mardi 8 juillet 2014

Les Droites fortes'ment anti-sociales



Les Droites fortement anti-sociales

 |  PAR YVES FAUCOUP
 
L’argent, l’argent roi, l’argent Dieu, au-dessus du sang,
 au-dessus des larmes,
adoré plus haut que les vains scrupules humains,
 dans l’infini de sa puissance ! »
Zola
Lors de sa Fête de la Violette, dans le Loir-et-Cher, la Droite forte a réuni ce samedi ses militants qui étaient plus enclins à ovationner Nicolas qu’à applaudir « Boule et Bill » (Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, selon le propos d’un ténor de l’UMP présent, cité par Mediapart). Ainsi, sans vraiment déclarer l’ancien chef d’Etat innocent, ils en appellent à son retour, envers et contre tout, malgré toutes les casseroles qui font un fracas dans son sillage. Si, bons princes, ils lui pardonnent ses dérapages frauduleux, ils ne supportent pas les assistés sociaux, selon eux, tous plus ou moins fraudeurs.

Le site de la Droite forte a inscrit comme toute première idée forte « la lutte contre les fraudes et l’assistanat ». On connaît cette rhétorique, initiée par Nicolas Sarkozy, sur les conseils de Patrick Buisson, lui-même reprenant là une thématique chère au Front national. Il faut lutter contre la fraude sociale « qui abîme la solidarité nationale » : jusque là on pourrait être d’accord. Sauf que c’est pour laisser entendre que la fraude sociale serait principalement due aux « assistés », et serait massive : 20 milliards d’euros par an, alors que cette somme recouvre essentiellement la fraude commise par les « patrons voyous » (la Droite forte mettant ces derniers dans le même sac, indéterminé, que les « assistés »).

Le mot d’ordre de ce courant de l’UMP, dont l’un des leaders est issu du FN, est : « non à l’assistanat généralisé, oui à la solidarité nationale ». Cette formule est un aveu pour ces tenants de la droite extrême : l’assistanat ne concernerait pas qu’une partie, même non négligeable dans leur esprit, des bénéficiaires de l’assistance, mais tous. Ce qui est une façon d’insulter justement la « solidarité nationale ».

Boule et Bill proposent une interconnexion entre les fichiers des allocations sociales : sauf qu’elle existe déjà. Ils réclament la suppression de la CMU (couverture maladie universelle, ancienne aide médicale) et son remplacement par une "carte de santé départementale" : leur argument est qu’un bénéficiaire de la CMU ne devrait pas bénéficier d’une prise en charge maladie (médicaments, hospitalisation) supérieure à la moyenne des dépenses engagées par un travailleur assuré. Il s’agit donc bien d'une atteinte grave au principe de solidarité, prônée au sein d’un grand parti de gouvernement. Demain, la Droite forte pourrait envisager, par exemple, de restreindre les remboursements de santé à toute catégorie de population plus coûteuse qu’une autre. Pourquoi ne pas réduire la prise en charge des personnes âgées dont les dépenses de santé dépassent la moyenne de celles de l’ensemble des assurés sociaux ?

Et bien sûr nos petits ambitieux partent en guerre contre l’AME, l’aide médicale d’Etat, qui prend en charge des dépenses de santé de base des étrangers sans papiers. Au sein de l’UMP se joue une concurrence acharnée : c’est pourquoi, comme on le sait, Laurent Wauquiez, au nom de sa Droite dite sociale, a déclamé sa tirade à l’Assemblée nationale le 23 juin sur ce sujet.  Dans un premier temps, sur son site, il avouait qu’il s’agissait pour lui de montrer que l’UMP savait encore se mobiliser pour autre chose que ses rivalités internes (donc de resserrer les rangs, dans la tourmente des malversations liées à Bygmalion). Aveu non dissimulé d’instrumentalisation d’une question sociale, mais aveu désormais caché car retiré du site de la Droite sociale.

Les Pieds nickelés veulent sauver la droite… en luttant contre l’assistanat  
Guillaume Peltier et Laurent Wauquiez avaient déjà sévi dans Valeurs actuelles du 26 juin (l'hebdo de la droite extrême qui se situe entre UMP et FN, et oeuvre pour ce rapprochement), avec deux autres personnalités de l’UMP : Henri Guaino et Rachida Dati. Ces quatre représentants de la droite du parti prétendent vouloir « sauver la droite ». Hérissée sur ses talons, Rachida Dati prend la défense des « valeurs cassées par la gauche : la famille, l’autorité, la sécurité, la méritocratie » (manière bien prétentieuse de nous suggérer que sa « réussite » serait due à son mérite).

Evidemment, les petits calculs de carrière de ces quatre Pieds nickelés qui se prennent pour des « mousquetaires » m’importent peu. Ce que je veux relever ici ce sont les propos de Laurent Wauquiez (appuyé par Rachida Dati) qui voit la France en décadence : « le pays a la tête à l’envers. Ce sont ces valeurs qu’il faut reconstruire. Faire la différence entre la solidarité nécessaire et l’assistanat devenu insupportable. Refuser qu’il n’y ait pas de différence de revenus entre quelqu’un qui travaille et quelqu’un qui reste chez lui ». Il ne se contente pas d’asséner là une nouvelle fois ses insultes à l’encontre des plus démunis dans ce pays, et une contre-vérité (sur la prétendue égalité entre revenus de l’assistance et revenus du travail, dont le contraire a été maintes fois démontré), mais il ajoute qu’il applique ses idées en la matière dans sa ville : « Je refuse l’assistanat, nous avons un parcours qui fait en sorte que les gens que nous aidons contribuent à des actions pour la commune – entretien d’espaces verts, portage de repas pour les personnes âgées ». Alors que ce qu’il « applique » dans sa commune n’arrive pas à la cheville de ce que font tant de communes, de droite comme de gauche.

Actuellement, "les sans-aucune-pudeur" volent en escadrille : le 4 juillet, dans l’émission de France 5 produite par une filiale du groupe Lagardère, C dans l’air, Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap, think tank ultra-libéral, revendiquait que l’on s’en prenne aux dépenses d’« aide sociale », évaluant ces dépenses à 90 milliards d’euros. Chiffre lancé à la cantonade, tout à la fin de l’émission comme à son habitude, du coup sans explication. Et laissant entendre que les assistés sociaux coûtent cher à la Nation. Même l’économiste libéral Nicolas Bouzou semblait excédé par les affirmations approximatives et à l’emporte-pièce de cette égérie du patronat. Elle parvenait à glisser encore qu’il fallait, comme le prône la Droite forte, supprimer la CMU et imposer ceux qui touchent des aides sociales.
 A les écouter, et c’est le but, on finirait par oublier que la situation économique dans laquelle nous sommes, et qui pénalise gravement une partie (seulement) de la population a totalement à voir avec les politiques financières qu’ils soutiennent bec et ongles, jusqu’à mépriser et insulter ceux qui en sont victimes.  

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