mercredi 6 mars 2013

Hugo Chávez,



Hugo Chávez,
le leader diabolisé par l'Occident
Le président Chávez conspué en Occident était un adversaire commode, permettant aux démocrates occidentaux de se construire une bonne conscience à coups de clichés.
 Contre qui vont-ils désormais s'acharner  
Chavez restera comme l’homme politique le plus détesté des médias d’Occident en général,
 et de France en particulier. Quoi qu’il n’ait jamais enfreint le suffrage universel et qu’il ait été réélu trois fois, il a été traité au mieux de « populiste »et au pire de dictateur.
 Il a même été affublé de l’étiquette de « Mussolini des Caraïbes ». 
 Le Monde et Libération en ont fait leur cible préférée, instruisant à son encontre des procès perpétuels (dont celui d’antisémitisme pour Libé).
 Alors que le président du Venezuela a toujours eu contre lui l’immense majorité des médias de son pays, possédés par des équivalents locaux de Dassault,
 on l’a systématiquement suspecté de mettre la presse au pas.
Hugo Chávez était un symbole de la gauche de tout le continent sud-américain. 
Il a activement participé à son union, soutenu et influencé des pays jusqu'à
 réduire l'influence des États-Unis dans la région.
 Avec son décès c'est peut-être une page de l'Histoire de l'Amérique du Sud qui se tourne.


Refuser le diktat du profit et de l'argent,
s'indigner contre la coexistence d'une extrême pauvreté 
 et d'une richesse arrogante,
refuser les féodalités économiques, réaffirmer
 le besoin d'une presse vraiment indépendante, 
Mais si, aujourd’hui comme alors,
une minorité active se dresse, cela suffira, 
nous aurons le levain pour que la pâte lève.


Que vont-ils faire, maintenant que leur plus grand adversaire a passé l'arme à gauche ? L'Occident a perdu un paladin inimitable, un ennemi sans égal qui, au cours des années passées à la tête du Venezuela, a mis à nu toutes les hypocrisies qui permettent aux démocraties occidentales d'asseoir leur légitimité. Diabolisé par la presse, ridiculisé jusqu'à tourner en ridicule ceux qui se moquaient de lui, Hugo Chávez était le miroir inversé à partir duquel les âmes bien pensantes des pays occidentaux construisaient leur propre image de démocrates honnêtes. Le président vénézuélien, décédé le 5 mars 2013, était le scélérat de l'histoire car il avait offert l'asile au leader de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, peu avant sa mort.
 Dans un monde médiatique fonctionnant sur le mode binaire –  les bons contre les méchants –
 Chavez était d’office classé dans le camp du Mal. Le Venezuela devait être mis en banc de la civilisation,  à la différence du Qatar ou de l’Arabie Saoudite, par exemple, ces pays amis de l’Occident, 
forcément respectueux des droits de l’homme, de la femme et du citoyen (surtout de la femme).   
En reprenant possession des ressources nationales au moment même où les prix filaient vers le haut, Hugo Chavez s’est payé le luxe, si l’on peut dire, de rembourser le FMI, avant d’en claquer la porte. De grandes entreprises de la sidérurgie, des télécommunications, de l’énergie, naguère vendues à bas prix sur recommandation du FMI, sont repassées dans le giron national. Une politique de redistribution en direction des plus défavorisés a été mise en place.
  
Et pourtant, ceux qui avaient passé des décennies à négocier des accords pétroliers avec le colonel haut en couleurs étaient aussi ceux qui critiquaient Chávez. Même chose avec l'Iran : à chaque fois que le dirigeant vénézuélien recevait le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, les colonnes de la presse occidentale et les chroniqueurs télé s'en prenaient violemment à Chávez. Pendant ce temps, les compagnies pétrolières des pays de ces journalistes étaient installées à l'étranger pour exploiter les puits pétroliers iraniens. Deux poids, deux mesures. Les condamnations étaient à sens unique.
Hugo Chávez incarnait, pour les moralistes de l'Ouest, le profil parfait "du nouveau despote sud-américain". Cet homme représentait tout le mal qu'ils pensaient de l'hémisphère sud : il était la preuve formelle de "leur supériorité". Quand a eu lieu la bataille pour la nouvelle Constitution vénézuélienne, les commentateurs ont haussé le ton pour dénoncer ses intentions de devenir président à perpétuité.  
Cela n'a pas empêché le président français en place de recevoir chaque mois dans son palais les plus grands dictateurs de la planète comme les dirigeants arabes ou africains qui massacraient leurs peuples depuis des décennies et qui achetaient, parallèlement, des hôtels particuliers à Paris et des litres de parfums

Un chef d'Etat controversé au verbe implacable

Sans pousser trop loin les comparaisons, l'ancien président Nicolas Sarkozy a tout de même invité aux défilés militaires du 14 juillet - jour de commémoration de la Révolution française - le président syrien Bachar el Assad. 
 Sa présence lors d'une cérémonie visant à célébrer la fin de la tyrannie monarchique et par conséquent la naissance de la démocratie a suscité une grande polémique, mais c'est tout. Hugo Chávez, en revanche, réveillait chez les gens une sorte de sourire condescendant, des railleries malveillantes et immédiatement, les qualificatifs ravageurs de tyran, despote, dictateur, etc. Et pourtant, il y avait une différence entre le camp de Bachar el Assad et celui d'Hugo Chávez : le nombre incalculable de décès et d'arrestations, la chape de plomb qui pèse sur une société prisonnière d'un régime criminel. Cet écart semble d'ordre géopolitique et commercial : plus le poids commercial et géopolitique d'un pays est grand, moins on se moque et on manque de respect à son président.
Maintenant, il y a un ennemi de moins grâce auquel se faire des louanges dans le miroir. La mort a emporté un chef d'Etat controversé, dont le verbe implacable mettait en évidence les contradictions moralistes de ceux qui gouvernent le monde selon leurs modèles. Faute de militaires coupables de coups d'Etat et de despotes aussi meurtriers qu'extravagants, Hugo Chávez occupait l'espace imaginaire grâce auquel l'Occident s'estimait supérieur et méprisait quasiment tout le reste de la planète. Chávez était le modèle idéal de la singularité latino-américaine, mais uniquement pour la horde d'ignorants qui continuaient de voir l'Amérique latine sous l'angle d'un passé archaïque. Les processus de transformation, la vraie confrontation à certains obstacles ultralibéraux, les avancées sociales, tout cela reste enseveli par l'autorité contradictoire de ceux qui mettent en œuvre le changement avec toutes les ambivalences et les excès des destins humains. Il y a toutefois quelques exceptions.
Jean-Luc Mélenchon, le fidèle dirigeant du Front de Gauche, a écrit sur Twitter "ce que [Chávez] est ne meurt jamais". Sa loyauté vis-à-vis de l'ancien leader vénézuélien a également valu à Mélenchon d'innombrables plaisanteries et pièges. La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a également réagi à la nouvelle sur Twitter : elle a évoqué le "cœur brisé" du peuple vénézuélien et "ses craintes du retour hardi des injustices et exclusions". Lors d'une interview, je me souviens encore de l'embarras d'Alexis Tsipras - le chef grec de la gauche radicale - qui voulait éviter de révéler si Hugo Chávez était l'un de ses modèles. Aujourd'hui, les pays occidentaux ont perdu leur adversaire. Il vont devoir en trouver un autre pour cacher leurs propres faiblesses.
Página 12  Eduardo Febbro

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