“Nous avons bien des
préjugés à vaincre,
Avant de concevoir seulement que la source de
toutes les mauvaises lois, que l’écueil de l’ordre public,
C’est l’intérêt personnel,
c’est l’ambition et
la cupidité de ceux qui
gouvernent.”...
Robespierre
Lors du congrès de l’Union
syndicale des magistrats (USM), le président affirmait en public que « ce sont d’abord les magistrats
qui font la justice »,
le même entonne un tout autre refrain dans le huis clos de son bureau, devant
les journalistes du Monde. Il parle de la justice comme d’« une institution de
lâcheté ». Visant surtout ses gradés, il ajoute : « C’est quand même ça, tous ces
procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On
n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique… »
Le premier président Bertrand Louvel a déclaré lors d’une audience solennelle que ces commentaires posaient "un problème institutionnel" et reproché à François Hollande de "diffuser parmi les Français une vision dégradante de leur justice" .Le procureur général Jean-Claude Marin a ajouté qu’un entretien mercredi soir entre M. Hollande et les deux hommes "n’avait pas atténué le sentiment que la magistrature (avait) ressenti face à une nouvelle humiliation."
Le garde des sceaux, M. Urvoas a ajouté que le chef de l’État n’avait pas eu "un jugement porté publiquement à l’occasion d’une émission télévisée sur tel ou tel magistrat", allusion à l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy, dont les relations avec les juges ont été souvent houleuses. Auparavant, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, s'en prenait régulièrement aux magistrats - en particulier aux juges d'instruction
Le premier président Bertrand Louvel a déclaré lors d’une audience solennelle que ces commentaires posaient "un problème institutionnel" et reproché à François Hollande de "diffuser parmi les Français une vision dégradante de leur justice" .Le procureur général Jean-Claude Marin a ajouté qu’un entretien mercredi soir entre M. Hollande et les deux hommes "n’avait pas atténué le sentiment que la magistrature (avait) ressenti face à une nouvelle humiliation."
Le garde des sceaux, M. Urvoas a ajouté que le chef de l’État n’avait pas eu "un jugement porté publiquement à l’occasion d’une émission télévisée sur tel ou tel magistrat", allusion à l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy, dont les relations avec les juges ont été souvent houleuses. Auparavant, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, s'en prenait régulièrement aux magistrats - en particulier aux juges d'instruction
François
Hollande se montre en totale déconnexion avec les enjeux fondamentaux, évaluant
les “affaires” exclusivement sous l’angle de leur impact électoral.
Un
peu comme si la lutte contre la corruption n’était pas porteuse de
revendications citoyennes, qui dépassent la simple impression de tir aux
pigeons que le spectacle des “affaires” peut parfois offrir : redonner
confiance aux citoyens dans le fait démocratique, récupérer les masses
considérables d’argent qui échappent à la richesse des nations, moraliser
durablement la vie publique…
Un
peu comme s’il n’y avait aucune leçon à tirer, en dehors de quelques calculs de
boutiquier, du fait que le portrait de la France de 2016 soit – outre le
chômage, la menace terroriste et la furia identitaire – celui d’un pays
miné par la corruption.
Les
faits, pourtant, sont là, sous nos yeux : un ancien président de la
République (Nicolas Sarkozy) deux fois mis en examen, comme une trentaine de
ses proches (ministres, avocats, conseillers, policiers…), un ancien premier
ministre candidat (Alain Juppé) condamné, un parti d’extrême droite (le Front
national) renvoyé devant un tribunal correctionnel pour « complicité
d’escroqueries », un ancien ministre du budget (Jérôme Cahuzac) fraudeur
fiscal, une ancienne ministre de l’économie aujourd’hui directrice du Fonds
monétaire international (Christine Lagarde) bientôt jugée, le patron du parti
majoritaire (Jean-Christophe Cambadélis) deux fois condamné par la justice
financière – liste non exhaustive.
