccordàtoutprix ». « Le compromis trouvé ne doit
rien à François Hollande qui a incarné la faiblesse durant les
négociations », a renchéri le député Éric Ciotti. Saluant dans un
communiqué « l’accord
négocié dans la douleur cette nuit », Nathalie Kosciusko-Morizet s’en
est, elle aussi, pris au chef de l'État : « François
Hollande peut s'auto-congratuler aujourd'hui : c'est pourtant bien
l'Allemagne qui a permis d'aboutir à un compromis acceptable, notre président
optant pour les accolades bienveillantes avec Tsipras plutôt qu'en faveur du
respect de la réciprocité des grecs vis-à-vis de tous les autres peuples
européens. »
Bien
qu’elle s’en défende, la droite se trouve une nouvelle fois dans une situation
intenable. Ses parlementaires, qui plaidaient dans
un premier temps pour un « Grexit » et qui n’ont eu de cesse
d’attaquer l’exécutif sur la façon dont les négociations étaient menées, seront
une majorité à voter en faveur de l’accord, le 15 juillet. Christian Jacob, le
patron des députés LR, qui s’est félicité auprès
de l'AFP que « l’accord [se soit] fait aux
conditions très strictes de l’Allemagne et d’une grande partie des pays de
l’UE », plaidera d’ailleurs dans ce sens à la réunion de groupe qui se
tiendra dans la matinée de mercredi. Il n’aura pas beaucoup de mal à convaincre
ses troupes, la plupart des députés ayant déjà validé cette position.
La
politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les
sert."
Voltaire
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