dimanche 27 janvier 2013

Il est temps, plus que temps, de penser et d’agir contre le déclinisme narcissique et xénophobe qui à la faveur de la crise s’est répandu comme un incendie de forêt avec la complicité des élites. 
Nicolas Domenach  "Marianne"






Car si l’enquête IPSOS-Cevipof-Le Monde relève que les français sont toujours plus convaincus du déclin de leur pays, s’ils rejettent l’étranger, et d’abord les musulmans, et se recroquevillent chaque jour davantage dans la peur de l’autre comme de l’avenir, les dirigeants et maîtres à penser y sont pour beaucoup. Qu’ils soient de droite, surtout, mais de gauche aussi, ils ont joué peu ou prou aux incendiaires par ignorance ou intérêts partisans. 
Le déclin, c’est d’abord quand l’autre est au pouvoir… C’est aussi le fruit pourri de tant de mensonges. Ils sont si nombreux à nous avoir vendu abusivement des lendemains qui chantent et qui ont si horriblement déchanté, et une mondialisation heureuse, ce qui ne s’est réalisé que pour une minorité libérale hors sol. Les réveils ont été douloureux et avec cette petite musique de l’angoisse devenue dominante et qui renvoie le pays à ses terreurs nocturnes et enfantines. Les Gaulois ont toujours eu peur que le ciel leur tombe sur la tête, aujourd’hui on dirait que chacun ne sort plus que casqué et armé de méfiance, de crainte de son ombre… 
 C’est la peur qui tient lieu de pensée, et les prétendus penseurs en cour sont les bardes apeurés de la nostalgie franco-française. Ceux qui prophétisent la fin de la civilisation blanche et masculine, les Ivan Rioufol et Éric Zemmour qui ne communient plus que dans le souvenir jauni d’une grandeur perdue et entretiennent une mélancolie qui tourne à l’aigre, à la détestation de l’étranger en général, et de l’Islam en particulier. Ils sont la caution intellectuelle de la beaufitude de comptoir. Leur culture permet de donner des pseudo lettres de noblesse à l’égoïsme érigé en valeur suprême, à la fermeture comme seul horizon de réflexion et de survie. Ce sont des derviches tourneurs autour de leur nombril ! 
Place au narcissisme obsessionnel, au repli sur la Corrèze plutôt que sur le Zambèze, au renfermement sur le précarré, sur ce que la France a de plus anti-France et que Jean-Marie Le Pen avait résumé d’une de ces formules xénophobes dont il a le secret : « je préfère ma fille à ma cousine, et ma cousine à mon voisin, et mon voisin à l’immigré ». Mais la France n’est elle même que lorsqu’elle est ouverte, lorsqu’elle porte un message de liberté, d’égalité et de fraternité au monde qu’elle s’efforce de vivre. Qui le relaie encore ? Qui assume l’Europe et donc son indispensable redéfinition puisqu’elle s’est embourbée et nous « embarbe » de n’être plus qu’un marché administré par des technocrates sans âme ? Qui défend encore « l’ordre juste » comme l’évoquait autrefois sous les moqueries Ségolène Royal, alors qu’il était clair déjà qu’il nous fallait de l’ordre, pas juste de l’ordre, mais un ordre juste ? Or Manuel Valls tient un discours fort de ministre de l’Intérieur, mais personne ou presque ne reprend celui de la générosité doublement exigeante, pour celui qui reçoit, comme pour celui qui est reçu. Le traitement humiliant qu’on inflige toujours dans nombre de préfectures aux immigrés en situation pourtant régulière est une honte. Tant qu’on ne se montrera pas plus civilisés dans l’accueil, de quel poids pèsera l’indispensable mise en demeure à ceux que nous accueillons de respecter des règles que nous-mêmes n’appliquons pas ?
Sur toutes ces questions-là, la droite sarkozyste s’était montrée au-dessous de tout, poujado-démago. La gauche n’a toujours pas fait la démonstration qu’elle pouvait lui être vraiment supérieure. Pourtant l’enquête Ipsos-Le Monde montre à quel point il y a urgence à mener un combat aussi bien idéologique que concret si l’on veut contenir la vague xénophobe et islamophobe qui ne cesse de monter. On pourra toujours se rassurer en constatant comme le fait l’historien Michel Winock qu’il en a déjà été ainsi dans des périodes de difficulté économique. Le seul changement consisterait en un transfert de l’antisémitisme vers l’anti-islamisme chaque jour plus radical, avec des points communs qui demanderaient d’ailleurs à être mis à jour et refroidiraient ceux qui espèrent que les juifs soient épargnés par ce rejet des musulmans ! D’un bouc émissaire l’autre… 



« Il a été décidé qu’on reparlerai, dès les petites classes d’éducation civique d’ honeteté de courage,
 de refus du racisme et d'amour de la République.
Il est dommage que l'école ne soit fréquentée que par les enfants » André Frossard


La stigmatisation peut se retourner si facilement contre le hors sein qu’il est illusoire d’imaginer qu’une communauté puisse aujourd’hui être protégée de cette stigmatisation systématique. Quand un peuple ne s’aime plus, qu’il ne croie plus en son avenir et en lui-même, il peut se venger de ses infortunes sur n’importe qui de différent. Personne n’est à l’abri et la montée de cette peur de l’autre qui a contaminé les meilleurs cerveaux et exige des réactions d’une autre vigueur que tout ce qui a été enregistré jusqu’ici de la part de toutes les autorités spirituelles, quelles qu’elles soient. Les dignitaires catholiques ont montré qu’ils étaient capables de mobiliser leurs ouailles pour la famille, il faudra qu’ils en fassent plus encore pour les brebis égarées qui demandent aide et hospitalité. Sans parler des imams qui n’ont pas combattu jusqu’ici avec toute la vigueur souhaitable les islamistes qui dégradent l’image et l’âme de leur religion. Si une majorité écrasante de Français jugent l’Islam « intolérant » et « incompatible avec la société », ce n’est pas seulement parce qu’ils sont en crise d’économie et d’identité. C’est aussi parce que les républicains musulmans ou non n’ont pas fait leur boulot…

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