Les
exemples du mépris (au mieux du dédain) présidentiel pour les “affaires”, et de
ce qu’elles disent de l’état du pays, sont légion dans l’ouvrage. Les deux
reporters du Monde l’écrivent eux-mêmes : « Il nous l’a
suffisamment répété, il ne compte pas sur les “affaires”, dont il juge qu’elles
ont un faible impact sur l’électorat, et dans tous les cas ne profitent pas aux
partis traditionnels, bien au contraire. » François Hollande :
« Je crains que ce ne soit regardé
comme une des illustrations de la décomposition du système démocratique. » Capable d’un grand cynisme, le
président n’exclut pas, cela étant, de se servir desdites “affaires” en temps
utile, « dans une campagne »…
Un
exemple est particulièrement instructif sur la vision présidentielle. Quand
éclatent en 2014, à quelques jours d’intervalle, l’affaire Buisson, du nom de
l’ancien conseiller de Sarkozy pris dans les filets de la justice, et l’affaire
“Bismuth”, du faux nom dont s’était affublé le même Sarkozy pour comploter
contre des juges trop fouineurs, François Hollande se plaint : « On avait l’inversion de la courbe
du chômage, le pacte de responsabilité, nos initiatives sur l’Ukraine… On n’a
pas pu expliquer tout ce qu’on avait fait. Franchement, ces affaires-là, elles
ne nous servent pas […]. Ça n’a aucun intérêt pour nous. » « Intérêt »,
« servir »… il ne sort guère du registre utilitariste.
De
l’affaire Bygmalion, il ne sait d’ailleurs que penser, ou disons qu’il se tâte.
Au départ, la responsabilité du candidat Sarkozy dans l’explosion du plafond de
dépenses lui semble indiscutable : « Moi
je n’ai pas signé les chèques, donc je ne peux pas dire que Sarkozy les a
signés. Mais à un moment, on sait, assène-t-il en 2014. Parce qu’il y a quelqu’un qui vous
dit : “Là, on ne peut pas, on va
être repérés”. » Puis voilà qu’en février 2016, il épouse la
ligne de défense sarkozyste : « Je
pensais que sur cette affaire le Conseil constitutionnel avait tout dit […].
J’ai trouvé que la mise en examen [de Sarkozy] était peut-être automatique dès
lors qu’il avait signé les comptes mais n’indiquait rien sur sa connaissance ou
pas de l’affaire Bygmalion. » À force de vouloir démontrer son
refus de toute instrumentalisation des affaires, il s’approche de l’absolution.
C’est
que la médiatisation grandissante du dossier Bygmalion l’inquiète pour
lui-même : « Ce n’est pas
bon pour la politique […]. Une bonne partie de l’opinion publique doit se dire
[…] : “Est-ce que les autres
n’ont pas fait pareil ? [Sarkozy] se fait pincer, il s’est fait rattraper.
Et Hollande ?” » Le
travail des juges a cet inconvénient, en effet, qu’il réveille la vigilance des
citoyens et les questions légitimes – sans susciter de réponses législatives
pour autant, puisque le PS n’a presque rien entrepris pour renforcer les
contrôles sur le financement de la vie politique.
Les
“affaires” permettent en tout cas au président de la République de se tendre un
miroir pour y admirer son reflet et constater qu’il n’est pas Sarkozy. « Moi, président de la République, je n’ai
jamais été mis en examen… Je n’ai jamais espionné un juge, je n’ai jamais rien
demandé à un juge, je n’ai jamais été financé par la Libye… », se rassure le chef de l’État,
reprenant la fameuse anaphore du débat d’entre-deux-tours de 2012.
En matière de moralisation,
François Hollande n’a certes pas tout fait (il a renoncé à supprimer la Cour de justice de la République réservée aux ministres,
refusé de faire sauter le “verrou de Bercy” dans la lutte contre la fraude
fiscale, etc.), mais il a bien plus agi que ses deux prédécesseurs, en
interdisant toute instruction du ministère de la justice dans une affaire
individuelle, en créant le Parquet national financier (PNF) et la Haute
autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2013, puis l’Agence
française anticorruption cette année.
Tout
est fait, pour que, en France, pays des Droits de l’Homme dont les dirigeants
donnent des leçons de démocratie à la planète entière, il ne puisse jamais y
avoir un référendum à la demande du peuple, pour proposer une loi ou abroger un
texte.
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