Deux semaines après l'appel de 15.000
scientifiques pour sauver la planète, les promesses semblent si lointaines.
Essayiste, auteur de "Notre France. Dire et
aimer ce que nous sommes."
Que
cherches-tu dans ces journaux ma sœur ?
– Rien. Le rien. Je m'y noie pour
confirmer mon intuition de départ, assez basique je l'admets : nous sommes
fous. Tarés. Cinglés.
–
Plaît-il ?
–
Oui, nous sommes tous déséquilibrés. Nous avançons sans savoir où nous allons,
ballottés par les vents de l'actualité, commentant des informations que nous ne
hiérarchisons plus. Tout est mis à plat, ramené au même niveau dans nos esprits
malades. Te souviens-tu de la une du "Monde" daté du 14 novembre ?
– Non. C'était quoi ?
– Tu vois ! Tout
le problème est là. Tu ne t'en souviens pas, même toi avec tes airs supérieurs
et tes poses d'intello. Pourtant, il y a deux semaines, 15.000 scientifiques
ont lancé un cri d'alarme planétaire et leurs mots nous interpellaient
en une du "Monde" : "Il sera bientôt trop tard…" Trop tard
pour la Terre, trop tard pour l'humanité, trop tard pour nous tous, nos
enfants, les enfants de nos enfants… On a lu, on a frissonné, et puis on a
zappé.
– Tu as raison.
– Pire que cela : on zappe et
on se contredit. Le 14 novembre au soir, on considère l'écologie comme une
question de vie ou de mort pour l'humanité et le 27 novembre au matin, les
Etats européens renoncent à interdire le glyphosate. Un herbicide, deux
intérêts économiques et trois lobbys auront eu raison de notre dévouement à la
cause de la biosphère… Treize jours après, les promesses de tout faire pour
sauver le monde semblent déjà si lointaines. Légères. Vaines. C'est tragique.
– Enfin ! Tu as
enfin lâché le mot essentiel : "tragique". Celui vers lequel je
cherche à te mener depuis des semaines. Tragique – mais pas dans le sens
où tu l'entends ici – est le mot qui peut nous
sauver, nous permettre de hiérarchiser, de définir des priorités, de ne plus
être les poulets sans tête dont tu parlais. Nous avons perdu le sens du
tragique et cela a conduit aux ruines que tu contemplais du haut de ta tour.
Convaincus que l'Histoire était finie, que nos modes de vie et nos droits
étaient acquis pour toujours, que nous pouvions nous fier à la main invisible
du marché et nous laisser vivre, nous avons adopté un rapport comique au monde,
chaussant tous en même temps les lunettes déréalisantes et unidimensionnelles
de la société du spectacle décrite par Debord il y a cinquante ans tout juste
aujourd'hui. L'écologie, si nous sommes encore capables de prendre au sérieux
quoi que ce soit, est ce qui peut, ce qui doit nous ramener au tragique. Nous
sortir du spectacle. Faire de nous autre chose que des pantins ou des bouffons.
– C'est un brin contre-intuitif…
Nous avons longtemps pris les écolos pour de gentils Bisounours faisant pousser
des tomates bio sur les toits de Brooklyn. Ils ne semblent pas à première vue
"tragiques" les bobos véganes…
– Oui, mais l'écologie est
infiniment plus que cela. Les mots de ces 15.000 scientifiques, ces mots
soudain plus lourds que tous les autres, recadrent le débat écologique :
la perspective de la fin commune qu'ils esquissent impose le retour de
l'horizon du commun dans nos vies. Une hiérarchisation des périls et donc des
principes d'organisation de la société. Une révolution donc. Et d'abord une révolution
mentale, la mise à distance de nos désirs et de nos intérêts individuels pour
et par la prise en compte de la question du tout-qui-n'est-pas-éternel. Le
tragique donc, sans lequel la politique perd son sens et sa nécessité.
– En sommes-nous encore capables ?
– Je ne sais pas. Cela suppose un
effort immense, une certaine violence aussi. La question dépasse le lobbying de
Monsanto ou de la FNSEA. Chacun d'entre nous doit se faire violence. Si nous
acceptons que des lobbys prennent en otage les enjeux de santé publique comme
sur le glyphosate sans nous révolter plus que cela, c'est au fond parce que
cela nous réconforte. Nous avons tellement sacralisé nos libertés individuelles
que la perspective de leur possible limitation au nom de la survie commune nous
angoisse. L'écologie n'est pas douce. Ce n'est pas un conte de fée
post-soixante-huitard. C'est au contraire une réhabilitation de la notion de
contrainte.
– Il va falloir réapprendre à
s'obliger ?
– Exactement. Ni toi, ni moi ne
sommes seuls au monde. Et si nous continuons à faire comme si nous l'étions,
nous provoquerons, littéralement, la fin du monde. Le tout a des droits, lui
aussi. Sur nous, qui avons des devoirs envers lui. Il n'est donc plus interdit
d'interdire.
Le 1er juin 2017, le président américain a annoncé le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris, conclu par 195 pays en 2015, et son intention de chercher "un nouvel accord" mondial sur le changement climatique. Le milliardaire a qualifié cet accord de "très injuste" pour son pays puisqu'il permettrait, selon lui, aux autres nations de prendre un avantage sur l'industrie américaine. Le retrait effectif n'interviendra pas avant novembre 2020.
Le 1er juin 2017, le président américain a annoncé le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris, conclu par 195 pays en 2015, et son intention de chercher "un nouvel accord" mondial sur le changement climatique. Le milliardaire a qualifié cet accord de "très injuste" pour son pays puisqu'il permettrait, selon lui, aux autres nations de prendre un avantage sur l'industrie américaine. Le retrait effectif n'interviendra pas avant novembre 2020.
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